Les prénoms de Florence Knapp. JC LaTTES. 🟩🟩◼️◼️◼️

Les prénoms

Florence Knapp

JC Lattès

Traduction : Carole d’Yvoire

ISBN 978-2-7096-7449-2 Octobre 2025

352 pages

Les prénoms est le premier roman de Florence Knapp. Il semble au vu de la couverture que ce livre est encensé :

Le meilleur premier roman depuis longtemps (Sunday Times).

Éblouissant (The Washington Post)

Incontournable (Elle)

La définition du best-seller (The Times)

Follement original (The Observer)

Un roman d’une grande tendresse (The Guardian)

Une lecture déchirante et compulsive (Daily Mail)

Beaucoup de louanges, trop peut-être, trop sûrement.

À la suite de cette lecture, je ne souscris pas au meilleur premier roman depuis longtemps, qui serait éblouissant, incontournable, original, tendre et déchirant.

L’idée de départ est intéressante. Faire que le changement de prénom change notre vie.

Cora, mariée à Gordon, médecin, a une fille de 9 ans, Maia, et Cora donne naissance à un petit garçon. Elle doit aller à l’état civil pour déclarer le prénom de ce petit garçon. Gordon souhaite que son fils s’appelle Gordon comme lui et son grand-père.

Cora qui vit sous la coupe violente de son mari voudrait pouvoir donner un autre prénom à son enfant.

À partir de là, l’autrice va développer trois scénarios.

Premier scénario : Cora donne le prénom Bear à son enfant, prénom que propose sa soeur Maia.

Deuxième scénario : Cora donne le prénom Julian, un prénom qui veut dire « ciel et père » et qui devrait ne pas trop déplaire au père.

Troisième scénario : Cora suit la demande du père et appelle son fils Gordon.

Florence Knapp va construire son roman autour de ces trois scénarios avec des étapes tous les sept ans, le tout jusqu’aux 35 ans de l’enfant.

À chaque fois un chapitre sur Bear, Julian, Gordon et de nouveau le même procédé sept ans après.

Le même procédé de 4 3 2 1 de Paul Auster, mais de façon plus laborieuse. Je n’ai trouvé aucune empathie et tendresse dans la lecture, plutôt un style informatif, qui analyse les situations qu’a mises en place l’autrice.

Chaque scénario semble créatif mais en définitive reste très classique et les sauts de sept ans permettent des raccourcis et des facilités. Pourtant le sujet de la violence conjugale vue par les yeux du même enfant avec trois profils psychologiques était original tout comme la recherche d’identité.

Il faut toujours se méfier d’une couverture dithyrambique.

Florence Knapp a déjà écrit un ouvrage documentaire sur une méthode séculaire de fabrication de courtepointes et a contribué à un ouvrage pour le Victoria and Albert Museum, intitulé Patchwork & Quilting. Elle vit près de Londres avec son mari et leur chienne, Nell. Leurs deux enfants ont maintenant quitté le nid. « The Names » est le premier roman de Knapp et sera traduit en plus de vingt langues. ( traduit de Penguin Random)

Le revenant d’Albanie de Jean-Christophe RUFIN. Calmann-Lévy noir. 🟩🟩🟩◼️◼️

Le revenant d’Albanie

Jean-Christophe Rufin

Calmann-Lévy noir

ISBN : 978-2-7021-8755-5 Avril 2025

250 pages

Depuis 2022 nous étions orphelins d’Aurel Timescu, notre consul préféré. de 2018 à 2022, Jean-Christophe Rufin, une fois par an, nous racontait les extravagances de ce consul atypique. Et depuis trois ans le silence. Peut-être que le changement d’éditeur (Calmann-Levy Noir suite à Flammarion) a dû prendre du temps !

En tout cas, Aurel Timescu est de retour pour de nouvelles aventures et celle-ci nous entraine dans les Balkans, en Albanie.

L’Albanie, ancien pays communiste, longtemps fermé au monde et qui depuis une guerre civile dans les années 1990 s’est ouvert au monde plus capitaliste.

Marc Lumière vient d’être assassiné sur les pentes du col des Montets vers Chamonix. le problème, c’est qu’il est mort trente ans plus tôt en Albanie.

Évidemment, Aurel, le consul va s’emparer de ce mystère avec l’aide d’Amélie, l’ambassadrice en Albanie. Amélie, qu’il avait connue à Bakou lors d’une précédente aventure, « Le flambeur de la Caspienne ».

Bien que l’Albanie soit devenue un pays pro-occidental, les traditions sont toujours présentes et celles-ci se transmettent de générations en générations telles des strates qui fossilisent.

L’une de ces traditions reste la vendetta et son cahier des charges : le Kanun.

C’est à cette vendetta d’un autre temps que sera confronté Aurel.

C’est avec plaisir que l’on lit le Revenant d’Albanie. L’écriture de Jean-Christophe Rufin est toujours agréable, déliée. On sent qu’il prend plaisir à nous raconter les péripéties du consul Aurel et à nous faire découvrir un pays et ses secrets.

Jean-Christophe Rufin, né le 28 juin 1952 à Bourges dans le Cher, est un médecinécrivain et diplomate français.

Il reçoit en 1997 le Prix Goncourt du premier roman pour L’Abyssin et, en 2001, le Prix Goncourt pour son roman historique Rouge Brésil.

Il est élu en 2008 à l’Académie française, dont il devient alors le plus jeune membre. Ancien président d’Action contre la faim de 2002 à 2006, il a été ambassadeur de France au Sénégal et en Gambie.

La Folie Océan de Vincent Message. Seuil. 🟩🟩🟩🟩◼️

La Folie Océan

Vincent Message

Seuil

ISBN : 978-2-02157-210-0 Août 2025

368 pages.

La Folie Océan  est un roman qui allie documentation et côté polar. Comme le titre du roman le sous entend, celui-ci parle d’ocean et de tout ce qui s’y rapporte. le mot ‘océan’ n’est pas tout à fait juste car nous sommes sur les côtes de la Manche, sur la Côte de Granit Rose.

Quentin, jeune trentenaire, est plongeur et aussi membre de l’équipe  de la Reserve Nationale Naturelle des Sept Îles.  Il a une fibre écologique  et milite au sein de l’association Atlantis contre les chalutiers industriels qui accaparent les ressources maritimes.  Un militantisme engagé et pouvant avoir recours à  la violence.

Quentin a donné des cours de plongée à Maya, la quarantenaire, biologiste spécialiste du plancton. Elle vit avec Bruno, la soixantaine, qui travaille dans le meme laboratoire que Maya. Ils habitent Paris.

La relation entre Maya et Quentin va devenir amoureuse et Maya va assumer une vie amoureuse avec deux hommes et l’assentiment de ceux-ci.

Lors de l’un de ces séjours en Bretagne, Maya trouve que Quentin est fébrile.Il faut dire qu’il vient de recevoir des menaces de mort.

La lecture documentaire et scientifique du roman oscillera entre la découverte du monde océanique et la connaissance sur le plancton, les diatomées, les cocolithophores et les balanes, mais aussi les fous de Bassan, les macareux et les phoques gris.

Le côté polaire nous entraînera auprès de Nereos, un ensemble d’armateurs pour la pêche industrielle, et de Frankiz, une association militant contre l’extension de la Réserve des Sept Îles.

Ajouter à  cela des copains d’enfance  qui ne jouent plus dans la même cour et vous avez tous les ingrédients d’un bon polar documentaire. 

Vincent Message maîtrise parfaitement le documentaire et le polar et nous plonge dans la réalité d’aujourd’hui autour des enjeux écologiques et industriels en nous rappelant la force de l’océan et son importance vitale.

Un très bon moment de lecture rehaussé par le fait que cette lecture s’est faite sur les lieux mêmes de la Folie Océan et qu’il paraissait envisageable de rencontrer Maya ou Quentin au détour du GR 34 sur l’Ile Grande, à Loquemeau.

Vincent Message est un écrivain français né en 1983 à Paris.

Vincent Message a fait des études de lettres et de sciences humaines à l’École normale supérieure. Après des années passées à Berlin et à New-York, il enseigne depuis 2008 la littérature comparée à l’Université Paris VIII

Les fleuves du ciel d’Elif Shafak . Flammarion. 🟩🟩🟩🟩🟩

Les fleuves du ciel

Elif Shafak

Flammarion

Traduction: Dominique Goy-Blanquet

ISBN : 978-2-08045-987-9 Août 2025

512 pages

C’est avec un plaisir mille fois renouvelé que l’on se plonge dans le nouveau roman d’Elif Shafak Les fleuves du ciel.

Elif Shafak nous avait laissé il y a trois ans entre Londres et Chypre auprès d’un figuier déraciné et replanté à Londres.

Pour ce nouveau roman, Londres est toujours présent et plus particulièrement la Tamise.

À 180 ans d’écart vivent deux des personnages importants du roman. D’abord Arthur, qui naît dans la pauvreté sur les bords nauséabonds de la Tamise en 1850. Puis, près de deux siècles plus tard en 2018, Zaleekhah, hydrologue fascinée par la mémoire de l’eau, emménage dans une péniche afin de fuir la faillite de son mariage.

Arthur, baptisé Rois des égouts et des taudis, est engagé dans une imprimerie où il découvre le livre L’épopée de Gilgamesh, un récit épique de la Mésopotamie et l’une des oeuvres les plus anciennes de l’humanité. Cette oeuvre a été écrite en caractères cunéiformes sur des tablettes d’argile. En 1850, de nombreuses tablettes restent un mystère pour la traduction. L’écriture cunéiforme représentant des syllabes et non une lettre.

Zaleekhah en 2018 a comme propriétaire de sa pénicheune jeune femme Nen qui est tatoueuse et qui ne tatoue que des motifs cunéiformes rappelant la Mésopotamie, Ninive et son fleuve le Tigre.

Au bord de ce fleuve, en 2014, vit une famille yézidie autour de Grand-Mama et de sa petite-fille Naryn, 9 ans. Celle-ci doit être baptisée et cette famille décide de rejoindre la vallée sacrée de Lalesh.

Chacun des personnages, Arthur, Zaleekha, Naryn vaudrait à lui seul un roman. Elis Shafak se fait conteuse pour entrelacer ces trois histoires et les relier au cours imprévisible de l’eau.

La goutte d’eau, les fleuves, une mémoire de l’humanité.

Elif Shafak s’appuie sur une documentation nourrie mais qui laisse la place au roman.

À travers ce voyage incessant entre 1850 et 2018, entre la Tamise et le Tigre, Elif Shafak nous rappelle les affres du dérèglement climatique, du pillage des vestiges historiques, de la cruauté faite aux Yézidis, mais aussi la grandeur humaine de certains dans le partage, l’empathie.

M. Bradbury, Grand-mama, Leila, Nene sont des êtres de bienveillance, de culture, de spiritualité qui révéleront à eux-mêmes Arthur, Naryn et Zaleekha.

Un roman magistral auquel il faut joindre les derniers mots des remerciements d’Elif Shafak : « On dit qu’un romancier ne doit pas tomber amoureux de son sujet, mais même si j’admire les dons intellectuels et apprécie le domaine des idées, je ne crois pas qu’on puisse écrire un roman avec son seul esprit rationnel. le coeur doit s’y mettre aussi et une fois que le coeur y est, allez savoir où il vous entraînera.

Ce roman est le lieu où m’a entraîné mon coeur.

Ce roman est mon chant d’amour aux fleuves : ceux qui vivent encore et ceux qui ont disparu depuis longtemps. »

Elif Şafak, ou Elif Shafak (nom de plume d’Elif Bilgin), née le 25 octobre 1971 à Strasbourg, est une écrivaine turque. Elle vit et travaille à Londres.

Primée et best-seller en Turquie, Elif Şafak écrit ses romans aussi bien en turc qu’en anglais. Elle mêle dans ses romans les traditions romanesques occidentale et orientale, donnant naissance à une œuvre à la fois « locale » et universelle. Féministe engagée, cosmopolitehumaniste et imprégnée par le soufisme et la culture ottomane, Elif Şafak s’attaque dans ses écrits à toute forme de bigoterie et de xénophobie.

Le livre de Kells de Sorj Chalandon. Grasset. 🟩🟩🟩🟩🟩

Le livre de Kells

Sorj Chalandon

Grasset

ISBN : 978-2-24684-321-4 Août 2025

384 pages

L’exergue du dernier roman l’enragé de Sorj Chalandon est un extrait de L’Enfant de Jules Vallès. Ce même extrait est repris dans son nouveau roman le Livre de Kells.

« À tous ceux qui crevèrent d’ennui au collège

ou

Qu’on fit pleurer dans la famille.

qui, pendant leur enfance,

furent tyrannisés par leurs maîtres

ou rossés par leurs parents. »

Dans l’enragé Sorj Chalandon racontait l’histoire d’un jeune garçon envoyé au bagne pour enfants de Belle-Île-en-Mer dans les années 30, suite à quelques larçins. laissé pour compte par sa famille, l’enragé allait se construire au soleil de la violence, de l’injustice mais aussi de la fraternité et de la solidarité.

Cette fois-ci, Sorj Chalandon se dévoile encore plus, en nous livrant un roman autobiographique. Il nous prévient néanmoins : « J’y ai changé des patronymes, quelques faits, parfois bousculé une temporalité trop personnelle, pour en faire un roman. La vérité vraie, protégée par une fiction appropriée. »

Nous avions déjà approché la vérité vraie dans Profession du père. Un roman où Sorj Chalandon nous parlait de la mythomanie de son père mais aussi de sa violence et de ses penchants politiques extrêmement droitiers. Avec le Livre de Kells, le père devient l’Autre. Pas un brin d’affection. Que le rejet de l’Autre. le Minotaure, le raciste, l’antisémite.

À 17 ans, Sorj Chalandon s’enfuit de Lyon et de la cellule familiale pour éviter d’être dévoré par l’Autre. Il prend le nom de Kells, en référence à un Évangéliaire irlandais du 9ᵉ siècle. Ayant obtenu son émancipation, il part sur les routes de la Camargue à Paris. Un objectif en tête : rejoindre Ibiza, puis Katmandou. Nous sommes en 1970.

Il n’en sera rien de ces rêves post-hippies et Flower Power. Ce sera la rue et sa dureté pendant un an à Paris. L’envie de revenir à Lyon et l’orgueil qui dit non.

Et puis au bout d’un an, la rencontre de Marc, métallo-ajusteur, militant maoïïste, vendeur à la criée du journal La Cause du peuple. Kells se met à vendre aussi La Cause du Peuple et découvre une solidarité et une famille de rechange.

Il découvre aussi la lutte politique, engagée, violente au sein de la Gauche Prolétarienne. Il découvre aussi la culture, la lecture et un peu d’humanité.

C’est ce parcours que nous raconte Sorj Chalandon sans en oublier les vicissitudes, les renoncements, les petites victoires et les grands doutes.

La plume de Sorj Chalandon est toujours merveilleuse, pétrie d’humanité, de proximité, d’humilité. Kells, le garçon de la rue, s’est intégré dans une époque politique violente dans laquelle il a été confronté à la mort de Pierre Overnay, militant et ouvrier chez Renault, assassiné par un nervi du patronat. Il a aussi été confronté aux ratonnades, à l’explosion de l’immigration, au terrorisme de Septembre Noir. Une jeunesse de révolte et de prise de conscience. Prise de conscience politique et sociale. Que faire de la lutte armée ? est-ce une fin en soi.

Le Livre de Kells est un roman labyrinthe qui nous remet face à notre jeunesse, nos engagements, nos doutes, nos valeurs. Comment faire perdurer nos engagements avec le temps. Comment les transformer sans les trahir.

Kells est devenu Sorj Chalandon, journaliste-reporter-écrivain.

Kells enfant des rues, luttant pour sa survie souvent par la violence, a réussi à se réconcilier avec l’humanité.

Cette humanité qui est la vertu cardinale de Sorj Chalandon.

Sorj Chalandon naît le 16 mai 1952 à Tunis. Son prénom de naissance est Georges ; il fait plus tard des démarches pour le modifier à l’état-civil en Sorj, qui correspond à la manière dont l’appelait sa grand-mère.

Son enfance est marquée par la violence et la mythomanie de son père, qu’il décrit dans son roman Profession du père. Il souffre alors de bégaiement, ce qui lui inspire son premier roman, Le Petit Bonzi.

Bien que la majorité soit alors à 21 ans, il obtient son émancipation à 17 ans et quitte sa famille

En 1973, il entre par la petite porte au quotidien Libération, au moment de sa création, et y restera journaliste salarié jusqu’en février 2007. Alors infirmier dans un hôpital psychiatrique, Sorj Chalandon y est tout d’abord monteur, puis a couvert, en 1974, en tant que dessinateur de presse, le premier procès de Pierre Goldman, qui devient son ami fidèle et le rejoint en 1976 à la rédaction de Libération.

Devenu rapidement grand reporter, Sorj Chalandon est en 1982 le premier journaliste occidental, selon Libération, à rendre compte du massacre de Hama, en Syrie, sous pseudonyme. En 1986, il témoigne du succès populaire du chanteur Jean-Jacques Goldman. Egalement chroniqueur judiciaire, puis rédacteur en chef adjoint de ce quotidien, il est l’auteur de reportages sur l’Irlande du Nord et sur le procès de Klaus Barbie qui lui ont valu le prix Albert-Londres en 1988

Entre 2007 et 2009, Sorj Chalandon devient formateur régulier au Centre de formation des journalistes à Paris

En août 2009, Sorj Chalandon est embauché comme journaliste au Canard enchaîné, en charge de la rubrique « La Boîte aux images » et critique de cinéma.