Comme nous existons de Koutar Harchi. Actes Sud. 💛💛💛💛D

Comme nous existons par Harchi

Comme nous existons est un récit autobiographique qui retrace le cheminement intellectuel et politique de l’auteure Kaoutar Harchi.
Celle-ci est née en 1987 dans l’Est de la France. Elle est une enfant de l’immigration.
Ses parents Hania et Mohamed, Marocain, sont venus s’installer dans la ville de S dans l’Est de la France.
Par ce récit, Kaoutar Harchi nous plonge dans la réalité de son enfance, de sa jeunesse au sein de cette famille à la double appartenance marocaine et française.
Le parcours personnel de cette famille nous montre la violence sociale et politique mais aussi la réalité de ces familles déchirées entre deux cultures.
C’est un récit nécessaire, vital.
Il faut savoir lire et entendre les mots postcolonial, race blanche.
Il faut entendre et comprendre cette filiation entre Hania-Mohamed et Kaoutar. Hania et Mohamed donnent tout pour Kaoutar jusqu’à l’inscrire dans une école catholique afin de la soustraire au danger. Cette école, dont un professeur la traitera de  » m’a petite arabe « 
Pour l’auteure c’est un monde de rapport de classe de race qui marque les existences. Dans cette difficulté à trouver une place qui respecte sa culture et ce pays d’adoption, elle n’oubliera jamais ses parents.
Les dernières lignes de ce récit :
« Ce jour là une photographie aurait dû être prise qui aurait exprimé, à elle seule, bien plus que tout ce que j’écris ici en toute sincérité. Vous me verriez alors debout sur le pas-de-porte de l’appartement parental, un sac sur le dos, une valise neuve à la main. Et vous verriez Hania, se tenant sur le seuil de sa cuisine, légèrement penchée vers l’avant, les mains plongées dans son tablier, et Mohamed, sur le seuil de son salon, les mains dans le dos, très droit, la tête haute. Je le redis: une photographie aurait dû être prise pour fixer, ne jamais perdre cette scène de notre existence. Ce tableau. « 
Et puis cette langue littéraire que nous donne Kaoutar Harchi. Un plaisir de lecture.
En cette période de  » zemmourisation des esprits  » ce livre est salutaire.

Kaoutar Harchi, Auteur à BALLAST

Kaoutar Harchi, née en 1987 à Strasbourg, est une écrivaine et sociologue de la littérature française.

À 22 ans, elle publie son premier roman Zone cinglée chez Sarbacane. Elle publie ensuite deux autres romans, L’ampleur du saccage en 2011 et À l’origine notre père obscur en 2014 chez Actes Sud. En 2021, elle publie Comme nous existons chez Actes Sud.

Extrait de Comme nous existons de Kaoutrar Harchi

Des voitures de police stationnées en contrebas. D’autres patrouillaient. Des garçons courant à toutes jambes,criant. Des mères aux fenêtres, le corps en avant, offert au vide, qui crient, elles aussi, des paroles incompréhensibles. De cette fin du mois d’octobre 2005, voici dont je me souviens encore : à l’Elsau, une agitation inhabituelle, troublante. Un désordre immense. et cet air. L’air était d’une lourdeur. Ca bruissait, partout, de voix hagardes. Et la nuit et son lot de frayeurs . Nous étions tous et toutes des silhouettes marchant à pas vifs sur les chemins caillouteux menant à nos maisons. La douleur était là, elle affluait et refluait. Mais personne n’a su, de loin, la reconnaitre. Personne n’a su, ni n’a voulu, au vrai, comprendre que quelque chose, et c’était l’histoire, recommençait.

Et de rejoindre Hania et Mohamed.

Ils se trouvaient dans le salon, assis l’un à côté de l’autre sur le canapé, courbés vers l’avant, les coudes appuyés sur les genoux, les mains jointes soutenant leur tête, les yeux rivés au poste de télévision. Sans qu’ils m’adressent la parole, ils se serrèrent et me firent une place à leurs côtés. Je nous revois, tous trois, ainsi, immobiles, suspendus à cette voix hors champ qui relatait, encore et encore, de plans en travellings, selon les informations alors connues, et d’un ton monocorde, le cours des événements…..

….Comprendre, oui, qu’au Chêne Pointu, durant ces vacances d’automne, en ce mois sacré du ramadan, ils avaient couru, Zyed Benna et Bouna Traoré, à travers un terrain municipal à l’abandon, cherchant à fuir la police – c’est toujours la police -, et ils étaient morts.

Et puis de partout, du fond du grand monde, la tristesse est née, et la tristesse est venue. Ce fut comme une vague épaisse qui est montée, toute cette tristesse qui nous a pris, Hania, Mohamed et moi et combien d’autres millions de famille ? Ainsi, nous avons compris que tout, maintenant, le quotidien, la vie, l’avenir irait sans eux, sans ces deux enfants.

La vague de tristesse, aujourd’hui encore, ne s’est pas retirée, n’a guère emporté, et n’emportera jamais avec elle, l’incompréhension, la colère. C’est une vague, une lame de fond, un raz de marée que nombre d’entre nous ont affronté. C’est former une communauté d’expérience. Et toute personne qui fut écrasée par cette affliction appartient à cette communauté. Et tel un oubli impossible, l’oubli refusé, nous parlons de Zyed Benna et de BounaTraoré.

Le lendemain matin, après que nous eûmes fini de prier, j’ignore qui, de Hania ou de moi, dit : maintenant il faut y aller – qui eut, oui, cette impulsion miraculeuse, politique. Et de nous lever, de revêtir d’un mouvement rapide nos vestes, et de sortir.

Au printemps des monstres de Philippe Jaenada. Mialet-Barrault 💛💛💛💛

Au printemps des monstres par Jaenada

Début de la quatrième page de couverture, Texte de Philippe Jaenada : Ce n’est pas de la tarte à résumer, cette histoire .
Oh que oui !
Essayons de faire simple.
27 mai 1964 – le corps d’un enfant de 11 ans, Luc Taron est trouvé dans les bois de Verrières en Seine et Oise.
Pendant un mois , un individu qui se fait appeler l’Etrangleur va inonder médias et police de plus de 50 courriers pour revendiquer le meurtre.
Au bout d’un mois il se fera arrêter . Il s’appelle Lucien Léger. Il a 27 ans. Il passe des aveux circonstanciés.
Un an et demi après il est condamné à la prison à perpétuité.
Il sera pendant très longtemps le plus vieux prisonnier français.
Il restera 41 ans en prison jusqu’en 2005.
Lucien Léger mourra en 2008.
Fermez le ban comme dirait Philippe Jaenada.
Cela ne mérite pas, à première vue un livre de 750 pages.
C’est mal connaitre Philippe Jaenada.
Comme dans la Petite Femelle , la Serpe , Philippe Jaenada va minutieusement reprendre tous les éléments de ce fait divers.
Et comme toujours, il va intriquer sa vie personnelle dans cette enquête. Fidèle à ses habitudes d’écriture les disgressions sont encapsulées dans de multiples parenthèses où l’humour vaut bien la longueur des parenthèses.
Reste que ce livre est un monument de documentation que Philippe Jaenada déstructure pour nous dire que les monstres ne sont pas obligatoirement où c’est le plus évident.
Dans cette société des années 60 encore proche de la fin de la Deuxième guerre mondiale, les Trente Glorieuses semblent très loin.
Philippe Jaenada nous dresse un portrait saisissant de cette époque en démontant point par point la réalité de tueur de Lucien Léger.
Il nous livre des pages étonnantes sur la réalité humaine d’Yves Taron , père du petit garçon tué. Il fait apparaitre des personnages au double jeu inquiétant tel Jacques Salce. Il n’exonère pas Lucien Léger de ses responsabilités.
Tout comme il n’oublie pas de nous montrer les terribles ratés ( volontaires ?) des différents enquêteurs et commissaires.
Malgré les incohérences du dossier , aucune demande de révision de procès n’aboutira.
Et puis il y a Solange, la femme de Lucien Léger . Bout de femme ballotée par la vie et de santé fragile. Fragilité de santé que l’on assimilera rapidement à une maladie mentale.
Solange qui restera fidèle à Lucien.
Solange , l’inverse d’un monstre.
Je suis sorti de ce livre un peu cassé par temps de noirceur, de folie , de mensonges , de monstres.
Tant de vies bousillées.
Cela reste une expérience de lire Philippe Jaenada et je ne la regrette pas.
Reprenant la quatrième de couverture de Philippe Jaenada : Dans cette société naissante qui deviendra la nôtre, tout est trouble, tout est factice.
Quel terrible constat.

Au printemps des monstres

Philippe Jaenada EAN : 9782080238184
752 pages
Éditeur : MIALET BARRAULT (18/08/2021)

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Philippe Jaenada est né à Saint-Germain-en-Laye où ses grands parents maternels possèdaient le restaurant Le Grand Cerf. Issu d’une famille de pieds-noirs récemment revenue d’Algérie, il a grandi dans une banlieue pavillonnaire de Morsang-sur-Orge dans l’Essonne1. Après des études scientifiques, il s’est installé à Paris en 1986 où il enchaîne les petits boulots pendant plusieurs années2. Sa première nouvelle est publiée en 1990 dans L’Autre Journal. Les sept premiers romans de Philippe Jaenada sont d’inspiration autobiographique. Outre ses livres, il écrit des articles pour le magazine Voici3. Avec sa compagne Anne-Catherine Fath, ils ont un fils, Ernest. Habitant le 10e arrondissement, il a ses habitudes au Bistrot Lafayette4.

Dans un style souvent humoristique, Philippe Jaenada se raconte dans ses sept premiers romans largement inspirés par sa propre vie. Il y raconte les péripéties d’un Parisien toujours muni de son sac matelot et habitué des bars de quartier « dans un déluge de phrases, de parenthèses, de digressions, avec un esprit d’une vivacité peu commune qui ne cesse de jouer à saute-mouton. Dans le drame, il n’oublie jamais la dérision, se mettant en scène en train d’écrire comme un forcené5. » Il se tourne vers le fait divers dans ses ouvrages suivants : Bruno Sulak (Sulak), Pauline Dubuisson (La Petite femelle) et Georges Arnaud (La Serpe, inspiré du triple assassinat du château d’Escoire). Tout en conservant son style caractéristique et ses anecdotes autobiographiques, il entreprend pour ces trois ouvrages un important travail de recherches archivistiques6.

Ces ouvrages lui ont valu de recevoir divers prix littéraires, notamment le prix Femina en 2017 pour La Serpe7.

Eclipses japonaises d’Eric Faye. Seuil. 💛💛💛💛

Éclipses japonaises par Faye

Éclipses japonaises ou comment un roman nous ramène à la réalité géopolitique entre le Nord ( la Corée du Nord) et le Japon dans les années 1970.
S’appuyant sur la réalité des faits Éric Faye nous propose une incroyable lecture d’un fait unique réalisé par un état.
Dans les années 1960 / 1970, l’appareil d’état Nord Coréen à procédé au rapt de dizaine de Japonais sur le sol nippon. Un bateau au large des côtes, des scooters de mer dans la cale qu’on envoie en bord de côte pour rapter des Japonais ou Japonaises, de tous âges.
Ensuite retour en Corée du Nord afin de suivre un bon lavage de cerveau et apprendre par coeur le Juche, l’idéal autocratique au service du pouvoir.
Le but de l’état coréen : faire que ces Japonais apprennent leur langues aux espions coréens ainsi que les traditions japonaises.
Ces Japonais vont rester  » enfermés  » trente ans en Corée. Ils fondèrent des familles en ayant des enfants pour qui la Corée du Nord est un paradis et le reste du monde un enfer.
Un attentat contre un Boeing Sud Coréen mettra la puce à l’oreille des autorités japonaises. L’une des terroristes arrêtée se disant coréenne avait dans son langage quelques locutions japonaises.
Tout le talent d’Éric Faye est de destructurée le roman passant de 1960
aux années 2000 tout en nous rappelant les grandes lignes historiques : La Corée en totalité a appartenu au Japon, la guerre du Vietnam et la présence des américains sur la ligne de démarcation entre les deux Corée.
Jusqu’à 2001 avec Georges Bush qui intègre la Corée du Nord dans l’Axe du mal.
A ce jour quelques Japonais sont rentrés chez eux.
Les éclipses sont longues et la géopolitique n’a que faire de la route du soleil.

Éric Faye

Éric Faye, né le 3 décembre 1963 à Limoges, est un écrivain français, lauréat notamment du grand prix du roman de l’Académie française en 2010.

Avis d’un libraire

Eclipses japonaises 2015.

Patrick Frêche Librairie du Rivage (Royan)

On sort de cette lecture abasourdi par les vies brisées et parfois reconstruites de toutes pièces pour ces personnages qui n’auraient pas dû croiser le chemin des agents de la Corée du Nord. L’écriture à la fois distanciée et malgré tout empathique traduit un regard stupéfait et hypnotique sur des événements qui nous dépassent.

Un grand livre.

En descendant la rivière d’Edward Abbey. Gallmeister. 💛💛💛

En descendant la rivière par Abbey

En descendant la rivière est une compilation de 11 textes ou nouvelles écrites par Edward Abbey dans les années 1980. Elles sont éditées pour la première fois en français en 2021 par les Éditions Gallmeister. Merci à elles !
Edward Abbey, américain, disparu en 1989 est l’un des grands personnages de la contre culture et l’écologie radicale.
Son roman le plus célèbre devenu culte, le gang de la clé à molette, est un creuset de contre culture et d’écologie radicale.
Edward Abbey est l’un des plus grands écrivains de l’Ouest Américain, qu’il s’agisse de parler des déserts, des canyons et rivières mais aussi des barrages et des effets néfastes de l’homme sur la nature.
Nous retrouvons ces thèmes sans les 11 textes formant En descendant la rivière.
Ces textes écrits dans les années 1980 n’ont pris aucune ride ! Bien pour la lecture mais inquiétant pour la prise de conscience insuffisante de la place de l’écologie et de la nature sur notre planète.
L’un des textes les plus long nous met en présence de Henry David Thoreau naturaliste et philosophe américain du 19 ème siècle. Un écologiste radical de la veine d’Edward Abbey. Mais surtout un homme de conviction, qui marque encore de nos jours par ses écrits et positions contre l’esclavagisme.
A côté de ce texte fort, quelques textes courts pour nous parler de l’ours, du faucon crécerelle et des rivières et des canyons.
En ayant toujours à l’esprit la grandeur de la nature et sa beauté
Un petit bémol : Edward Abbey est américain ; donc quelque soit les situations America First. Cela dénature le propos quelquefois.
Mais cela reste mineur. En descendant la rivière reste un livre salutaire qui interroge sur notre place et sur les motivations de nos dirigeants et de nous mêmes.

ABBEY Edward - Faune Sauvage

Edward Abbey, né le 29 janvier 1927 à Indiana dans l’État de Pennsylvanie et mort le 14 mars 1989 à Tucson dans l’Arizona, est un écrivain et essayiste américain, doublé d’un militant écologiste radical.

Tout peut s’oublier d’Olivier Adam. Flammarion. 💛💛💛

Tout peut s'oublier par Adam

A première vue, on peut trouver qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil de la littérature d’Olivier Adam.
Nous retrouvons des lieux habituels : La Bretagne , plus particulièrement Saint Malo et la Rance; un petit passage à Paris et puis le Japon ( Kyoto ) où Olivier Adam a passé quatre mois en residence.
Nous retrouvons aussi le double littéraire d’Olivier Adam. Souvent Paul, cette fois ci Nathan. Comme toujours un personnage mélancolique, légèrement associal. Et comme toujours aussi un personnage pour lequel la vie en couple est d’une complexité sans fin.
Nous sommes donc en territoire connu.
Et pourtant la petite ritournelle prends toujours. Cette fois-ci la petite musique nous parle de séparation. Séparation entre un père et un fils, séparations entre une mère et un fils, séparation entre frères et soeurs.
Et le titre du roman : tout peut s’oublier.
Deux des séparations sont traitées de façon secondaire. Celle de Lise et de son fils Gabriel, et celle d’ Alizé vis à vis de ces frères.
La séparation principale est celle de Nathan et de son fils Leo.
Nathan a vécu avec Jun, jeune femme japonaise qu’il a rencontré au pays du Soleil Levant. Elle est venue s’installer en France avec Nathan. Ils ont eu un enfant Leo. Au bout de huit ans de vie commune séparation et garde partagée de Leo jusqu’au jour où Jun retourne avec Leo au Japon.
Nathan, totalement démuni, souhaite pouvoir revoir son fils alors que les arcanes de la justice japonaise sont contre lui.
Dans son style habituel, fait de lien au cinéma , à la chanson française mais aussi de critiques acerbes, Olivier Adam nous entraîne dans la douleur des séparations. Jusqu’à quel point devons nous vivre avec ces séparations .
Il reprends les paroles de Jacques Brel dans Ne me quitte pas
Il faut oublier
Tout peut s’oublier
Qui s’enfuit déjà,
Comment peut on oublier un fils, un frère ?

Peut on se passer d’un amour inconditionnel. Est ce seulement envisageable ?
C’est un vertige.
Olivier Adam nous laisse face à nous même. Face à nos oublis et nos séparations.

Dans tous les romans d’olivier Adam il existe un rapport à la chanson française et à certains auteurs.

Voici un extrait de la bande son de Tout Peut s’oublier.

Ne me Quitte pas. Jacques Brel.

Cà c’est fait de Jean Louis Murat.

Ouvertue d’Etienne Daho

Au revoir mon amour de Dominique A