
Depuis longtemps j’ai entendu parler des polars de Caryl Férey. Des polars du bout du monde : Zulu, Mapuche Haka. Jusqu’alors je n’avais pas succombé. Les ambiances violentes, ultra-noires et glauques me laisser à l’écart.
Et puis il y eut Okavango.
Rien que le nom est un appel au voyage et au mystère. Okavango, le fleuve dont le delta se perd au milieu des terres d’Afrique australe. Okavango, le paradis du Big Five. Okavango, la nature sauvage.
Qu’allait en faire Caryl Férey ?
Okavango est bien plus qu’un polar ou un thriller noir et violent. Caryl Férey a réussi à mettre dans le même creuset le monde politico-historique, les guerres civiles, l’héritage de la colonisation, les ethnies des différents pays, le braconnage international, des histoires d’amours et des animaux partout !
Tout est juste tout au long de ce roman engagé d’une violence très réaliste.
Tout commence par le meurtre d’un jeune Khoi ou San au sein d’une réserve ultra sécurisée. La réserve, Wild Bunch appartient à John Latham, Sud-Africain blanc pour lequel on ne donnerait pas le Bon Dieu sans confession. Afin de retrouver l’assassin une ranger est envoyée. Elle s’appelle Solanah Betwase. Elle est Botswanaise. Elle représente la KaZa, grande réserve animalière comprenant 36 réserves dispersées sur 5 Pays : Namibie, Botswana, Angola, Zambie et Zimbabwe.
La mort de ce jeune Khoi ou San n’est que la partie émergée de l’iceberg. D’autres meurtres d’humains, d’animaux voir des empoisonnements rituels mettent Solanah Betwase sur la piste d’un vaste traffic de braconnage entre l’Afrique et l’Asie. Les lions, les éléphants, les rhinocéros sont violemment tués afin de récupérer cornes, défenses et ongles.
Au-delà de la qualité du roman, ce qui émeut c’est la place donnée au monde animal. Qu’il s’agisse de lions, de gazelles, d’hippo, de rhino, d’éléphants, de guépard, de hyènes, d’oiseaux, ils sont les personnages centraux du livre et participent activement à ce thriller. Et l’on n’est pas surpris de lire qu’un lion a été assassiné et que l’homme devient une proie !
Les animaux ne sont plus des victimes expiatoires.
La liberté et la préservation des animaux et de la nature concourt à notre propre liberté. Dans son roman, Caryl Férey écrit un vibrant plaidoyer pour la défense des animaux. En note d’auteur Caryl Ferey nous rappelle qu’il voulait être tueur de braconnier quand il était petit. Okavango est une belle arme, violemment pacifique.
Il nous dit aussi que voir les animaux dans leur maison est bouleversant, ou alors on est un caillou.
Il y a encore des cailloux sur le chemin, mais il me semble que nous sommes tous les jours un peu plus nombreux à la faire valser loin du chemin.
Seth, Priti et Solanah nous précèdent.

Né à Caen1, Caryl Férey grandit en Bretagne après l’installation de sa famille à Montfort-sur-Meu, près de Rennes, en 1974. Sa mère tenait une petite parfumerie, son père était VRP pour une multinationale fabriquant des emballages. Sa grand-mère institutrice lui a transmis le goût de la lecture1. Son prénom lui a été donné en référence au condamné à mort américain Caryl Chessman, exécuté en 19602.
Après avoir été expulsé d’établissements scolaires, il achève sa scolarité par correspondance et obtient son baccalauréat1,3.
À la fin des années 1980, il est admiratif du style de Philippe Djian, dont il a lu le roman Bleu comme l’enfer. Exempté du service militaire à Rennes, il part avec un ami en Nouvelle-Zélande4.
Grand voyageur, il parcourt l’Europe à moto, et fait un tour du monde à vingt ans5.
Les principaux romans de Caryl Férey se situent dans des pays marqués par un passé récent douloureux – colonisation, apartheid, dictature – qui sert de toile de fond à ses histoires : la Nouvelle-Zélande pour Haka et Utu, l’Afrique du Sud pour Zulu, l’Argentine pour Mapuche, le Chili pour Condor et la Colombie pour Paz.
Ses livres sont des romans noirs où la critique sociale et le chaos sont omniprésents. « Je me sens toujours du côté des opprimés », déclare-t-il en 20173.
Caryl Férey travaille près de quatre ans sur chaque roman1. Il procède par étapes : un premier voyage pour découvrir le pays, prendre des repères ; ensuite commence un long travail de documentation, d’études, avant de passer à l’écriture de l’histoire ; un nouveau voyage sur place privilégiera les rencontres et permettra d’affiner, d’ancrer dans le réel ; et au retour c’est l’écriture elle-même qui est travaillée encore un an5. Lorsqu’il écrit, c’est environ 7 ou 8 heures par jour4.







