Archives pour la catégorie Autobiographie

La Joie ennemie de Kaouther Adimi. Stock 🟩🟩🟩🟩◼️

La Joie ennemie

Kaouther Adimi

Stock

978-2-23408-647-0 Août 2025

256 pages

Dans le cadre de la collection Ma nuit au musée proposée par Stock, Kaouther Adimi a choisi de passer une nuit à l’Institut du Monde Arabe à la veille de l’ouverture d’une exposition sur la peintre algérienne Baya (1931-1998).

Cette proposition de passer une nuit dans un musée avait déjà été faite à Khaouter Adimi en 2018, mais les émotions avaient été tellement fortes qu’elle n’avait pu réaliser cette nuit au musée.

Ces émotions fortes étaient en relation avec l’Algérie, les couleurs et ces souvenirs d’enfance à Alger liés à la période noire du GIA entre 1990 et 2000.

L’Algérie est bien évidemment le point commun entre Baya et Khaouter Adimi. Et le point central est la rencontre que Khouater Adimi a faite des toiles de Baya en 1994 au musée des Beaux-Arts d’Alger. Khaouter Adimi à 8 ans. Elle est née en Algérie puis à 4 ans elle est partie vivre avec sa famille à Grenoble. Son père, journaliste, militaire par obligation financière, travaillait sur une thèse en France. Au vu des événements en Algérie, il préférera aux risques et périls de sa famille revenir en Algérie.

Dans cette nuit au musée, l’autrice nous parle de sa jeunesse faite de violence, de terrorisme et de la vie de Baya dans les années 1930.

La part belle est donnée à l’introspection de l’auteur par rapport à la vie de Baya. Cela peut être une limite à cet ouvrage. Mais comment ne pas être touché et ému par les souvenirs, les émotions d’une toute jeune fille, qui fait devoir de mémoire et de transmission.

L’art brut, naïf de Baya ainsi que les couleurs de ses tableaux faisant office de pont entre les époques et dessinant un espoir tenu.

Kaouther Adimi est la fille d’un père militaire et d’une mère ayant rédigé des articles de politique internationale. Elle naît à Alger, où elle vit jusqu’à l’âge de quatre ans, avant que sa famille ne s’établisse à Grenoble pour quatre ans. Durant cette période elle découvre le plaisir de la lecture avec son père, qui l’emmène chaque semaine à la bibliothèque municipale.

En 1994, elle rentre en Algérie, qui vit alors sous l’emprise du terrorisme. N’ayant que très peu d’occasions de lire, elle commence à écrire ses propres histoires. Alors qu’elle étudie à l’université d’Alger, elle voit une affiche de l’Institut français qui organise un concours de jeunes écrivains à Muret, en Haute-Garonne. Par deux fois, les nouvelles qu’elle soumet à l’attention du jury reçoivent le Prix du jeune écrivain francophone (Le chuchotement des Anges en 2006 et Pied de vierge en 2008). Grâce à ce concours, elle est invitée à Muret, à Toulouse, puis à Paris, où elle rencontre les Éditions Barzakh.

En 2008, elle reçoit le Premier Prix du Festival international de la littérature et du livre de jeunesse d’Alger pour Sur la tête du Bon Dieu.

Elle est diplômée en lettres modernes et en management des ressources humaines.

Le livre de Kells de Sorj Chalandon. Grasset. 🟩🟩🟩🟩🟩

Le livre de Kells

Sorj Chalandon

Grasset

ISBN : 978-2-24684-321-4 Août 2025

384 pages

L’exergue du dernier roman l’enragé de Sorj Chalandon est un extrait de L’Enfant de Jules Vallès. Ce même extrait est repris dans son nouveau roman le Livre de Kells.

« À tous ceux qui crevèrent d’ennui au collège

ou

Qu’on fit pleurer dans la famille.

qui, pendant leur enfance,

furent tyrannisés par leurs maîtres

ou rossés par leurs parents. »

Dans l’enragé Sorj Chalandon racontait l’histoire d’un jeune garçon envoyé au bagne pour enfants de Belle-Île-en-Mer dans les années 30, suite à quelques larçins. laissé pour compte par sa famille, l’enragé allait se construire au soleil de la violence, de l’injustice mais aussi de la fraternité et de la solidarité.

Cette fois-ci, Sorj Chalandon se dévoile encore plus, en nous livrant un roman autobiographique. Il nous prévient néanmoins : « J’y ai changé des patronymes, quelques faits, parfois bousculé une temporalité trop personnelle, pour en faire un roman. La vérité vraie, protégée par une fiction appropriée. »

Nous avions déjà approché la vérité vraie dans Profession du père. Un roman où Sorj Chalandon nous parlait de la mythomanie de son père mais aussi de sa violence et de ses penchants politiques extrêmement droitiers. Avec le Livre de Kells, le père devient l’Autre. Pas un brin d’affection. Que le rejet de l’Autre. le Minotaure, le raciste, l’antisémite.

À 17 ans, Sorj Chalandon s’enfuit de Lyon et de la cellule familiale pour éviter d’être dévoré par l’Autre. Il prend le nom de Kells, en référence à un Évangéliaire irlandais du 9ᵉ siècle. Ayant obtenu son émancipation, il part sur les routes de la Camargue à Paris. Un objectif en tête : rejoindre Ibiza, puis Katmandou. Nous sommes en 1970.

Il n’en sera rien de ces rêves post-hippies et Flower Power. Ce sera la rue et sa dureté pendant un an à Paris. L’envie de revenir à Lyon et l’orgueil qui dit non.

Et puis au bout d’un an, la rencontre de Marc, métallo-ajusteur, militant maoïïste, vendeur à la criée du journal La Cause du peuple. Kells se met à vendre aussi La Cause du Peuple et découvre une solidarité et une famille de rechange.

Il découvre aussi la lutte politique, engagée, violente au sein de la Gauche Prolétarienne. Il découvre aussi la culture, la lecture et un peu d’humanité.

C’est ce parcours que nous raconte Sorj Chalandon sans en oublier les vicissitudes, les renoncements, les petites victoires et les grands doutes.

La plume de Sorj Chalandon est toujours merveilleuse, pétrie d’humanité, de proximité, d’humilité. Kells, le garçon de la rue, s’est intégré dans une époque politique violente dans laquelle il a été confronté à la mort de Pierre Overnay, militant et ouvrier chez Renault, assassiné par un nervi du patronat. Il a aussi été confronté aux ratonnades, à l’explosion de l’immigration, au terrorisme de Septembre Noir. Une jeunesse de révolte et de prise de conscience. Prise de conscience politique et sociale. Que faire de la lutte armée ? est-ce une fin en soi.

Le Livre de Kells est un roman labyrinthe qui nous remet face à notre jeunesse, nos engagements, nos doutes, nos valeurs. Comment faire perdurer nos engagements avec le temps. Comment les transformer sans les trahir.

Kells est devenu Sorj Chalandon, journaliste-reporter-écrivain.

Kells enfant des rues, luttant pour sa survie souvent par la violence, a réussi à se réconcilier avec l’humanité.

Cette humanité qui est la vertu cardinale de Sorj Chalandon.

Sorj Chalandon naît le 16 mai 1952 à Tunis. Son prénom de naissance est Georges ; il fait plus tard des démarches pour le modifier à l’état-civil en Sorj, qui correspond à la manière dont l’appelait sa grand-mère.

Son enfance est marquée par la violence et la mythomanie de son père, qu’il décrit dans son roman Profession du père. Il souffre alors de bégaiement, ce qui lui inspire son premier roman, Le Petit Bonzi.

Bien que la majorité soit alors à 21 ans, il obtient son émancipation à 17 ans et quitte sa famille

En 1973, il entre par la petite porte au quotidien Libération, au moment de sa création, et y restera journaliste salarié jusqu’en février 2007. Alors infirmier dans un hôpital psychiatrique, Sorj Chalandon y est tout d’abord monteur, puis a couvert, en 1974, en tant que dessinateur de presse, le premier procès de Pierre Goldman, qui devient son ami fidèle et le rejoint en 1976 à la rédaction de Libération.

Devenu rapidement grand reporter, Sorj Chalandon est en 1982 le premier journaliste occidental, selon Libération, à rendre compte du massacre de Hama, en Syrie, sous pseudonyme. En 1986, il témoigne du succès populaire du chanteur Jean-Jacques Goldman. Egalement chroniqueur judiciaire, puis rédacteur en chef adjoint de ce quotidien, il est l’auteur de reportages sur l’Irlande du Nord et sur le procès de Klaus Barbie qui lui ont valu le prix Albert-Londres en 1988

Entre 2007 et 2009, Sorj Chalandon devient formateur régulier au Centre de formation des journalistes à Paris

En août 2009, Sorj Chalandon est embauché comme journaliste au Canard enchaîné, en charge de la rubrique « La Boîte aux images » et critique de cinéma.

L’entroubli de Thibault Daelman. Le tripode. 🟩🟩🟩🟩🟩

L’entroubli

Thibault Daelman

Le Tripode

ISBN : 978 -2- 37055 – 464 – 2 Aôut 2025

296 pages

Dans un quartier populaire de Paris ou de sa très proche banlieue, vit une famille un peu
beaucoup dysfonctionnelle. Une mère dépassée et excessive, un père alcoolique élèvent cinq
garçons. Chez l’un des enfants s’impose la nécessité d’écrire afin de garder en mémoire cette
enfance et de ne pas s’oublier à demi, peu à peu : l’entroubli.
L’histoire est touchante et authentique. L’histoire d’une famille pauvre, populaire et de leur
quotidien.
Rien de larmoyant. La mère porte cette cellule à bout de bras. Chacun est aimé et aime à sa
façon. Et les événements d’une vie de famille : la maladie du père, l’école, la fratrie. Une famille
complexe, dysfonctionnelle dont Thibault Daelman éclabousse de son style, de son écriture. Un
style fluide, lucide et grâcieux. Un grand talent d’écriture, avec une sensibilité à fleur de peau.
Le choix des mots et des associations donne rythme et musicalité au texte. le texte semble
doux alors que ce texte parle de douleurs, de souffrance, de mémoire.
Le roman courre jusqu’à la majorité du narrateur. On n’a commencé le roman à un moment
anodin de la vie de cette famille, on le quitte de façon aussi simple. le temps et la vie qui
coulent.
« Ecrire pour me réunir, me dissoudre, simultanément.« Des mots pour raconter, des mots pour
les ressentis, les émotions, les souffrances et les silences. Des mots pour que l’entroubli
ne s’efface pas.

Livre lu dans le cadre du Prix de la Librairie Au bord du jour à Voiron – 38. ( Jury)

Enseignant à la Sorbonne, Thibault Daelman donne des ateliers d’écriture créative. L’Entroubli est son premier roman, sur lequel il travaille depuis une dizaine d’années.  

La maison du magicien d’Emanuele Trévi. Philippe Rey. 🟩🟩🟩◼️◼️

La maison du magicien

Emanuele Trévi

Traduction : Nathalie Bauer

ISBN : 978-2-38482-207-2 Janvier 2025

218 pages.

La maison du magicien d’Emanuele Trevi explore la relation père-fils. le père Mario Trévi était un psychanalyste connu de Rome adepte de Jung. le narrateur, le fils ou encore Emanuele Trévi s’installe dans l’appartement de son père à la mort de celui-ci ; appartement dans lequel il recevait ses patients.

En intriquant autobiographie et fiction, Emanuele Trevi dessine la figure tutélaire du père. Dans cet appartement où flotte l’âme des patients, le père, Mario Trévi, devient guérisseur et magicien.

Des cahiers de notes, des galets polis, un exemplaire de la Métamorphose de l’âme et ses symboles de Jung et un exemplaire du Yi-King vont mener Emanuele Trévi sur les traces et mystères de « l’arrière-boutique » intérieure de son père.

C’est une lecture surprenante balançant entre souvenirs familiaux et approfondissement de l’oeuvre de Jung. Surprenant aussi les présences étonnantes de femmes aux doux noms de : La Dégénérée, La Visiteuse, La Chattemite.

On peut avoir du mal avec les passages portant sur l’analyse psychanalytique de Jung.

Cette réserve posée, le roman d’Emanuele Trévi teinté de nostalgie et d’humour est agréable à lire et pose la question : Qu’est-ce que la maison du magicien ? Conscience, inconscient, arrière-boutique ?

On en revient à Jung !

Né à Rome en 1964, Emanuele Trevi est essayiste, romancier et critique littéraire. Il collabore au Manifesto et au Corriere della Sera. Il a été finaliste du prix Strega 2012 avec Quelque chose d’écrit (Actes Sud, 2013).

Le Château des Rentiers d’Agnès Desarthe. Editions de l’Olivier. 💛💛💛

Le Château des Rentiers

Agnès Desarthe

Les Editions de l’Olivier

215 pages

ISBN : 978-2-8236-1951-5

Août 2023

Qu’est ce qu’un phalanstère ? un phalanstère est un regroupement organique des éléments considérés nécessaires à la vie harmonieuse d’une communauté appelée phalange. le concept fut élaboré par Charles Fourier au 19ème siècle.
Pour quelle raison commencer ce billet par cette définition ?
Tout simplement car l’autrice parle de phalanstère pour ce rappeler que ces grands parents et d’autres personnes vivaient dans le même immeuble et avait inventé une vie en communauté. Phalanstère plutôt que vie en communauté ? le choix des mots a son importance pour Agnès Desarthe.
Cette importance des mots est parfois envahissante et enferme l’émotion.
Emotion au sein de ce livre dans lequel l’autrice télescope le présent, le passé et l’avenir autour de la notion du vieillissement, de la mémoire, de la vie.
Le Château des Rentiers est un livre déstructuré ou les souvenirs , les âges se mélangent avec humour et assez de légèreté.
Par des chapitres très courts Agnès Desarthe va aborder une multitude de thèmes. Parfois avec bonheur, plus souvent dans la complexité peu comprise.
Je reste donc sur une impression dubitative malgré une écriture ciselée et des questionnements existentiels.
« Quand on est vivant, c’est pour la première et la dernière fois. Je ne cesse de m’en étonner, de trouver cela effrayant et merveilleux « .


Agnès Desarthe, née Agnès Naouri le 3 mai 1966 à Paris, est une écrivaine française, auteure de livres pour adultes et pour enfants, et traductrice. Elle est l’auteure de deux pièces de théâtre7 (Les Chevaliers, mise en scène par Gilles Cohen au théâtre du Rond-Point en 2005 et Le Kit, qui n’a pas été encore montée) ainsi que de plusieurs chansons.

L’Echiquier de Jean Philippe Toussaint. Les Editions de Minuit. 💛💛💛

Quatrième de couverture : Je voudrais que ce livre soit l’échiquier de ma mémoire.
Le livre : 64 chapitres comme les 64 cases de l’échiquier.
Sur l’échiquier un pion atypique : le cavalier. Celui ne se déplace pas en ligne droite. Il navigue sur l’échiquier et ne repasse jamais sur la même case. Il visite donc les 64 cases de l’échiquier.
La case 1 ou premier chapitre de Jean Philippe Toussaint est très court , une phrase : « j’attendais la vieillesse, j’ai eu le confinement « 
Nous sommes en 2020 à Bruxelles au début du printemps, le premier confinement a été mis en place depuis peu.
Jean Philippe Toussaint va profiter de cette période pour mettre en place une triple activité : la traduction de la nouvelle de Stefan Zweig « l’échiquier« , l’écriture d’un essai sur la traduction et enfin la mise en place d’un texte en 64 chapitres.
Rapidement il ne restera qu’une double activité. Jean Philippe Toussaint laissant tomber l’essai sur la traduction.
Ce livre tient du journal et de l’autobiographie.
Tout cela donne un livre fin et intelligent qui nous parle de littérature, de création et surtout des échecs.
L’émotion vient nous cueillir à la fin du livre, une sorte d’échec et mat.


Jean-Philippe Toussaint, né le 29 novembre 1957 à Bruxelles, est un écrivain et réalisateur belge de langue française. Fils d’Yvon Toussaint, journaliste au Soir, et de Monique Toussaint, fondatrice de la librairie Chapitre XII à Bruxelles, et frère de la productrice de cinéma Anne-Dominique Toussaint, Jean-Philippe Toussaint est diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris (1978) et titulaire d’un DEA d’histoire contemporaine. Dans sa jeunesse, il a été champion du monde junior de scrabble1. Jean-Philippe Toussaint est l’auteur de romans qui se caractérisent par un style et un récit minimalistes, dans lesquels les personnages et les choses n’ont d’autre signification qu’eux-mêmes

Secrets d’écriture !

Comme nous existons de Koutar Harchi. Actes Sud. 💛💛💛💛D

Comme nous existons par Harchi

Comme nous existons est un récit autobiographique qui retrace le cheminement intellectuel et politique de l’auteure Kaoutar Harchi.
Celle-ci est née en 1987 dans l’Est de la France. Elle est une enfant de l’immigration.
Ses parents Hania et Mohamed, Marocain, sont venus s’installer dans la ville de S dans l’Est de la France.
Par ce récit, Kaoutar Harchi nous plonge dans la réalité de son enfance, de sa jeunesse au sein de cette famille à la double appartenance marocaine et française.
Le parcours personnel de cette famille nous montre la violence sociale et politique mais aussi la réalité de ces familles déchirées entre deux cultures.
C’est un récit nécessaire, vital.
Il faut savoir lire et entendre les mots postcolonial, race blanche.
Il faut entendre et comprendre cette filiation entre Hania-Mohamed et Kaoutar. Hania et Mohamed donnent tout pour Kaoutar jusqu’à l’inscrire dans une école catholique afin de la soustraire au danger. Cette école, dont un professeur la traitera de  » m’a petite arabe « 
Pour l’auteure c’est un monde de rapport de classe de race qui marque les existences. Dans cette difficulté à trouver une place qui respecte sa culture et ce pays d’adoption, elle n’oubliera jamais ses parents.
Les dernières lignes de ce récit :
« Ce jour là une photographie aurait dû être prise qui aurait exprimé, à elle seule, bien plus que tout ce que j’écris ici en toute sincérité. Vous me verriez alors debout sur le pas-de-porte de l’appartement parental, un sac sur le dos, une valise neuve à la main. Et vous verriez Hania, se tenant sur le seuil de sa cuisine, légèrement penchée vers l’avant, les mains plongées dans son tablier, et Mohamed, sur le seuil de son salon, les mains dans le dos, très droit, la tête haute. Je le redis: une photographie aurait dû être prise pour fixer, ne jamais perdre cette scène de notre existence. Ce tableau. « 
Et puis cette langue littéraire que nous donne Kaoutar Harchi. Un plaisir de lecture.
En cette période de  » zemmourisation des esprits  » ce livre est salutaire.

Kaoutar Harchi, Auteur à BALLAST

Kaoutar Harchi, née en 1987 à Strasbourg, est une écrivaine et sociologue de la littérature française.

À 22 ans, elle publie son premier roman Zone cinglée chez Sarbacane. Elle publie ensuite deux autres romans, L’ampleur du saccage en 2011 et À l’origine notre père obscur en 2014 chez Actes Sud. En 2021, elle publie Comme nous existons chez Actes Sud.

Extrait de Comme nous existons de Kaoutrar Harchi

Des voitures de police stationnées en contrebas. D’autres patrouillaient. Des garçons courant à toutes jambes,criant. Des mères aux fenêtres, le corps en avant, offert au vide, qui crient, elles aussi, des paroles incompréhensibles. De cette fin du mois d’octobre 2005, voici dont je me souviens encore : à l’Elsau, une agitation inhabituelle, troublante. Un désordre immense. et cet air. L’air était d’une lourdeur. Ca bruissait, partout, de voix hagardes. Et la nuit et son lot de frayeurs . Nous étions tous et toutes des silhouettes marchant à pas vifs sur les chemins caillouteux menant à nos maisons. La douleur était là, elle affluait et refluait. Mais personne n’a su, de loin, la reconnaitre. Personne n’a su, ni n’a voulu, au vrai, comprendre que quelque chose, et c’était l’histoire, recommençait.

Et de rejoindre Hania et Mohamed.

Ils se trouvaient dans le salon, assis l’un à côté de l’autre sur le canapé, courbés vers l’avant, les coudes appuyés sur les genoux, les mains jointes soutenant leur tête, les yeux rivés au poste de télévision. Sans qu’ils m’adressent la parole, ils se serrèrent et me firent une place à leurs côtés. Je nous revois, tous trois, ainsi, immobiles, suspendus à cette voix hors champ qui relatait, encore et encore, de plans en travellings, selon les informations alors connues, et d’un ton monocorde, le cours des événements…..

….Comprendre, oui, qu’au Chêne Pointu, durant ces vacances d’automne, en ce mois sacré du ramadan, ils avaient couru, Zyed Benna et Bouna Traoré, à travers un terrain municipal à l’abandon, cherchant à fuir la police – c’est toujours la police -, et ils étaient morts.

Et puis de partout, du fond du grand monde, la tristesse est née, et la tristesse est venue. Ce fut comme une vague épaisse qui est montée, toute cette tristesse qui nous a pris, Hania, Mohamed et moi et combien d’autres millions de famille ? Ainsi, nous avons compris que tout, maintenant, le quotidien, la vie, l’avenir irait sans eux, sans ces deux enfants.

La vague de tristesse, aujourd’hui encore, ne s’est pas retirée, n’a guère emporté, et n’emportera jamais avec elle, l’incompréhension, la colère. C’est une vague, une lame de fond, un raz de marée que nombre d’entre nous ont affronté. C’est former une communauté d’expérience. Et toute personne qui fut écrasée par cette affliction appartient à cette communauté. Et tel un oubli impossible, l’oubli refusé, nous parlons de Zyed Benna et de BounaTraoré.

Le lendemain matin, après que nous eûmes fini de prier, j’ignore qui, de Hania ou de moi, dit : maintenant il faut y aller – qui eut, oui, cette impulsion miraculeuse, politique. Et de nous lever, de revêtir d’un mouvement rapide nos vestes, et de sortir.

L’arabe du futur. Tome 4. Riad Sattouf. Allary Editions. 💛💛💛💛

L'Arabe du futur, tome 4 par Sattouf

L’arabe du futur est une bande dessiné ou un roman graphique autobiographique de Riad Sattouf. Il est composé de six tomes qui couvre l’enfance et la jeunesse de l’auteur.
Le Tome 4 couvre la période 1987 /1992
Riad a entre 10 et 14 ans.
Le père de Riad a accepté un poste en Arabie Saoudite. La mère de Riad a refusé de le suivre et avec ces 3 enfants, elle revient s’installer en Bretagne, dans sa famille.
C’est toujours avec un égal plaisir que l’on suit l’enfance et l’adolescence de Riad.
De petit blond Riad devient un peu plus châtain. L’enfance et l’insouciance laisse place à l’adolescence à venir.
Rias Sattouf par petites touches amène ce changement.
Des changements paraissant anodins mais entrainant de fortes conséquences que ce soit sur son père sa mère ou Riad.
A travers ce Tome 4 , Riad Sattouf débobine le fil d’une histoire commencé 10 ans avant et qui prend des tours plus dramatiques.
L’Arabe du futur a pris un coup dans l’aile. La multiculture franco-syrienne aussi.
Le propos est sombre. Il s’agit bien du coup d’Etat fomenté par le père.
A suivre…

L’arabe du futur. Tome 3. Riad Sattouf. Allary Editions. 💛💛💛💛

L'Arabe du Futur, tome 3 par Sattouf

L’arabe du futur est une bande dessiné ou un roman graphique autobiographique de Riad Sattouf. Il est composé de six tomes qui couvre l’enfance et la jeunesse de l’auteur.
Le troisième tome couvre la période 1985 /1987.
Riad a entre 7 et 9 ans. Il vit en Syrie avec quelques retours en Bretagne.
Le village ne change pas. Les maisons sont toujours fissurées. Les méthodes d’éducation restent violentes. L’école a un portail sans clôture et les toilettes n’existent pas.
La Maman de Riad supporte de plus en plus mal les conditions de vie et surtout l’attitude de son mari.
Riad prend conscience que ses parents s’éloignent l’un de l’autre.
Quand il est avec ses cousins, ceci de plus en plus souvent font leurs prières , tournés ver La Mecque.
Son père rencontre un personnage haut placé de Syrie, rêve de l’Arabie Saoudite , de la Mecque. Il fait le ramadan.
Riad prend conscience peu à peu de la réalité de la Syrie, de la main mise de la religion, de la corruption et donc du grand changement de son père.
Mais Riad est toujours un enfant qui croit au Père Noel, à la petite souris.
La Maman de Riad est enceinte d’un troisième enfant. Direction la Bretagne.
Pour Riad c’est un temps magnifique avec ces grands parents et la découverte d’une école différente.
Jusque à la naissance de Fadi et le retour trois mois plus tard en Syrie.
et une demande de la Maman : quitter définitivement la Syrie.
Le Papa est d’accord. Il vient d’obtenir un poste en Arabie Saoudite.
Troisième Tome plus noir, malgré l’insouciance de Riad.
Riad Sattouf rend bien ses changements. On croît encore au Père Noel mais le rideau de la petite enfance se déchire peu à peu.
A suivre …

L’arabe du futur. Tome 2. Riad Sattouf. Allary Editions. 💛💛💛💛

L'Arabe du futur, tome 2 par Sattouf

L’arabe du futur est une bande dessiné ou un roman graphique autobiographique de Riad Sattouf. Il est composé de six tomes qui couvre l’enfance et la jeunesse de l’auteur.
Le tome 2 couvre la période 1984- 1985
Riad à 6 ans, il vit avec Papa, Maman et son petit frère Yahya près de Homs en Syrie.
Riad Sattouf reste fidèle à son partage des couleurs pour représenter les divers pays. Il rajoute néanmoins le rouge pour la fiction.
Il va aussi amener un élément différenciant : le cartable de Riad qui sera vert.
Ce deuxième tome installe durablement la famille de Riad dans la Syrie de Hafez El Assad.
Bien que le tome 2 ne dure que deux ans, les thèmes abordés (école- famille- traditions -lien au pouvoir ) fondent le  » durablement » de la famille de Riad en Syrie.
Riad Sattouf conserve la même graphie, la même rondeur dans le dessin. Apparaît une violence plus forte mais toujours vue par le regard de Riad.
Et donc toujours une touche d’innocence et d’inconscience dans le regard de Riad qui a entre 6 et 7 ans..
Tout est dessiné à travers ces souvenirs.
En premier lieu les souvenirs liés à l’école. Première expérience au coeur de la société syrienne. Comme lui a dit son père, afin d’être un arabe du futur, Riad se doit d’être le meilleur et il s’y attache.
Cela lui évite les coups de règles récurrents sur les doigts que subissent ces copains.
Par contre il n’échappe pas à l’hymne national ni à la première sourate du Coran a apprendre par coeur. Une maitresse gant de velours dans une main de fer.
Il y a aussi la débrouille pour obtenir machine à laver, magnétoscope. Marché noir, un peu de corruption et voilà.
et puis il y a l’évolution du Papa. Espérant toujours une meilleure place sociale mais se radicalisant peu à peu au contact de sa mère ou du monde musulman.
Riad reste encore imperméable à tout cela et son père reste un personnage nimbé de grandeur mais qu’il oublie facilement lors de ces séjours en Bretagne.
A suivre…