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La bonne vie de Matthieu Mégevand. Editions Flammarion 💛💛💛💛

La bonne vie par Mégevand

Quelle belle surprise que ce livre reçu dans le cadre d’une Masse Critique Privilège. Merci à Babelio et aux Éditions Flammarion
En quelques 140 pages Mathieu Mégevand va nous brosser le portrait et La bonne vie de Roger Gilbert Lecomte.
Poète maudit ayant vécu entre 1907 et 1943.
Avant la lecture de ce livre j’étais complètement ignorant de la vie de Roger Gilbert le comte.
Et ce n’est pas le moindre intérêt de ce livre .
Durant ce cours opuscule Mathieu Mégevand va nous entraîner dans vie déconstruire de Roger Gilbert Lecomte.
Tout est déconstruit, à commencer par la page se situant après la note de l’auteur. Juste deux mots sur la page mais quels mots ! : Créer- détruire.
La vie de Roger Gilbert le comte n’est faite que de cela : Créer pour se détruire . Les premières lignes du livre ne laissent pas de doute : « C’est très vite une histoire de destruction car la ville de Reims, après quatre années de guerre, est ravagée
Venant de Reims, Roger Philippe Lecomte avec ses amis René DaumalRoger Vailland et Robert Meyrat poursuivent une quête existentielle et poétique acharnée .
Cette quête commence à Reims pour les quatre amis entre poèmes ,alcool, drogue et roulettes russes
Reims ne suffit plus à leur création et à leur destruction par l’alcool et la drogue.Robert Meyrat ne les suivra pas sur Paris
Paris et son quartier Montparnasse ,Paris et les surréalistes d’André Breton.
Voilà un combat à la hauteur des fondateurs de la revue le Grand Jeu.
Ces années sur Paris ne seront qu’une descente aux enfers ,voulue et recherchée par Roger Gilbert Lecomte .
La force du livre de Mathieu Mégevand est dans cette description de la création qui détruit et qui rapproche de la liberté du poète.
Vraiment un très beau livre qui donne à réfléchir sur ces années 1930,la création et le surréalisme .

Bella Ciao d’Eric Holder . Editions du Seuil 💛💛💛💛

Bella Ciao par Holder

Voilà comme toujours chez Eric Holder , un livre court avec une écriture fine , ciselée , directe.
Bella Ciao est un roman du renouveau.
Le narrateur , écrivain de son état est gangrené par l’alcool.
Au bout de tant d’années à subir cette descente aux enfers , sa femme Myléna lui intime l’ordre de partir.
Notre homme alcoolique ,par la perte de son amour , envisage la noyade sur une plage du Médoc.
Suicide raté mais la possibilité de se raccrocher à une corde.
La corde a pour nom Franck qui lui donne un travail d’ouvrier agricole ,ou encore Mr et Me Robertson qui vont lui donner un toit ( une chambre ) dans leur villégiature du Médoc
Comme souvent dans les livres d’Eric Holder l’homme est à la reconquête ou la découverte d’une femme ( Bienvenue parmi nous – La belle n’a pas sommeil )
Dans Bella Ciao c’est la reconquête de Mylèna .
Par des touches minimalistes comme toujours , Eric Holder va nous transporter dans ce Médoc où il vit , nous faire découvrir le travail de la vigne mais aussi ces mots , ses couleurs , ses ambiances.
Ce Médoc de petits villages où le bistrot est le lieu central de vie.
c’est dans ce creuset que notre narrateur va se reconquérir se respecter avant de redécouvrir sa femme et ses enfants.
un joli moment de lecture et une fin de roman laissant la porte à toutes les interprétations

Bienvenue parmi nous d’Eric Holder. Flammarion💛💛💛

Bienvenue parmi nous par Holder

Pour ces jours d’été suspendus entre chaleur et langueur pourquoi pas un roman d’Eric Holder.
Autant repartir un peu loin dans sa bibliographie , en 1998 avec Bienvenue parmi nous.
Roman minimaliste à tous les étages : livre de 150 pages , écriture ciselée d’Eric Holder , peu de mots pour décrire mais des mots justes qui parlent des ressentis , du cœur de soi , des paysages.
En 150 pages Eric Holder nous trace un road trip émouvant.
Taillandier est un peintre reconnu qui ne produit plus rien depuis 7 ans.
Il vit dans une aisance matérielle , auprès de sa femme Alice pour laquelle son sentiment amoureux est vivace.
Mais à 62 ans , Taillandier est bougon , ronchon et en a marre de la vie.
La seule solution pour lui est de disparaître. Il organise un dernier repas d’anniversaire avec femme et enfants et décide de partir par la route vers les Ardennes.
C’est sans compter Daniella , jeune fille perdue et larguée qui apparaît dans sa vie par l’intermédiaire de sa femme Alice.
Le road trip vers les Ardennes va prendre la forme d’une autre aventure : un périple avec Daniella entre Bretagne et côte Atlantique.
Périple durant lequel Taillandier va se révélait à lui-même.
Tout cela est écrit avec finesse , élégance et profondeur. Pas de mièvrerie dans la rencontre entre Taillandier et Daniella.
150 pages ciselées pour nous dire la difficulté de vivre d’un sexagénaire ou d’une adolescente .
Cette difficulté qui est inhérente à tous et à chacun et dont le titre du roman Bienvenue parmi nous est tellement juste

Tiens Ferme ta couronne de Yannick Haenel. Gallimard 💛

Tiens ferme ta couronne par Haenel

Je viens de terminer la lecture de Tiens ferme ta couronne de Yannick Haenel. Et bien je pense que ma critique sera aussi foutraque et déjanté que ce livre.
A la fin de la lecture de Tiens ferme ta couronne , je suis circonspect,interrogatif par rapport à cette lecture. Il m’a fallu de la persistance pour aller au bout des 330 pages de ce livre. Pendant toute la lecture, je suis resté sur le chemin à côté du narrateur. A aucun moment je n’ai pu ressentir une émotion ou tout au moins la possibilité de me raccrocher à son histoire.
Peut être est ce dû au fait que c’était le premier livre de Yannick Haenelque je lisais.
Suite à cette lecture , j’ai lu des interviews , j’ai regardé des émissions Tv où était présent Yannick Haenel. J’ai lu des critiques du livre dans des journaux spécialisés. J’ai lu aussi des critiques des membres de Babélio.
Autant les critiques des journaux spécialisés sont largement positives , autant les critiques dans Babélio sont franchement partagées.
Pourtant ce livre était dans la dernière ligne droite du Goncourt et il a obtenu le prix Médicis.
Il doit bien y avoir quelque chose.
Malheureusement avec moi , il n’a pas trouvé son lecteur.
d’abord il aurait peut être fallu que je connaisse l’oeuvre de Yannick Haenel, sachant que son narrateur est un personnage récurrent.
Dans Tiens ferme ta couronne il s’appelle Jean ( une seule mention dans tous le livre ). C’est par la lecture des articles de presse que ce Jean avait un nom depuis 2007 : Jean Deichel. Deichel comme dèche – déchu- déchet.
Jean est un loser qui vit dans un 20m2 dans le 20ème à Paris. Il est écrivain de son état et a une obsession : faire lire accepter son scénario de 800 pages qui parle de Melville le créateur de Moby Dick.
Il va être mis en relation avec Michael Cimino , grand cinéaste américain auteur de 2 chefs d’oeuvre : Voyage au bout de l’Enfer et La porte du Paradis.
Voila le point de départ de la quête ou du road movie de Jean le narrateur.
A partir delà et de façon aléatoire il va croiser effectivement Michael Cimino mais aussi Isabelle Huppert ou encore un chef de rang très macronien. Il va déambuler dans Paris avec un dalmatien du nom de Sabbat. Ce dalmatien appartenant à un joueur de poker du nom de Tot. Il va aussi rencontrer une jeune femme Lena qui est conversatrice du Musée de la Chasse.
Entre obsession et addiction notre notre narrateur adore la vodka, les alcools à haute dose.
Il a aussi une addiction pour le film de Coppola : Apocalypse Now. le Dvd de ce film tournant en continu dans son petit appartement.
Ce road movie très cinématographique va tourner autour des 2 films importants de Michael Cimino et de celui de Coppola.
Pour Yannick Haenel c’est la quête de la vérité et du point indemne que l’on a près du coeur.
Seul un loser , vivant hors du monde sociétal est à même de traquer et de trouver cette vérité.
Cette vérité que l’on trouve dans le cerveau mystiquement alvéolé de Melville et sûrement dans celui de Cimino ou Coppola.
et puis dans ce roman foutraque il y a Proust dont le titre du roman est emprunté à l’un de ces livres , il y a le tableau du Cavalier de Rembrandt à la collection Frick à New york , il y a le retable d’Issenheim à Colmar devant lequel se déroule des obsèques irréelles.
Et puis il y a le cerf , celui que l’on trouve dans le film « Voyage au bout de l’Enfer ». D’ailleurs le titre du Film en anglais est The Deer ‘s Hunter – la chasse au cerf.
Ce cerf qui sera épargné à un moment du film et qui lui aussi Tiens ferme sa couronne ( ses bois)
Voilà , je suis resté au bord de ce livre , trop plein , trop vide.
La pensée de Yannick Haenel doit être elle aussi mystiquement alvéolé.
A premère vue , je n’ai pas su entrer dans les alvéoles et dans ce cas là il est de bon ton de dire : Tiens ferme le livre !

De chair et d’os de Dolores Redondo .Mercure noir 💛💛💛

De chair et d'os par Redondo

De chair et d’os est le deuxième volet d’un triptyque se passant dans la vallée de Baztan dans le Pays basque espagnol , en Navarre aux confins de la France.
Cette vallée de Baztan est le pretexte à 3 histoires policières .
De chair et d’os reprend les personnages du 1er tome le gardien invisible.
Amaia Salazar inspectrice à la police Forale de Navarre et en poste à Pampelune se voir chargée d’enquêter sur d’atroce crimes sexuels . Les victimes sont toutes des femmes. Les assassins sont des hommes qui se suicident suite à leurs actes et qui inscrivent invariablement le nom d’une figure mythologique du Pays Basque pour revendiquer leur acte.
En même temps dans les villages de la vallée de Baztan se déroulent des faits proches de la sorcellerie et des traditions enfouies au coeur de chaque famille de cette vallée
Bien évidemment ces deux situations vont se télescoper et vont entrainer Amaia Salazar dans une enquête où sa famille sera malmenée.
Le plaisir de lecture de ce livre est évident car nous sommes plongés au milieu des mythologies basques et dans la beauté naturelle de ces vallées basques.
Le suspens est bien tenu. Assez de fausses pistes ou de pistes justes énoncées en vu du troisième tome sûrement.
Juste ce qu’il faut d’ésotérisme et de surnaturel pour nous faire comprendre cette mythologie basque
Et puis ce livre est aussi le livre d’une famille au travers de plusieurs générations . Une famille vu au travers de ces femmes
C’est un regard original et juste pour nous dire les traditions.
Au delà de ce livre , il faut se rappeler qu’au bout de cette vallée à deux pas de la France il existe le village de Zugaramurdi qui ,il y a deux siècles était partie prenante de cette vallée de Baztan.
Ce village est connu pour ces sorcières qui au 17ème siecle se réunissait dans les grottes alentour
C’est aussi le lieu de la plus grande inquisition contre la sorcellerie . Plus de 60 femmes ont été brûlées au bucher . Tout autant sont mortes dans les prisons du royaume.
Un musée à Zugaramurdi relate cet épisode.
Cela donne une résonance à ce livre policier.

 

La belle n’a pas sommeil d’Eric Holder. Editions du Seuil 💛💛💛💛

La belle n'a pas sommeil par Holder

Voici un livre à la douce amertume mais aussi emprunt d’une élégante légèreté.
Si nous étions dans le monde cinématographique nous serions avec Jean Paul Rappeneau : situation insolite , personnages pétillants , moments de vie , joie et difficulté de la vie mais toujours avec justesse , mélancolie et légèreté.
Nous retrouvons tout cela dans La belle n’a pas sommeil d’Eric Holder.
Tout est insolite.
D’abord Antoine , la soixantaine , libraire bouquiniste ayant installé une cabane « librairie » à l’orée des bois aux confins du Médoc.
Il ne cherche pas à vendre des livres mais seulement à les faire vivre . Il a quelques clients qui passent lui en emprunter.
Pour vivre financièrement il pratique dans sa librairie cabane la réfection des livres pour une certaine Madame Wong. Celle ci le paye à coup de lance pierre !
Antoine vit une passion très mesurée avec la femme du boulanger du village.
Car au loin de la librairie cabane il y a un village , un hameau au milieu de ces landes et chablis du Médoc.
Dans ce village va venir s’installer Lorraine , jeune femme de 28 ans , conteuse professionnelle. Elle est venue dans cette terre bordelaise auprès de sa mère malade.
Il y aussi Jonas ,le laissé pour compte . Il y a aussi le garde champêtre et d’autres…
Lorraine est la belle qui n’a pas sommeil . du haut de ces 28 ans , de la beauté de son corps et de la profondeur de ses yeux bleus elle va faire chavirer la vie d’Antoine , mais pas seulement que de lui.
En tant que conteuse , elle hypnotise son public, enfants comme adultes.
C’est ce moment de vie, en quelques saisons , qu’Eric Holder va nous ciseler par une écriture légère et élégante.
Ecriture légère et élégante tant pour nous décrire les personnages et leurs passions , que pour nous décrire les landes,les chablis les arbres et les ciels océaniques.
C’est une écriture transpercée de lumière. Cette lumière qui jaillit de cette librairie cabane aux abords de la forêt.
Et cette lumière , cette élégance sont là pour nous dire un désir , un amour de la vie , des livres, de la littérature.
Une légèreté pour nous dire une relation , une émotion, des tressaillements amoureux entre la belle et Antoine.
Mais cette légèreté n’est pas dupe du temps qui passe et encore moins des désirs voraces de la belle qui n’a pas sommeil.
C’est un livre émouvant , pétillant sur la vie , les émois , les tressaillements de l’âme mais aussi sur la beauté de la nature et des saisons.
Un bien joli livre .

Exit le fantôme de Philip Roth. Gallimard💛💛💛

Exit le Fantôme par Roth

 

Première expérience de lecture d’un livre de Philip Roth. Suite à son décès j’ai lu et vu un certain nombre d’article présentant son oeuvre ainsi que les grandes obsessions de Philip Roth. J’ai vu tout particulièrement l’ interview qu’avait fait François Busnel dans le cadre de son émission spéciale de la Grande Librairie.
Le personnage anti conventiel ,pour le moins,de Philip Roth m’a interpellé.
J’ai donc fait le saut et par l’intermédiaire de ma médiathèque je me suis procuré Exit le fantôme .
Dans ce livre j’ai retrouvé toutes les grandes obsessions de Philip Roth , la belle New York , et les nettement moins beaux Républicains autour de George Bush entre le 11 Septembre 2001 et l’invasion de l’Irak en 2004 .
Le double de Philip Roth , Nathan Zuckerman, écrivain de son état, vit seul
retiré du monde dans le Massachussetts depuis 10 ans. Durant cette période il a du combattre et vaincre un cancer de la prostate .
C’est pour cette raison qu il revient momentanément sur New York afin de subir une opération qui devrait faire disparaître son incontinence.
Durant ce séjour New Yorkais, Nathan Zuckerman va faire des rencontres inattendues. D’abord une vieille dame Amy Belette, qu’il a connu dans sa jeunesse, Richard Kliman un jeune écrivain arriviste et puis surtout un jeune couple d’écrivains qui veulent échanger leur appartement new yorkais contre une maison perdue loin de tout.
Et Nathan Zuckerman va avoir un ultime coup de foudre pour Jamie la jeune femme du couple
A travers tous ces personnages vont se rencontrer, se percuter toutes les obsessions de Philip Roth:
La peur de vieillir, la virilité ,le désir , la femme, le sexe le besoin de s éloigner de tout et puis la judeite et encore l’Amérique des Républicains
C’est du Philip Roth pur jus. C’est sombre, désenchanté et écrit avec une simplicité qui démontre le talent de l’écriture.
Mais le côté sombre, la vieillesse est un naufrage et je me retire du monde me laisse une impression mitigée.
Ce pessimisme assumé et irradiant les hommes et le monde ne peut être qu’une vision parcellaire.
J’ai du mal à résumer l’homme à ce qu’il a entre les jambes ! Que ce soit son identité, oui ; que cela mène sa vie et le monde:non.

Mingus Mood de William Memlouk. Julliard 💛💛💛

Mingus Mood par Memlouk

    
Quelle belle surprise que ce livre de William Memlouk sur Charlie Mingus.
Il est sorti en 2011 et à l’époque c’etait le premier de William Memlouk.
Pour un premier roman il y a une belle écriture et il se dégage de ce livre une atmosphère, un état d’esprit bien jazzy et blues. 
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A travers des éléments autobiographiques et romanesques, William Memlouk nous transporte dans la vie de Charlie Mingus l’un des musiciens de jazz le plus important du 20ème siècle.
Ce roman porte bien son titre : Mingus Mood. Il s’agit bien d’ambiance et d’atmosphère.
Charlie Mingus, personnage entier , haut en couleurs , né dans le ghetto de Watts et devenu un pianiste et contrebassiste de légende.
William Memlouk va s’appuyer sur l’un des moments clés de la vie de Charlie Mingus : le voyage qu’il a fait à Tijuana au Mexique avec ces musiciens pour enregistrer l’un de ces disques fondateurs :Tijuana Moods.
Pour nous parler de ce moment capital, un journaliste va rencontrer en 1981 l’un des musiciens de Charlie Mingus présent à Tijuana.
Au travers de cet interview nous comprendrons ce qu’est le Mingus Mood : un combat contre les blancs et pour la négritude , une exigence musicale mais un toucher de velours sur les cordes de la contrebasse.
Et cette exigence existentielle qui le fait quitter les États Unis pour se rendre à Tijuana .
Tijuana où il apprendra qu’il est atteint d’une maladie dégénérative mais où il créera des morceaux de jazz mélangeant les sonorités blues, blacks et latines.
Avec ce livre nous sommes dans le creuset du jazz, au plus près des plus grands dans les clubs de Greenwich Village.


Ce Mood et ce blues sont l’apanage de la vie de Charlie Mingus .
Et quand on referme le livre il est temps de se plonger dans l’écoute de Tijuana Moods et de sentir la volupté des sons de la contrebasse de Charlie Mingus        

Le suspendu de Conakry de Jean Christophe Rufin. Flammarion 💛💛💛💛

Le suspendu de Conakry par Rufin

Quel plaisir de se plonger dans un nouveau livre de Jean Christophe Rufin!
Et c’est un plaisir parce que l’oeuvre de Jean Christophe Rufin est multiple.
Historique avec le tour du monde du roi Zibeline ou le grand Coeur , politique et d’actualité avec Check Point ou Katiba , d’anticipation avec Globalia ou encore mondialiste avec Rouge Brésille parfum d’Adam ou encore Les Causes perdues.
Jean Christophe Rufin s’est aussi essayé à L’Immortelle randonnée vers Compostelle.
Et le voilà maintenant qu’il se lance dans le policier à l’ancienne.
Un consul de France dénommé Aurel Timescu est en poste à Conakry en Guinée
Consul atypique à tout point de vue : D’origine roumaine , naturalisé français du temps de Ceaucescu , il vit son métier de consul plutôt dans les placards que de l’ambassade.
Il est porté sur la dive bouteille et plus particulièrement sur le vin blanc et encore plus précisément sur le Tokay . Il est ancien pianiste de bar ou de bordel et porte une admiration à Mozart.
La dégaine d’Aurel Timescu est à l’égal de ses passions oenologiques et musicales.
Dans ce pays tropical qu’est la Guinée , quoi de plus naturel que de s’habiller de chemises à longues manches et d’un vieux pardessus élimé , bien fermé par chaque bouton.
Et pour parfaire cette dégaine une paire de lunettes de glacier, style Yves Montand dans le film l’Aveu.
Voila présenté Aurel , héros de ce polar .
Placardisé à l’ambassade Aurel se sent des affinités avec Colombo ou Maigret dès qu’un meurtre pointe le bout de son nez à Conakry.
Et voilà que Jacques Mayères ressortissant français est retrouvé suspendu au sommet du mât de son voilier « Le Tlemcen » dans la marina.
C’est l’occasion pour Jean Christophe Rufin de nous emmener dans les dédales de l’ambassade, de l’expatriation, des douanes et de la diplomatie.
Mai aussi dans les dédales de Conakry et de cette Afrique de l’Ouest.
Cela donne un excellent moment de lecture où l’on se met à aimer cet improbable Consul de France.
Ce roman ne restera pas comme le plus grand livre de Jean Christophe Rufin mais savoir que le Consul Aurel Timescu va sévir dans de nouvelles aventures n’est pas pour me déplaire. Bien au contraire.
Santé à lui !
Evidemment sur une terrasse , en fin de journée sur le port de Conakry , un verre de Tokay bien frais au lèvres.

L’infini patience des oiseaux de David Malouf. Albin Michel 💛💛💛💛

L'infinie patience des oiseaux par Malouf

Comment parler de ce livre qui m’a émotionnellement bouleversé ?
D’abord en disant que le livre de David Malouf , L’infinie patience des oiseaux m’attendait dans une librairie.
Une petite étiquette sur sa couverture . le libraire me dit tout le bien qu’il pense de ce roman , de la poésie ,de l’humanité de l’écriture de David Malouf.
Ce livre écrit il y a plus de 30 ans par l’écrivain australien et qui n ‘avait jamais été traduit.
Va pour ce roman.
Le temps de lire la quatrième de couverture et c’est la surprise !
Ce livre écrit par un auteur australien , qui parle des oiseaux , de la première guerre mondiale et ce passe en grande partie à Armentières.
Armentières est une ville du Nord de la France , dans les Flandres et située sur la frontière belge.
C’est dans cette ville que je suis né et où j’ai passé mon enfance et mon adolescence dans les années 1960.
Cette ville qui a été traumatisée par les guerres 14/18 et 39/45.
Toute mon enfance j’ai vécu avec ce souvenir des guerres et plus particulièrement celle de 14/18 avec les récits de mon grand père et de ces frères.
J’ai retrouvé dans les descriptions des Flandres ,par David Malouf ,une partie de mon enfance et adolescence.
Cette terre des Flandres si plate mais hérissée à perte de vue , de mausolées, de cimetières militaires et de monuments funéraires.
Armentières , base arrière pour les combattants britanniques et australiens qui rejoignaient les tranchées et boyaux de Messines, Ypres ou Dixmude situés à quelques kilomètres.
Jim Saddler , Jeune australien va venir combattre dans ces tranchées des Flandres. Cette guerre il va la passer entre la base arrière d’Armentières ( The Nursery pour les britanniques ) et ces tranchées du plat pays des Flandres.
Et dans les descriptions de David Malouf , j’ai retrouvé les lieux de mon enfance et une émotion profonde pour ces lieux.
Ce sont ces lieux qu’il nomme, que lors de mon adolescence j’ai parcouru à vélo : Bizet – Ploegsteert – Houplines – Messines – Ypres.
Ces lieux et cette terre marquée à jamais par l’horreur des guerres.
Jim Saddler va vivre cette horreur , de tranchée en tranchée de Hyde Park Corner à Marwood Cope.
Hyde Park Corner devenu un cimetière militaire où reposent 12 000 soldats britanniques ou australiens.
Durant mon adolescence , je suis passé de nombreuses fois à vélo sur la route qui borde Hyde Park Corner. Ces routes de bétons ou de pavés qui
sinuent jusqu’aux Monts des Flandres et qui rappellent à jamais cette vie de tranchées.
J’ai l’occasion de retourner régulièrement dans mes Flandres natales. Je reprendrais depuis Armentières l’allée des Fous ( le 104 pour les Armentièrois) je traverserais la frontière puis le Ploegsteert, et un peu plus loin sur la route de Messines et d’Ypres , sur la droite ,s’élèvera Hyde Park Corner. Je m y arrêterais et je passerais du temps avec Jim et Ashley, ainsi qu’avec tous les combattants de ces horribles guerres.
Je repenserais au vieux monsieur du roman de David Malouf , qui sur un bout de terre dévastée dépose les semailles d’hiver
Je repenserais aussi à Jim qui au même endroit « creuse la terre pour ressortir de l’autre côté »
et je relirais ce passage du livre de David Malouf :
« C’était octobre déjà. Une nuit où il ne dormait pas, dans le vieux cimetière où on leur avait fait installer le bivouac, juste à la sortie d’Ypres, il vit de grands vols d’oiseaux en route vers le sud, découpés dans la lune . Des oies cendrées. Il entendit leurs cris là haut, très haut, tandis qu’elles progressaient rapidement en nettes formations triangulaires sur leur trajectoire ancestrale. Quand il s’endormit, elles passaient encore, et lorsqu’il se réveilla, les premières pluies d’automne étaient là. le sol, avec ses pierres tombales renversées, était tout détrempé et les hommes, couchés parmi elle ou déjà debout et se préparant à lever le camp, étaient couverts de l’épaisse boue des Flandres qui s’étendait maintenant à perte de vue et emplissait entièrement le paysage. »
De ce roman je retiens aussi la phrase d’Imogen Harcourt , photographe de son état. « Voila ce que signifiait la vie, une présence unique, et elle était essentielle en toute créature….. Une vie n’était pas faite pour quelque chose. Elle était simplement. »
Cette phrase est l’essence même du livre de David Malouf.
Ashley Crowther revient en Australie pour s’occuper de la propriété héritée de son père. il va découvrir un paysage magnifique et magnifié par les oiseaux. Ces oiseaux que connait et aime Jim.
Ashley va faire de Jim le « conservateur » des paysages de sa propriété
L’Europe rentre en guerre. Les Îles britanniques aussi.
Bien que l’Europe soit loin , ce conflit n’épargnera pas Jim et Ashley qui partiront pour l’ Europe et plus précisément pour le Nord de la France et les Flandres.
La guerre dans toutes ces turpitudes mais « Une vie n’était pas faite pour quelque chose. Elle était simplement. »
Et c’est cette simplicité que David Malouf décrit avec humanité , poésie.
Cette vie qui est simplement mais qui inonde , qui tressaille dans chaque page du roman.
Cette vie que Jim et Ashley aime retrouver dans la nature , dans la diversité des oiseaux et dans leur long périple d’oiseaux migrateurs.
« Voila ce que signifiait la vie, une présence unique, et elle était essentielle en toute créature.
Quel grand roman !