Archives pour la catégorie Premier Roman

Ultramarins de Mariette Navarro. Quidam Editeur. 💛💛💛

Quel livre étrange qui nous invite au pas de côté et au lâcher prise.
Quel livre étrange où une femme est commandante d’un cargo sur lequel elle dirige 20 hommes .
Ce cargo de containers relie l’Europe aux Antilles.
L’habitude du trajet , chacun à son poste .
Et puis la demande incongrue des 20 hommes de bord : se baigner au milieu de l’Océan. Et la commandante dit oui. le pas de côté .
Le pas de côté d’une commandante qui accepte la demande incongrue.
Le pas de côté d’une baignade dans un océan de vagues et d’inconnus
le pas de côté d’un cargo que l’on arrête dont on coupe les radars et que l’on fait disparaitre temporairement.
La commandante n’est plus commandante. Les hommes ne sont plus marins . le cargo est à l’arrêt.
Tous ont ralenti le temps de ce qu’ils sont . Ils ont accepté de lâcher prise.
Et ce lâcher prise ouvre sur la poésie, le mystère, le vertige.
Sont ils réellement 20 marins qui vont se perdre dans une brume inattendue s’étendant sur le Tropique ,
Comment envisager qu’un cargo prenne son indépendance et décide de ralentir.
Ralentir , prendre du temps, le leitmotiv de ce court roman dense comme cet océan, ce cargo et cette vie de marin.
un joli moment de lecture.

Après des études de lettres modernes et d’arts du spectacle, Mariette Navarro est formée en tant que dramaturge à l’école du Théâtre national de Strasbourg (2004-2007).

Elle est d’abord dramaturge auprès de Dominique Pitoiset au Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine pour la création de Qui a peur de Virginia Woolf ? d’Edward Albee (2009) et Mort d’un commis voyageur d’Arthur Miller (2010), auprès de Matthieu Roy pour Qui a peur du loup ? de Christophe Pellet (2011) et auprès de Caroline Guiela Nguyen pour Se souvenir de Violetta (2011), Elle brûle (2013) et Le Chagrin au Théâtre national de la Colline.

Mariette Navarro travaille comme dramaturge pour différents théâtres et compagnies, fait partie de comités de lecture, et du collectif d’artistes de la Comédie de Béthune depuis 2014. Elle est associée aux Scènes du Jura (scène nationale) pour la saison 15-16, et au théâtre de l’Aquarium pour la saison 17-18.

Elle co-dirige la collection Grands Fonds chez Cheyne éditeur.

Elle intervient régulièrement dans les écoles supérieures d’art dramatique (ENSATTESADCNSAD).

Elle écrit notamment pour les metteurs en scène Matthieu Roy (Prodiges®), Caroline Guiela Nguyen (Elle brûle), Anne Courel (Les feux de poitrineFrançois Rancillac (Les hérétiques), Hélène Soulié (Scoreuse) , et la chorégraphe Marion Lévy (Les Puissantes, Et Juliette, Training)..

Extraits d’un interview de Mariette Navarro sur France Culture

« La notion du temps est un sujet qui m’obsède et qui fait que, j’aurais très bien pu faire ce voyage en cargo  et ne pas écrire dessus, il n’y avait aucun enjeu documentaire, mais l’idée du temps qu’on peut voler à nos quotidiens, aux injonctions, le temps de présence à bord d’un bateau fait tout disparaître : on n’a plus de réseau, plus accès aux bombardements d’internet, et finalement, deux semaines à bord d’un cargo, c’est comme une retraite dans un monastère. » 

« Au début l’impulsion première de l’écriture du livre, le premier personnage qui apparaissait, était ce collectif d’hommes qui se jetait à l’eau, cette image de liberté absolue : on plonge, et on plonge ensemble. Mais très vite, j’ai eu l’intuition qu’il y avait quelqu’un au-dessus de ces hommes, et qui regardait cette scène, mais je ne savais pas qui. Puis, j’ai pris la décision, de façon plus consciente, que ce serait une femme. J’avais envie, comme premier décalage par rapport à la réalité, de faire que le commandant du bateau soit une femme, et cela a changé tout l’imaginaire du texte, en redistribuant les cartes des relations de pouvoir, de travail, et de désirs. »

Ubasute d’Isabel Gutierrez. La fosse aux ours. 💛💛💛

Ubasute par Gutierrez

Voici un premier roman très original. Cet opuscule de 120 pages tire son nom Ubasute, d’une tradition ancestrale japonaise qui voulait que l’on abandonne en montagne une personne âgée et malade..
Isabel Gutierrez va mettre en situation Marie , la maman malade et son fils Pierre.
Marie a conscience que sa dernière heure approche.
Elle demande à son fils Pierre de la porter auprès d’une roche et d’une grotte et de l’abandonner. Littéralement la porter dans une chaise sanglée sur le dos.
Ce sera pour Marie la dernière fois qu’elle pourra parler à son fils.
Parler n’est pas le mot juste . C’est plus parler en silence.
« Puisque nous allons ensemble, mon fils, sans que nos regards se croisent, puisque c’est le moment du départ et celui des dernières enjambées, à toi à qui j’ai appris à marcher et à pédaler, je parlerai en silence, je calerai le rythme de ma langue sourde, marche de vers iambiques, à la longueur de tes pas . Nous traverserons le temps du paysage ensemble.  » ( Page 28 )
Ce voyage intérieur sera l’occasion pour Marie de revisiter sa vie , que ce soit auprès de ses grands parents, de son mari, de ses enfants.
Tout cela est écrit dans une belle langue poétique qui nous touche dès la première ligne par sa vérité et sa sincérité.
Chacun peut s’identifier à un enfant , un parent. Tout cela peut nous être très proche.
Reste néanmoins un sentiment de trop plein, comme si Marie devait tout revisiter. Et cela au détriment de la relation avec son fils.
Enfin quel poids fait porter ( au propre comme au figuré) Marie à son fils qui est l’élu pour abandonner sa mère.
L’Ubasute tradition japonaise peut elle être transposée telle quelle dans la société occidentale ?
Ces points abordés, le récit d’Isabel Gutierrez demeure très fort et émouvant.
Un beau premier roman.

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Isabel Gutierrez est une écrivaine française. Elle enseigne la littérature et le cinéma à Grenoble.

L’Evangile des Anguilles de Patrick Svensson. Seuil. 💛💛💛💛

L'Evangile des Anguilles par Svensson

Le titre énigmatique du livre ainsi que la phrase l’accompagnant ( Histoire d’un père, d’un fils, et de la créature la plus mystérieuse du monde animal ) m’ont donné envie de me lancer dans le livre de Patrick Svensson. Bien m’en a pris !
Le livre de Patrick Svensson est un concentré sur la vie des anguilles mais aussi la mise à nu de la relation entre l’auteur et son père. le livre basculant avec bonheur de l’un à l’autre.
Pour qui ne connaît pas sur le bout des doigts la vie de l’anguille, le premier chapitre en quelques pages nous rappelle ce qu’est la vie de l’anguille. Je fais court.
Elle nait au milieu de L’Atlantique dans la Mer des Sargasses. Elle a la forme d’une petite feuille de saule qui va se laisser dériver jusqu’aux côtes européennes où elle devient une civelle. Devenue civelle elle remonte fleuves, rivières et étangs en se transformant en anguille. Là, elle restera des années avant de vouloir se reproduire. Et pour se reproduire elle reprendra la direction de la Mer des Sargasses, où reproduction faite, elle mourra.
Patrick Svensson a vécu son enfance en Scanie dans le Sud de la Suède, et le Sud de la Suède est l’un des lieux de vie de l’anguille. Enfant, avec son père, il allait régulièrement pêcher les anguilles.
Simultanément l’auteur va nous révéler l’aventure scientifique de l’anguille et la relation intime avec son père .
Par petites touches délicates, Patrick Svensson va nous dévoiler comment les mystères de l’origine de l’anguille parle du mystère que chacun porte en soi :celui de notre propre origine et du sens même de la vie.
Avant d’en arriver aux dernières pages du livre, bouleversantes, nous aurons appris qu’Aristote pensait que les anguilles se créait elle même à partir de la vase, que Freud à disséquer en vain les anguilles afin de leur trouver un sexe!
Tout aussi sérieusement , aucun scientifique n’a trouvé une anguille adulte dans la Mer des Sargasses. Et pourtant.
Depuis 20 ans il est indéniable que l’anguille nous quitte. Elle est un marqueur important de la sixième extinction de masse . Pourtant l’anguille paraît éternelle, elle existe depuis que le monde est monde. Elle peut rester hors de l’eau des heures paraître morte et ressusciter au contact de l’eau.
L’anguille reste un animal dont nous ne connaissons pas grand chose. Il faut croire…. comme pour notre propre origine.
L’ Évangile des Anguilles, un titre on ne peut mieux trouver pour nous parler des hommes.

Patrik Svensson, né en 1972, a grandi dans une petite ville du nord-ouest de la Scanie, dans le sud de la Suède, non loin de ce qu’on appelle souvent « la côte des anguilles ». Passionné dès son enfance par le monde naturel et animal, il a fait des études de littérature puis est devenu journaliste, spécialisé dans les arts, la culture mais aussi la recherche scientifique. Best-seller traduit dans plus de 30 pays et lauréat du prix August, le « Goncourt » suédois, L’Évangile des anguilles est son premier livre.

Requiem pour une république de Thomas Cantaloube. Série Noire Gallimard. 💛💛💛💛

Requiem pour une République par Cantaloube

Requiem pour une république  est le premier roman policier et politique de Thomas Cantaloube. Il est suivi d’une suite Frakas qui est sorti en avril 2021. Les deux livres peuvent se lire indépendamment l’un de l’autre bien que les personnages soient récurrents.  Chaque roman à sa propre histoire et se clôt.
Le premier roman Requiem pour une république se situe entre 1959 et 1961 à Paris..
A l’automne 1959 un avocat algérien  lié au FLN est assassiné à Paris. Mais cet assassinat tourne à la tragédie car toute la famille sera décimée soit 5 personnes.
Trois personnages principaux et récurrents sur les deux romans sont à la recherche du meurtrier.
Tout d’abord Luc Blanchard, jeune flic du Quai des Orfévres, puis Antoine Carrega , ancien résistant, corse , en accointance avec le Milieu,  enfin Sirius Volkstrom, ancien collabo et réalisateur des basses oeuvres de la Préfecture de police et de Maurice Papon.
A partir de ces trois personnages principaux, Thomas Cantaloube va nous immerger dans ces années 1960 marquées par la guerre d’Algérie.
Tout le talent de Thomas Cantaloube réside entautre dans sa faculté à interagir entre la fiction et la réalité.  L’une ne prenant pas le pas sur l’autre. Et de passer du bureau de Maurice Papon à celui de François Mitterand, tout en n’oubliant pas d’aller à un meeting de Michel Debré et de saluer Charles Pasqua.
L’écriture est cinématographique,  les décors nous rappellent les noirs et blancs des films des années 50 . ( d’ailleurs Alfred Hitchcock saura se rappeler à votre bon souvenir )
Toutes les arrières salles de bar sont louches à souhait, les arrondissements de Paris quittent de pluie et de nuits.
En plus de ce talent d’ecriture, Thomas Cantaloube nous rappelle qu’ il est un ancien journaliste de Mediapart. Tout est documenté et sourcé.  Et au delà du roman policier, apparaît le roman politique.
Ces années 1960 sont les premières années de cette cinquième république  qui nous régit toujours.  Ces années soixante qui sont  peut-être les germes du racisme et de l’immigration des années actuelles.
En synthèse,  un grand plaisir de lecture policière et en même temps un regard acéré sur ce monde politique qui nous gouverne,.
Nous retrouverons les mêmes protagonistes dans Frakas.  Nous sommes 1 mois plus tard et l’Afrique et le Cameroun les attendent : guerre du Cameroun  , naissance de la Françafrique , meurtre…..
Policier, politique le même cocktail, le même plaisir.

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Migrations de Charlotte McConaghy. JC Lattès. 💛💛💛 💛

Migrations par McConaghy

Nous sommes dans quelques années sans savoir précisément laquelle. La sixième extinction de masse a commencé. Exit les lions, les loups, les corbeaux. Régulièrement une espèce disparaît. Les poissons ont disparu des océans presque totalement. Les oiseaux ont déserté le ciel.
Pourtant il semble que l’oiseau migrateur le plus endurant résiste.  Il s’agit de la sterne arctique. Celle-ci migre tous les ans de l’Arctique aux confins de l’Antarctique en suivant les côtes africaines ou sud-américaines. Durant son périple elle engloutit des bancs de petits poissons.
Franny Stone est une jeune femme incapable de se fixer. D’Australie en Irlande, elle a toujours été subjuguée par la mer, les oiseaux. Un baûme sur les pertes qui ont bouleversé sa vie.
Sans en connaître la raison au début du roman, nous suivons Franny au Groenland où elle suivre la migration des serbes arctiques.
Elle convint Ennis,  patron d’un chalutier de l’emmener avec son équipage afin de suivre la migration des sternes. Pour les pêcheurs,  c’est tout bénéfice avec la promesse que les oiseaux les mèneront à des poissons devenant très rares.
Cette longue migration , vers le Sud sera l’occasion d’apprendre par bribes les aléas de la vie de Franny.
Migrations porte bien son pluriel.
Migration du monde en général,  qu’il soit animal ou humain. Mais les humains ne sont ils pas des animaux ?
A travers un jeu d’aller retour bien maîtrisé,  Charlotte McConaghy nous délivre un roman brutal et poignant.
Cette anticipation de quelques années n’est pas si loin de notre quotidien et nous interpelle fortement sur notre rapport au réchauffement climatique et à la transition écologique.
Quant à l’histoire de Franny que l’on découvre peu à peu, elle nous tient en haleine et par sa brutalité nous rappelle la brutalité de cette sixième extinction de masse qui n’est pas une fatalité
Dernière phrase du roman :
 » Ma mère me disait toujours de guetter les indices.
Les indices de quoi ?
Les indices de la vie.  Ils sont partout « 

Ps. Il s’agit d’un premier roman de très grande tenue que l’on ne lâche pas

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.Charlotte McConaghy est scénariste et vit à Sydney. Ovationné par la critique, Migrations, son premier roman est en cours de traduction dans plus de vingt pays.

Là où chantent les écrevisses de Delia Owens. Editions Seuil.💛💛💛💛

En Caroline du Nord, au bord de l’océan  pas loin de Barkley Cove,  dans un marais vit une fille sauvage. Elle s’appelle Kya. Ce sont les habitants de Barkley Cove  qui ont décidé que Kya était une jeune fille sauvage, sûrement analphabète et potentiellement dangereuse.
Les raisons de cet à priori ?  Kya, la fille des marais a été abandonnée  par ses parents et ses frères et soeurs. Elle a refusé d’aller à  l’école et s’est réfugié dans son marais.
Nous sommes entre 1952 et 1969 dans un État segrationniste où les Noirs vivent dans leur propre ville Colored Town.
En 1969, un jeune homme, Chase Andrews est retrouvé mort au pied d’une Tour de guet.
Les soupçons se portent rapidement sur Kya la fille du marais.
Delia Owens va nous entraîner dans un mouvement de balancier de 1952 à 1969 afin de détricoter et construire la mort de Chase Andrews : accident, meurtre ?
Au long court des 500 critiques sur Babelio, beaucoup a été dit sur ce roman, jusqu’au superflu.
Je n’en rajouterai pas
Je préfère insister sur l’émotion que suscite Là où chantent les écrevisses.
Émotion à découvrir la vie de Kya, à être ébahi par sa volonté.
Ému par sa relation avec la nature,  avec la vie végétale et animale du marais.
Comment ne pas être happé  par la lumière des lucioles ou encore emporté par le souffle des battements d’ailes de milliers d’oies.
Cette nature exubérante qui est la vie de Kya, qui est son intelligence et son regard sur le monde . Et dans cette nature de marais labyrinthique , Kya se perd, se cherche . Elle trouve des appuis, des amitiés, même des amours.
Mais jusqu’où ces amours sont ils sincères ?
Tout au long du roman Délia Owens est en empathie avec ces personnages. Les figures de Jumping et Mabel sont représentatifs de cette empathie. Noirs, discriminés,  ils ressentent au plus profond d’eux mêmes la solitude et le rejet dont est victime Kya.
Tout comme le jeune Tate,  qui souhaite sortir  Kya de cette solitude.
Malgré ces soutiens Kya ne peut compter que sur elle même pour faire face à la nature et à l’homme.
Sa volonté , ses certitudes nous entraînent dans des contrées  inconnues qui nous  laisseront à ses côtés , dans l’attente d’un vol de millier d’oies qui enluminera le ciel.
Reste néanmoins un roman tragique.
Mais n’est ce pas de ces moments tragiques qu’affleurent l’émotion et le plaisir de la lecture ? .

Delia Owens : le best-seller inattendu

Dérive des âmes et des continents de Shubhangi Swarup. Métailié. 💛💛💛💛

Dérive des âmes et des continents par Swarup

Voici un premier roman au souffle incroyable. le titre du roman , déjà, nous dit que nous partons pour une aventure de l’âme et de l’esprit . Dérive des âmes et des continents portent on ne peut mieux son titre. Il faut accepter de dériver, de se laisser aller à ces spiritualités d’Asie et d’Inde. Il faut accepter de quitter le rationnel, il faut accepter de ne pas tout comprendre . Laisser dériver….. C’est un immense plaisir.
Deux jeunes mariés s’installent dans les Iles Andaman , entre Inde et Birmanie. Ils savent qu’ils se sont aimés dans une autre vie. Lui ,Girija Prasad est scientifique fasciné par les volcans et les éléments naturels . Elle, Chanta Devi est un peu sorcière, parle aux arbres, prévoit les tremblements de terre.
Dans ce roman la dérive n’atteint pas que les âmes, elle atteint aussi ce sous continent indien qui , il y a des millions d’années est venu se fracasser sur la chaine himalayenne. de ce fracas géologique, il reste des plaques de subduction et des failles qui courent entre les iles Andaman et l’Irrawady en Birmanie. ces failles et ces plaques qui font remonter à la surface une nature intemporelle datant des prémices de l’univers : pierres , fossiles, minéraux, arbres mais encore fantômes, âmes.
Dans cette grande région entre Inde, Birmanie , Sri Lanka , Népal et Pakistan , les hommes vivent depuis des millénaires au rythme de la furie de la nature : Tsunami, tremblement de terre , mousson , violence de la montagne. Face à ce déferlement de la nature , les hommes ont opté pour des spiritualités : hindouisme, bouddhisme qui prônent la réincarnation.
C’est cette dérive dans laquelle va nous entrainer Subhangi Swarup.
Je me suis laisser prendre dans les filets de cette dérive. Un lâcher prise où nature et spiritualité font trembler la terre de l’Océan Indien à l’Himalaya.
J’ai été fortement touché par Dérive des âmes et des continents , car j’y ai retrouvé le miroir de ce que j’ai pu vivre et ressentir en découvrant ces pays.
Je suis aller en Inde du Sud dans des villages et sur des plages qui ont été dévasté par le tsunami de 2004. J’étais sur place une semaine avant le tsunami
Je suis allé deux fois au Népal en 2016 et 2018 suite au tremblement de terre d’Avril 2015. J’ai fait un trek dans le Langtang, région fortement touchée où Langtang Village a été rayé de la carte ( 275 morts)
En Octobre 2016 la région de Bagan , au bord de l’Irrawady était victime elle aussi d’un tremblement de terre. 6 mois avant , je déambulais au milieu des milliers de temples de Bagan.
Que ce soit en Inde , en Birmanie ou au Népal , j’ai été marqué et emplit de cette spiritualité quelle soit hindouiste, bouddhiste ou animiste.
Participer au coucher de Vishnu à Thanjavur ( Inde) , participer à une Kora autour du stupa de Bodnath ( Népal) vous entraine dans cette évanescence et cette réalité infinie de l’âme.
La dérive des âmes et des continents est une réalité .
De la même façon que l’on revient changé de ces contrées , ce roman change notre façon de regarder les paysages , la montagne , la forêts, les hommes et ces âmes qui tous dérivent depuis des millénaires.

Shubhangi Swarup - Babelio

Shubhangi Swarup est née en 1982 à Nashik, dans l’État du Marahashtra. Journaliste, réalisatrice, pédagogue, elle vit aujourd’hui à Bombay. Dérive des âmes et des continents est son premier roman. Elle a obtenu la bourse d’écriture créative Charles Pick à l’Université d’East Anglia (Norwich).

El Curandero de Paul Vanderstappen. Editions Meo.💛💛💛

El Curandero par Vanderstappen

Tout d’abord merci à  Babelio et aux Éditions Meo pour l’envoi du roman  El Curandero de Paul Vanderstappen dans le cadre de la Masse Critique.
El Curandero est un premier roman initiatique et étrange.
Roman court, il se situe entre 2005 et 2015 de part et d’autre de l’Atlantique, de la Belgique au Chili.
El Curandero signifie celui qui soigne, celui qui se soigne.
Et effectivement le roman est une quête de sens, une quête de soi.
Le narrateur a un vécu,  une histoire qu’il porte mais qu’il n’arrive pas à exprimer
Cette histoire est en lien avec un  deuil qui réveille des événements antérieurs  et fait resurgir des fantômes enfouis mais non oubliés
Cette résurgence de souvenirs va entraîner le narrateur de Belgique au Chili et plus particulièrement à Valparaiso à la rencontre de personnages réels et d’autres dont on ne sait  la réalité.
A chacun de rentrer ou non dans cette histoire. le côté  parfois didactique ( Les entretiens avec le psychiatre ) et une certaine lenteur dans le récit   ne facilite  pas toujours la narration.
Sûrement le fait d’un premier roman.
Reste des personnages étonnants  ( Louisa- Gabriel ), des lieux de poésie comme La Sebestiana, maison de Pablo Neruda et Valparaiso.
Et Valparaiso, ce port mythique sur le Pacifique. Port du bout du monde où sont passé tant de voyageurs, d’écrivains et de baroudeurs.
 Un lieu qui correspond bien à la quête de sens et à la quête de soi.
En définitif un roman pour lequel il faut accepter de se laisser embarquer pour un voyage intérieur, une atmosphère.
Comme vous le constater par ce billet, j’ai embarqué. Ce ne fut pas toujours évident, je me suis dès fois perdu, j’ai un peu râlé sur un style simple, des facilités, mais j’ai été au bout du voyage. J’ai accosté et j’ai laissé infuser cette lecture quelques jours.
Et bien au bout de quelques jours il reste une petite musique, une évanescence.
Alors on embarque ! Oui. Non. A vous de voir !
Paul Vanderstappen est formateur d’éducateurs et de logopédes ( orthophoniste en Belgique )

Nos Corps étrangers de Carine Joaquim. La manufacture des livres . 💛💛💛

Nos corps étrangers par Joaquim

Nos corps étrangers est le premier roman  de Carine Joaquim. Est ce important que ce soit un premier roman  ? Non tellement Carine Joaquim embrasse de sujets.
Elle divise son roman en trois parties qui recouvrent chacune un trimestre d’une année scolaire.
Dans ces trois parties vont vivre  Elisabeth, Stéphane et leur fille Maeva. A cette famille il faut ajouter Maxence et Ritchie qui sont dans la classe de troisième de Maeva, mais aussi Sylvain et Clara qui sont les fenêtres vers l’extérieur pour Elisabeth et Stéphane .
De nombreux sujets vont être abordés : les relations de couple, l’anorexie, les migrants, les relations des ados,  le handicap, le mal être …. Mais à force d’accumuler les sujets ceux ci perdent de leur acuité.
C’est le principal écueil que j’ai ressenti en lisant ce roman . L’écriture ou le sens de la narration ne sont pas à mettre en cause. Carine Joaquim maîtrise son sujet et peut être trop. L’échelle de temps pour l’année scolaire ( mais est ce cette échelle de temps qui est prioritaire ?) est respectée mais en même temps Carine Joaquim en est prisonnière et  reste me semble t il sur le pourtour des émotions . Elle semble nous raconter de façon factuelle un certains nombre de situations fortes mais pour lesquelles nous restons étrangers pour reprendre une partie du titre du roman.
Nos corps étrangers sont autant physiques que psychologiques. Carine Joaquim les définit bien mais quand il s’agit  de les approfondir, cela reste à la surface des émotions.
Que gardons nous d’Elisabeth, Stéphane,  Maeva, Sylvain, Ritchie ou Maxence quand nous refermons le roman.
Ils ont tous vécu des moments cruciaux de leur vie mais ils nous reste des étrangers .
Vous comprenez que je reste entre deux eaux à la fin de ce roman. L’écriture,  la force de celle ci est bien présente mais la multitude de sujets importants et vitaux traités superficiellement au fil des pages et qui ne permettent pas un approfondissement des personnages prend malheureusement le dessus.

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 Née en 1976 à Paris où elle grandit, Carine Joaquim vit aujourd’hui en région parisienne et y enseigne l’histoire-géographie. Si elle écrit depuis toujours, c’est depuis six ans qu’elle s’y consacre avec ardeur. ‘Nos corps étrangers’ est son premier roman publié.

Patagonie route 203 d’Eduardo Fernando Varela. Metaillé. 💛💛💛💛

Patagonie route 203 par Varela

 » La vie ne lui accorderait pas une seconde chance: la Patagonie était  tellement immense et illimitée qu’ils risquaient de ne jamais se retrouver, mais par un paradoxe de la géographie,  il arrivait que cette immensité  rapproche les personnes et que leurs chemins se croisent de nouveau  » ( page 349 )
Paradoxe de la Géographie.  La Patagonie est un territoire immense qui couvre le Sud de l’Argentine. Pour le nommer et le matérialiser Eduardo Fernando Varela nous entraîne dans la steppe, le désert,  la cordillère et l’océan.  Nous sautons de méridien en parallèle ,  le vent de face ou de dos mais toujours présent et prégnant. Les nandous et les guanacos batifolent dans ses grandes étendues en essayant de faire fi des interminables fils barbelés.
La Patagonie est striée de routes principales ou secondaires globalement perpendiculaires les unes aux autres. Elles relient des villages, des hameaux aux noms emplit d’histoire,de legende , de solitude et de désespoir :Saline du désespoir, Indien méchant , le ravin des Singes, La Pourrie, La Mule Morte.
C’est dans cette géographie paradoxale que roule le camion de Parker. Celui-ci charge et décharge de la marchandise entre les Ports de l’océan et de la Cordillère.  Il ne roule que sur les routes secondaires.  Il a ses raisons que nous découvrirons peu à peu.  Son camion et la Patagonie représente son univers. Univers qui tient dans son camion : table, chaises, meubles et lit. Imaginer tout cela installé à l’abri du camion, dans la steppe à la clarté des étoiles du Sud, entre onirisme et poésie.
Dans son road trip il va rencontrer Maytén, jeune femme tenant la billetterie d’un Jeu de Massacre dans une fête foraine. Il va en tomber amoureux et l’emmener avec lui au grand dam de Bruno son mari.Va commencer une longue course dans cette immense Patagonie où les personnages sont décalés ou déconnectés.  On croisera un journaliste à la voiture sans frein  qui recherche les épaves des U boat allemands, deux jumeaux boliviens gardien du train fantôme de la fête foraine ou encore des anthropophages.
Cela pourrait paraître absurde mais il n’en est rien dans ce pays de démesure,  et de légende.
Patagonie route 203 est un livre d’un certain lâcher prise et d’une poésie certaine. Eduardo Fernando Varela nous entraîne sur des chemins de traverse ou l’âme humaine vagabonde.
Ses chemins ainsi décrits :Vous continuez tout droit, le jeudi vous tournez à gauche  et à la tombée de la nuit tournez encore à gauche, tôt ou tard vous allez allez arriver à la mer »
Entre temps Eduardo Fernando Valera nous aura perdu dans les dédales d’un train fantôme,  dans les sables humides d’une plage à marée basse aux côtés de Maytén et Parker, aux sons d’un saxophone ou d’un autoradio nasillard sautant de fréquence en fréquence.
Patagonie route 203 est un roman d’ambiance, de paysages mais surtout d’hommes et de femmes cabossés par la vie qui détiennent une part de poésie qui les rend attachants.
On apprécie  faire un bout de chemin avec eux et cette route 203  reste ouverte à tous les vents.

 

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Eduardo Fernando VARELA a 60 ans. Il vit entre Buenos Aires, où il écrit des scénarios pour le cinéma et la télévision, et Venise.
Patagonie route 203 est son premier roman.
PRIXPrix Transfuge du Meilleur roman hispanophone – 2020 – Patagonie route 203
Prix Femina étranger : finaliste – 2020 – Patagonie route 203
Prix du Premier roman : sélection catégorie romans étrangers – 2020 – Patagonie route 203
Prix Expression 2020 : sélection (prix de la librairie Expression à Châteauneuf de Grasse) – 2020 – Patagonie route 203
Prix LDB 2020-2021 : sélection (prix de la librairie des bauges à Albertville) – 2020 – Patagonie route 203
Sélection rentrée littéraire Fnac – 2020 – Patagonie route 203
Prix Casa de las Americas – 2019 – Patagonie route 203