
Ces rêves qu’on piétine est le premier roman de Sébastien Spitzer.
Quelle entrée en matière !
Un sujet ardu traité et même sur-traité : la fin de la seconde guerre mondiale , les camps de concentration et la chute de l’Allemagne nazie .
Et bien Sébastien Spitzer nous livre un livre historique , émouvant et d’une magnifique écriture.
D’abord il faut dire que ce n’est pas un roman au sens littéral du terme.
Sébastien Spitzer s’appuie sur d’importantes documentations et recherche pour en faire la trame de son récit. La part romanesque du livre est là pour servir d’écrin à cette réalité. En aucun cas le romanesque prend le pas sur la réalité.
A la fin du livre en quelques pages Sébastien Spitzer nous explique comment a été mené ce récit.
Il est préférable d’avoir lu le livre avant de lire ces quelques pages.
La grande force de ce livre est le parti pris narratif de l’auteur.
Dans un laps de temps de quelques jours en fin avril 1945 , Sébastien Spitzer va nous emmener dans le bunker d’Adolf Hitler et des dignitaires du Troisième Reich , ainsi que dans les pas d’une cohorte d’un millier de déportés sortie des camps mais encore prisonniers de l’armée allemande.
Un personnage central va faire le lien entre ce bunker et cette cohorte de déportés
Il s’agit de Magda Goebbels , femme de Joesph Goebbels N°2 du troisiéme Reich.
Magda Goebbels est une femme qui à eu plusieurs vies en contradiction les unes avec les autres.
Née d’une union illégitime entre un ingénieur et une employée de maison , elle va être élevée par le mari que sa mère va épouser : un commerçant juif du nom de Richard Friedlander.
Elle même va avoir une liaison amoureuse avec un jeune sioniste Victor Arlosoroff et va porter de l’intérêt pour la cause qu’il défend.
Puis elle va militer au NSDAP ( parti nazi) ,trouver du travail dans ce parti et rencontrer Joseph Goebbels. Elle va devenir ainsi une intime d’Hitler jusqu’à devenir la première dame du Reich.
Et en ces derniers jours d’Avril 1945 ,elle assiste repliée dans le Bunker de Berlin à la chute du troisième Reich
Dans le même temps , sur des chemins d’Europe Centrale un millier de déportés marche , ils l’espèrent, vers leur liberté. Parmi eux Aimé , Judah , Fela et sa petite fille Ava.
Cette petite fille de 3 à 4 ans détient un petit sac de cuir avec des feuillets écrits. Ces feuillets écrits sont le lien de tous ces déportés depuis des années.
Le lien a commencé avec Richard Friedlander et se perpétue jusqu’à Ava.
Ce lien représente entrautre le silence de Magda Goebbels.
Tout le récit oscille entre la folie destructrice du troisième Reich et la force , l’abnégation de ces hommes et femmes qui ont vécu l’enfer , l’anéantissement de leur personnalité et de leur judéité mais qui sont debout.
Le parallèle est saisissant entre la lourdeur bétonnée de ce bunker et la fragilité de cette cohorte humaine , affamée et maigre. Les dignitaires du Troisième Reich se terrent comme des rats alors que des gens de peu et de rien marchent et veulent retrouver leur liberté.
Et cette marche vers la liberté est portée par deux femmes : Fela qui a vécu toutes les insanités et sa fille Ava , née dans un camp , de ses insanités.
Ce sont les parties du livre les plus émouvantes : le regard de cette petite fille sur un monde dont elle ne connaît que l’enfermement , les vêtements rayés et la violence à toute heure .
Émotion au travers des personnages de Richard Friedlander ,Aimé , Judah et Fela qui auront donnés leur vie afin qu’Ava puisse vivre et témoigner de l’horreur.
Et puis sidération devant ce que peut devenir un être humain. Comment est il possible qu’un être humain puissent s’enfoncer dans l’abîme au point de tuer ses enfants.
Je terminerais par l’émotion profonde que j’ai ressenti à la lecture de l’un des feuillets que détenait Ava.
Dans ce texte il est dit le nom des personnes qui ont connu Richard Friedlander , qui ont pris la suite et qui sont morts à sa suite.
Le début du texte donne les noms des personnes et ce qu’ils sont.
Et puis la qualification des personnes se fait plus rares jusqu’à
je m’appelle Valery Munz je suis né en Belgique
je m’appelle Olga Munz j’étais la femme de Valery…
je m’appelle Léonie Kiffer, je suis née…
je m’appelle Adam Pollock, je…
je m’appelle Helga…
Je m’appelle…
je….
Judah est mort hier (……) Nous porterons ces lettres jusqu’à toi Magda Goebbels.
Émotion devant
Cette cohorte d’affamés , de corps déglingués , cette cohorte dans l’urgence de la mort et de la vie
cette cohorte dont on à piétiné les rêves mais cette cohorte vivante par Ava.