Okavango de Caryl Férey. Gallimard série Noire. 💛💛💛💛

Depuis longtemps j’ai entendu parler des polars de Caryl Férey. Des polars du bout du monde : Zulu, Mapuche Haka.  Jusqu’alors je n’avais pas succombé. Les ambiances violentes, ultra-noires et glauques me laisser à l’écart.

Et puis il y eut Okavango.

Rien que le nom est un appel au voyage et au mystère. Okavango, le fleuve dont le delta se perd au milieu des terres d’Afrique australe. Okavango, le paradis du Big Five. Okavango, la nature sauvage.

Qu’allait en faire Caryl Férey ?

Okavango est bien plus qu’un polar ou un thriller noir et violent. Caryl Férey a réussi à mettre dans le même creuset le monde politico-historique, les guerres civiles, l’héritage de la colonisation, les ethnies des différents pays, le braconnage international, des histoires d’amours et des animaux partout !

Tout est juste tout au long de ce roman engagé d’une violence très réaliste.

Tout commence par le meurtre d’un jeune Khoi ou San au sein d’une réserve ultra sécurisée. La réserve, Wild Bunch appartient à John Latham, Sud-Africain blanc pour lequel on ne donnerait pas le Bon Dieu sans confession. Afin de retrouver l’assassin une ranger est envoyée. Elle s’appelle Solanah Betwase. Elle est Botswanaise. Elle représente la KaZa, grande réserve animalière comprenant 36 réserves dispersées sur 5 Pays : Namibie, Botswana, Angola, Zambie et Zimbabwe.

La mort de ce jeune Khoi ou San n’est que la partie émergée de l’iceberg. D’autres meurtres d’humains, d’animaux voir des empoisonnements rituels mettent Solanah Betwase sur la piste d’un vaste traffic de braconnage entre l’Afrique et l’Asie. Les lions, les éléphants, les rhinocéros sont violemment tués afin de récupérer cornes, défenses et ongles.

Au-delà de la qualité du roman, ce qui émeut c’est la place donnée au monde animal. Qu’il s’agisse de lions, de gazelles, d’hippo, de rhino, d’éléphants, de guépard, de hyènes, d’oiseaux, ils sont les personnages centraux du livre et participent activement à ce thriller. Et l’on n’est pas surpris de lire qu’un lion a été assassiné et que l’homme devient une proie !

Les animaux ne sont plus des victimes expiatoires.

La liberté et la préservation des animaux et de la nature concourt à notre propre liberté. Dans son roman, Caryl Férey écrit un vibrant plaidoyer pour la défense des animaux. En note d’auteur Caryl Ferey nous rappelle qu’il voulait être tueur de braconnier quand il était petit. Okavango est une belle arme, violemment pacifique.

Il nous dit aussi que voir les animaux dans leur maison est bouleversant, ou alors on est un caillou.

Il y a encore des cailloux sur le chemin, mais il me semble que nous sommes tous les jours un peu plus nombreux à la faire valser loin du chemin.

 Seth, Priti et Solanah nous précèdent.


Né à Caen1, Caryl Férey grandit en Bretagne après l’installation de sa famille à Montfort-sur-Meu, près de Rennes, en 1974. Sa mère tenait une petite parfumerie, son père était VRP pour une multinationale fabriquant des emballages. Sa grand-mère institutrice lui a transmis le goût de la lecture1. Son prénom lui a été donné en référence au condamné à mort américain Caryl Chessman, exécuté en 19602.

Après avoir été expulsé d’établissements scolaires, il achève sa scolarité par correspondance et obtient son baccalauréat1,3.

À la fin des années 1980, il est admiratif du style de Philippe Djian, dont il a lu le roman Bleu comme l’enfer. Exempté du service militaire à Rennes, il part avec un ami en Nouvelle-Zélande4.

Grand voyageur, il parcourt l’Europe à moto, et fait un tour du monde à vingt ans5.

Les principaux romans de Caryl Férey se situent dans des pays marqués par un passé récent douloureux – colonisation, apartheid, dictature – qui sert de toile de fond à ses histoires : la Nouvelle-Zélande pour Haka et Utu, l’Afrique du Sud pour Zulu, l’Argentine pour Mapuche, le Chili pour Condor et la Colombie pour Paz.

Ses livres sont des romans noirs où la critique sociale et le chaos sont omniprésents. « Je me sens toujours du côté des opprimés », déclare-t-il en 20173.

Caryl Férey travaille près de quatre ans sur chaque roman1. Il procède par étapes : un premier voyage pour découvrir le pays, prendre des repères ; ensuite commence un long travail de documentation, d’études, avant de passer à l’écriture de l’histoire ; un nouveau voyage sur place privilégiera les rencontres et permettra d’affiner, d’ancrer dans le réel ; et au retour c’est l’écriture elle-même qui est travaillée encore un an5. Lorsqu’il écrit, c’est environ 7 ou 8 heures par jour4.

Stupeur de Zeruya Shalev. Gallimard. 💛💛

Stupeur est un roman dans lequel se superpose deux époques de l’Etat d’Israël. Ces époques sont servies par deux personnages féminins, Rachel et Atara qui se répondent tout au long du livre.

Première période vers 1948. La Palestine Mandataire, occupée par les Anglais, devient Israël. Cette période est racontée par Rachel. Elle faisait partie d’une organisation clandestine, sioniste, qui fomentait des attentats contre l’occupant anglais.  Dans cette clandestinité elle a rencontré Menahem Rubin dit Mano. Ce fut son premier amour. Un amour solaire. Ils se marièrent et un an plus tard Mano interrompra cette relation et disparaitra.

Deuxième période, de nos jours. Mano, chercheur reconnu, se meurt à l’aube de ses quatre vingt douze ans. Lors d’une visite à son père, Atara découvre que celui-ci l’appelle Rachel et lui dit :

« Que tu es belle, ma compagne, que tu es belle ! tes yeux sont ceux d’une colombe derrière ton voile, la chevelure est comme un troupeau de chèvres dévalant du Mont Galaad. (Cantique des Cantiques) Je ne t’ai pas trahie, Rachel, je n’ai pas eu d’autres femmes, j’ai tenu ma promesse « 

Atara va vouloir à tout prix rencontrer Rachel pour connaitre le passé et comprendre la difficile relation avec son père.

Cette recherche va nous permettre de découvrir, par bribes, la vie de Rachel et Mano et nous faire entrer plus intimement dans la vie actuelle d’Atara.

Je n’ai pas réussi a adhérer à cette recherche. Le roman m’est apparu lent, fastidieux dans la lecture, voire confus parfois. La psychologie des personnages est approfondie à l’extrême, revenant plusieurs fois sur le même sujet par des facettes différentes.

Contrairement à ce que laisse penser la quatrième de couverture, l’histoire d’Israël est survolée. Reste donc une déception.


Zeruya Shalev est née au kibboutz Kinneret où est également née la poétesse Rahel. Elle grandit à Bet Berl, près de Kfar Saba, avant de venir étudier la Bible à l’université hébraïque de Jérusalem. Sa famille compte plusieurs écrivains[Lesquels ?], et elle a baigné dans une atmosphère où l’écrit et la littérature étaient valorisés au plus haut point[réf. souhaitée]. Son père, Mordehai Shalev, est un critique littéraire renommé. Son oncle est le poète Itshak Shalev et son cousin l’écrivain Meir Shalev. Elle est mariée avec l’écrivain Eyal Megged, fils de l’écrivain Aharon Megged. Le 29 janvier 2004 , elle est victime d’un attentat suicide tout en conduisant à la suite de l’explosion d’un bus à Jérusalem alors qu’elle est sur la rédaction du roman Thèra. Dix personnes sont mortes dans l’attentat. Zeruya Shalev en réchappe mais est grièvement blessée et doit rester immobilisée plusieurs mois.

Dans une interview, elle dit en parlant de son écriture : « J’ai l’impression d’écrire comme un poète, en refusant de trop planifier, en portant une grande attention au rythme, aux métaphores, à la musique de la phrase… »

L’enfant dans le taxi de Sylvain Prudhomme. Editions de Minuit.💛💛💛💛

Une histoire d’amour dans une ferme allemande au bord du lac de Constance. Nous sommes à la fin de la seconde guerre mondiale. Une histoire d’amour entre la fermière et un soldat français.

C’est le narrateur, Simon, qui nous parle de cet amour. Qu’en connait-il réellement ? Le fantasme-t-il ? Simon est écrivain. Il a déjà écrit cette histoire.  Fiction ou secret de famille ?

De nos jours, l’enterrement du grand-père, la présence d’un oncle d’origine allemande vont révéler l’existence d’un enfant, d’un fils vivant au bord du lac de Constance.

Simon en instance de divorce, va essayer de reconstituer tout ce puzzle et de tirer les fils de ce secret. Simon en déconstruction familiale, va partir en quête des origines

Le tout avec tendresse et douceur.

L’écriture de Sylvain Prudhomme est faite souvent de longues phrases. Une phrase pouvant être un paragraphe, voire un chapitre. Ecriture pour dire les bouleversements que vit Simon.

Sylvain Prudhomme termine son roman par un mot : « Entre « 

Une ouverture

Un espoir

Une bienveillance

Tout ce qu’est ce court roman.


Sylvain Prudhomme, né en 1979 à La Seyne-sur-Mer, est un écrivain français.

Il est l’auteur de romans et de reportages, dont plusieurs ont pour cadre l’Afrique contemporaine, où il a vécu et travaillé. Sylvain Prudhomme a passé son enfance dans différents pays d’Afrique (Cameroun, Burundi, Niger, île Maurice) avant de venir étudier les Lettres à Paris, puis de diriger de 2010 à 2012 l’Alliance franco sénégalaise de Ziguinchor, au Sénégal. Il est agrégé de lettres modernes.

Sylvain Prudhomme vit à Arles. Ses livres sont traduits dans plusieurs langues. Il collabore chaque mois, depuis 2015, à la chronique « Écritures » du quotidien Libération 9.

Sylvain Prudhomme est le lauréat 2019 du prix Femina et du prix Landerneau des lecteurs pour son roman Par les routes10.


Portrait huaco de Gabriela Wiener. Métailié. 💛💛💛

Portrait huaco n’est pas un roman. Gabriela Wiener est une journaliste et éditorialiste péruvienne vivant en Espagne.
Portait huaco est son premier texte. Gabriela Wiener nous livre un texte âpre, cru, voir violent. Ce texte est servi par une écriture puissante et nerveuse.
Dans le cadre de son travail, Gabriela Wiener est à Paris et va visiter le musée du Quai Branly.
Elle est ébranlée par deux choses : d’abord par une statuette préhispanique en céramique représentant un visage indigène. Puis par le nom de la salle du Musée : Charles Wiener.
Charles Wiener qui est l’arrière- arrière-grand-père de l’autrice.
Charles Wiener est un explorateur du 19ème siècle qui a failli découvrir le Machu Picchu mais qui est surtout un pilleur d’objets inca .
Pour Gabriela Wiener c’est le début d’une recherche sur son passé et ce qu’elle est.
Réflexion sur le deuil, la famille, la bâtardise, le désir, le sexe.
Cette réflexion peut nous bousculer car Gabriela Wiener ne cache rien de ces addictions sexuelles, ni des différences de cultures, de race. Idem pour le colonialisme et le post colonialisme
Néanmoins il reste la force d’un texte vivant sur l’identité, sur nos filiations, nos dérives, nos vulnérabilités peut être.
Une découverte étonnante.
Merci aux Editions Métailié et à la Masse Critique de Babélio pour cet envoi


Gabriela Wiener, née à Lima en 1975, est considérée comme l’une des meilleures écrivaines latino-américaines de sa génération. Connue comme journaliste et écrivaine de narrative-non-fiction, son premier roman, Portrait huaco, en cours de traduction dans de nombreux pays, est considéré comme l’un des meilleurs livres parus en 2021.
Elle fait partie du groupe des nouveaux chroniqueurs latino-américains. Elle s’est installée en Espagne depuis 2003.

Et moi, je me contentais de t’aimer .Rosella Postorino. Albin Michel. 💛💛💛💛

Sarajevo 1992. La guerre des Balkans. La guerre en Europe. L’éclatement de la Yougoslavie. Il y a 30 ans.
Le siège de Sarajevo a fait 12 000 victimes dont plus de 1 500 enfants.
C’est lors de siège que Rosella Postorino démarre son roman.
Omar, 10 ans marche avec sa mère quand une explosion survient.
Cours, cours lui dit elle. Et Omar court. Seul. Sa mère a disparu.
Il se retrouve à l’orphelinat avec son frère Senadin. Au fond de lui la certitude que sa mère est toujours vivante.
A l’orphelinat il rencontrera Nada, qui arrivera à l’apaiser. Nada a un frère, Ivo qui est à la guerre.
Omar rencontrera aussi Danilo.
Omar, Nada, Danilo se promettront des jours d’avenir heureux.
Quelque temps plus tard un bus humanitaire emmènera tous les enfants de l’orphelinat vers l’Italie. Une protection loin de la guerre , mais aussi des séparations et des exils. Des instituts, des familles d’accueil, voire des adoptions.
On retrouve dans ce roman la talent évocateur et l’empathie que porte l’auteure à ces personnages comme dans son roman précédent La goûteuse d’Hitler.
Nous allons suivre Omar, Nada, Senadin, Danilo, Ivo sur une vingtaine d’années. Chacun avec son désespoir, ses espoirs. Rejet, intégration ou besoin de retour.
L’auteure ne prend pas partie, ne juge pas. Elle pose le constat.
Comment grandir sans racines ? Peut -on perdre un amour originel ?
Une saine réflexion teintée de beaucoup d’émotion sur le départ, l’exil, l’abandon, la perte, la renaissance, la résilience.
Blessures et espoirs.

Née à Reggio de Calabre en 1978, Rosella Postorino a grandi à San Lorenzo al Mare, en Ligurie. En 2002, elle a déménagé à Rome. En 2004, elle a publié sa première nouvelle In una capsula dans l’anthologie Ragazze che dovresti conoscere, et en 2007, elle a publié son premier roman La stanza di sopra3.

Elle a traduit et édité quelque œuvres de Marguerite Duras.

Avec le roman Le assaggiatrici (Feltrinelli 2018) (La goûteuse d’Hitler), elle remporte la 56e édition du prix Campiello4, le prix Luigi Russo5, le prix Rapallo-Carige6 et le prix Vigevano Lucio Mastronardi. La traduction française de son roman a remporté le 25e Prix Jean Monnet lors du LEC Festival 20197