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Une douce lueur de malveillance de Dan Chaon. Albin Michel 💛💛💛💛

Une douce lueur de malveillance par Chaon

Il est difficile de synthétiser le dernier livre de Dan Chaon : Une douce lueur de malveillance. C’est tout autant , un roman noir , un roman policier ,mais aussi un thriller , un roman psychologique.
A partir de personnages ordinaires de la middle class américaine , Dan Chaon va dérouler une histoire évolutive tant pour ces personnages , que pour le lecteur. Je reviendrais sur ce point un peu plus loin.
Le personnage central du roman est Dustin Tillman. Il a la quarantaine , vit dans la banlieue de Cleveland. Il est marié à Jill et a deux enfants Aaron et Dennis. Il est psychologue.
Quand s’ouvre le roman , Dustin vient d’apprendre que son frère adoptif Rusty vient d’être libéré de prison après trente années d’enfermement suite aux meurtres dans les années 1980 des parents et d’un oncle et une tante de Dustin. Rusty a été condamné à perpétuité pour ces meurtres.
Le témoignage de Dustin a pesé lourdement dans la condamnation de Rusty.
Si Rusty est libéré aujourd’hui c’est que des analyses ADN ont prouvé son innocence ».
Confronté à cet événement, Dustin pense maîtriser sa vie ,sa mémoire mais aussi être capable de surmonter les événements de son enfance et ce qui vont être induits par cette nouvelle situation.
Et c’est dans toutes ces situations que le titre du roman va prendre toute sa place.
Une douce lueur de malveillance . Un bel oxymore. D’un coté la douceur , la lueur , de l’autre la noirceur , la malveillance.
Cette opposition , cette douce lueur de malveillance va accompagner Dustin et Rusty , mais aussi Kate et Wave les cousines ou encore Aaron et son copain Rabitt. Qui est doux , qui est malveillant ?
Qu’en est il de la mémoire , des fantasmes, du souvenir , de la vérité et du mensonge .La vérité est elle une douce lueur ou une malveillance.
La mémoire a des îles , des failles qui amène a vivre plusieurs versions d’un même fait selon l’âge.
Et dans cette première histoire familiale , Don Chaon va en ajouter une autre , plus américaine , plus sociétale.
Pour surmonter ces événements Dustin va se réfugier dans le travail.
Et l’un de ces patients , un flic du nom d’Aqil va l’intéresser à des meurtres d’étudiants qui ont lieu de façon régulière dans des conditions particulières.
Ces meurtres représente les failles de l’Amérique : La religion , le satanisme , l’alcool la drogue mais aussi les légendes urbaines avec les tueries de masse et les serial killers.
Ces deux histoires vont s’enchevêtrer dans une machinerie de l’imagination,dans la création de personnages et dans le développement de l’intrigue.
Ce qui est remarquable de la part de Dan Chaon , c’est le travail de construction du roman.
C’est une lecture évolutive ou le lecteur peut changer d’avis dans le cours du roman.
De même que le roman est évolutif il est aussi déconstruit par le travail sur la chronologie et les points de vue de plusieurs personnages sur le même événement. Il peut aussi s’agir de la vision que le personnage à de lui même.La vérité est partagé par tous les acteurs du livre et non par un seul acteur.
Enfin dans son écriture et son style , Dan Chaon nous entraîne dans la mémoire , les oublis, les névroses de ces acteurs.
Des phrases ne sont pas finies . Des blancs typographiques nous donnent à comprendre les difficultés de Dustin. Une même scène va être mise en forme sur des colonnes distinctes car le point de vue donné n’est pas le même.
Dans ce livre le fond et la forme sont en osmose pour nous donner un livre intelligent , vénéneux, magnétique qui nous laisse abasourdi lorsque nous le refermons.
Magistral !

Nuit sur la neige de Laurence Cossé.Gallimard 💛💛💛💛

Nuit sur la neige par Cossé

Voici un court roman ( 140 pages) à l’écriture académique , ciselée et parfois glaciale qui nous emmène dans les années 1935/1936.
Laurence Cossé à l’art en quelques mots , en quelques phrases lapidaires, de nous transmettre une ambiance , un mal être ou encore les contours d’un lieu d’un paysage.
Sous son aspect académique, factuel ou documentaire ce roman déroute car il semble inoffensif , simple.
Et quand on a reposé le livre , que la lecture a infusé on en retient une maîtrise dans l’écriture du roman et dans les sujets abordés.
Robin , orphelin de père , va rentrer en classe préparatoire chez les Jésuites.
Nous sommes en 1935 .La montée des périls menace l’Europe. le front populaire est en gestation. La traque des Juifs commence.
Dans cette classe préparatoire Robin va rencontrer Conrad. une amitié naissante mais aussi une attirance.
Robin est couvé par sa mère , Conrad d’origine suisse est plus déluré.
A l’initiative de Conrad ils vont passer une semaine en fin d’année à Saint Moritz. C’est le début de l’avènement du ski dans cette époque qui voit arriver les congés payés.
Puis à l’initiative de Robin ce sera une semaine à Val d’Isère village de montagne reculé du monde mais dont 4 hôtels et un téléski sont les prémices d’une grande station de ski.
Ces deux séjours sont l’occasion pour Robin d’être confronté à Conrad mais aussi à Clarie : amour, amitié ,faux semblants, dissimulation.
Ces confrontations revêtent aussi un caractère plus politique et social.
Robin sort de l’adolescence et devient un jeune adulte qui se tape à la réalité du monde.
Les 40 dernières pages du livre rendent bien cette situation et le roman devient glacial . Comme le titre l’indique: Nuit sur la neige. Soit c’est blanc, soit c’est noir. Il n’y a pas de place pour le gris. Robin a définitivement quitté le monde de l’enfance.
que 140 pages mais comme un bon vin celles ci ont une belle longueur et une belle persistance.

 

Dix sept ans d’Eric Fottorino. 💛💛💛

Dix-sept ans par Fottorino

Voici un roman très personnel. Depuis de nombreuses années Eric Fottorino sonde ses origines. Qu’il s’agisse de ses pères ( adoptif ou biologique ) ou de sa judeité cachée.
Dans ce roman Dix sept ans il s’agit de sa relation à sa mère Lina. Il faudrait plutôt dire sa non relation avec cette jeune femme qu’il appelle Lina et pour laquelle il lui faudra plus de 50 ans avant d’oser dire Petite Maman.Lina cette mère inconnue ,cette absente pour laquelle Eric Fottorino ébaucher ce roman plus de 11fois.
La difficulté de dire, de nommer les choses, de plonger dans les ressentis,de rencontrer une maman.
Peut être cette difficulté explique t-elle le besoin pour Eric Fottorino de passer par le roman et non le récit totalement autobiographique .
Cette recherche d’une identité et d’une mère pourra paraître très personnelle et engendrer une certaine lassitude lors de la recherche de la vie de Lina à Nice.
Le style ,mais aussi l’émotion que met Eric Fottorino dans cette recherche font que cet écueil de lassitude disparaît rapidement.
Nous sommes embarqués dans ces émotions à la recherche des Dix sept ans de Petite Maman.
Le roman autobiographique oscille alors entre les souvenirs d’Éric Fottorino et la vie supposée de Lina à Dix sept ans.
Et puis peut être que cette oscillation permettra à chacun de se retrouver et de naitre à nouveau

La toile du monde d’Antonin Varenne. Albin Michel 💛💛💛

 

La toile du monde par Varenne

À trop vouloir traiter de sujets Antonin Varenne se perd un peu sans son roman La toile du monde.
Nous sommes en 1900. Paris bruisse des préparatifs de l’exposition universelle et des Jeux Olympiques.
De l’autre côté de L’Atlantique, à New York une jeune journaliste Aileen Bowman souhaite venir couvrir ces manifestations pour son journal le New York Tribune.
Jeune femme anticonformisme et libre, Aileen Bowman à de multiples raisons de venir à Paris. Hormis la couverture des événements de 1900, elle vient aussi en France pour retrouver ses origines.
Car Aileen Bowman est française et Alsacienne par sa mère .
Les parents d’Aileen Bowman ont vécu dans le Nevada et lui laisse en héritage un ranch et des terres
Dans ce Nevada, entre peaux rouges et blancs, Aileen Bowman à traversé son enfance avec Joseph , métis indien.
Celui ci est actuellement à Paris au sein du spectacle Pawnee Bill Show .
Ce voyage à Paris permettra peut être à Ailleen Bowman de le retrouver
Ce sont tous ses événements qui construisent La Toile du Monde.
Et de s’ajouter la construction de la première ligne de métro parisienne, la connaissance du peintre américain Julius Stewart.
Le caractère libre et anticonformiste d’Aileen Bowman fait qu’elle côtoie Marguerite Durand égérie du féminisme à la tête de son journal La Fronde, qu’elle côtoie les nuits parisiennes avec ses dérives sexuelles.
La recherche de ses racines et de Joseph permettent des digressions sur le Nouveau Monde et l’ancien monde européen, entre les Blancs et les Indiens.
Toutes ces touches surchargent La toile du monde et diluent le propos d’Antonin Varenne et la superficialité prend le dessus
Comme l’époque, à cheval entre deux siècles, Antonin Varenne reste un peu à quai sur les bords de Seine.
Dommage.

Le Testament de Dina d’Herbjorg Wassmo. Editions Gaïa 💛💛💛💛

Le testament de Dina par Wassmo

Avec le livre d’Herbjorg Wassmo , je suis devant une page blanche.
Je n’ai jamais lu ses livres , ni lu des livres de littérature scandinave.
La seule chose que je sais c’est qu’Herbjorg Wassmo a créé le personnage de Dina il y a plus de 20 ans et que huit à neuf livres lui ont été consacrée.
Autant le dire tout de suite , la non connaissance des livres précédents n’altère en rien la lecture de le Testament de Dina.
C’est un grand livre , ardent, douloureux romanesque. La part belle est donnée aux personnages féminins et à leur émancipation. Plus qu’un roman c’est une fresque.
Le roman se situe entre les années 1890 et 1892. Nous sommes tout au nord de la Norvège dans le Nordland et plus précisément à Reinsnes.
Dina vient de mourir dans l’incendie du domaine.
Le jour de son enterrement, sa petite fille Karna, âgée de 17 ans lit au milieu de l’église la confession de sa grand mère. En quelques mots Karna révéle que Dina à tué son mari Jacob et un russe du nom de Leo Zjukasky.
Dina demande que son corps repose en mer.
Stupeur dans l’assemblée et Karna suite à ces révélations se mure dans le silence.
Inquiet de la santé de sa fille Karna , Benjamin accepte qu’Anna, sa femme et belle mère de Karna l’emmène à Copenhaque afin qu’elle soit hospitalisée dans une unité pscychiatrique. Benjamin reste dans le Nordland où il continue d’être médecin et maire .
C’est un roman des émotions , des vibrations de l’âme. C’est un roman poignant et tragique.
C’est le roman de l’émancipation d’Anna , de la conquête de sa liberté de femme.
c’est le roman de l’enfermement de Karna mais aussi de ces médecins qui explore la folie des êtres.
Mais c’est aussi le roman de Benjamin , de ses faiblesses mais surtout de son humanité.
Quelque soit les personnages , principaux ou secondaires , ils insufflent une grandeur d’âme qui est au diapason de ses terres du nord de la Norvège.
Le souffle de l’écriture de Herbjorg Wassmo est magnifique.
Par des phrases courtes , dés fois un mot , des répétitions elles nous emmènent avec elles et surtout avec Anna -Karna et Benjamin.
A ce titre les premières lignes du roman pour décrire l’église et l’enterrement sont admirables.
Et que dire des chapitres où nous sommes dans la peau et le coeur de Karna ,présent dans sa maladie mentale.
Il est difficile de laisser ces personnages au terme de ce roman, car nous avons partagé bien plus qu’un roman. Nous avons partagé avec eux des émotions , des moments poignants et tragiques qui sont universels.
Avec son livre le testament de Dina , Herbjorg Wassmo nous entraîne loin , dans les recoins de l’âme humaine , mais toujours avec grandeur et bienveillance pour ces personnages.
Une grande découverte que ce livre .

Le Testament de Dina – Editions Gaia  – 558 pages. Isbn : 9782847208702

 

 

J’ai perdu Albert de Didier van Cauwelaert. Albin Michel. 💛💛💛

J'ai perdu Albert par Van Cauwelaert

Voici un roman de plaisir de lecture. C’est rapide,c’est rafraîchissant et pas prise de tête. Quoi demander de plus à un bon moment de lecture.
Trois protagonistes principaux : Chloé, Zac et Albert.
Chloé est une médium internationalement reconnue. Zac est un garçon à la dérive mais aussi apiculteur.
Albert est un squatteur d’esprit et pour l’instant il squatte chez Chloé
Mais ce squatteur d’Albert n’est pas n’importe qui. Il a pour nom Albert Einstein.
A partir de ce point de départ Didier van Cauwelaert va produire un roman loufoque, déjanté et semblant irréaliste .
Et pourtant on se prend à ces personnages et à cet esprit vagabond d’Albert.
Car c’est lui le personnage central de ce livre.
L’esprit d’Albert veut poursuivre ce qu’a vécu de son vivant Einstein et s’immice dans les esprits pour tenter de changer le monde. Avec Chloé il espère faire bouger les grands de ce monde. Avec Zac il espère renouer avec les abeilles et les bienfaits qu’elles appportent.
Bien sûr que tout cela est survolé et superficiel. Néanmoins cela donne à réfléchir sur la mediumité ,l’état de conscience augmentée . Et puis cela donne envie de lire sur la vie d’Albert Einstein.
En définitive un livre tel une sucrerie. C’est agréable sur le moment et on en reprendrait bien!

La saison des Bijoux d’Eric Holder. Seuil💛💛

La saison des bijoux  par Holder

Une déception que la lecture de ce livre de 2015 d’Éric Holder. Pourtant la quatrième de couverture est alléchante .Bruno , Jeanne est Alexis vont quitter les Bords du Rhône et du Massif du Pilat pour aller vendre leurs bijoux artisanaux dans un marché de 400 camelots sur les Bords de l’Atlantique entre Lacanau et Soulac.
Ils partent pour faire une saison. Ils seront confrontés aux autres camelots et au chefs de ceux ci ,un certain Forgeard qui domine son monde à coup de taxes , de violence et d’intimidation.
Pas mal comme sujet avec en plus la plume d’Éric Holder pour nous dépeindre les personnages mais surtout les lumières ,les nuages, l’océan de ce Médoc sui lui est cher .
Las, la mayonnaise ne prends pas.
Trop de personnages avec nom et surnom qui ne font qu’embrouiller la lecture. Après des descriptions caricaturales de personnages ,ainsi qu’un empilage de violence , de violence sexuelle font que La saison des Bijoux se vautre comme Fourgeaud dans ce monde des camelots.
Triste Médoc et triste marché

L’Art de perdre d’Alice Zeniter. Flammarion 💛💛💛💛💛

L'Art de perdre par Zeniter

Quel livre magnifique que L’art de perdre d’Alice Zeniter.
A travers trois générations sont abordés avec justesse et profondeur les thèmes de la transmission, de l’identité, du langage,du pays, de l’immigration et de l’émigration .
Sur trois générations nous allons suivre les turbulences d’une famille algérienne mais aussi Kabyle.
Nous sommes dans les années 1950/1960 sur la crête d’un paysage à quelques kilomètres de Palestro.
Sur cette crête 3 maisons qui accueillent la grande famille d’Ali.
Ali est un kabyle mais un français du fait de la colonisation de l’Algérie Française.
Durant la deuxième guerre mondiale il a combattu pour la France dans l’Est mais aussi au Monte Cassini en Italie.
Il est revenu au pays comme un héros. Quelques kilos de médailles accrochés à la veste.
Avec Yema ils vivent une vie simple sur leur crête.
Les enfants arrivent régulièrement même si des fois ,l’un d’entre eux ne peut se raccrocher à la vie.
Il descend régulièrement à Palestro où il participe à l’association des anciens des deux guerres mondiales.
Quand il descend à Palestro,il entend le bruit du monde et les soubresauts d’une indépendance qui veut s’installer en Algérie. Moudjahidin ou Fellaga. le choix n’est pas un choix. Il faut prendre position .
Ali voit les dégâts de la colonisation mais aussi du NFL
Pour protéger les siens il fait le choix de la France.
Il devient Harki.La force des mots!
Il doit quitter sa crête et sa Kabylie. Pour le FNL il est un traître au pays.
Avec sa famille il embarque pour la France et.. …les camps.
Hamid est l’un des fils d’Ali . Il avait 8 ans quand il a quitté l’Algérie au bord d’un ferry
Il a passé son enfance de camp en camp dans le Sud de la France jusqu’à ce que sa famille soit
autoriser à s’installer dans un Hlm à Flers dans l’Orne.
Dans 3 pièces et avec 9 enfants Ali et Yema vivent l’immigration et Hamid vit une intégration auprès de ses copains français comme lui.
Le lien se distend entre Hamid et Ali. Ils ne parlent plus au propre comme au figuré la même langue.
L’arabe peu à peu disparaît pour Hamid.
Pour Ali la langue française reste interdite
Ali se mûre dans ses secrets et dans sa Kabylie.
La transmission est impossible. Hamid n’a pas de passé.
Au tournant des Années 1970 / 1975 Hamid va partir vivre sur Paris et connaître sa future femme Clarisse.
Quatre filles viendront donner des petits enfants à Yema. Ali à déjà rejoint sa dernière demeure.
Naima est l’une de ces quatre filles
C’est elle qui est à l’origine de ce livre.
L’Algérie dont est originaire sa famille n’est qu’une toile de fond sans intérêt
Pourtant les questions identitaires, les attentats de Charlie,du Bataclan,de Bruxelles la renvoie à ses origines.
Mais ses origines sont insondables.
Son histoire familiale ne lui a jamais été raconté
A quoi peut elle et doit elle s’accrocher ?
A travers ses trois générations Alice Zeniter nous raconte,à distance sa propre réalité et nous donne à réfléchir sur le fond de la transmission.
Si il n’y a pas de transmission , tout se perd et la vision des choses est totalement déformée.
Pour Naima la représentation de l’Algérie c’est le Hlm 3 pièces de Ali et Yema et non la réalité d’un pays.
Si il n’y a pas transmission de la langue de la culture tout se perd.
Mais est ce que la perte n’est pas un bien plutôt que vivre dans des illusions .
Est ce que la perte ne permettrait elle pas d’être soi et de faire siens ses héritages
Les descendants ont un travail à faire à fin de s’approprier leur histoire mais se l’approprier dans le temps présent.
Ali et Hamid ne veulent ou ne peuvent pas parler de leur passé, de l’ Algérie .
C’est à Naima de retrouver ce passé dans la culture,dans l’histoire et d’en faire sa propre histoire.
Alice Zeniter emprunte à Elizabeth Bishop poétesse américaine les vers suivants:
Dans l’art de perdre il n’est pas dur de passer maître
Tant de choses semblent si pleines d’envie
D’être perdues que leur perte n’est pas un désastre
Perds chaque jour quelque chose.L’affolement de perdre
Tes clés, accepte le,et l’heure gâchée qui suit.
Dans l’art de perdre il n’est pas dur de passer maître
Puis entraîne toi,va plus gite,il faut étendre
tes pertes :aux endroits,aux noms ,au lieu où tu fis
Le projet d’aller. Rien là qui soit un désastre.
J’ai perdu la montre de ma mère. La dernière
Ou l’avant dernière de trois maisons aimées : partie !
Dans l’art de perdre il n’est pas dur de passer maître
J’ai perdu deux villes,de jolies villes. Et plus vastes
Des royaumes que j’avais,deux rivières, tout un pays.
Ils me manquent, mais il n’y eut pas là de désastre.

Et quand Naima montrera une photo d’Algérie à Yema sur laquelle apparaît
Une femme de sa famille avec ses bijoux
Yema dira : elle porte mal ses bijoux !
Pour le reste l’Algérie le pays est perdu depuis longtemps.

Les Rêveurs d’Isabelle Carré. Grasset 💛💛

Les Rêveurs par Carré

Les rêveurs est le premier roman de l’actrice Isabelle Carré.
Je reste sur une impression mitigée. Autant le début du livre m’a interpellé, questionné , autant dans la deuxième partie j’ai trouvé cela long et un peu trop nombriliste.
Pour tout dire la lecture de la deuxième moitié du livre m’est apparu ennuyeuse et redondante.
Peut être est ce du au partie pris d’Isabelle Carré de ne pas avoir voulu faire un récit chronologique.
On ne se perd pas dans le livre , mais les incessants allers retours dans la jeunesse de l’auteur enlève le poids et la force d’un récit autobiographique linéaire.
Il est vrai que ces allers retours incessants font aussi entrevoir la difficulté de mettre des mots sur des souvenirs , des émotions.
Je n’ai pas réussi à aller derrière le sourire et la discrétion d’Isabelle Carré.
En réalité telle qu’on la connait lors de ces interviews.
Dans cette autobiographie , elle nous dit bien que cela est son grand combat et que l’image qui est donnée d’elle n’est pas conforme.
Cela paraît évident à la lecture des souvenirs de sa vie familiale entre dépression, révélation de l’homosexualité du père et tentative de suicide.
Malgré l’écriture d’Isabelle Carré , la bande son du livre ( Quelle bonne idée !) ou encore les flashs des années 1970/1980 je n’ai pas réussi à complètement entrer dans l’univers d’Isabelle Carré.
Les rêveurs resteront éthérés .

Ronce-Rose d’Eric Chevillard. Editions de Minuit 💛💛💛

 

Ronce-rose par Chevillard

Première lecture d’un livre d’Eric Chevillard avec Ronce Rose. C’est un euphémisme de dire qu’il est simple d’entrer dans l’univers du roman d’Eric Chevillard.
je n’ai rien lu de pareil jusqu’à maintenant hormis peut être Alice au Pays des Merveilles.
Nous sommes au centre d’un univers d’enfant dans lequel Ronce Rose se déploie. Elle même narratrice du livre nous confie son carnet secret et toutes ses réflexions. Elle vit avec Mâchefer et Bruce qui ont beaucoup à faire auprès des banques , des stations service et des commerces . Dans la maison d’en face , tel un échassier, un unijambiste pose question à Ronce Rose. Dans un sureau quatre mésanges chantent leur vie. Sur le trottoir passe Scorbella la sorcière.
Voilà l’univers dans lequel nous entraîne Eric Chevillard.
Il faut se laisser emporter par le texte , les personnages et surtout par le regard sur le monde de cette petite fille. ce n’est jamais enfantin . Bien au contraire.
Le monde est poétiquement au niveau des yeux de Ronce Rose. Les tournures de phrases , les jeux de mots accentuent cette impression.
tout cela semble irréel, mais c’est le regard d’un enfant entouré d’adulte.
Comme il est dit dans de nombreux articles sur ce livre, Eric Chevillard a voulu parler de la relation au père , de l’absence de la mère et du chemin de vie d’un enfant.
La fin étonnante du livre me donne une autre lecture de ce roman. Quelque soit l’idée que l’on se fait de ce roman Ronce Rose , il s’agit d’un magnifique moment de lâcher prise.