
Parlons d’abord de l’auteur avant de parler du roman .
Quelle maestria d’Antoine Sénanque pour nous conter Croix de cendre.
La bibliographie à la fin du roman est courte : 4 livres. Comme on dit ce n’est pas la quantité qui fait la qualité.
Et là la qualité est présente à chaque page . Un travail documentaire, historique, religieux, spirituel de haute volée.
Car Antoine Sénanque n’a pas choisi une période simple pour son roman : le Moyen âge religieux. On aurait vite fait de se perdre aux confins des années 1350.
La peste a envahi l’Europe. Depuis peu des ordres religieux viennent de naître. Les Dominicains et les Franciscains courent les routes et les chemins entre prédication et pauvreté. La papauté est installée en Avignon avec Jean XXII. L’empereur Frédéric Barberousse règne sur l’Allemagne , la Thuringe et le Nord de l’Europe. le pouvoir papal et le pouvoir politique se disputent Dieu. L’Inquisition s’installe. Elle s’attaque aux Albigeois, aux Cathares, aux Templiers mais aussi aux béguinages ou encore aux Dominicains qui s’écartent de la ligne tel Maitre Eckhart qui professe le Libre Esprit. L’hérésie gagne le monde
Epoque semble-t-il confuse où les pouvoirs terrestres et célestes sont prêts à toutes les turpitudes.
Et de ce maelstrom , Antoine Sénanque en fait un polar médiéval. Bluffant.
En voici la trame.
Près de Toulouse dans le monastère de Verfeil, Antonin fils de médecin est dominicain. Il connait les plantes qui soignent. Il a comme ami, Robert, fils de valet de ferme et moine peu cultivé.
Le prieur du monastère, Guillaume, leur demande de se rendre à Toulouse afin de récupérer un vélin afin de fabriquer un parchemin. Parchemin d’importance car Guillaume souhaite y écrire une confession.
A leur retour , Antonin écoutera les confessions de Guillaume et les couchera sur le parchemin.
Alors plus jeune Guillaume a connu et accompagné Maitre Eckhart sur les routes de l’Europe. Celui-ci écrivant et professant des sermons provocants et dangereux. Il accompagna Eckhart à la Sorbonne, à Strasbourg mais aussi par dessus les mers jusqu’en Crimée.
Les révélations que pourraient faire Guillaume inquiète l’Inquisiteur général Louis de Charnes.
La suite est le plaisir de la lecture et de l’écriture. de religieux et politique, le roman devient polar. Il se savoure avec délectation.
Si en plus vous mettez dans vos oreilles quelques chants grégoriens , ou chorale de moines , le poème du Long Désir de Mathilde, béguine de Ruhl, en exergue du livre vous transportera.
Magnifique coup de cœur de cette rentrée littéraire.

Antoine Sénanque est né en 1959, à Neuilly sur Seine. De sa carrière d’interne chef de clinique, il tire un premier roman coup de poing, « Blouse », brûlot acéré contre la médecine qui lui vaudra la reconnaissance du public autant que les foudres de ses pairs.
En 2007, il reçoit le prix Jean Bernard pour son second ouvrage, « La Grande Garde ». Neurologue expérimenté, il parvient à rendre palpable la tension d’un service de chirurgie et dépeint les rapports de pouvoirs au sein du monde hospitalier. L’écriture de Sénanque est chirurgicale, précise, brutale et sans concession, pleine d’humeur et d’humour, toujours.
En 2006-2007, Antoine Sénanque change de cap pour passer sur le tard une licence d’histoire à la Sorbonne, expérience qui lui inspirera « L’ami de Jeunesse », sorti en 2008 et pour lequel il reçoit le prix Découverte Figaro. D’Histoire, il est aussi question avec « L’Homme mouillé », récit singulier où s’entremêlent mythologies anciennes et esprit scientifique, suivant les aventures de son anti-héros, Pal Vadas. Une percée dans les aspirations spirituelles d’Antoine Sénanque qui se poursuit avec son nouveau roman paru en mai 2012, « Salut Marie ». L’auteur y fait jaillir de sa plume truculente le questionnement insolent et subtil d’un personnage ordinaire et morose confronté à l’apparition de la Vierge Marie.







