Archives pour la catégorie Récit

Terrasses de Laurent Gaudé. Actes Sud. 🟩🟩🟩🟩🟩

Terrasses

Laurent Gaudé

Actes Sud

ISBN : 978-2-330-18914-3 Avril 2024

133 pages

Quel texte poignant, bouleversant pour faire le récit des âmes qui ont vécu ce 13 novembre 2015.
Faire le récit des âmes de ces hommes et femmes qui étaient sur les terrasses ou dans la salle de concert du Bataclan.
le hasard, le destin, la vie.
Récit à la première personne du singulier englobant des soeurs jumelles, une infirmière, un membre du raid, des amoureuses, un couple en crise, des parents, des témoins, des pompiers.
Récit aussi autour du nous pour être enveloppant
Les mots , les phrases se mélangent entre vivants et morts.
Morts et vivants au présent.
On entend la voix de l’humanité, blessée, terrassée , solidaire et aussi empathique. L’empathie à l’opposé de la terreur.
On tire ! on tire ! mais l’humanité reste debout.
Laurent Gaudé répare les âmes avec ces mots tellement forts et justes.
Ce texte garde en vie ces âmes .

 » nous avons appris qu’on pouvait mourir de marcher dans la rue, de s’attarder autour d’un verre avec des amis. Et pourtant il faut continuer. Vivre. Comme on aime. Au nom de ceux qui sont tombés. Nous serons tristes, longtemps, mais pas terrifiés. Pas terrassés. « 

Laurent Gaudé, né le 6 juillet 1972 dans le 14e arrondissement de Paris1, est un écrivain français, qui a obtenu le prix Goncourt des lycéens et le prix des libraires avec La Mort du roi Tsongor en 2002, puis le prix Goncourt pour son roman Le Soleil des Scorta1, en 2004.

Les naufragés du Wager de David Grann. Editions du Sous-sol. 💛💛💛💛💛

Les naufragés du Wager

David Grann

Traduction : Johan Fréderik Hel Guedj

Editions du Sous-sol

ISBN : 978-2-36468-411-9 25 août 2023

372 pages

Cette littérature du réel, comme dit en quatrième de couverture est absolument incroyable.
La somme des documents nécessaires pour la reconstitution de Les naufragés du Wager de David Grann est bluffante.
Nous sommes en 1740 , en Angleterre. le monde maritime est globalement coupé en deux d’Est en Ouest par deux grands protagonistes : L’Espagne et le Portugal.
Sa majesté britannique souhaite envoyer une escouade de cinq navires sous le commandement du commodore Hanson en mission secrète afin de piller les cargaisons d’un galion de l’Empire espagnol.
5 navires et plus de 2 500 hommes sur les mers. Aller jusqu’à Madère, puis descendre l’Atlantique Sud jusqu’au Cap Horn, le dépasser et ensuite remonter le Pacifique le long de la côte chilienne avec l’espoir de rencontrer le galion espagnol vers les côtes péruviennes.
Pour nous rappeler cette aventure , les journaux de bords des différents capitaines et second des navires.
C’est à partir de cette ressource que David Grann nous donne un livre extraordinaire.
Cela aurait pu être rébarbatif : la transcription des journaux de bords, les jours de mers, les maladies, les morts, les naufrages, les mutineries .
Ce n’est jamais rébarbatifs. Nous sommes entrainés dans cette histoire marine auprès de tous les protagonistes.
Davis Grann va s’attarder sur le naufrage de l’un des bateaux : le Wager.
Les passes d’armes entre le capitaine Cheap et ses seconds , Byron, Buckleley seront légions tout comme les mutins, les dissidents et les abandonnés sur une île. La rigueur climatique du Horn et de la Patagonie nous refroidira tout comme la vie spartiate de ces marins d’exception.
Il est étonnant de s’apercevoir à quel point ces capitaines quelque soit la situation avait la nécessité de coucher sur le papier les faits et gestes de leur bateau et de leur équipage. un besoin de justification pour le futur.
Car cette épique aventure doit avoir une fin . Et la fin doit se dire ou s’écrire devant l’Amirauté réunit à Portsmouth.
Qui plus est quand le retour en Angleterre se fait de façon dispersée : Des naufragés par-ci par là, un bateau un peu plus tard. le tout pendant quelques années.
Chaque retour est attestée par les écrits et les histoires des marins. Nous sommes en présence de récits contradictoires .Qui dit vrai ?
A l’Amirauté de décider par le questionnement , le procès et la prison. Mais il ne faut pas oublier que l’Angleterre est un empire et que l’on ne joue pas avec la grandeur de ce celui-ci. Empire dit aussi colonies par delà les mers.
Pas de vague. ( C’est le cas de le dire )
Reste un grand roman du réel ou la réflexion sur le sens du récit fait merveille.
Je vous conseille de regarder sur Arte la série sur Magellan qui est facilitatrice pour comprendre ce récit. 200 ans avant le Wager , les hommes de Magellan vivaient les mêmes affres.


David Grann, né le 10 mars 1967 à New York, est un journaliste et écrivain américain.

Jusqu’en 2003, Grann est rédacteur en chef de The Hill, un journal qui couvre l’actualité politique et institutionnelle de Washington.

Il travaille depuis 2003 comme journaliste au New Yorker1.

Un dimanche à la montagne de Daniel de roulet. Libretto. 💛💛💛

Un dimanche à la montagne

Daniel de Roulet

Libretto 2024. 131 pages

ISBN : 978-2-36914-866-1

Première édition : Buchet Chastel 2006


Un dimanche à la montagne est un livre paru en 2006 chez Buchet Chastel. Il a été réédité en 2023 chez Libretto.
Cet opuscule de 150 pages se lit très rapidement laissant dans son sillage des trainées de nostalgie, de convictions et de jeunesse oubliée.
Dans la quatrième de couverture, la raison du dimanche à la montagne est révélée immédiatement. Pas de suspense.
En 1975, sur les hauteurs de Gstaad en Suisse , Axel Springer , magnat de la presse allemande ( Bild) était propriétaire d’un chalet lové au milieu des champs de neige.
En ce mois de janvier 1975, ce chalet sera détruit par un incendie criminel qui sera attribué à un groupe terroriste du Nord de l’Europe.
Les auteurs de cet incendie ne sauront jamais retrouvé.
La prescription pour cet acte est de 10 ans pour la justice suisse.
Et qui donc est l’auteur de cet incendie ? Daniel de Roulet , l’auteur de Un dimanche à la montagne.
Il a mis 30 ans avant d’avouer par écrit ( et après prescription) qu’il avait mis le feu au chalet d’Axel Springer.
Dans les années 1975 , jeune architecte social , de gauche et entichée d’une jolie compagne, Daniel de Roulet pensait pouvoir changer le monde. Ses convictions politiques et l’amour ont fait qu’incendier le chalet d’un milliardaire, magnat, conservateur et peut être pro nazi, était un acte révolutionnaire .
Le plaisir de lecture vient du décalage entre le sérieux de l’acte et la réalité des auteurs. Daniel de Roulet le restitue à merveille avec un côté léger et un peu pied nickelé.
Il nous restitue aussi ces années 1975 en Allemagne , avec la naissance de la bande à Baader , la politique allemande, l’Allemagne de l’Est.
Il noud rappelle aussi quel film fut L’honneur perdu de Katharina Blum qui dénonçait les dangers qui menacent la démocratie dans un pays où la presse à scandale phagocyte les médias.
Et comment ne pas se questionner sur la phrase de Gerhard Schröder au vu des connivences de celui-ci avec la Russie :
« Je ne sais pas si vous êtes comme moi, je passe mes journées à combattre ce pour quoi je luttais dans ma jeunesse « 
Un dimanche à la montagne porte bien son titre. Après une journée de randonnée, de skis, de raquettes il est toujours agréable de se poser, de revivre ses moments heureux joyeux et exigeants
il en est de même du livre. Un moment agréable de lecture ponctué de réflexion.

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Daniel de Roulet est le fils d’un pasteur protestant et a passé son enfance à Saint-Imier. Il est architecte et informaticien, et depuis 1997, écrivain à plein temps3.

Il a été fiché et observé par les autorités fédérales durant 17 ans4, de 1964 à 19815 (voir le « scandale des fiches »), après avoir signé une pétition en faveur des objecteurs de conscience. Son livre Double, paru en 1998, est basé sur cette expérience3,4.

Le 5 janvier 1975, Daniel de Roulet a incendié le chalet du magnat de la presse allemande Axel Springer, situé sur un alpage au-dessus de Rougemont. Il a rendu publique sa responsabilité dans le livre Un dimanche à la montagne, paru en 2006, après le délai de prescription3. À l’époque, Springer était considéré comme un nazi, comme le constate son biographe6

Le Château des Rentiers d’Agnès Desarthe. Editions de l’Olivier. 💛💛💛

Le Château des Rentiers

Agnès Desarthe

Les Editions de l’Olivier

215 pages

ISBN : 978-2-8236-1951-5

Août 2023

Qu’est ce qu’un phalanstère ? un phalanstère est un regroupement organique des éléments considérés nécessaires à la vie harmonieuse d’une communauté appelée phalange. le concept fut élaboré par Charles Fourier au 19ème siècle.
Pour quelle raison commencer ce billet par cette définition ?
Tout simplement car l’autrice parle de phalanstère pour ce rappeler que ces grands parents et d’autres personnes vivaient dans le même immeuble et avait inventé une vie en communauté. Phalanstère plutôt que vie en communauté ? le choix des mots a son importance pour Agnès Desarthe.
Cette importance des mots est parfois envahissante et enferme l’émotion.
Emotion au sein de ce livre dans lequel l’autrice télescope le présent, le passé et l’avenir autour de la notion du vieillissement, de la mémoire, de la vie.
Le Château des Rentiers est un livre déstructuré ou les souvenirs , les âges se mélangent avec humour et assez de légèreté.
Par des chapitres très courts Agnès Desarthe va aborder une multitude de thèmes. Parfois avec bonheur, plus souvent dans la complexité peu comprise.
Je reste donc sur une impression dubitative malgré une écriture ciselée et des questionnements existentiels.
« Quand on est vivant, c’est pour la première et la dernière fois. Je ne cesse de m’en étonner, de trouver cela effrayant et merveilleux « .


Agnès Desarthe, née Agnès Naouri le 3 mai 1966 à Paris, est une écrivaine française, auteure de livres pour adultes et pour enfants, et traductrice. Elle est l’auteure de deux pièces de théâtre7 (Les Chevaliers, mise en scène par Gilles Cohen au théâtre du Rond-Point en 2005 et Le Kit, qui n’a pas été encore montée) ainsi que de plusieurs chansons.

Destination Orion d’Olivier Berne. Dunod. 💛💛💛💛

Il y a deux ans Ariane 5 a envoyé dans l’espace le télescope spatial James Webb. Celui-ci s’est mis en orbite à 1,5 million de kilomètres de la Terre. Il fonctionnera pendant 5 ans et répercutera ses images de l’Univers auprès de 50 programmes sélectionnés.
Parmi ceux-ci le projet d’ Olivier Berné, directeur de recherche au CNRS et astrophysicien.
Le projet d’Olivier Berné est de pouvoir photographier la nébuleuse d’Orion située dans la Constellation du même nom.
La nébuleuse d’Orion est une pouponnière de jeunes étoiles.
En 160 pages, divisées en court chapitre , Olivier Berné va écrire un véritable thriller spatial.
Thriller car nous allons suivre la mise en place du programme avec les aléas des relations avec la Nasa. le programme d’Olivier Berné sera -t -il retenu ?
Thriller sur la construction du télescope et sur son envoi en orbite.
Thriller sur la réussite ou non de l’envoi des premières images. Qu’en sera t il ? Que verra Olivier Berné et son équipe de la nébuleuse d’Orion.
C’est captivant et magique de bout en bout.
A ce polar, Olivier Berné ajoute des réflexions salvatrices sur la science , le rôle de l’Etat, le rôle de la Nasa et les risques que comporte notre économie libérale. La science doit rester aux chercheurs et ne peut être aux mains des décideurs.
Ces jours ci il a été révélé qu’Elon Musk est intervenu avec son système Starlink dans la guerre en Ukraine. Tout comme ces trains de satellites en basse orbite qui polluent l’atmosphère et transforme l’excellence et la qualité en quantité et finances. A méditer
Je remercie Babelio et Dunod pour l’envoi du livre . j’aurai le privilège de participer par Zoom à une rencontre avec l’auteur.


Olivier Berné est astrophysicien au CNRS, à l’institut de recherche en astrophysique et planétologie de Toulouse. Ses travaux concernent la spectroscopie infrarouge des régions de formation stellaire et planétaire. Il est responsable d’un des programme d’observation « Early Release Science » sur le télescope spatial James Webb dont le lancement est prévu fin 2021. Il a co-fondé avec Tamara Ben Ari le collectif Labos 1point5 qui rassemble plusieurs centaines de scientifiques en France et dont l’objectif est de réduire l’empreinte environnementale de la recherche.

Toute une expédition de Franzobel. Flammarion. 💛💛

Effectivement c’est Toute une expédition que la lecture du roman de l’ écrivain autrichien Franzobel.
Dans ce récit-roman de 542 pages Franzobel nous raconte une tranche de l’histoire « conquérante » de l’Espagne dans le Nouveau Monde en 1540.
Cette tranche d’histoire met en avant l’expédition de Ferdinand Desoto de la Floride au Mississipi.
Ferdinand Desoto est un conquistador espagnol . Avant cette expédition il a participé aux expéditions de Cortes au Mexique et de Pizzaro au Pérou.
Le récit-roman de Franzobel s’appuie sur l’histoire , une documentation très importante pour nous conter cette expédition picaresque.
Ce coté picaresque voulu par Franzobel rend la lecture de ce roman ardu et interroge sur les moments de récits et de fiction.
Tout au long de la lecture , viens à l’esprit le récit de Don Quichotte.
Cela est encore plus flagrant quand au détour d’une page, Franzobel nous apprend que l’un de ces personnages, Elias Plim, pourrait dans l’avenir être Cervantes… ( sauf que les époques ne correspondent pas )
J’ai trouvé d’autres liens plus contemporains. Ce conquistador espagnol me semble proche d’Aguirre ou encore de Fitscarraldo, les personnages décadents du cinéastes Werner Herzog. Ces personnages lançaient dans des aventures extravagantes et vouéss à l’échec.
Desoto est du même acabit.
Son expédition de 800 personnes , 200 chevaux et de multitude de cochons, chèvres et poules, va rechercher l’Eldorado et le passage Sud des Indes Occidentales vers la Chine.
Cette expédition va aller d’échec en échec , de massacres d’Indiens en Massacres d’Indiens, de maladies en pandémies.
Les indiens , ce peuple premier, que les conquistadors veulent détruire.
A travers son écriture Franzobel fait de son livre une satire morale , provocatrice ,devant tendre à la réhabilitation des amérindiens.
Pour cela l’auteur dédie quelques chapitres autour de la propriété des terres indiennes et fait des allées retours entre 1540 et notre époque.
Malheureusement ces chapitres se diluent dans l’expédition . Au point de réapparaitre de façon très étonnante à la fin du livre.
Je n’ai donc pas trop accroché à cette expédition, ou l’acerbe se mêle au ridicule.
Expédition rocambolesque et interminable dont j’attendais la fin avec impatience
Je reconnais à cette lecture d’avoir découvert un pan de l’histoire des conquistadors et de savoir maintenant que Desoto a découvert le Mississippi et que les chevaux espagnols sont les ancêtres des chevaux Mustang.

Franzobel (pseudonyme pour Franz Stefan Griebl1), né le 1er mars 1967 (55 ans) à VöcklabruckHaute-Autriche, est un écrivain autrichien.

Franzobel, de son vrai nom Franz Stefan Griebl, est l’un des écrivains les plus populaires et controversés d’Autriche.

Il est diplômé en génie mécanique de Höhere Technische Lehranstalt et a étudié la langue et la littérature allemandes de 1986 à 1994 à Vienne.

Pendant ses études il travailla au Burgtheater de Vienne. Depuis 1989 Franzobel se consacre à l’écriture.

Dramaturge, poète et plasticien, il est l’auteur de la pièce « Kafka, comédie » (« Kafka. Eine Komödie », 1997) publiée aux Solitaires intempestifs.

Couronné du prix Nicolas Born 2017, son roman sur le naufrage de La Méduse, « À ce point de folie » (« Das Floß der Medusa », 2017), fut l’un des trois derniers ouvrages en lice pour le Deutscher Buchpreis (Prix du livre allemand) 2017.

Colonne d’Adrien Bosc. Stock. 💛💛💛

Colonne est le troisième tome d’une trilogie commencé avec Constellation et poursuivie avec Capitaine..
La mécanique mise en place par Adrien Bosc est la même pour ces trois tomes.
Un événement historique ou accidentel dans lesquels sont plongés des personnes connues, sportives, militaires ou culturelles.
Constellation nous emmenait aux Açores où s’est écrasé l’avion qui transportait Marcel Cerdan.
Capitaine nous entrainait avec le CapitainePaul-Lemerle en 1941 le long des côtes méditerranéennes avec les réprouvés de Vichy, des juifs, des exilés et des apatrides et des intellectuels. Parmi eux André Breton et Claude Lévi Strauss.
Colonne se situe en 1936 pendant la guerre civile d’Espagne. Nous suivons la colonne Durutti à laquelle s’est jointe Simone Weil.
Simone Weil , philosophe, a passé 45 jours auprès de la colonne Durutti. Blessée , elle du être rapatrié en France.
Adrien Bosc met le focus sur un courrier que Simone Weil a transmis à Georges Bernanos et sur les atrocités quelque soit les victimes , phalangistes, fascistes, anarchistes et républicains.
Je suis resté sur ma faim durant ma lecture , malgré la belle écriture d’Adrien Bosc.
Adrien Bosc, lors de différents interviews a toujours dit que ce qu’il avait intéressé dans le parcours de Simone Weil, c’est le point de bascule qu’elle a connu durant ces 45 jours dans une communauté de destin.
Ce point de bascule prenant comme origine qu’une guerre n’est pas juste et que chacun renie des idéaux pour laisser place à une violence intolérable .
C’est le choix d’Adrien Bosc que de partir de ce point de bascule.
Pourtant quand Simone Weil en 1937 va à Assise elle est bouleversée et se rapproche du christianisme. Elle dira : , j’ai soudain la certitude que le christianisme est par excellence la religion des esclaves .
Ces esclaves qu’elle rencontrait et défendait au plus prés du monde ouvrier , ou au plus prés de cette colonne Durutti , colonne internationale.
J’aurais aimé qu’Adrien Bosc mette en perspective ces deux visions qu’avaient Simone Weil :.
: « le malheur des autres est entré dans ma chair et dans mon âme »
Simone Weil.

Né d’un père architecte, Adrien Bosc a cinq frères et sœurs1. Son frère aîné, David Bosc, est romancier et éditeur. Après un baccalauréat littéraire au lycée Mistral d’Avignon, il suit une classe préparatoire aux grandes écoles au lycée Condorcet à Paris mais échoue au concours de l’École normale supérieure2. Il rejoint l’université de la Sorbonne où il obtient un master de lettres1.
« Jeune homme pressé »3, il est embauché par Philippe Tesson à la revue L’Avant-scène. En 2011, il crée les Éditions du sous-sol, avec l’appui de Pierre BergéVictor RobertGérard Berréby et Olivier Diaz. Il y crée deux revues, Feuilleton et Desports, et revend la société aux Éditions du Seuil3. En 2016, il est nommé directeur adjoint de l’édition des éditions du Seuil4. En 2018, il est nommé directeur général des Éditions Points5

Une sortie honorable d’Eric Vuillard. Actes Sud.💛💛💛💛

Lire Une sortie honorable d’Eric Vuillard après avoir lu l’enquête de philippe Collin : le fantôme de Pétain permet d’avoir une vue d’ensemble sur des pans de l’histoire de France durant le 20ème siècle.
Le récit D’Eric Vuillard reprend avec son titre la mission qu’avait donné Mayer, président du conseil en 1954, au Général Navarre durant la guerre d’Indochine : il faut trouver une sortie honorable.
Depuis quelques années la France, son gouvernement, ses hommes d’affaires et ses militaires sont au prises avec le mouvement Viet-Minh au Vietnam.
Comme à son habitude, Eric Vuillard nous fait un récit précis, mordant , caustique, noir et sombre de la réalité humaine.
« Plus on approche du pouvoir, moins on se sent responsable ». c’est la phrase que ressasse le Général Navarre dans la cuvette de Dien Bien Phû. Phrase que va décortiquer Eric Vuillard auprès des différents personnages de son roman.
Nous sommes au coeur du pouvoir. Nous devrions dire au coeur des pouvoirs : Pouvoir politique, économique et militaire.
Le pouvoir politique avec ces présidents du Conseil et ses ministres dont certains avaient donné les pleins pouvoirs à Pétain en 1940. Ces mêmes présidents et ministres qui se partagent le pouvoir. Une fois , à toi, une fois à moi. Tu me tiens par la barbichette. Un petit monde clos , parlementaire et ministériel qui régit la France et les Colonies.
Le pouvoir économique ou celui des grandes familles bourgeoises. La aussi l’entre-soi est une vertu cardinale. On se marie entre familles cousines. On retrouve les tentacules de ces familles que ce soit en politique, dans le clergé , les conseils d’administration et les banques.
La Banque d’Indochine par exemple dont les dirigeants ont leurs ronds de serviette dans tous les conseils d’administration.
Les terres des Colonies sont le terreau de la Bourse et de l’enrichissement facile.
Le pouvoir militaire quant à lui envoie au front au bon plaisir de son pouvoir : tirailleurs africains, maghrébins et de toutes colonies.
Remarquable et effrayant.
Et cette proximité du pouvoir qui fait que la responsabilité se dilue.
Une sortie honorable ne peut être un déshonneur. Les sièges du parlement, des conseils d’administration sont trop confortables tout comme leur subsides.
Alors il y eut Dien Bien Phû , alors il y eut trois millions six cent mille morts Vietnamiens.
Il y eut la chute de Saigon en 1975.
Les derniers mots du récit d’Eric Vuillard :
« Dans l’espérance dérisoire d’une sortie honorable, il aura fallu trente ans et des millions de morts et voici comment tout cela se termine ! Trente ans pour une telle sortie de scène. le déshonneur eut peut être mieux valu. »
Remarquable , effrayant et d’une actualité brûlante.

14 Juillet d’Eric Vuillard. Actes Sud. 💛💛💛💛

14 Juillet – La Bastille
Des symboles importants de la France depuis plus de 200 ans.
Liberté Égalité Fraternité. Fete Nationale.
C’est au récit de cette journée unique que c’est lancé Eric Vuillard
14 juillet 1789, la prise de la Bastille par le peuple de Paris. le début d’une révolution.
On pense tout savoir sur cette journée et globalement cela est juste.
Mais avec Éric Vuillard il y a toujours un angle neuf,un point de vue iconoclaste.
La force de ce récit vient du fait qu’Éric Vuillard nous parle de ces hommes et de ces femmes inconnues qui ont pris la Bastille.
Une foule jeune, 20 à 25 ans, qui est nommé par ces noms et ces métiers. Mercier, Minier, Roland, , Roseleur, Mique, Sagault, et tant d’autres capitaine,manouvrier, teinturier,serrurier, porteur d’eau,cordonnier, passementier.
Et puis les femmes dont les noms de famille ont disparu , on les appelle du nom de leur mari : femme Garnier, femme Blanchet, femme Cottin.
Toute cette foule dont la postérité ne gardera aucun instant et aucun nom.Des étoiles filantes de la Révolution alors qu’à quelques kilomètres de là une autre foule se goberge à Versailles. Les métiers n’invoquent pas le même monde : fleuriste, modiste, chapelier, cuisinier , médecins.
Les foules changent peu malgré le temps
 » On devrait plus souvent ouvrir nos fenêtres. Il faudrait de temps à autre, comme ça sans le prévoir, tout foutre par dessus bord. Cela soulagerait. On devrait, lorsque le coeur nous soulève, lorsque l’ordre nous envenime, que le désarroi nous suffoque, forcer les portes de nos Élysées dérisoires, là où les derniers liens achèvent de pourrir et chouraver les maroquins, chatouiller les huissiers, mordre les pieds de chaise, et chercher la nuit, sous les cuirasses, la lumière comme un souvenir » Page 200.
Le 14 Juillet n’est jamais fini.

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Éric Vuillard, né en 1968 à Lyon, est écrivain et cinéaste. Il a réalisé deux films, L’homme qui marche et Mateo Falcone. Il est l’auteur de Conquistadors (Léo Scheer, 2009, Babel n°1330), récompensé par le Grand prix littéraire du Web – mention spéciale du jury 2009 et le prix Ignatius J. Reilly 2010. Il a reçu le prix Franz-Hessel 2012 et le prix Valery-Larbaud 2013 pour deux récits publiés chez Actes Sud, La bataille d’Occident et Congo ainsi que le prix Joseph-Kessel 2015 pour Tristesse de la terre, le prix Alexandre Viallate pour 14 juillet et le prix Goncourt 2017 pour L’ordre du jour.

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L’ordre du jour d’Eric Vuillard. Actes Sud. 💛💛💛💛

L’ordre du jour , Prix Goncourt 2017, est un livre qui peut paraître petit. Petit par son format et petit par le nombre de pages : 150.
Mais ce n’est qu’illusion.
Ces 150 pages sont la quintessence d’une époque à travers un événement historique : l’annexion de l’Autriche au Troisième Reich allemand. Événement connu sous le nom de l’Anschluss.
Comme à son habitude Éric Vuillard a une écriture ciselée, précise, un brin ironique ou mieux caustique.
Eric Vuillard à le don pour détailler un événement et le mettre en perspective. Mise en perspective qui est une mise en abîme des turpitudes humaines.
Et ces turpitudes sont nombreuses et exécrables.
L’annexion de l’Autriche en est un exemple frappant.
Avant de penser à annexer l’Autriche, il est de bon ton de réunir ce que l’Allemagne fait de mieux au niveau entreprenarial. Ils sont 24 pardessus noirs à avoir répondu à la demande de Goering : apporter leurs oboles sonnantes et trébuchantes à la gloire du Troisième Reich. En terme plus cru, cracher au bassinet .
Et sous ces 24 pardessus et chapeaux noirs se cachent Krupp, Opel, IG Farben, BASF, Agfa, Siemens, Allianz, Telefunken.
Le Troisième Reich est au dessus de tout. Rien ne peut et ne doit l’arrêter.
Dans ces conditions là gravité côtoie le ridicule.
Et d’une page à l’autre du récit nous balançons entre ces deux extrêmes.
Ou comment van Ribentropp prolonge une réunion à Londres afin que Chamberlain ne puisse lire un billet annonçant l’invasion de l’Autriche.
La diplomatie poussée au ridicule.
Ou cette colonne souffreteuse de blindés envahissant l’Autriche et que personne ne voit atteindre Vienne.
Reste ces 24 pardessus noirs qui ont connaissance des camps de concentration et qui piochent allègrement chez les déportés une main d’oeuvre gratuite et corvéable jusqu’à la mort.
Reste parmi ces 24 pardessus noirs, Krupp, qui a ce jour n’a eu aucun pardon pour ces pratiques.
Un petit livre
150 pages
Mais tout est encore à l’ordre du jour.
Récit salutaire .

Éric Vuillard est originaire d’une famille d’ascendance franc-comtoise du côté de Lons-le-Saunier1. Il passe son adolescence à Lyon dans un milieu bourgeois. À cette époque, son père, chirurgien, abandonne tout, décidant d’aller vivre dans un village alpin en ruine. Éric interrompt ses études et voyage en Espagne, au Portugal avec l’idée de poursuivre son périple en Afrique. Il revient en France pour passer son bac et poursuit ses études à l’université où il obtient plusieurs diplômes : DEA d’histoire et civilisation sous la direction du philosophe Jacques Derrida et licences de philosophie et d’anthropologie2.
Il publie un premier récit en 1999, puis deux livres aux tons poétiques (dont Tohu3), et un roman épique, sur la conquête du Pérou par Pizarro et la chute de l’Empire inca, Conquistadors4, en 2009. Conquistadors reçoit le prix Ignatius J. Reilly 20105.
Il réalise en 2008 un long métrage, Mateo Falcone, adaptation de la nouvelle de Prosper Mérimée. Le film, présenté au festival du film de Turin ainsi qu’au festival Premiers Plans d’Angers, sort en salle en novembre 2014.
Son récit intitulé L’Ordre du jour qui relate plusieurs épisodes des prémices et du début du Troisième Reich, remporte le prix Goncourt 20176. Salué par la critique, il fait un an plus tard, lors de sa sortie aux États-Unis, l’objet d’une étude de l’historien Robert Paxton7.
En janvier 2019, il publie La Guerre des pauvres, initialement prévue pour le printemps ; il estime que « le contexte actuel [celui du mouvement des gilets jaunes] aimantait le livre, il m’a semblé que le moment était venu de le publier8. » Le récit porte sur la guerre des Paysans allemands, l’un de ses chefs, le prédicateur Thomas Müntzer, et quelques-uns de ceux qui l’ont précédé9.