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Toute une expédition de Franzobel. Flammarion. 💛💛

Effectivement c’est Toute une expédition que la lecture du roman de l’ écrivain autrichien Franzobel.
Dans ce récit-roman de 542 pages Franzobel nous raconte une tranche de l’histoire « conquérante » de l’Espagne dans le Nouveau Monde en 1540.
Cette tranche d’histoire met en avant l’expédition de Ferdinand Desoto de la Floride au Mississipi.
Ferdinand Desoto est un conquistador espagnol . Avant cette expédition il a participé aux expéditions de Cortes au Mexique et de Pizzaro au Pérou.
Le récit-roman de Franzobel s’appuie sur l’histoire , une documentation très importante pour nous conter cette expédition picaresque.
Ce coté picaresque voulu par Franzobel rend la lecture de ce roman ardu et interroge sur les moments de récits et de fiction.
Tout au long de la lecture , viens à l’esprit le récit de Don Quichotte.
Cela est encore plus flagrant quand au détour d’une page, Franzobel nous apprend que l’un de ces personnages, Elias Plim, pourrait dans l’avenir être Cervantes… ( sauf que les époques ne correspondent pas )
J’ai trouvé d’autres liens plus contemporains. Ce conquistador espagnol me semble proche d’Aguirre ou encore de Fitscarraldo, les personnages décadents du cinéastes Werner Herzog. Ces personnages lançaient dans des aventures extravagantes et vouéss à l’échec.
Desoto est du même acabit.
Son expédition de 800 personnes , 200 chevaux et de multitude de cochons, chèvres et poules, va rechercher l’Eldorado et le passage Sud des Indes Occidentales vers la Chine.
Cette expédition va aller d’échec en échec , de massacres d’Indiens en Massacres d’Indiens, de maladies en pandémies.
Les indiens , ce peuple premier, que les conquistadors veulent détruire.
A travers son écriture Franzobel fait de son livre une satire morale , provocatrice ,devant tendre à la réhabilitation des amérindiens.
Pour cela l’auteur dédie quelques chapitres autour de la propriété des terres indiennes et fait des allées retours entre 1540 et notre époque.
Malheureusement ces chapitres se diluent dans l’expédition . Au point de réapparaitre de façon très étonnante à la fin du livre.
Je n’ai donc pas trop accroché à cette expédition, ou l’acerbe se mêle au ridicule.
Expédition rocambolesque et interminable dont j’attendais la fin avec impatience
Je reconnais à cette lecture d’avoir découvert un pan de l’histoire des conquistadors et de savoir maintenant que Desoto a découvert le Mississippi et que les chevaux espagnols sont les ancêtres des chevaux Mustang.

Franzobel (pseudonyme pour Franz Stefan Griebl1), né le 1er mars 1967 (55 ans) à VöcklabruckHaute-Autriche, est un écrivain autrichien.

Franzobel, de son vrai nom Franz Stefan Griebl, est l’un des écrivains les plus populaires et controversés d’Autriche.

Il est diplômé en génie mécanique de Höhere Technische Lehranstalt et a étudié la langue et la littérature allemandes de 1986 à 1994 à Vienne.

Pendant ses études il travailla au Burgtheater de Vienne. Depuis 1989 Franzobel se consacre à l’écriture.

Dramaturge, poète et plasticien, il est l’auteur de la pièce « Kafka, comédie » (« Kafka. Eine Komödie », 1997) publiée aux Solitaires intempestifs.

Couronné du prix Nicolas Born 2017, son roman sur le naufrage de La Méduse, « À ce point de folie » (« Das Floß der Medusa », 2017), fut l’un des trois derniers ouvrages en lice pour le Deutscher Buchpreis (Prix du livre allemand) 2017.

Colonne d’Adrien Bosc. Stock. 💛💛💛

Colonne est le troisième tome d’une trilogie commencé avec Constellation et poursuivie avec Capitaine..
La mécanique mise en place par Adrien Bosc est la même pour ces trois tomes.
Un événement historique ou accidentel dans lesquels sont plongés des personnes connues, sportives, militaires ou culturelles.
Constellation nous emmenait aux Açores où s’est écrasé l’avion qui transportait Marcel Cerdan.
Capitaine nous entrainait avec le CapitainePaul-Lemerle en 1941 le long des côtes méditerranéennes avec les réprouvés de Vichy, des juifs, des exilés et des apatrides et des intellectuels. Parmi eux André Breton et Claude Lévi Strauss.
Colonne se situe en 1936 pendant la guerre civile d’Espagne. Nous suivons la colonne Durutti à laquelle s’est jointe Simone Weil.
Simone Weil , philosophe, a passé 45 jours auprès de la colonne Durutti. Blessée , elle du être rapatrié en France.
Adrien Bosc met le focus sur un courrier que Simone Weil a transmis à Georges Bernanos et sur les atrocités quelque soit les victimes , phalangistes, fascistes, anarchistes et républicains.
Je suis resté sur ma faim durant ma lecture , malgré la belle écriture d’Adrien Bosc.
Adrien Bosc, lors de différents interviews a toujours dit que ce qu’il avait intéressé dans le parcours de Simone Weil, c’est le point de bascule qu’elle a connu durant ces 45 jours dans une communauté de destin.
Ce point de bascule prenant comme origine qu’une guerre n’est pas juste et que chacun renie des idéaux pour laisser place à une violence intolérable .
C’est le choix d’Adrien Bosc que de partir de ce point de bascule.
Pourtant quand Simone Weil en 1937 va à Assise elle est bouleversée et se rapproche du christianisme. Elle dira : , j’ai soudain la certitude que le christianisme est par excellence la religion des esclaves .
Ces esclaves qu’elle rencontrait et défendait au plus prés du monde ouvrier , ou au plus prés de cette colonne Durutti , colonne internationale.
J’aurais aimé qu’Adrien Bosc mette en perspective ces deux visions qu’avaient Simone Weil :.
: « le malheur des autres est entré dans ma chair et dans mon âme »
Simone Weil.

Né d’un père architecte, Adrien Bosc a cinq frères et sœurs1. Son frère aîné, David Bosc, est romancier et éditeur. Après un baccalauréat littéraire au lycée Mistral d’Avignon, il suit une classe préparatoire aux grandes écoles au lycée Condorcet à Paris mais échoue au concours de l’École normale supérieure2. Il rejoint l’université de la Sorbonne où il obtient un master de lettres1.
« Jeune homme pressé »3, il est embauché par Philippe Tesson à la revue L’Avant-scène. En 2011, il crée les Éditions du sous-sol, avec l’appui de Pierre BergéVictor RobertGérard Berréby et Olivier Diaz. Il y crée deux revues, Feuilleton et Desports, et revend la société aux Éditions du Seuil3. En 2016, il est nommé directeur adjoint de l’édition des éditions du Seuil4. En 2018, il est nommé directeur général des Éditions Points5

Une sortie honorable d’Eric Vuillard. Actes Sud.💛💛💛💛

Lire Une sortie honorable d’Eric Vuillard après avoir lu l’enquête de philippe Collin : le fantôme de Pétain permet d’avoir une vue d’ensemble sur des pans de l’histoire de France durant le 20ème siècle.
Le récit D’Eric Vuillard reprend avec son titre la mission qu’avait donné Mayer, président du conseil en 1954, au Général Navarre durant la guerre d’Indochine : il faut trouver une sortie honorable.
Depuis quelques années la France, son gouvernement, ses hommes d’affaires et ses militaires sont au prises avec le mouvement Viet-Minh au Vietnam.
Comme à son habitude, Eric Vuillard nous fait un récit précis, mordant , caustique, noir et sombre de la réalité humaine.
« Plus on approche du pouvoir, moins on se sent responsable ». c’est la phrase que ressasse le Général Navarre dans la cuvette de Dien Bien Phû. Phrase que va décortiquer Eric Vuillard auprès des différents personnages de son roman.
Nous sommes au coeur du pouvoir. Nous devrions dire au coeur des pouvoirs : Pouvoir politique, économique et militaire.
Le pouvoir politique avec ces présidents du Conseil et ses ministres dont certains avaient donné les pleins pouvoirs à Pétain en 1940. Ces mêmes présidents et ministres qui se partagent le pouvoir. Une fois , à toi, une fois à moi. Tu me tiens par la barbichette. Un petit monde clos , parlementaire et ministériel qui régit la France et les Colonies.
Le pouvoir économique ou celui des grandes familles bourgeoises. La aussi l’entre-soi est une vertu cardinale. On se marie entre familles cousines. On retrouve les tentacules de ces familles que ce soit en politique, dans le clergé , les conseils d’administration et les banques.
La Banque d’Indochine par exemple dont les dirigeants ont leurs ronds de serviette dans tous les conseils d’administration.
Les terres des Colonies sont le terreau de la Bourse et de l’enrichissement facile.
Le pouvoir militaire quant à lui envoie au front au bon plaisir de son pouvoir : tirailleurs africains, maghrébins et de toutes colonies.
Remarquable et effrayant.
Et cette proximité du pouvoir qui fait que la responsabilité se dilue.
Une sortie honorable ne peut être un déshonneur. Les sièges du parlement, des conseils d’administration sont trop confortables tout comme leur subsides.
Alors il y eut Dien Bien Phû , alors il y eut trois millions six cent mille morts Vietnamiens.
Il y eut la chute de Saigon en 1975.
Les derniers mots du récit d’Eric Vuillard :
« Dans l’espérance dérisoire d’une sortie honorable, il aura fallu trente ans et des millions de morts et voici comment tout cela se termine ! Trente ans pour une telle sortie de scène. le déshonneur eut peut être mieux valu. »
Remarquable , effrayant et d’une actualité brûlante.

14 Juillet d’Eric Vuillard. Actes Sud. 💛💛💛💛

14 Juillet – La Bastille
Des symboles importants de la France depuis plus de 200 ans.
Liberté Égalité Fraternité. Fete Nationale.
C’est au récit de cette journée unique que c’est lancé Eric Vuillard
14 juillet 1789, la prise de la Bastille par le peuple de Paris. le début d’une révolution.
On pense tout savoir sur cette journée et globalement cela est juste.
Mais avec Éric Vuillard il y a toujours un angle neuf,un point de vue iconoclaste.
La force de ce récit vient du fait qu’Éric Vuillard nous parle de ces hommes et de ces femmes inconnues qui ont pris la Bastille.
Une foule jeune, 20 à 25 ans, qui est nommé par ces noms et ces métiers. Mercier, Minier, Roland, , Roseleur, Mique, Sagault, et tant d’autres capitaine,manouvrier, teinturier,serrurier, porteur d’eau,cordonnier, passementier.
Et puis les femmes dont les noms de famille ont disparu , on les appelle du nom de leur mari : femme Garnier, femme Blanchet, femme Cottin.
Toute cette foule dont la postérité ne gardera aucun instant et aucun nom.Des étoiles filantes de la Révolution alors qu’à quelques kilomètres de là une autre foule se goberge à Versailles. Les métiers n’invoquent pas le même monde : fleuriste, modiste, chapelier, cuisinier , médecins.
Les foules changent peu malgré le temps
 » On devrait plus souvent ouvrir nos fenêtres. Il faudrait de temps à autre, comme ça sans le prévoir, tout foutre par dessus bord. Cela soulagerait. On devrait, lorsque le coeur nous soulève, lorsque l’ordre nous envenime, que le désarroi nous suffoque, forcer les portes de nos Élysées dérisoires, là où les derniers liens achèvent de pourrir et chouraver les maroquins, chatouiller les huissiers, mordre les pieds de chaise, et chercher la nuit, sous les cuirasses, la lumière comme un souvenir » Page 200.
Le 14 Juillet n’est jamais fini.

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Éric Vuillard, né en 1968 à Lyon, est écrivain et cinéaste. Il a réalisé deux films, L’homme qui marche et Mateo Falcone. Il est l’auteur de Conquistadors (Léo Scheer, 2009, Babel n°1330), récompensé par le Grand prix littéraire du Web – mention spéciale du jury 2009 et le prix Ignatius J. Reilly 2010. Il a reçu le prix Franz-Hessel 2012 et le prix Valery-Larbaud 2013 pour deux récits publiés chez Actes Sud, La bataille d’Occident et Congo ainsi que le prix Joseph-Kessel 2015 pour Tristesse de la terre, le prix Alexandre Viallate pour 14 juillet et le prix Goncourt 2017 pour L’ordre du jour.

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L’ordre du jour d’Eric Vuillard. Actes Sud. 💛💛💛💛

L’ordre du jour , Prix Goncourt 2017, est un livre qui peut paraître petit. Petit par son format et petit par le nombre de pages : 150.
Mais ce n’est qu’illusion.
Ces 150 pages sont la quintessence d’une époque à travers un événement historique : l’annexion de l’Autriche au Troisième Reich allemand. Événement connu sous le nom de l’Anschluss.
Comme à son habitude Éric Vuillard a une écriture ciselée, précise, un brin ironique ou mieux caustique.
Eric Vuillard à le don pour détailler un événement et le mettre en perspective. Mise en perspective qui est une mise en abîme des turpitudes humaines.
Et ces turpitudes sont nombreuses et exécrables.
L’annexion de l’Autriche en est un exemple frappant.
Avant de penser à annexer l’Autriche, il est de bon ton de réunir ce que l’Allemagne fait de mieux au niveau entreprenarial. Ils sont 24 pardessus noirs à avoir répondu à la demande de Goering : apporter leurs oboles sonnantes et trébuchantes à la gloire du Troisième Reich. En terme plus cru, cracher au bassinet .
Et sous ces 24 pardessus et chapeaux noirs se cachent Krupp, Opel, IG Farben, BASF, Agfa, Siemens, Allianz, Telefunken.
Le Troisième Reich est au dessus de tout. Rien ne peut et ne doit l’arrêter.
Dans ces conditions là gravité côtoie le ridicule.
Et d’une page à l’autre du récit nous balançons entre ces deux extrêmes.
Ou comment van Ribentropp prolonge une réunion à Londres afin que Chamberlain ne puisse lire un billet annonçant l’invasion de l’Autriche.
La diplomatie poussée au ridicule.
Ou cette colonne souffreteuse de blindés envahissant l’Autriche et que personne ne voit atteindre Vienne.
Reste ces 24 pardessus noirs qui ont connaissance des camps de concentration et qui piochent allègrement chez les déportés une main d’oeuvre gratuite et corvéable jusqu’à la mort.
Reste parmi ces 24 pardessus noirs, Krupp, qui a ce jour n’a eu aucun pardon pour ces pratiques.
Un petit livre
150 pages
Mais tout est encore à l’ordre du jour.
Récit salutaire .

Éric Vuillard est originaire d’une famille d’ascendance franc-comtoise du côté de Lons-le-Saunier1. Il passe son adolescence à Lyon dans un milieu bourgeois. À cette époque, son père, chirurgien, abandonne tout, décidant d’aller vivre dans un village alpin en ruine. Éric interrompt ses études et voyage en Espagne, au Portugal avec l’idée de poursuivre son périple en Afrique. Il revient en France pour passer son bac et poursuit ses études à l’université où il obtient plusieurs diplômes : DEA d’histoire et civilisation sous la direction du philosophe Jacques Derrida et licences de philosophie et d’anthropologie2.
Il publie un premier récit en 1999, puis deux livres aux tons poétiques (dont Tohu3), et un roman épique, sur la conquête du Pérou par Pizarro et la chute de l’Empire inca, Conquistadors4, en 2009. Conquistadors reçoit le prix Ignatius J. Reilly 20105.
Il réalise en 2008 un long métrage, Mateo Falcone, adaptation de la nouvelle de Prosper Mérimée. Le film, présenté au festival du film de Turin ainsi qu’au festival Premiers Plans d’Angers, sort en salle en novembre 2014.
Son récit intitulé L’Ordre du jour qui relate plusieurs épisodes des prémices et du début du Troisième Reich, remporte le prix Goncourt 20176. Salué par la critique, il fait un an plus tard, lors de sa sortie aux États-Unis, l’objet d’une étude de l’historien Robert Paxton7.
En janvier 2019, il publie La Guerre des pauvres, initialement prévue pour le printemps ; il estime que « le contexte actuel [celui du mouvement des gilets jaunes] aimantait le livre, il m’a semblé que le moment était venu de le publier8. » Le récit porte sur la guerre des Paysans allemands, l’un de ses chefs, le prédicateur Thomas Müntzer, et quelques-uns de ceux qui l’ont précédé9.

Sans jamais atteindre les sommets de Paolo Cognetti. Stock la cosmopolite. 💛💛💛💛💛

Sans jamais atteindre le sommet par Cognetti

Autant prévenir d’emblée . Cette chronique ne sera pas obligatoirement très objective car elle me renvoie a un vécu lors de différents treks au Népal.
Pour reprendre les choses dans l’ordre.
J’ai découvert Paolo Cognetti par la lecture de la félicité du loup. Cette lecture m’a amené vers Les huit montagnes.
Dans ces deux romans Paolo Cognetti faisait toujours référence au Népal à travers un porteur travaillant dans un refuge du Mont Rose , ou encore de son personnage Pietro parti travailler au Népal.
La douce petite musique du Népal se faisait entendre. Rester à s’embarquer pour Sans jamais atteindre les sommets.
Sans jamais atteindre les sommets est le récit de voyage de Paolo Cognetti au Dolpo dans l’Ouest du Népal.
Région isolée aux confins du Tibet. Paolo Cognetti y a passé un mois, parcouru plus de 300klms et franchis plusieurs cols à plus de 5 000 m sans atteindre aucun sommet.
Il faisait parti d’une caravane de marcheurs et de porteurs en autonomie totale.
Le livre relate cette expérience. Un livre de marche , de montagne. Comme il en existe un certain nombre.
Mais la marque Cognetti, c’est quelque chose ! Comme une poésie , une légèreté et un regard empathique sur les gens. Une montagne humaine.
Et Paolo Cognetti reprend les mots de Peter Matthiessen dans le léopard des neiges :
« Le secret des montagnes est qu’elles existent, simplement, comme je le fais moi même: les montagnes existent simplement ce que je ne fais pas. Les montagnes n’ont pas de signification, elles signifient: elles sont. Je résonne de vie, les montagnes résonnent et quand je puis l’entendre, nous partageons cette résonnance « 
J’ai retrouvé dans ce récit l’âme tibétaine , l’impermanence des choses , le profond sourire des népalais et tibétains.
Je me suis revu sur les chemins des Annapurna et du Haut Langtang . j’ai revu ces pierres de mani , les chortens , j’ai réentendu les Om mani padme hum.
Paolo Cognetti a vu l’arbre où finit le Dolpo et où petit à petit on revient dans un monde.
En quittant les Annapurna ou le Haut Langtang je n’ai pas vu d’arbre magique mais j’ai ressenti au profond de moi l’arrachement à ces terres montagneuses, spirituelles, terriblement humaines.
Le Népal reste ancré pour toujours.
Je vous l’avais dit, je ne serais pas obligatoirement objectif….

Paolo Cognetti, disciple de la montagne
Paolo Cognetti suit des études universitaires en mathématiques, qu’il abandonne très vite pour des études de cinéma, afin dit-il, « d’apprendre à raconter des histoires ». En 1999, il sort diplômé de la Civica Scuola di Cinema « Luchino Visconti », école de cinéma de Milan et fonde, avec Giorgio Carella, une société de production indépendante (CameraCar).
Il débute l’écriture en 2004 en participant à un recueil de nouvelles rassemblant les nouvelles plumes italiennes, un véritable « manifeste générationnel » proposé par les éditions minimumfax sous le titre La qualità dell’aria. Dans les années suivantes, il publie deux recueils de nouvelles Manuale per ragazze di successo (2004) et Una cosa piccola che sta per esplodere (2007), ainsi que le « roman à nouvelles », forme hybride entre le roman et le recueil, intitulé Sofia si veste sempre di nero (2012).
Le 8 novembre 2016 paraît Les Huit Montagnes (Le otto montagne), qui reçoit le prix Strega puis est traduit dans une trentaine de pays1 et dont la traduction française obtient le prix Médicis étranger en 20172.
Désireux de faire vivre la montagne en dehors des pistes de ski, il monte, en été 2017, avec son association Gli urogalli un festival consacré à la littérature, aux arts et aux nouveaux et nouvelles montagnardes baptisés Il richiamo della foresta (L’Appel de la forêt) en hommage à Jack London.
ancien bon stupa à dolpo, népal 910595 Banque de photos
Le Dolpo

Ubasute d’Isabel Gutierrez. La fosse aux ours. 💛💛💛

Ubasute par Gutierrez

Voici un premier roman très original. Cet opuscule de 120 pages tire son nom Ubasute, d’une tradition ancestrale japonaise qui voulait que l’on abandonne en montagne une personne âgée et malade..
Isabel Gutierrez va mettre en situation Marie , la maman malade et son fils Pierre.
Marie a conscience que sa dernière heure approche.
Elle demande à son fils Pierre de la porter auprès d’une roche et d’une grotte et de l’abandonner. Littéralement la porter dans une chaise sanglée sur le dos.
Ce sera pour Marie la dernière fois qu’elle pourra parler à son fils.
Parler n’est pas le mot juste . C’est plus parler en silence.
« Puisque nous allons ensemble, mon fils, sans que nos regards se croisent, puisque c’est le moment du départ et celui des dernières enjambées, à toi à qui j’ai appris à marcher et à pédaler, je parlerai en silence, je calerai le rythme de ma langue sourde, marche de vers iambiques, à la longueur de tes pas . Nous traverserons le temps du paysage ensemble.  » ( Page 28 )
Ce voyage intérieur sera l’occasion pour Marie de revisiter sa vie , que ce soit auprès de ses grands parents, de son mari, de ses enfants.
Tout cela est écrit dans une belle langue poétique qui nous touche dès la première ligne par sa vérité et sa sincérité.
Chacun peut s’identifier à un enfant , un parent. Tout cela peut nous être très proche.
Reste néanmoins un sentiment de trop plein, comme si Marie devait tout revisiter. Et cela au détriment de la relation avec son fils.
Enfin quel poids fait porter ( au propre comme au figuré) Marie à son fils qui est l’élu pour abandonner sa mère.
L’Ubasute tradition japonaise peut elle être transposée telle quelle dans la société occidentale ?
Ces points abordés, le récit d’Isabel Gutierrez demeure très fort et émouvant.
Un beau premier roman.

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Isabel Gutierrez est une écrivaine française. Elle enseigne la littérature et le cinéma à Grenoble.

Comme nous existons de Koutar Harchi. Actes Sud. 💛💛💛💛D

Comme nous existons par Harchi

Comme nous existons est un récit autobiographique qui retrace le cheminement intellectuel et politique de l’auteure Kaoutar Harchi.
Celle-ci est née en 1987 dans l’Est de la France. Elle est une enfant de l’immigration.
Ses parents Hania et Mohamed, Marocain, sont venus s’installer dans la ville de S dans l’Est de la France.
Par ce récit, Kaoutar Harchi nous plonge dans la réalité de son enfance, de sa jeunesse au sein de cette famille à la double appartenance marocaine et française.
Le parcours personnel de cette famille nous montre la violence sociale et politique mais aussi la réalité de ces familles déchirées entre deux cultures.
C’est un récit nécessaire, vital.
Il faut savoir lire et entendre les mots postcolonial, race blanche.
Il faut entendre et comprendre cette filiation entre Hania-Mohamed et Kaoutar. Hania et Mohamed donnent tout pour Kaoutar jusqu’à l’inscrire dans une école catholique afin de la soustraire au danger. Cette école, dont un professeur la traitera de  » m’a petite arabe « 
Pour l’auteure c’est un monde de rapport de classe de race qui marque les existences. Dans cette difficulté à trouver une place qui respecte sa culture et ce pays d’adoption, elle n’oubliera jamais ses parents.
Les dernières lignes de ce récit :
« Ce jour là une photographie aurait dû être prise qui aurait exprimé, à elle seule, bien plus que tout ce que j’écris ici en toute sincérité. Vous me verriez alors debout sur le pas-de-porte de l’appartement parental, un sac sur le dos, une valise neuve à la main. Et vous verriez Hania, se tenant sur le seuil de sa cuisine, légèrement penchée vers l’avant, les mains plongées dans son tablier, et Mohamed, sur le seuil de son salon, les mains dans le dos, très droit, la tête haute. Je le redis: une photographie aurait dû être prise pour fixer, ne jamais perdre cette scène de notre existence. Ce tableau. « 
Et puis cette langue littéraire que nous donne Kaoutar Harchi. Un plaisir de lecture.
En cette période de  » zemmourisation des esprits  » ce livre est salutaire.

Kaoutar Harchi, Auteur à BALLAST

Kaoutar Harchi, née en 1987 à Strasbourg, est une écrivaine et sociologue de la littérature française.

À 22 ans, elle publie son premier roman Zone cinglée chez Sarbacane. Elle publie ensuite deux autres romans, L’ampleur du saccage en 2011 et À l’origine notre père obscur en 2014 chez Actes Sud. En 2021, elle publie Comme nous existons chez Actes Sud.

Extrait de Comme nous existons de Kaoutrar Harchi

Des voitures de police stationnées en contrebas. D’autres patrouillaient. Des garçons courant à toutes jambes,criant. Des mères aux fenêtres, le corps en avant, offert au vide, qui crient, elles aussi, des paroles incompréhensibles. De cette fin du mois d’octobre 2005, voici dont je me souviens encore : à l’Elsau, une agitation inhabituelle, troublante. Un désordre immense. et cet air. L’air était d’une lourdeur. Ca bruissait, partout, de voix hagardes. Et la nuit et son lot de frayeurs . Nous étions tous et toutes des silhouettes marchant à pas vifs sur les chemins caillouteux menant à nos maisons. La douleur était là, elle affluait et refluait. Mais personne n’a su, de loin, la reconnaitre. Personne n’a su, ni n’a voulu, au vrai, comprendre que quelque chose, et c’était l’histoire, recommençait.

Et de rejoindre Hania et Mohamed.

Ils se trouvaient dans le salon, assis l’un à côté de l’autre sur le canapé, courbés vers l’avant, les coudes appuyés sur les genoux, les mains jointes soutenant leur tête, les yeux rivés au poste de télévision. Sans qu’ils m’adressent la parole, ils se serrèrent et me firent une place à leurs côtés. Je nous revois, tous trois, ainsi, immobiles, suspendus à cette voix hors champ qui relatait, encore et encore, de plans en travellings, selon les informations alors connues, et d’un ton monocorde, le cours des événements…..

….Comprendre, oui, qu’au Chêne Pointu, durant ces vacances d’automne, en ce mois sacré du ramadan, ils avaient couru, Zyed Benna et Bouna Traoré, à travers un terrain municipal à l’abandon, cherchant à fuir la police – c’est toujours la police -, et ils étaient morts.

Et puis de partout, du fond du grand monde, la tristesse est née, et la tristesse est venue. Ce fut comme une vague épaisse qui est montée, toute cette tristesse qui nous a pris, Hania, Mohamed et moi et combien d’autres millions de famille ? Ainsi, nous avons compris que tout, maintenant, le quotidien, la vie, l’avenir irait sans eux, sans ces deux enfants.

La vague de tristesse, aujourd’hui encore, ne s’est pas retirée, n’a guère emporté, et n’emportera jamais avec elle, l’incompréhension, la colère. C’est une vague, une lame de fond, un raz de marée que nombre d’entre nous ont affronté. C’est former une communauté d’expérience. Et toute personne qui fut écrasée par cette affliction appartient à cette communauté. Et tel un oubli impossible, l’oubli refusé, nous parlons de Zyed Benna et de BounaTraoré.

Le lendemain matin, après que nous eûmes fini de prier, j’ignore qui, de Hania ou de moi, dit : maintenant il faut y aller – qui eut, oui, cette impulsion miraculeuse, politique. Et de nous lever, de revêtir d’un mouvement rapide nos vestes, et de sortir.

Au printemps des monstres de Philippe Jaenada. Mialet-Barrault 💛💛💛💛

Au printemps des monstres par Jaenada

Début de la quatrième page de couverture, Texte de Philippe Jaenada : Ce n’est pas de la tarte à résumer, cette histoire .
Oh que oui !
Essayons de faire simple.
27 mai 1964 – le corps d’un enfant de 11 ans, Luc Taron est trouvé dans les bois de Verrières en Seine et Oise.
Pendant un mois , un individu qui se fait appeler l’Etrangleur va inonder médias et police de plus de 50 courriers pour revendiquer le meurtre.
Au bout d’un mois il se fera arrêter . Il s’appelle Lucien Léger. Il a 27 ans. Il passe des aveux circonstanciés.
Un an et demi après il est condamné à la prison à perpétuité.
Il sera pendant très longtemps le plus vieux prisonnier français.
Il restera 41 ans en prison jusqu’en 2005.
Lucien Léger mourra en 2008.
Fermez le ban comme dirait Philippe Jaenada.
Cela ne mérite pas, à première vue un livre de 750 pages.
C’est mal connaitre Philippe Jaenada.
Comme dans la Petite Femelle , la Serpe , Philippe Jaenada va minutieusement reprendre tous les éléments de ce fait divers.
Et comme toujours, il va intriquer sa vie personnelle dans cette enquête. Fidèle à ses habitudes d’écriture les disgressions sont encapsulées dans de multiples parenthèses où l’humour vaut bien la longueur des parenthèses.
Reste que ce livre est un monument de documentation que Philippe Jaenada déstructure pour nous dire que les monstres ne sont pas obligatoirement où c’est le plus évident.
Dans cette société des années 60 encore proche de la fin de la Deuxième guerre mondiale, les Trente Glorieuses semblent très loin.
Philippe Jaenada nous dresse un portrait saisissant de cette époque en démontant point par point la réalité de tueur de Lucien Léger.
Il nous livre des pages étonnantes sur la réalité humaine d’Yves Taron , père du petit garçon tué. Il fait apparaitre des personnages au double jeu inquiétant tel Jacques Salce. Il n’exonère pas Lucien Léger de ses responsabilités.
Tout comme il n’oublie pas de nous montrer les terribles ratés ( volontaires ?) des différents enquêteurs et commissaires.
Malgré les incohérences du dossier , aucune demande de révision de procès n’aboutira.
Et puis il y a Solange, la femme de Lucien Léger . Bout de femme ballotée par la vie et de santé fragile. Fragilité de santé que l’on assimilera rapidement à une maladie mentale.
Solange qui restera fidèle à Lucien.
Solange , l’inverse d’un monstre.
Je suis sorti de ce livre un peu cassé par temps de noirceur, de folie , de mensonges , de monstres.
Tant de vies bousillées.
Cela reste une expérience de lire Philippe Jaenada et je ne la regrette pas.
Reprenant la quatrième de couverture de Philippe Jaenada : Dans cette société naissante qui deviendra la nôtre, tout est trouble, tout est factice.
Quel terrible constat.

Au printemps des monstres

Philippe Jaenada EAN : 9782080238184
752 pages
Éditeur : MIALET BARRAULT (18/08/2021)

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Philippe Jaenada est né à Saint-Germain-en-Laye où ses grands parents maternels possèdaient le restaurant Le Grand Cerf. Issu d’une famille de pieds-noirs récemment revenue d’Algérie, il a grandi dans une banlieue pavillonnaire de Morsang-sur-Orge dans l’Essonne1. Après des études scientifiques, il s’est installé à Paris en 1986 où il enchaîne les petits boulots pendant plusieurs années2. Sa première nouvelle est publiée en 1990 dans L’Autre Journal. Les sept premiers romans de Philippe Jaenada sont d’inspiration autobiographique. Outre ses livres, il écrit des articles pour le magazine Voici3. Avec sa compagne Anne-Catherine Fath, ils ont un fils, Ernest. Habitant le 10e arrondissement, il a ses habitudes au Bistrot Lafayette4.

Dans un style souvent humoristique, Philippe Jaenada se raconte dans ses sept premiers romans largement inspirés par sa propre vie. Il y raconte les péripéties d’un Parisien toujours muni de son sac matelot et habitué des bars de quartier « dans un déluge de phrases, de parenthèses, de digressions, avec un esprit d’une vivacité peu commune qui ne cesse de jouer à saute-mouton. Dans le drame, il n’oublie jamais la dérision, se mettant en scène en train d’écrire comme un forcené5. » Il se tourne vers le fait divers dans ses ouvrages suivants : Bruno Sulak (Sulak), Pauline Dubuisson (La Petite femelle) et Georges Arnaud (La Serpe, inspiré du triple assassinat du château d’Escoire). Tout en conservant son style caractéristique et ses anecdotes autobiographiques, il entreprend pour ces trois ouvrages un important travail de recherches archivistiques6.

Ces ouvrages lui ont valu de recevoir divers prix littéraires, notamment le prix Femina en 2017 pour La Serpe7.

En descendant la rivière d’Edward Abbey. Gallmeister. 💛💛💛

En descendant la rivière par Abbey

En descendant la rivière est une compilation de 11 textes ou nouvelles écrites par Edward Abbey dans les années 1980. Elles sont éditées pour la première fois en français en 2021 par les Éditions Gallmeister. Merci à elles !
Edward Abbey, américain, disparu en 1989 est l’un des grands personnages de la contre culture et l’écologie radicale.
Son roman le plus célèbre devenu culte, le gang de la clé à molette, est un creuset de contre culture et d’écologie radicale.
Edward Abbey est l’un des plus grands écrivains de l’Ouest Américain, qu’il s’agisse de parler des déserts, des canyons et rivières mais aussi des barrages et des effets néfastes de l’homme sur la nature.
Nous retrouvons ces thèmes sans les 11 textes formant En descendant la rivière.
Ces textes écrits dans les années 1980 n’ont pris aucune ride ! Bien pour la lecture mais inquiétant pour la prise de conscience insuffisante de la place de l’écologie et de la nature sur notre planète.
L’un des textes les plus long nous met en présence de Henry David Thoreau naturaliste et philosophe américain du 19 ème siècle. Un écologiste radical de la veine d’Edward Abbey. Mais surtout un homme de conviction, qui marque encore de nos jours par ses écrits et positions contre l’esclavagisme.
A côté de ce texte fort, quelques textes courts pour nous parler de l’ours, du faucon crécerelle et des rivières et des canyons.
En ayant toujours à l’esprit la grandeur de la nature et sa beauté
Un petit bémol : Edward Abbey est américain ; donc quelque soit les situations America First. Cela dénature le propos quelquefois.
Mais cela reste mineur. En descendant la rivière reste un livre salutaire qui interroge sur notre place et sur les motivations de nos dirigeants et de nous mêmes.

ABBEY Edward - Faune Sauvage

Edward Abbey, né le 29 janvier 1927 à Indiana dans l’État de Pennsylvanie et mort le 14 mars 1989 à Tucson dans l’Arizona, est un écrivain et essayiste américain, doublé d’un militant écologiste radical.