Une partie de badminton est l’occasion pour Olivier Adam de nous emmener sur les traces de son double littéraire Paul.
Tous les 5 ans environ, Olivier Adam nous met en présence de Paul . Après Falaises , Des vents contraires et Les lisières revoilà Paul est sa quarantaine mélancolique et légèrement dépressive..
Le personnage de Paul ,double littéraire , a le bon goût de vieillir tout comme son porte plume écrivain.
Disons le tout de suite, ceux qui n’apprécient pas Olivier Adam car se complaisant dans la mélancolie, le regard sur soi et le tourner en rond entre banlieues et Bretagne ne changeront pas d’avis.
Paul , écrivain qui ne publie plus, est revenu habiter en Bretagne après 5 ans à Paris.
Il a trouvé un petit boulot en tant que journaliste , échotier au journal local L’Émeraude.
Sa femme Sarah est prof dans un collège voisin.
Ses deux enfants Manon et Clément sont lycéen et collégien.
Dans cette Bretagne provinciale et lointaine,il pensait être à l’abri des soubresauts du monde et de sa vie personnelle.
Quelle erreur ! Paul voit sa vie conjugale , familiale, professionnelle mise à l’épreuve.
Olivier Adam reprend ses thèmes favoris : la famille , les parents , l’identité ,la banlieue , les zones périphériques, l’engagement politique si possible à gauche , les réfugiés.
Evidemment comme nous sommes dans un roman il y a pléthore d’événements pour appuyer tous les propos d’Olivier Adam.
C’est peut être en cela que le roman d’ Olivier Adam pèche. A force d’accumuler, le propos du roman peut se diluer.
Néanmoins cette réflexion est bien ancrée dans notre réalité de tous les jours, qu’elle soit sociale et politique.
Enfin, que faut il penser de ce Paul, double d’Olivier Adam , qui ne vend plus de livres, et dont Olivier Adam nous parle pendant 375 pages.
Ces 375 pages qu’il espère proposer à de nombreux lecteurs.
Vaste réflexion et schizophrénie !
Archives mensuelles : octobre 2019
La Tentation de Luc Lang. Stock.💛💛💛💛
Comme dans son roman précédent Au commencement du septième jourLuc Lang interroge le monde et la famille dans son nouveau roman La tentation.
Dans Au commencement du septième jour Luc Lang s’interrogeait sur le monde du travail, la relation cadre – employeur.
Dans La Tentation, il reprend l’exemple du monde du travail pour affirmer son propos : Nous avons un ancien monde et un nouveau monde. ce nouveau monde est le monde des financiers, des associés, de la virtualité , de l’argent facile.
François le père est un chirurgien reconnu et un chasseur émérite. Dans son esprit ses enfants Mathieu et Mathilde doivent suivre la ligne familiale et faire des études de médecine. Tradition et ancien monde.
Mathieu, son fils, financier de haut vol et trader à New York est le protype du nouveau monde.
Il a commencé ses études de médecine, répondant à la tradition familiale puis a tout plaqué pour la finance.
Il voit d’ailleurs la médecine au travers de la fincance : rachat de cliniques – bénéfices – argent facile.
Mathilde la fille ,est resté fidèle à la tradition familiale et a commencé de études de médecine.
Mais une passion dévorante pour un escroc patenté va l’en détourner.
Enfin Maria , l’épouse,la mère et belle mère a une psyché un peu perchée qu’elle soigne par des fréquents séjours dans des couvents de religieuses.
C’est sur la durée d’un week-end , à la Toussaint, que Luc Lang va faire inter agir ses personnages.
François est monté dans son relais de chasse sur les contreforts du Mont Cenis afin de chasser le cerf.
Et il se trouve nez à nez avec la plus bête qu’il n’est jamais rencontré : un cerf à seize bois. il le vise et le blesse seulement. Après une poursuite il a la possibilité de l’achever mais ne le fait pas et au contraire le soigne dans son relais.
En même temps qu’il chasse , sur une route il voit passer une voiture qui évite ce cerf. Dans cette voiture , côté passager , il pense apercevoir sa fille Mathilde.
Au relais il trouve son fils Mathieu alors que c,était nullement prévu.
A partir de cette situation le roman va se constituer en quatre chapitres dont la temporalité n’est pas linéaire.
Réalité, rêve,cauchemar. A chacun de se faire son idée.
Quand au quatrième chapitre, il laisse au lecteur la possibilité du positif et du négatif.
Comme d’habitude avec les romans de Luc Lang l’écriture est ample,poétique, précise et violente.
Les phrases peuvent être courtes et définitives. Mais aussi longues et tourmentées.
Les premières pages du roman sur la chasse du cerf sont magnifiques et haletantes.
Tout y est , les mots techniques sur la chasse , la description de la montagne, sauvage , prise dans la gangue automnale , les émotions et ressentis de François mais aussi du cerf.
Néanmoins la lecture du roman de Luc Lang n’est pas de tout repos , car le livre n’est pas linéaire et l’écriture est dense.
Il faut accepter de ne pas toujours comprendre l’ensemble du propos de l’écrivain.
Par contre se plonger dans ce monde , vieux ou nouveau, au milieu des montagnes de Maurienne et de Vanoise est un grand plaisir.
Quand on ferme le roman , le précipité n’est pas encore reposé. Il faudra quelques jours pour s’extraire de cette histoire et de ces personnages.
N’est ce pas l’un des ingrédients d’un bon livre ?
La petite sonneuse de cloche de Jérôme Attal. Robert Laffont.💛💛💛
Quelle belle idée de départ !
Un vénérable professeur de littérature française est interpellé par les dernières phrases du chapitre cinq du livre dixième des Mémoires d’outre-tombe.
Voici ses phrases : » j’entendis le bruit d’un baiser, et la cloche tinta le point du jour. La sonneuse fut épouvantée lorsque je sortis avec elle par la porte du cloître. Je lui contai mon aventure; elle me dit qu’elle était venue remplir les fonctions de son père malade : nous ne parlâmes pas du baiser.
Nous sommes à l’abbaye de Westminter à Londres.
Notre vénérable professeur de littérature française travaille à l’écriture d’un livre sur les amours De Chateaubriand.
Il est gravement malade et va mourir avant d’avoir terminé son livre.
Son fils Joachim va trouver les épreuves du livre et un chapitre en friche s’ouvrant sur l’interrogation : la petite sonneuse de cloches ?
Joachim part alors pour Londres afin de répondre à cette interrogation.
A partir de cette idée Jérôme Attal va développer deux fictions :
La recherche par Joachim des documents et archives pouvant valider l’existence de cette petite sonneuse de cloche.
Mais surtout la recherche De Chateaubriand qui veut retrouver le goût de ce baiser et le visage de la petite sonneuse.
Tout au long du roman les deux recherches se répondent. Recherche d’amour, de romantisme.
Malheureusement Jérôme Attal reste sur l’écume des sentiments et des situations.
Et quelque soit la fiction, en 1793 ou de nos jours, l’histoire ne décolle pas.
Le Londres de 1793 est bien documenté, la vie de migrant de Chateaubriand de même.
Quand à Joachim, on s’aperçoit rapidement que sa recherche est l’exact reflet de celle De Chateaubriand.
Peut être que cette écume des sentiments et des situations correspond la frivolité du milieu artistique et aristocratique du Londres de 1793.
Dans une interview Jérôme Attal indique que son roman aborde Deux révolutions, la révolution française, et la révolution du sentiment amoureux. Celui ci passant du libertinage, des liaisons dangereuses au romantisme.
Je n’ai trouvé que partiellement dans son livre cette révolution du sentiment amoureux.
La recherche magnifiée de la petite sonneuse de cloches ou de la femme du 21ème siècle me paraît vraiment partielle pour parler du romantisme.
On revient à l’écume des choses.
Néanmoins La petite sonneuse de cloches reste un roman très agréable à lire.
C’est peut-être l’essentiel mais je crains que dans quelques semaines le roman sera comme l’écume, évaporée.
Lautrec de Matthieu Mégevand.Flammarion. 💛💛💛💛
Ce livre est le deuxième volet d’une trilogie sur la création.
Le premier volet à été publié en 2018 sous le titre La bonne vie
Vous pouvez trouver mon billet sur ce livre , sur le blog.
A travers les deux premiers volets de sa trilogie Mathieu Megevand interroge le phénomène de la création en le rapprochant de la destruction.
Dans son premier roman ,la création advenait par une quête existentielle et une prise massive d’alcool et de drogues de Roger Gilbert Lecomte, poète des années 1930
Dans son deuxième volet, il interroge toujours la création à travers un artiste mondialement connu : Henri Marie Raymond de Toulouse Lautrec Monfa.
Ce livre n’est pas une biographie, ni une étude des toiles De Toulouse Lautrec.
A travers la vie De Toulouse Lautrec, Matthieu Megevand veut nous amener au plus près de l’acte de création. Et de nous montrer que celui-ci est toujours proche d’une destruction .
Avec Toulouse Lautrec ce lien entre création et destruction vient de sa petite taille, due à une maladie génétique.
Sa vie de peintre à Montmartre s’est nourri de ce handicap et du regard que lui portait les femmes.
Accro à l’alcool , au rhum et à l’absinthe , il devint le peintre des cabarets, des bordels et des maisons closes.
Avec les danseuses, les prostituées et les petites gens, il trouvait une proximité de vie et de handicap.
D’un côté des femmes abandonnées par la vie,essayant de survivre, de l’autre côté Toulouse Lautrec au physique abandonné.
Cette catharsis à pu se développer et Toulouse Lautrec à pu rendre par ces dessins, ces peintures, ces lithographies, des instants de vie du monde des prostituées et des cabarets.
Cette création proche de la destruction montre des êtres bruts et vivants.
Toulouse Lautrec mourra à 36 ans de la syphilis et nous laissera une oeuvre foisonnante et multiple.
Matthieu Megevand par sa représentation de la création nous donne envie de courir à l’exposition du Grand Palais à Paris sur Toulouse Lautrec.
Titus n’aimait pas Bérénice de Nathalie Azoulai .P.O.L.💛💛💛💛
Avouez que commencer un livre dont le titre est : Titus n’aimait pas Bérénice , et que ce livre parle en grande partie de Racine , n’engage pas à la légèreté.
Il me reste quelques souvenirs lycéens des tragédies de Racine et de son attachement à Port Royal et son jansénisme. Il me semble me souvenir que je ne sautais pas de joie à la lecture du théâtre de Racine. Un peu rigoureux avec les alexandrins et la norme sévère et religieuse de Port Royal.
J’ai retrouvé cela dans le roman de Nathalie Azoulai, mais j’ai surtout trouvé une langue faite de finesse,de recherche de sens.
Que cette langue soit latine, du 17ème siècle ou du 21ème siècle elle irrigue le roman.
Pour nous parler de Racine et du tragique triangle amoureux, Nathalie Azoulai se base sur l’histoire de Titus et Bérénice. Titus roi de Rome et Bérénice reine de Palestine. » Ils s’aiment, moi non plus » au 1er siècle et Racine en fera une pièce au 17ème siècle.
Et Titus et Bérénice existent et s’aiment au 21ème siècle. Non la réalité, c’est que Titus n’aime pas Bérénice alors que Bérénice pense que Titus l’aime. Titus est marié à Roma et l’amour matrimonial est le plus fort. Titus quitte Bérénice.
Pour comprendre la situation Bérénice se dit que revenir à la source est peut être nécessaire et que la lecture des pièces de Racine est peut être un préalable à toute compréhension.
Et effectivement la vie de Racine : janséniste, bourgeois et courtisan apporte un éclairage, un jeu de miroir avec Titus et Bérénice du 21ème siècle.
La grande réussite du roman de Nathalie Azoulai vient de l’écriture fine et légère qui répond à ce que devait être les joutes oratoires dans les salons versaillais.
Cette finesse et cette légèreté n’empêche pas la violence des rencontres, l’arrogance ou encore l’affrontement entre Versailles et Port Royal ou jésuites et jansénistes.
Par le texte de Nathalie Azoulai les alexandrins revivent devant nous et donnent une furieuse envie de ce plonger sans Phèdre, Andromaque ou bien sûr Titus et Bérénice.
Quant au lien entre les Titus et Bérénice du 17ème et 21ème siècle, je laisse à chacun s’approprier leurs histoires et en faire sa propre mouture.