Eclaircie de Carys Davies. La table ronde. 🟩🟩🟩◼️◼️

Eclaircie

Carys Davies

La Table Ronde

Traduction : David Fauquemberg

ISBN : 979 – 1 – 03711 – 469 – 3

192 pages

En 1843 le pasteur John Ferguson est envoyé sur une île septentrionale des Shetland pour
expulser le seul habitant : Ivar. John Ferguson va faire une chute depuis une falaise et va être
recueilli par Ivar.
John Ferguson est sur l’île pour le déplacement forcé d’Ivar. En manque d’argent il a accepté
cette mission car en tant que pasteur, il a fait scission avec l’Eglise presbytérienne afin de
développer la Nouvelle Eglise. À la suite de sa chute de la falaise, il a été recueilli par Ivar. Va
naître en eux une communauté faite de deux langues et d’un troisième personnage : Mary. Mary
est la femme de John Ferguson. Elle est restée en Ecosse. Mais lors de la chute de la falaise Ivar
a récupéré le portrait de Mary dans un cadre en cuir.
John et Ivar vont peu à peu s’apprivoiser autour de la langue norne, ancienne langue des
Shetland. Depuis la mort de sa grand-mère et de sa mère Ivar vit seul avec ses bêtes et son
rouet. Voir un autre humain est un bouleversement, un miroir. Rencontre inattendue de deux
inconnus
J’ai apprécié la lecture de ce roman du fait de sa concision. Concision des mots, des lieux, des
sentiments. L’autrice s’est servie de deux événements réels pour mettre en présence deux
personnages qui vont se découvrir petit à petit. Malgré la diƯérence de la langue, la raison de la
présence de John, chacun va accepter une éclaircie, une brève amélioration, une brève détente.
Des paysages durs et humides, des conditions de vie spartiates ne vont pas empêcher la
rencontre et la compréhension de l’autre. Une véritable éclaircie clôturera ce roman. Tout en
discrétion.

Lu dans le cadre du Prix 2025 de la librairie Au bord du jour à Voiron- 38. (Jury)

Carys Davies est l’auteur de deux recueils de nouvelles, qui lui ont valu d’être récompensée par le Frank O’Connor Award en 2015. Elle vit dans le nord-ouest de l’Angleterre.

L’entroubli de Thibault Daelman. Le tripode. 🟩🟩🟩🟩🟩

L’entroubli

Thibault Daelman

Le Tripode

ISBN : 978 -2- 37055 – 464 – 2 Aôut 2025

296 pages

Dans un quartier populaire de Paris ou de sa très proche banlieue, vit une famille un peu
beaucoup dysfonctionnelle. Une mère dépassée et excessive, un père alcoolique élèvent cinq
garçons. Chez l’un des enfants s’impose la nécessité d’écrire afin de garder en mémoire cette
enfance et de ne pas s’oublier à demi, peu à peu : l’entroubli.
L’histoire est touchante et authentique. L’histoire d’une famille pauvre, populaire et de leur
quotidien.
Rien de larmoyant. La mère porte cette cellule à bout de bras. Chacun est aimé et aime à sa
façon. Et les événements d’une vie de famille : la maladie du père, l’école, la fratrie. Une famille
complexe, dysfonctionnelle dont Thibault Daelman éclabousse de son style, de son écriture. Un
style fluide, lucide et grâcieux. Un grand talent d’écriture, avec une sensibilité à fleur de peau.
Le choix des mots et des associations donne rythme et musicalité au texte. le texte semble
doux alors que ce texte parle de douleurs, de souffrance, de mémoire.
Le roman courre jusqu’à la majorité du narrateur. On n’a commencé le roman à un moment
anodin de la vie de cette famille, on le quitte de façon aussi simple. le temps et la vie qui
coulent.
« Ecrire pour me réunir, me dissoudre, simultanément.« Des mots pour raconter, des mots pour
les ressentis, les émotions, les souffrances et les silences. Des mots pour que l’entroubli
ne s’efface pas.

Livre lu dans le cadre du Prix de la Librairie Au bord du jour à Voiron – 38. ( Jury)

Enseignant à la Sorbonne, Thibault Daelman donne des ateliers d’écriture créative. L’Entroubli est son premier roman, sur lequel il travaille depuis une dizaine d’années.  

Sous leurs pas, les années de Camille Bordenet. Robert Laffont.🟩🟩◼️◼️◼️

Sous leurs pas, les années

Camille Bordenet

Robert Laffont

ISBN : 978 – 2- 22127 – 991 – 5 Août 2025

288 pages.

Sous leurs pas, les années est le premier roman de Camille Bordenet, journaliste au journal le Monde. Pour ce premier roman, Camille Bordenet a sûrement mis en scène son double littéraire. Son personnage principal s’appelle Constance Debord (les deux premières syllabes inversées de son nom) et il a réussi dans le monde de la télévision.

Suite au décès de sa grand-mère, Constance revient dans son village natal en Isère, dans les Terres Froides, à Valfroid. Dans la réalité, Camille Bordenet est originaire de cette région.

Constance Debord est donc revenue dans sa région qu’elle a quittée il y a 18 ans pour monter à Paris. Elle va retrouver Jess, son amie d’enfance. Jess est maintenant mariée avec deux enfants. Elle a un double emploi : monitrice d’auto-école et chauffeur de bus scolaire. L’amitié entre Jess et Constance s’est fracassée sur le départ pour Paris de Constance sans explication.

Avec ce retour, Constance se rend compte du fossé qui s’est creusé entre Paris et la province : la perte des services publics, les difficultés de déplacements, la vie chère, les gilets jaunes, le populisme et la montée de l’extrême droite.

Je n’ai pas apprécié la lecture de ce roman.

Pour écrire son roman, Constance a pris un style proche de l’oralité qui veut donner une simplicité et une proximité avec le réel. Malheureusement ce style trop agressif donne un côté caricatural à l’histoire et accentue le peu d’empathie avec les personnages. Ces phrases peuvent être aussi des listes à la Prévert concernant des artistes de variétés, des noms de produits, des automobiles, des lieux. Une façon d’enfoncer le clou pour caractériser une époque sans véritable nécessité.

Le sujet du décalage entre ceux qui restent et ceux qui partent pouvait porter une réflexion intéressante, mais l’agressivité du langage et le manque de crédibilité de certains événements ternissent le propos.

Sur les traces de Marie-Hélène Lafon et de Nicolas Mathieu, Camille Bordenet donne une voix à ceux qui peuplent les territoires ruraux. Chroniques de nos campagnes entre reportages pour le journal Le Monde et fiction, « l’enfant du pays » revient à la source nous présenter son premier roman.

Camille  Bordenet  a  grandi  aux pieds du massif de la Chartreuse, près du lac de Paladru, en Isère, cultivant sa passion pour la danse, ses copines et les histoires – les vraies et les fictives – sous les abribus.

Après ses études à Grenoble, elle a intégré la rédaction du Monde à Paris, par la voie du concours « Monde Académie », ayant pour vocation de renouveler les horizons des jeunes journalistes dans les grandes rédactions nationales.

Les hommes de Shetland de Malachy Tallack. Buchet Chastel.🟩🟩🟩◼️◼️

Les hommes de Shetland

Malachy Tallack

Buchet-Chastel

Traduction : Anne Pouzargues

ISBN : 978 – 2 – 28303 – 980 – 9 Août 2025

288 pages

Jack est un sexagénaire qui vit dans une des Iles Shetland. Il vit seul dans un cottage bercé par la musique country et l’écriture. On peut dire qu’il est un peu introverti et très sensible.
Le cottage dans lequel il vit est celui de ses parents : Sonny et Kathleen Paton.
L’histoire de ce roman va se dérouler, lentement, au rythme des vies quotidiennes des personnages. En oscillant entre les années de jeunesse de Sonny et Kathleen et celles actuelles de la vie de Jack.
Cette oscillation sera marquée aussi par la présence d’un chaton Loretta ,d’une petite fille en quête d’amitié et de la musique country.
Il ne faut pas rechercher dans ce roman des événements extraordinaires.
C’est une vie tranquille qui se déploie devant nous, simple et attachante.
Les hommes de Shetland est le premier roman de Malachy Tallack écrivain, journaliste et musicien.
Il accompagne son roman d’un bar code renvoyant aux musiques et textes qu’il a écrit pour ce livre. Cela concourt à cette simplicité et lenteur. le côté îlien.
Reste que cette simplicité et celle lenteur peuvent engendrer un ennui. Mais l’ennui n’est il pas aussi synonyme de vie îlienne ?
Reste un livre de rien qui se lit sans déplaisir, à l’ombre de quelques musiques country.

Né en 1980 dans les Shetland, Malachy Tallack est écrivain, journaliste et musicien. Il est l’auteur de plusieurs essais remarqués (« Sixty Degrees North », « The Un-Discovered Islandsc») et d’un premier roman – non traduit – salué par la critique (« The Valley at the Centre of the World »)

La Valse Atlantique

Je valsais sur les vagues

J’étais fou, j’étais brave

Je faisais de mon mieux

Quand j’ai baissé la garde, la mer m’a frappé fort

Et elle m’a emporté comme un morceau de bois

Refrain

Elle te bercera, elle te secouera

Elle essayera de te contrôler

Elle te fera tournoyer et tourbillonner jusqu’à ce qu’un jour

Tu apprennes a rester en mesure avec ce rythme de sel

Cette magnifique valse atlantique

Comme une giroflée flétrie

Aux dernières heures de la nuit

Au bord de cette atlantique ,infinie piste de danse

Trop tard je suis rentré, j’ai commencé à tourner

J’ai été avalé et recraché encore.

Refrain

Passagères de nuit de Yanick Lahens. Sabine Wespieser. 🟩🟩🟩🟩◼️

Passagères de nuit

Yanick Lahens

Sabine Wespieser

ISBN 978 – 2- 84805 – 570 – 1 Août 2025

224 pages

On ne présente plus Yanick Lahens , auteur de 17 romans, prix Femina en 2014. Elle est une femme d’Haïti et de l’esclavagisme.
Son dernier roman Passagères de nuit se classe dans la recherche des origines, de la place de la femme haïtienne et de la mémoire.
Le roman se situe sur deux périodes entre 1750 et 1850. Première partie à Saint Domingue et La Nouvelle Orléans, puis deuxième partie en Haïti.
Née en 1818 à la Nouvelle Orleans, Elisabeth Dubreuil n’a pas reculé quand elle a été victime de deux tentatives de viol par un ami de son père. Sa grand mère, ancienne esclave arrivée d’Haïti avec son maître qui l’a affranchi va lui donner un exemple de résistance silencieuse.
Cette grand mère va faire connaître le vaudou, le mystère des divinités à Elisabeth et l’aider à fuir la Nouvelle Orléans et embarquer pour Port au Prince. On retrouve Élisabeth des années après, mère d’un homme qui traverse la ville en libérateur : le général Leonard Corvaseau.
Ce roman est porté par une écriture magnifique faite de douceur, de poésie mais aussi de cette violence liée à Haïti.
On peut juste peut être regretter un décalage entre les deux parties du livre avec dans la deuxième partie un narrateur se cachant pendant une quarantaine de pages.
Ceci dit le roman reste un roman d’émotion, de liberté , d’émancipation qui nous parle de mémoire, de génération.
Livre lu en tant que jury du Prix de la librairie Au bord du jour à Voiron (38)

Yanick Lahens, née le 22 décembre 1953 à Port-au-Prince en Haïti, est une écrivaine haïtienne, lauréate de l’édition 2014 du prix Femina pour son roman Bain de lune. Elle est titulaire de la chaire « Mondes Francophones » au Collège de France et a prononcé sa leçon inaugurale intitulée « Urgence(s) d’écrire, rêve(s) d’habiter » le 21 mars 2019.

Les piliers de la mer de Sylvain Tesson. Albin Michel. 🟩🟩🟩◼️◼️

Les piliers de la mer

Sylvain Tesson

Albin Michel

ISBN : 978 – 2- 22649- 132-9 Avril 2025

224 pages

Voilà un Tesson pur jus ! de l’aventure avec les escalades des piliers de la mer ou stacks autour de la planète. Des réflexions à n’en plus finir sur les stacks; réflexions géographiques, philosophiques et métaphysiques. Des liens littéraires pour envelopper tout cela, et puis un gros cigare par ci, par là sans oublier une bonne bouteille. du classique, mais un classique qui devient ronronnant et qui n’égale pas Les chemins noirs ou La panthère des neiges..
Dans ces livres les réflexions philosophiques avaient un support plus profond et approprié.
Avec Les piliers de la mer nous sommes dans une énumération d’escalades de stacks ( 106 !) , de difficultés techniques, de moyens d’arriver au pied des stacks ( nage- à pied – canot etc…). le tout sans ordre bien défini. On passe du coq à l’âne assez facilement et cela ne valorise pas la lecture. Surtout qu’il arrive à Sylvain Tesson d’être grandiloquent et dans le verbiage
Une déception donc. Cela arrive même au meilleur.

Sylvain Tesson, né le 26 avril 1972 à Paris, est un écrivainvoyageur et essayiste français. Il est principalement connu pour ses récits de voyage à travers le monde, et est ainsi régulièrement classé dans la catégorie littéraire des écrivains-voyageurs qu’il a contribué à populariser dans le paysage littéraire contemporain

Ce que prend la mer de Manon Fargetton. Editions Héloise d’ormesson. 🟩🟩🟩◼️◼️

Ce que prend la mer

Manon Fargetton

Editions Héloise d’Ormesson

ISBN : 978 – 2 -48781 – 935 – 1 Août 2025

304 pages

Térence , violoncelliste de renom, a fait un AVC dans sa cabane suspendue au dessus de la plage à Saint Malo. Sa fille, Maxine accourt à son chevet avec sa sœur.
C’est l’occasion de redécouvrir cette cabane , ces souvenirs mais aussi ces secrets. Dans un tiroir, Maxine retrouve des polaroids, envoyés régulièrement et qui dessinent une vie secrète en Ecosse il y a de nombreuses années.
Maxine interroge sa mère, sa sœur, l’agent de son père. En vain. Pas d’explications .
Elle décide donc de partir en Ecosse sur les traces d’une partie de la vie de son père. Une recherche du père qui va déboucher sur une autre recherche autour de la parentalité.
Maxine produit des documentaires sur le web et celui qu’elle travaille actuellement parle du besoin ou non d’enfant. Pour cela elle interroge au hasard des personnes avec une seule question : Pourquoi vouliez vous un enfant ?
Cette recherche documentaire se mélange rapidement à la vie secrète de son père en Ecosse.
Le style de Manon Fargetton est fluide et très agréable. Elle a la superbe idée de donner la narration à cette île écossaise où Maxine pense découvrir les secrets de son père.
Malgré la qualité du texte, des descriptions, des personnages, j’ai été dérangé par le parti pris de l’auteur sur la parentalité. Il me semble que la parentalité parle des mères et des pères. Là il n’est question que d’une vision féminine. C’est un choix de l’auteur que je n’apprécie pas. Dans ces interviews Maxine n’interroge que des femmes sur le besoin d’enfant. Qu’en est-il de l’homme. Quelle place ?
Il en ressort que faire un enfant n’est pas nécessaire actuellement. Vision réaliste ou pessimiste ?
Roman de l’identité qui se limite à une parentalité dans l’air du temps. Les couples se font et se défont, toutes les expériences sont bonnes.


A réfléchir
Lu dans le cadre du Livre 2025 de la Librairie Au bord du jour à Voiron (38) .Membre du Jury

Manon Fargetton vit dans le Morbihan et voyage dès qu’elle le peut, en particulier en Écosse. Après dix ans à partager sa vie entre la régie lumière au théâtre et ses romans, elle se consacre désormais à l’écriture. Si elle vient des littératures de l’imaginaire, elle a exploré de nombreux genres au fil des années. Elle a reçu le prix Imaginales pour L’Héritage des Rois-passeurs, le prix Renaudot des écoliers et le prix Chronos pour la série Les Plieurs de Temps, et Le Suivant sur la liste a été couronné par seize prix littéraires. En 2024, son roman Nos vies en l’air a été adapté en série par FranceTV. Tout ce que dit Manon est vrai, son premier roman de littérature adulte, a paru en 2022 et rencontré un grand succès. Ce que prend la mer est le deuxième.

Malu A contre vent de Clarence Angles Sabin. Le Nouvel Attila. 🟩🟩🟩◼️◼️

Malu à contre vent

Clarence Angles Sabin

Le Nouvel Attila

ISBN : 978 – 2-48774 – 929 – 0 Août 2025

192 pages

Avec ce premier roman, Clarence Angles Sabin nous entraîne dans les années 2010/2020 au coeur du Rouergue du plateau aveyronnais et au sein d’une bergerie et du monde rural.
Malu a dix ans et vit avec sont père et sa grand-mère a l’écart dans une bergerie, autour d’un paysage fait de trois collines dont celle où elle va enterrer les brebis mortes.
Malu est une jeune fille mal dans sa peau. Elle se scarifie, se sent harcelée à l’école.
Durant le temps du roman, sa grand-mère va petit à petit perdre la mémoire.
Le père est taiseux et vit de sa ferme. Sa femme qui venait de la ville , est partie après avoir donné naissance à Malu; dans l’impossibilité de s’intégrer à ce monde rural.
Malgré le style de l’auteur ( description magnifique et personnages rugueux) j’ai trouvé que ce roman voulait embrasser trop de thèmes.

Prenant un contexte rural ressemblant aux livres de Sandrine ColletteCécile Coulon ou Franck Bouysse, il ma semblé que le situer aux confins des années 2010 n’était pas réaliste. ce n’est qu’une impression.
J’ai lu que l’autrice avait souhaité écrire autour du mythe d’Antigone
La morale du mythe peut correspondre au livre : héroïne tragique devenue symbole de résistance. A contre-vent.
Antigone honorait son frère Polynice par des funérailles dignes. Ce n’était pas seulement un devoir familial mais un devoir divin.
Malu vit et revit cela avec l’enterrement de ces brebis. La vie contre la mort.
Livre noir.
Livre lu dans le cadre du « Livre 2025 » de la librairie Au bord du jour à Voiron. ( Jury)

Clarence Angles Sabin, vingt-huit ans, travaille dans l’édition de revues scientifiques. Originaire de l’Aveyron, elle est fille, petite-fille et arrière-petite-fille d’agriculteurs. C’est dans les paysages qui ont bercé son enfance qu’elle puise son inspiration et nourrit son écriture sensible et ombrageuse.

Nourrices de Séverine Cressan. Dalva. 🟩🟩🟩🟩◼️

Nourrices

Séverine Cressan

Dalva

ISBN : 978-2-48760 – 046 – 1 Août 2025

272 pages

Severine Cressan donne la parole à des femmes souvent invisibles ou de peu. Les nourrices. le roman n’est pas daté . On parle de Tour d’abandon, de charrettes, de maîtres de villes et de campagnes. le moyen âge, le 18 ou 19 -ème siècle ? Cela a peu d’importance en réalité.
Dans cette période non datée ni géographiquement située, Sylvaine qui vient de sevrer son fils Jehan va devenir nourrice d’un enfant de la ville, une petite fille nommée Gladie. Dans le même temps, elle va découvrir au milieu d’une clairière un bébé abandonné avec à côté de lui un carnet..
Sylvaine va donner son lait maternel à ses deux enfants. Malheureusement Gladie va mourir rapidement et Sylvaine et son mari Andoche vont substituer le bébé de la clairière à Gladie.
Cette substitution va bien entendu créer des péripéties.
Mais l’important n’est pas là. L’important est dans ces nourrices qui se battent pour les bébés, elles mêmes et leur liberté. Elles détiennent un trésor : la vie et le lait maternel. Elles sont pourtant invisibles et non reconnues. Elles sont de l’argent pour les hommes ,les ma8tres et les meneurs.
Nourrices raconte l’émancipation de ces femmes, leur recherche de liberté et la connaissance et reconnaissance de leur corps.
Sylvaine marche dans la forêt derrière la charrette conduite par le Meneur. Les femmes se font brinqueballées par le chemin.
Si Sylvaine marche derrière la charrette c’est que le Meneur a refusé sa présence. Alors Sylvaine marche derrière. Durant deux jours entre collines et forêts. Les femmes vont trouver toutes sortes de raison de ralentir la charrette pour que Sylvaine ne la perde pas de vue.
Et puis elles vont chanter et Sylvaine va suivre le chant. Et puis elles vont descendre l’une après l’autre de la charrette toujours en chantant.. Une chaîne, un lien qui devient un manifeste.
Livre lu dans le cadre du prix 2025 de la Librairie Au bord du jour à Voiron. ( Jury)

Séverine Cressan, née en 1976 dans la région lyonnaise, est passionnée depuis toujours par la littérature et la découverte de nouveaux horizons. Son amour des mots l’a conduite vers des études de lettres modernes et d’allemand puis au professorat. Elle a enseigné en France, en Allemagne et en Belgique. Elle vit aujourd’hui sur la côte Atlantique, au sud de la Bretagne.

La bouche dans le sable de Kevin Thiévon. Le bruit du monde. 🟩🟩🟩🟩◼️

La bouche dans le sable

Kévin Thiévon

Le bruit du monde

ISBN : 978-2-38601-072-9 Août 2025

224 pages

Premier roman bouleversant et maitrisé de bout en bout. Kevin Thievon a vécu en Irak et a pris ce pays en toile de fond de son roman.

Il va faire percuter deux adolescents dans le sud de la France, à Juan-les-Pins. D’abord l’adolescence de Marwan, jeune Irakien de 10 ans. Celui-ci a pour grand-père Ali le chimique, seigneur d’Irak qui a gazé les Kurdes en 1988. Ali le Chimique est au sommet du parti Bass et de la société irakienne. En 2003, lors de l’invasion irakienne, les parents de Marwan et lui-même sont exfiltrés et viennent vivre dans une villa du pouvoir irakien à Juan-les-Pins.

Marwan en France a peu de conscience du rôle génocidaire de son grand-père. Il reste loyal à la famille et à l’aura de celle-ci.

Dans le même temps, Elsa, petite fille de 8 ans vivant à Nantes, vient régulièrement en vacances dans la maison de ses grands-parents à Juan-les-Pins. Et puis Elsa va vivre totalement avec ses grands-parents à Juan-les-Pins.

Il y a aussi Sergio, un homme au visage cabossé par la vie, qui travaille au parc d’attraction du Luna Park. Il s’occupe du train fantôme. Il connaît la grand-mère d’Elsa, Féfée.

Dans le temps du roman, pas toujours chronologique, tous ces personnages vont se rencontrer et constituer un puzzle qui va se découvrir peu à peu. Même les noms changent : Elsa devient Zelda, Sergio peut être Sangar et derrière Féfée peut se cacher Julianne.

Avec une écriture réaliste, courte et de l’âge de l’auteur (32 ans), le récit met du temps à s’incarner. On est d’abord un peu spectateur, et puis le puzzle s’éclaircit. Au sein du kaléidoscope du roman, ces personnages vont interagir et se révéler les uns aux autres. Et pour nous, lecteurs, cette évolution va nous révéler la réalité du roman. Les émotions et les ressentis affluent et vous submergent. Bouleversé et interrogatif sur des vies mutilées par des monstres familiaux et en empathie pour ces exils.

Petit-fils d’un génocideur, comment être responsable et non coupable. Quelle identité se construire. Quel regard sur son pays. Un retour est -il possible ? Comment vivre et consolider une relation après un massacre ?

Marwan, Zelda, Sangar et Féfée n’ont plus de bouche dans le sable. La solidarité les aura sauvés. Peut-être pas dans ce qu’ils espéraient initialement. Mais : « Quelques cendres repoussent toujours après la cendre. » Il suffit d’aller voir « 
Livre lu dans le cadre du prix de la Librairie Au bord du Jour. Voiron. 38 ( Jury)

Né en 1993 à Lyon, Kévin Thiévon est diplômé de l’EDHEC et du King’s College de Londres. Son parcours dans les relations internationales l’a notamment conduit à vivre en Irak, un pays dont l’histoire a en partie inspiré ce premier roman.

Kévin Thiévon a été lauréat du Prix du Jeune Écrivain en 2020.

Il vit aujourd’hui à Paris.