Archives pour la catégorie roman étranger

En bas dans la vallée de Paolo Cognetti. Stock. 🟩🟩🟩🟩◼️

En bas dans la vallée

Paolo Cognetti

Traduction : Anita Rochedy

Stock – la cosmopolite

ISBN : 978-2-234-09692-9 Mai 2024

143 pages

Le dernier roman de Paolo Cognetti reprend les thèmes fétiches de l’auteur : , la montagne, le val d’Aoste, la nature, la fratrie et les difficultés de vivre dans ces lieux alpins avec des hommes et des femmes un peu cabossés par cet environnement.
En bas dans la vallée se situe dans une vallée du Val d’Aoste : Valsésia. Les deux romans précédents de Paolo Cognetti ( Les huit montagnesla félicité du loup ) avaient le même décor naturel.
Ce court roman de 143 pages est une photo d’une situation dans le village, en bas de la vallée.
D’abord deux chiens. Une jeune femelle blanche et un mâle gris tueur d’autres chiens. D’ailleurs est-ce un chien ou un loup ?
Puis Luigi, garde forestier , rangé des voitures. Son père est mort et lui laisse en héritage une cabane, là-haut dans les alpages du Rose. Il voudrait bien récupérer cette cabane mais il a un frère Fredo et il faut transiger avec lui. Pas simple. Fredo vit au Canada, a fait un peu de prison et est addict à l’alcool comme a pu l’être en son temps Luigi.
Il est aussi question de la construction d’un télésiège dont la gare d’arrivée serait proche de la cabane abandonnée paternelle. Luigi n’aurait-il pas envie de transformer la cabane en bar d’altitude ?
Tous ces instantanés sont opposition :
La grisaille du village face à la lumière blanche des sommets.
Chien ou loup. Vie sauvage et vie domestique.
La montagne nature ou la montagne or blanc.
l’opposition entre les deux frères symbolisée par le sapin et le mélèze.
On pourrait reprocher la brièveté du roman et peut être un manque de développement des situations.
Reste que ce court roman dégage âpreté et puissance à l’équivalent des massifs montagneux du Val d’Aoste.
La lecture est magnifiée par un poème installé en fin de roman : la bataille des arbres.
Enfin Paolo Cognetti nous explique dans un note d’auteur sont attachement à la chanson Nebraska de Bruce Springsteen. Une ouverture qui signe définitivement son roman.

Paolo Cognetti est un écrivain. Il a suivi des études universitaires en mathématiques, qu’il abandonne. En 1999, il est diplômé de la Civica Scuola di Cinema « Luchino Visconti », école de cinéma de Milan. Il créé, avec Giorgio Carella, une société de production indépendante (CameraCar).

Les huit montagnes (Le otto montagne, 2016), son premier roman, obtient le Prix Strega Jeunesse 2017. Désireux de faire vivre la montagne en dehors des pistes de ski, il monte, en été 2017, avec son association Gli urogalli un festival consacré à la littérature, aux arts et aux nouveaux et nouvelles montagnardes baptisés Il richiamo della foresta (L’Appel de la forêt) en hommage à Jack London.

Un entretien littérature et montagne entre Jean Christophe Ruffin et Paolo Cognetti

Mon nom dans le noir de Jocelyn Nicole Johnson. Albin Michel. 🟩🟩🟩◼️◼️

Mon nom dans le noir

Jocelyn Nicole Johnson

Traduction : Sika Fakambi

Albin Michel

ISBN : 978-2-226-47836-8 Janvier 2024.

211 pages

L’idée de départ de ce primo roman était intéressante. Dans un temps un peu dystopique, une communauté faite de quelques hommes et femmes se réfugie à Monticello en Virginie. Monticello est le nom du musée – domaine où vécut Thomas Jefferson , 3ème président des Etats- Unis.
Cette communauté se réfugie car les suprémacistes blancs font vaciller le pouvoir américain. Tout cela nous rappelle les émeutes de Charlottesville en 2017 et l’attaque du Capitole en 2021.
Le Démantèlement est en cours.
Dans cette communauté que nous suivons au jour le jour, une jeune femme noire Da Naisha Love a une particularité : elle ferait partie de la descendance afro-américaine de Thomas Jefferson.
Bien que le roman soit court , il manque de vigueur, de tension. On est plus dans la description de la communauté que dans les réactions de cette communauté.
J’attendais un lien plus puissant entre le Démantèlement, la période historique de Thomas Jefferson et l’avènement des suprémacistes blancs.
Mon nom dans le noir de Jocelyne Nicole Johnson n’a pas la fulgurance narrative décrite en quatrième page de couverture.

Jocelyn Nicole Johnson enseigne l’art à Charlottesville (Virginie) où elle vit. Ses textes ont été publiés dans de nombreux magazines, revues littéraires et anthologies, dont Best American Short Stories. Son premier roman, Mon nom dans le noir, a été couronné par plusieurs prix, dont le Library of Virginia Award et été finaliste de plusieurs autres dont le National Book Critics Circle Award et le prix du Los Angeles Times.

Ton absence n’est que ténèbres de Jon Kalman Stefansson. Grasset. 🟩🟩🟩🟩◼️

Ton absence n’est que ténèbres

Jon Kalman Stefansson

Traduction : Eric Boury

Grasset

ISBN : 978-2-246–82799-3 Janvier 2022

597 pages.

Un homme se réveille dans une église. Une église perdue dans les fjords de l’Ouest islandais. Cet homme n’a aucune raison d’être là et de surcroît il ne sait plus qui il est.
Pourtant dans ce coin isolé d’Islande, les gens connaissent cet homme perdu.
A travers les histoires qu’il se fait conter, il essaye de comprendre sa situation.
Des histoires de femmes, d’hommes vont s’enchainer. Pas de chronologie, beaucoup de personnages, le tout sur plus de cent ans.
Petit à petit le puzzle prend forme. le temps, les personnages, la chronologie s’installe dans une atmosphère nordique au milieu des champs de lave, du blizzard, des aurores boréales et des maisons et des fermes éloignées de tout.
La poésie et l’écriture de Jon Kalman Stefansson est à la hauteur de cette île septentrionale.
Récit nostalgique et onirique, perdu dans les brumes glaciales de l’Islande qu’il est difficile de résumer. Il faut se laisser porter au long cours des 600 pages du roman. Il n’est pas toujours facile de se retrouver entre tous les personnages mais est ce si important ?
Le sel du roman se cache dans la transmission, l’intergénérationnel, les choix de vie, l’immatériel..
Le récit peut être lumineux, mélancolique et puis quelques pages plus loin nous sommes cueillis par une déchirure, une absence. le thème de la mort, de la vie après la mort est omniprésent. Un fil continu sur plus d’un siècle que Jon Kalman Stefansson enveloppe d’une play list « La compilation de la camarde » aux mélodies mélancoliques empruntées à Dylan, Presley, Nina SimoneChet BakerMiles Davis ou Erik Satie.
Ton absence n’est que ténèbres est un magnifique roman d’intériorité, du temps qui passe, de la mémoire des hommes et des femmes et de la force du destin.
Ton absence n’est que ténèbres nous ramène à notre identité mortelle, à notre humilité mais aussi à cette chaine humaine qui nous construit et défie le temps.

Jón Kalman Stefánsson grandit à Reykjavík et à Keflavík. Après avoir fini ses études au collège en 1982, il décroche de petits emplois en Islande de l’Ouest (par exemple dans les secteurs de la pêche et de la maçonnerie).

Il entreprend ensuite, de 1986 à 1991, des études en littérature à l’université d’Islande, sans parvenir à les terminer. Pendant cette période, il donne des cours dans différentes écoles et rédige des articles pour le journal Morgunblaðið. Entre 1992 et 1995, il vit à Copenhague, où il participe à divers travaux et s’adonne à un programme de lectures assidues. Il rentre en Islande et s’occupe de la Bibliothèque municipale de Mosfellsbær jusqu’en 2000.

En janvier 2022 paraît en français Ton absence n’est que ténèbres (Grasset) qui raconte l’histoire d’une famille sur plus d’un siècle, à travers le regard d’un homme devenu soudain amnésique, en quête de souvenirs et d’amour1,5,6,7,8. Il obtient le prix 2022 du livre étranger9,10,11.

En janvier 2024 paraît en français Mon sous-marin jaune, un roman autobiographique12.

La Fugue d’Anna de Mattia Corrente. Le Bruit du Monde. 🟩🟩◼️◼️◼️

La fugue d’Anna

Mattia Corrente

Traduction Jacques Van Schoor

ISBN : 978-2-4932- 0645 – 9 Mars 2024

288 pages

La fugue d’Anna est le premier roman de l’italien Mattia Corrente, diplômé de philosophie et de sciences humaines. Mattia Corrente vit en Sicile et c’est dans cette île et les Îles Éoliennes qu’il a inscrit son roman.
Sur l’île de Stromboli vit un vieux couplé, Anna et Séverino. Il faudrait dire vivait un vieux couple. Car il y a un an’, un beau matin, Anna a quitté le domicile conjugal et s’en est allée.
Il a fallu un an à Severino pour reprendre ses esprits. Au bout d’un an il décide de partir à la recherche de sa femme. Pour cela il va repartir sur les traces de sa vie avec Anna le long des côtes siciliennes.
Cela donnera un road movie entre passé et présent. L’un embellissant l’autre. Ce road movie devant permettre de mettre à nu des vérités dissimulées.
Je n’ai pas réussi à me plonger réellement dans ce roman. J’ai ressenti un manque de réalisme manifeste , et une facilité de rencontres entre Severino et des personnages parfois inconnus.
Le roman avait un écrin : la Sicile et les volcaniques Stromboli et Vulcano. Cet écrin est resté bien fade et sans réel profondeur. J’espérais une Italie du Sud fiévreuse, chaude, minérale. Ce ne fut pas le cas.
Tout cela a pris le dessus sur l’histoire elle même .

Mattia Corrente est né en 1987 et vit en Sicile, dans la province de Messine. Diplômé en philosophie et en sciences humaines, il a travaillé avec plusieurs éditeurs italiens avant de se lancer dans l’écriture. La fugue d’Anna est son premier roman, qui s’est vu décerner les prix Parco Majella et Città di Erice.

Eva et les bêtes sauvages d’Antonio Ungar. Notabilia . 🟩🟩🟩🟩◼️

Eva et les bêtes sauvages

Antonio Ungar

Traduction : Robert Amutio

Notabilia

ISBN : 978-2-88250-905-5 . 179 pages

Janvier 2024

Novembre 1999. Une barque sur l’Orénoque. En Colombie, près de la frontière vénézuélienne. Dans cette barque, une jeune femme , Eva. Elle vient d’être touchée par une balle sous la clavicule. Peut être est-ce la fin ?
Qui est Eva et que fait-elle seule dans une barque au fond de la jungle amazonienne ?
Avec ce personnage l’auteur Antonio Ungar nous retrace sur la base de faits réels la décomposition d’un pays et des hommes.
C’est prenant de bout en bout, sous-tendu par une violence de tous les instants.
Eva est une jeune fille de la bonne société colombienne. Bonne Société veut aussi dire alcool, sexe, drogue. Eva est addict à tout. Une descente aux enfers.
Pourtant dans un moment de conscience aigue, elle décide de reprendre en main sa vie, de la risquer pour sauver celle des autres. Et décide de trouver dans son travail d’infirmière le moyen d’être utile au cœur de l’Amazonie, à Puerto Inidira.
La jungle porte bien son nom . Des strates de violence où cohabitent indiens indigènes, colons, mafieux, paramilitaires et guerillos des Farc. Chaque lopin de terre recèle or et cocaïne. La descente au enfers d’Eva prend une autre voie.
C’est un texte dur, noir, puissant et violent. Les bêtes sauvages auront -elles raisons d’Eva ?
Il semble qu’en 2024 malgré l’accord passé entre le gouvernement colombien et les Farc, rien n’est beaucoup changé. La jungle a peur du vide.
Reste néanmoins dans cette jungle inextricable des îlots d’espoir.


Écrivain et journaliste, Antonio Ungar figure dans la liste « Bogotá 39 » réunissant les trente-neuf meilleurs auteurs latino-américains de moins de trente-neuf ans. Né en 1974 dans la capitale colombienne, il a habité en Palestine et vit aujourd’hui à Bogotá. Il travaille comme correspondant pour des journaux espagnols, italiens et sud-américains, une activité pour laquelle il a remporté en 2006 le prix de journalisme Simón Bolívar.

Une singularité de Bastien Hauser. Actes Sud. 🟩🟩🟩◼️◼️

Une singularité

Bastien Hauser

Actes Sud

ISBN : 978-2-330-18951-8 272 pages

.Mars 2024

Une singularité est le premier roman déroutant de Bastien HauserBastien Hauser est né en Suisse. Il a 28 ans et habite à Bruxelles.
Le titre du roman Une singularité résume totalement la singularité de ce texte. le roman se passe sur trois mois entre avril et juillet 2019.
En avril 2019 Abel Fleck tombe dans sa cuisine victime d’un AVC. Il est pris en charge rapidement, l’hémorragie est de courte durée. A l’IRM reste une tache provoquée par l’hématome.
Malgré la prise en charge rapide Abel est fatigué, désorienté. S’ajoute des pertes de mémoires et la difficulté à trouver ses mots.
Ainsi commence le roman. L’écriture épouse les états d’Abel et nous laisse un peu perdu dans sa désorientation.
A la même époque , des scientifiques découvrent de nouvelles informations sur les trous noirs.
Abel dans les répliques de son AVC fait le lien avec les trous noirs. Un trou noir se trouve au centre d’une galaxie. le trou noir n’a rien d’un trou. Il provient de la mort d’une étoile. Ils aspirent tout sur leur passage. Rien ne leur résiste.
Aux prises avec des acouphènes, des arcs électriques , Abel devient certain que la tache dans son cerveau est elle aussi un trou noir.
Le roman va devenir une exploration vertigineuse du corps et du cosmos en plusieurs temporalités. Abel se sent propulsé au coeur du grand mystère.
Je ne vous dévoilerai pas ou ces temporalités vont emmener Abel.
Il faut bien accrocher sa ceinture pour suivre Abel entre fêtes permanentes, aperçu cosmique . Aux fêtes permanentes se greffe la désespérance.
C’est un roman qui peut rebuter mais qui mérite d’être lu pour l’originalité du propos

Né en Suisse en 1996, Bastien Hauser est auteur et metteur en scène. Membre du collectif Et cætera, il est diplômé du master Textes et création littéraire de La Cambre à Bruxelles et lauréat du laboratoire d’écriture dramatique de la Société suisse des auteurs.

Ne vois-tu pas que je brule ? de Michal Ben-Naftali. Actes Sud. 🟩🟩🟩◼️◼️

Ne vois-tu pas que je brûle ?

Michal Ben-Naftali

Actes Sud

Traduit de l’hébreu par Rosie Pinhas-Delpuech

ISBN : 978-2-330-18702-6 . 138 pages

Février 2024

Court roman de 138 pages, Ne vois tu pas que je brûle ? de l’écrivaine israélienne Michal Ben- Naftali est un texte ramassé et tendu.
Ana est étudiante en histoire et littérature. Elle travaille un mémoire sur la répression des sorcières au 16ème siècle.
Elle vit à Jérusalem avec son compagnon Yohann. Par hasard, à l’université, elle rencontre la propriétaire de son appartement, Loria une femme de cinquante six ans, atteinte d’un glaucome et perdant petit à petit la vue.
Ana va accepter de venir lire des livres chez Loria.
Ana va découvrir que Loria est une fille d’exilée russe, une femme engagée dans les mouvements contestataires de gauche. Mai hormis cela, Loria conserve beaucoup de mystère. Elle ne travaille pas, elle ne parle pas de son environnement familial et maitrise parfaitement l’art de la dissimulation.
Ana est subjuguée par cette femme .
Mais en écho aux sorcières du 16ème siècle, qui ensorcelle l’autre ? Qui est la plus vulnérable? Qui manipule qui ?
La vulnérabilité, l’ensorcellement et la manipulation touchent aussi le lecteur qui se perd un peu dans ce roman de la dissimulation et de la séparation

Michal Ben-Naftali, traductrice en hébreu de Jacques Derrida et André Breton, enseigne la littérature française et l’écriture créative à l’Université de Tel Aviv. L’Énigme Elsa Weiss, son premier roman, a été couronné par le Prix Sapir 2016. L’autrice fait son grand retour en 2024 avec Ne vois-tu pas que je brûle ?. 

Baumgartner de Paul Auster .Actes Sud. 🟩🟩🟩🟩◼️

Baumgartner

Paul Auster

Actes Sud

Traduction : Anne Laure Tissut

ISBN : 978-2-330-18875-7 Mars 2024

Baumgartner peut être lu comme le bilan d’une existence et il est naturel que Baumgartner soit un miroir très peu dépoli de Paul Auster.
Ce roman assez court ( 20 pages) est nostalgique et poignant car il investit le long cours de la vie.
Seymour Baumgartner, 71 ans, professeur à Princeton revisite la grande histoire de sa vie qu’a été son amour pour sa femme Anna Blume ( tiens, tiens un personnage des romans de Paul Auster).
Quand commence le roman Sy Baumgartner est veuf depuis 10 ans. Sur une plage, un soir, un dernier bain a été fatal à Anna. Une vague a brisé sa nuque.
Veuf vivant dans son appartement au gré de ses souvenirs.
Ce matin là un ensemble d’incidents, et une chute accidentelle va le ramener aux souvenirs de sa vie. Et les grands souvenirs de sa vie tournent autour d’Anna et de sa famille éxilée de l’Europe de l’Est et plus particulièrement.
Ce grand père maternel qui s’appelait … Auster.
Paul Auster nous gratifie d’un roman ou le désir de vie se télescope à la mémoire , parfois incertaine des souvenirs, alors que les prémices de la vieillesse apparaissent.
Lentement le puzzle de la vie de Baumgartner se met en place entre réalité, imagination et confession.
Les doutes, les angoisses, les fantômes perdus jalonnent le chemin.
Le vrai, le faux. Baumgartner– Auster.
Peut être le dernier roman de Paul Auster.

Paul Auster, né le 3 février 1947 à NewarkNew Jersey, aux États-Unis, est un écrivainscénariste et réalisateur américain. Une partie de son œuvre évoque la ville de New York, notamment le quartier de Brooklyn où il vit. D’abord traducteur de poètes français, il écrit des poèmes avant de se tourner vers le roman et à partir des années 1990 de réaliser aussi quelques films.

Le banquet des Empouses d’Olga Tokarczuk. Les Editions Noir sur Blanc. 🟩🟩🟩🟩◼️

Le Banquet de Empouses

Olga Tokarczuk – Prix Nobel

Les Editions Noir sur Blanc

Traduction : Maryla Laurent

ISSBN: 978-2-88250-866-9 Février 2024

1913. Sanatorium de Gorbersdorf ( aujourd’hui Sokolowsko en Pologne). Nichée au fond d’une vallée des Sudètes, entourée de montagne, la pension pour Messieurs reçoit des malades atteint de tuberculose ou de phtisie. Cette pension reçoit les personnes en attente d’une chambre de meilleure qualité dans les locaux même du sanatorium.
Un jeune homme arrive dans cette pension. Il s’agit de Mieczylaw Wojnik, étudiant en ingénierie des adductions d’eaux. Dans cette pension, il va être confronté à un parterre de Messieurs parfaitement tuberculeux et misogynes.
Dans l’un des précédents roman d Olga TokarczukSur les ossements des morts, des animaux de cette même région des Sudètes se vengeaient des chasseurs en les tuant.
Dans le banquet des Empouses, ce sont les Empouses qui sont à la manoeuvre pour punir ces Messieurs.
Olga Tokarczuk fait de ces Empouses les narratrices. Des narratrices qui aiment les détails et ….. les chaussures.
Cela donne un art de la description porté au sommet.
Les premières pages du roman pour décrire l’arrivée du jeune Wojnik sont un régal. Ou comment décrire un pavé luisant sur lequel apparait la jambe gauche, puis la droite marchant vers la pension pour Messieurs et petit à petit décrire des vêtements, un personnage, un lieu, une époque .
Tout comme la description que font les Empouses d’un aéropage de chaussures sous une table. Tout est dit , physiquement, psychologiquement et socialement.

Mais qu’est ce qu’une Empouse ? Si vous êtes féru de mythologie, vous le savez. Sinon vous le découvrirez au détour de ce livre étonnant.

Donc le jeune Wojnik c’est installé à la pension. C’est lui que l’on va suivre durant tout le roman.
Il va devoir faire face à la mort de la femme de l’aubergiste de la pension. Mais aussi faire face à ces Messieurs imbus de leur supériorité et que quelque soit la conversation tout finit autour de la femme pour déplorer ses faiblesses, son cerveau différent et son absence d’âme.
Wojnik doit aussi faire face à ses propres tourments : une mère morte en couche, ou comment croire qu’elle a abandonné son enfant.
De ces situations de départ, Olga Tokarczuk va écrire un roman ancré dans le réel, le fantastique, les croyances populaires. C’est un parti pris qui peut déranger . Mais ce parti pris permet de pointer la rigidité des normalités et les bouleversements du monde à l’aube d’une guerre mondiale.
C’est aussi un roman qui nous parle de nature, de forêt, de brumes et de soleil voilé.
Enfin, c’est surtout un roman féministe, tolérant qui ouvre sur toutes les mixités , sur toutes les identités.
Par delà le roman d’épouvante naturopathique Olga Tokarczuk parle au plus profond de nos croyances.

Olga Tokarczuk, née le 29 janvier 1962 à Sulechów (voïvodie de Lubusz) en Pologne, est une femme de lettres polonaise.

Elle obtient le prix Nobel de littérature 2018, décerné en 2019.

Olga Tokarczuk étudie la psychologie à l’université de Varsovie. Durant ses études, elle travaille, bénévolement, avec des personnes souffrant de troubles mentaux. Après avoir terminé ses études, elle devient psychothérapeute à Wałbrzych.

À partir de 1997, elle se consacre entièrement à l’écriture, se disant inspirée par William Blake. Elle contribue aussi à la revue littéraire Granta.

Le lendemain de l’annonce de son prix, la ville de Wrocław où elle réside rend les transports publics gratuits aux usagers ayant sur eux un livre d’Olga Tokarczuk.

Ses romans sont traduits en plus de 25 langues dont le catalan, l’hindi et le japonais. Elle est l’autrice polonaise la plus traduite hors de son pays.

Autres livres d’Olga Tokarczuk chroniqués sur le site :

Sur les ossements des morts : https://auxventsdesmots.fr/2020/06/04/sur-les-ossements-des-morts-dolga-tokarczuk-libretto-%f0%9f%92%9b%f0%9f%92%9b%f0%9f%92%9b%f0%9f%92%9b/

Les livres de Jakob. : https://auxventsdesmots.fr/2020/07/27/les-livres-de-jakob-dolga-tokarczuk-noir-sur-blanc-%f0%9f%92%9b%f0%9f%92%9b%f0%9f%92%9b%f0%9f%92%9b/

Les naufragés du Wager de David Grann. Editions du Sous-sol. 💛💛💛💛💛

Les naufragés du Wager

David Grann

Traduction : Johan Fréderik Hel Guedj

Editions du Sous-sol

ISBN : 978-2-36468-411-9 25 août 2023

372 pages

Cette littérature du réel, comme dit en quatrième de couverture est absolument incroyable.
La somme des documents nécessaires pour la reconstitution de Les naufragés du Wager de David Grann est bluffante.
Nous sommes en 1740 , en Angleterre. le monde maritime est globalement coupé en deux d’Est en Ouest par deux grands protagonistes : L’Espagne et le Portugal.
Sa majesté britannique souhaite envoyer une escouade de cinq navires sous le commandement du commodore Hanson en mission secrète afin de piller les cargaisons d’un galion de l’Empire espagnol.
5 navires et plus de 2 500 hommes sur les mers. Aller jusqu’à Madère, puis descendre l’Atlantique Sud jusqu’au Cap Horn, le dépasser et ensuite remonter le Pacifique le long de la côte chilienne avec l’espoir de rencontrer le galion espagnol vers les côtes péruviennes.
Pour nous rappeler cette aventure , les journaux de bords des différents capitaines et second des navires.
C’est à partir de cette ressource que David Grann nous donne un livre extraordinaire.
Cela aurait pu être rébarbatif : la transcription des journaux de bords, les jours de mers, les maladies, les morts, les naufrages, les mutineries .
Ce n’est jamais rébarbatifs. Nous sommes entrainés dans cette histoire marine auprès de tous les protagonistes.
Davis Grann va s’attarder sur le naufrage de l’un des bateaux : le Wager.
Les passes d’armes entre le capitaine Cheap et ses seconds , Byron, Buckleley seront légions tout comme les mutins, les dissidents et les abandonnés sur une île. La rigueur climatique du Horn et de la Patagonie nous refroidira tout comme la vie spartiate de ces marins d’exception.
Il est étonnant de s’apercevoir à quel point ces capitaines quelque soit la situation avait la nécessité de coucher sur le papier les faits et gestes de leur bateau et de leur équipage. un besoin de justification pour le futur.
Car cette épique aventure doit avoir une fin . Et la fin doit se dire ou s’écrire devant l’Amirauté réunit à Portsmouth.
Qui plus est quand le retour en Angleterre se fait de façon dispersée : Des naufragés par-ci par là, un bateau un peu plus tard. le tout pendant quelques années.
Chaque retour est attestée par les écrits et les histoires des marins. Nous sommes en présence de récits contradictoires .Qui dit vrai ?
A l’Amirauté de décider par le questionnement , le procès et la prison. Mais il ne faut pas oublier que l’Angleterre est un empire et que l’on ne joue pas avec la grandeur de ce celui-ci. Empire dit aussi colonies par delà les mers.
Pas de vague. ( C’est le cas de le dire )
Reste un grand roman du réel ou la réflexion sur le sens du récit fait merveille.
Je vous conseille de regarder sur Arte la série sur Magellan qui est facilitatrice pour comprendre ce récit. 200 ans avant le Wager , les hommes de Magellan vivaient les mêmes affres.


David Grann, né le 10 mars 1967 à New York, est un journaliste et écrivain américain.

Jusqu’en 2003, Grann est rédacteur en chef de The Hill, un journal qui couvre l’actualité politique et institutionnelle de Washington.

Il travaille depuis 2003 comme journaliste au New Yorker1.