Archives pour la catégorie Roman

La bouche dans le sable de Kevin Thiévon. Le bruit du monde. 🟩🟩🟩🟩◼️

La bouche dans le sable

Kévin Thiévon

Le bruit du monde

ISBN : 978-2-38601-072-9 Août 2025

224 pages

Premier roman bouleversant et maitrisé de bout en bout. Kevin Thievon a vécu en Irak et a pris ce pays en toile de fond de son roman.

Il va faire percuter deux adolescents dans le sud de la France, à Juan-les-Pins. D’abord l’adolescence de Marwan, jeune Irakien de 10 ans. Celui-ci a pour grand-père Ali le chimique, seigneur d’Irak qui a gazé les Kurdes en 1988. Ali le Chimique est au sommet du parti Bass et de la société irakienne. En 2003, lors de l’invasion irakienne, les parents de Marwan et lui-même sont exfiltrés et viennent vivre dans une villa du pouvoir irakien à Juan-les-Pins.

Marwan en France a peu de conscience du rôle génocidaire de son grand-père. Il reste loyal à la famille et à l’aura de celle-ci.

Dans le même temps, Elsa, petite fille de 8 ans vivant à Nantes, vient régulièrement en vacances dans la maison de ses grands-parents à Juan-les-Pins. Et puis Elsa va vivre totalement avec ses grands-parents à Juan-les-Pins.

Il y a aussi Sergio, un homme au visage cabossé par la vie, qui travaille au parc d’attraction du Luna Park. Il s’occupe du train fantôme. Il connaît la grand-mère d’Elsa, Féfée.

Dans le temps du roman, pas toujours chronologique, tous ces personnages vont se rencontrer et constituer un puzzle qui va se découvrir peu à peu. Même les noms changent : Elsa devient Zelda, Sergio peut être Sangar et derrière Féfée peut se cacher Julianne.

Avec une écriture réaliste, courte et de l’âge de l’auteur (32 ans), le récit met du temps à s’incarner. On est d’abord un peu spectateur, et puis le puzzle s’éclaircit. Au sein du kaléidoscope du roman, ces personnages vont interagir et se révéler les uns aux autres. Et pour nous, lecteurs, cette évolution va nous révéler la réalité du roman. Les émotions et les ressentis affluent et vous submergent. Bouleversé et interrogatif sur des vies mutilées par des monstres familiaux et en empathie pour ces exils.

Petit-fils d’un génocideur, comment être responsable et non coupable. Quelle identité se construire. Quel regard sur son pays. Un retour est -il possible ? Comment vivre et consolider une relation après un massacre ?

Marwan, Zelda, Sangar et Féfée n’ont plus de bouche dans le sable. La solidarité les aura sauvés. Peut-être pas dans ce qu’ils espéraient initialement. Mais : « Quelques cendres repoussent toujours après la cendre. » Il suffit d’aller voir « 
Livre lu dans le cadre du prix de la Librairie Au bord du Jour. Voiron. 38 ( Jury)

Né en 1993 à Lyon, Kévin Thiévon est diplômé de l’EDHEC et du King’s College de Londres. Son parcours dans les relations internationales l’a notamment conduit à vivre en Irak, un pays dont l’histoire a en partie inspiré ce premier roman.

Kévin Thiévon a été lauréat du Prix du Jeune Écrivain en 2020.

Il vit aujourd’hui à Paris.

Quelques jours dans la vie de Tomas Kusar d’Antoine Choplin. La fosse aux ours. 🟩🟩🟩🟩◼️

Quelques jours dans la vie de Tomas Kusar

Antoine Choplin

La fosse aux ours

ISBN : 978-2-35707-095-0 Janvier 2017

200 pages

Toujours le même plaisir avec Antoine Choplin : un style impeccable, des phrases courtes, des ellipses et de la délicatesse. L’art de ne pas y toucher et pourtant, en filigrane, la gravité est présente.

Antoine Choplin nous entraîne dans les années 1960 en Tchécoslovaquie. Tomáš Kusar est un jeune cheminot à la gare de Trutnov. Une vie à rêver au passage des trains, une vie à aimer la nature, les arbres et les oiseaux. Même que Tomas Kusar photographie les écorces des arbres. Quelques libertés dans un pays de l’Est sous la chape du communisme

Et puis, comme tous les ans, il y a le bal des cheminots. Danses, bières et spectacle théâtral. Dans la troupe qui se produit cette année, il y a un certain Vaclav Havel, futur dissident et président de la République tchèque dans les années 1990.

Cette rencontre va décider de la vie de Tomas. Par petites touches et flashbacks, Antoine Choplin va nous raconter la trajectoire, le destin de certains personnages vers la révolution de velours qui a porté Václav Havel au pouvoir.

La réflexion porte sur l’amitié, l’engagement, la portée de la culture.

Un engagement dont Václav Havel dit :

« Chacun de nous, même s’il est sans pouvoir, a le pouvoir de changer le monde. »

« Mais si maintenant je considère qu’indépendamment de l’état du monde, les choses résident dans ce que chacun d’entre nous pourrait devenir en tant qu’être humain autonome capable de responsabilité et d’action, alors tout devient différent. »

« Par exemple, je peux essayer de me comporter dans la vie de tous les jours d’une manière qui me semble juste et appropriée. »

Quelques jours dans la vie de Tomas Kusar est un roman éminemment humain et humble. Et l’humilité et l’humanité permettent de belles choses.

Antoine Choplin est depuis 1996 l’organisateur du festival de l’Arpenteur, événement consacré au Spectacle Vivant et à la Littérature.

Il vit près de Grenoble, où il concilie son travail d’auteur, ses activités culturelles et sa passion pour la marche en montagne.

Il est également l’auteur de plusieurs livres parus aux éditions de La fosse aux ours, notamment « Radeau » (2003, Prix des librairies Initiales), « Léger fracas du monde » (2005) et « L’Impasse » (2006).

Antoine Choplin a reçu le Prix France Télévision en 2012 pour « La nuit tombée ».

Le mage du Kremlin de Giuliano da Empoli. Gallimard. 🟩🟩🟩🟩◼️

Le mage du Kremlin

Giulano da Empoli

Gallimard

ISBN : 978-2-07295-816-8 Avril 2022

288 pages

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La sortie en 2025 de L’heure des prédateurs de Giuliano Da Empoli a fait que j’ai d’abord voulu lire son livre précédent, le mage du Kremlin, sorti en 2022.

Bien m’en a pris de lire ce livre trois ans après sa sortie.

Giuliano Da Empoli a un don de prescience ou en tout cas de projection dans l’avenir.

Le Mage du Kremlin est inspiré de l’éminence grise de Poutine : Vladislav Surkov. Dans le livre, celui-ci prend les traits de Vadim Baranov. C’est le seul personnage de fiction du roman. Tous les autres personnages, tous les faits sont réels.

Vladimir Baranov vient du monde du théâtre et de la télé-réalité. Il va rencontrer le milliardaire des médias, Boris Berezovsky. Celui-ci va lui demander de passer de la fiction à la réalité, en participant à la mise en scène et à la montée au pouvoir de Vladimir Poutine.

Nous sommes en 1999, Boris Eltsine préside depuis huit ans la fédération de Russie. Sa présidence est marquée par les crises, les scandales, les privatisations et l’émergence des oligarques. La Russie se libéralise à outrance au profit de quelques-uns. La corruption devient endémique.

La dérive du pouvoir, Eltsine malade, tout fait peur.

Forcé, Eltsine démissionne et nomme Poutine président. Devenu président, Poutine se voit comme le sauveur de la Russie et veut lui redonner puissance et grandeur en imposant des méthodes autoritaires, devenant avec le temps autocratiques.

Avec profondeur, Giuliano Da Empoli creuse les failles et analyse la continuité de la Russie tsariste, communiste et poutinienne. Analyse effrayante sur la mise en place d’une accession au pouvoir pour certains et la servilité pour tous les autres.

Le roman se termine alors que l’Ukraine n’a pas encore été envahie en 2022. Pourtant toutes les pages de ce livre sont visionnaires et nous disent la situation actuelle : un ancien directeur du FSB, mégalo, sans opposition, révisionniste de l’histoire, voulant créer la troisième Rome.

Un roman réaliste qui permet de comprendre (un peu pour les Occidentaux) ce qu’est la désinformation, la propagande.

Et en 2025, d’autres personnages dansant sur le même fil apparaissent : Trump, Musk, Orban, Fisko. On les retrouve dans le dernier ouvrage de Giuliano Da Empoli : L’heure des prédateurs.

Giuliano da Empoli, né en 1973 à Neuilly-sur-Seine, est un écrivain et conseiller politique italosuisse. Il est le président de Volta, un think tank basé à Milan, et enseigne à Sciences-Po Paris.

Ancien adjoint au maire de Florence, chargé de la Culture, il a été le conseiller politique du président du Conseil italien Matteo Renzi

Il a été membre du conseil d’administration de la Biennale de Venise et président du cabinet Vieusseu] à Florence.

De 2006 à 2008, il est le conseiller du ministre de la Culture et vice-président du Conseil des ministres italien Francesco Rutelli.

En 2016, il fonde le think tank Volta, membre du réseau Global Progress, dont la vocation est de donner vie à un groupe de réflexion de nouvelle génération, abordant des thèmes liés aux évolutions du monde contemporain tout en prenant en compte l’histoire et la culture italiennes.

Depuis 1996, il publie régulièrement des articles et des éditoriaux dans les principaux journaux italiens, parmi lesquels le Corriere della SeraLa RepubblicaIl Sole 24 Ore et Il Riformista. En 2022 sort Le Mage du Kremlin, son premier ouvrage de fiction, qui dresse le portrait de Vadim Baranov, une éminence grise de Vladimir Poutine, personnage inspiré de Vladislav Sourkov. Le livre remporte le grand prix du roman de l’Académie française et fait partie de la sélection finale pour le prix Goncourt 2022

Les Saules de Mathilde Beaussault. Seuil Cadre Noir. 🟩🟩🟩🟩◼️

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Les Saules

Mathilde Beaussault

Seuil- Cadre Noir

ISBN : 978-2-02-157698-6 Janvier 2025

272 pages

Le premier roman de Mathilde Beaussault est une belle réussite.

Roman noir maîtrisé, dans un style parlé, qui nous entraîne dans les confins d’un hameau breton, entre Haute Motte et Basse Motte. À la Haute Motte, il y a un pharmacien. Celui-ci a une femme et une fille, Marie, 17 ans et déjà cataloguée  : «  Marie, couche-toi là  !  »

Le corps de Marie va être retrouvé. Elle a été étranglée. Ce corps a été découvert par Marguerite, enfant soi-disant simple d’esprit. Elle est la fille d’un couple d’agriculteurs qui vivent à la Basse Motte pas loin des saules et de la coulée verte où a été découvert le corps de Marie.

Un thriller classique avec un mobile, un coupable et des haines ressassées entre classes sociales. Mais Les Saules n’est pas qu’un thriller classique. Mathilde Beaussault installe une ambiance, une atmosphère prenante. Cette ambiance prime sur l’intrigue, bien que celle-ci soit bien ficelée. de même, la façon de décrire les interrogatoires est originale. Nous n’avons que les réponses des protagonistes dans un style familier, près de la réalité. Les questions des enquêteurs nous sont suggérées par les réponses des personnes interrogées. Cela donne des ressentis remarquables.

Les Saules est un roman noir rural et naturel où les personnages sont ciselés en quelques phrases et descriptions et où l’âpreté de chacun prend sa place et envoûte. Mathilde Beaussault nous entraîne dans cet univers et cette ambiance. Mieux nous nous fondons dans ce hameau breton et, comme Marguerite, nous épiions et essayons de comprendre.

Un premier roman d’une grande intensité. Mathilde Beaussault marche sur les traces de Franck Bouysse ou de Sandrine Collette. Excusez du peu.


Née en Bretagne mais angevine d’adoption depuis maintenant treize ans, Mathilde Beaussault enseigne le français dans un collège ligérien et vient de publier son premier roman.

Biberonnée à la littérature, Mathilde Beaussault lit chaque jour et ses choix sont très éclectiques (de Roland Barthes à Benjamin Whitmer en passant par Marguerite Duras ou Olivier Norek), mais elle est surtout  dingue des romans et nouvelles de Ron Rash . Ses origines paysannes lui ont inspiré ce roman noir rural qu’elle a situé dans un petit village au fin fond de la Bretagne dans les années quatre-vingt.

Un avenir radieux de Pierre Lemaitre. Calmann-Levy. 🟩🟩🟩🟩🟩

Un avenir radieux.

Pierre Lemaitre

Calmann-Levy

ISBN : 978-2-70218-362-5 Janvier 2025

592 pages

Quel plaisir de retrouver la famille Pelletier dans ce dernier roman de Pierre LemaitreUn avenir radieux est le troisième tome de Les Années glorieuses. Après nous avoir fait connaître la famille Pelletier dans le grand monde et le silence et la colère, nous retrouvons cette famille en avril 1959. Louis et Angèle, les parents, ont quitté Beyrouth et se sont installés au Plessis. Les enfants, Jean, François et Hélène, viennent les voir régulièrement. La famille s’est agrandie et les petits-enfants, Martine, Alain, Philippe, Colette, prennent de la place. D’ailleurs, Colette vit à demeure chez les grands-parents.

Les pièces rapportées, gendre et belles-filles, sont toujours là : Lambert, Nine et Géneviève.

En quelques pages et avec talent, Pierre Lemaitre nous restitue tout cela et nous sommes replongés avec délectation et étonnement dans cette famille. Reviennent les souvenirs de la savonnerie, de Dixie ou encore des articles de presse de François. Reviennent aussi les vicissitudes et troubles de Geneviève et Jean. Tout est là pour passer un petit mois en 1959 avec cette impayable famille Pelletier. Un petit mois au rythme « page turner » de Pierre Lemaitre. Des pages empruntent d’amour, de méchanceté, de violence, d’espionnage et de révélations. Mais aussi faite d’une documentation pointue.

Tout cela est truculent. Un avenir radieux est le slogan des pays communistes des années 60, et une longue virée à Prague, en Tchécoslovaquie, nous rappelle tout le bien-fondé de ce slogan !

Au-delà de cet avenir radieux, on voit éclore le personnage touchant de Colette. Un personnage de révolte et de promesses contre la domination masculine et qui préfigure les combats d’aujourd’hui.

Le romanesque, l’aventure, mais aussi le réalisme de la société.

« le lecteur rencontrera deux ou trois circonstances invraisemblables que nous maintenons par respect pour la vérité. » Les Misérables Victor Hugo. Exergue du roman Un avenir si radieux.

Billet des deux tomes précédents :

Le grand Monde

Le silence et la colère

Pierre Lemaitre, né le 19 avril 1951 à Paris, est un écrivain et scénariste français.

Il reçoit le prix Goncourt en 2013 pour Au revoir là-haut et un César en 2017 pour l’adaptation de cette même œuvre.

Pierre Lemaitre passe sa jeunesse entre Aubervilliers et Drancy auprès de parents employés, qu’il situe politiquement « à gauche »

Psychologue de formation et autodidacte en littérature, il effectue une grande partie de sa carrière dans la formation professionnelle des adultes, leur enseignant la communication, la culture générale ou animant des cycles d’enseignement de la littérature à destination de bibliothécaires.

Il se consacre ensuite à l’écriture en tant que romancier et scénariste, vivant de sa plume à partir de 2006. Il assure chaque mois la rubrique Classiques et Cie dans Le Magazine littéraire jusqu’au changement de nom de ce magazine. De 2011 à 2013, il est administrateur de la Société des gens de lettres.

J’emporterai le feu de Leila Slimani. Gallimard . 🟩🟩🟩🟩◼️

J’emporterai le feu

Leila Slimani

Gallimard

ISBN : 978-2-07-309836-8 Janvier 2025

430 pages

J’emporterai le feu clôt la trilogie le pays des autres de Leila Slimani. Trilogie qui a accompagné la famille Belhadj sur trois générations entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et les années 2020.

Lors de mon billet concernant la lecture du deuxième tome, Regardez-nous danser, j’écrivais ceci  : « Bien évidemment, ces évènements ont fait le Maroc et les Marocains. »
« Mais je trouve que Leila Slimani n’approfondit pas ces événements à la lumière de ces personnages.  »
« Par contre, Leila Slimani nous montre des femmes magnifiques, combattantes, libres et sensuelles.
Ces femmes qui me feront lire la fin de cette trilogie »

Et dans ce troisième tome, ces femmes sont effectivement magnifiques, combattantes, libres et sensuelles.

Que ce soit la grand-mère Mathilde, sa fille Aïcha, ses petites filles Mia et Inès ou la belle-soeur de Mathilde, Selma.

Des femmes attachantes à des degrés divers, mais qui nous racontent le patriarcat, la libération et l’indépendance.

Autour de ces femmes, les personnages d’Amine, de Mehdi et de Selim ne se révèlent pas toujours sous leur meilleur jour, mais restent des êtres passionnants et complexes.

Les trois tomes de le pays des autres racontent de façon romanesque l’histoire familiale de Leila Slimani. Ce troisième tome se concentre sur Mia et Inès, les filles d’Aïcha et Mehdi. Ces deux jeunes femmes des années 80, vivant dans un régime royal, liberticide et patriarcal, vont connaître, du fait de leurs études, de leurs vies, de leurs orientations sexuelles, la solitude, la séparation, l’exil.

Tout cela vécu dans une culture franco marocaine pour notables et proches du pouvoir royal.

Les questions identitaires, la place et le droit des femmes irriguent ce troisième tome et donnent matière à une oeuvre romanesque qui relève grandement de l’intimité familiale. le pays des autres essaime des racines ici et là-bas.

Je n’avais pas été totalement convaincu par les deux premiers tomes. Je trouvais que Leila Slimani avait traité beaucoup de sujets en restant, il me semble, en surface. Je n’ai pas retrouvé cela dans J’emporterai le feu.

J’ai trouvé une famille intergénérationnelle aux prises avec une double culture et un besoin de liberté irrépressible. Une famille qui souhaite prendre sa place, toute sa place.

« Oui, il a fallu que ce soit moi qui raconte, et je me souviens de ces papillons Belles-Dames qui entament un épique voyage depuis l’Afrique jusqu’au cercle polaire avec pour seul guide le soleil. » « Des papillons minuscules, des migrateurs extraordinaires pesant à peine un quart de gramme, et ce n’est jamais celui qui part qui arrive à destination, mais son petit-enfant » (p.422).

Leïla Slimani naît le 3 octobre 1981 à Rabat, dans une famille d’expression française. Son père, Othman Slimani (1941–2004), est un banquier et un haut fonctionnaire marocain, secrétaire d’État chargé des Affaires économiques de 1977 à 1979. Sa mère, Béatrice-Najat Dhobb Slimani (1948–), est médecin ORL et a été la première femme médecin à intégrer une spécialité médicale au Maroc Ses grands-parents maternels se sont rencontrés en 1944 pendant la Seconde Guerre mondiale, quand Lakhdar Dhobb, un spahi algérien ou marocain, participe à la Libération de Blotzheim, le village d’Anne Ruetsch (1921–2015), issue de la bourgeoisie alsacienne[. Après la guerre, elle s’installe avec lui au Maroc. Anne sera l’une des rares non-Marocaines décorée de l’ordre du Ouissam alaouite, une des plus hautes distinctions accordées par le roi du Maroc[10],[9]. Leïla Slimani a deux sœurs

En 2014, elle publie son premier roman, Dans le jardin de l’ogre. Le sujet (l’addiction sexuelle féminine) et l’écriture sont remarqués par la critique] et l’ouvrage est sélectionné dans les cinq finalistes pour le prix de Flore 2014[19].

Son deuxième roman, Chanson douce, obtient le prix Goncourt en 

La maison du magicien d’Emanuele Trévi. Philippe Rey. 🟩🟩🟩◼️◼️

La maison du magicien

Emanuele Trévi

Traduction : Nathalie Bauer

ISBN : 978-2-38482-207-2 Janvier 2025

218 pages.

La maison du magicien d’Emanuele Trevi explore la relation père-fils. le père Mario Trévi était un psychanalyste connu de Rome adepte de Jung. le narrateur, le fils ou encore Emanuele Trévi s’installe dans l’appartement de son père à la mort de celui-ci ; appartement dans lequel il recevait ses patients.

En intriquant autobiographie et fiction, Emanuele Trevi dessine la figure tutélaire du père. Dans cet appartement où flotte l’âme des patients, le père, Mario Trévi, devient guérisseur et magicien.

Des cahiers de notes, des galets polis, un exemplaire de la Métamorphose de l’âme et ses symboles de Jung et un exemplaire du Yi-King vont mener Emanuele Trévi sur les traces et mystères de « l’arrière-boutique » intérieure de son père.

C’est une lecture surprenante balançant entre souvenirs familiaux et approfondissement de l’oeuvre de Jung. Surprenant aussi les présences étonnantes de femmes aux doux noms de : La Dégénérée, La Visiteuse, La Chattemite.

On peut avoir du mal avec les passages portant sur l’analyse psychanalytique de Jung.

Cette réserve posée, le roman d’Emanuele Trévi teinté de nostalgie et d’humour est agréable à lire et pose la question : Qu’est-ce que la maison du magicien ? Conscience, inconscient, arrière-boutique ?

On en revient à Jung !

Né à Rome en 1964, Emanuele Trevi est essayiste, romancier et critique littéraire. Il collabore au Manifesto et au Corriere della Sera. Il a été finaliste du prix Strega 2012 avec Quelque chose d’écrit (Actes Sud, 2013).

Les bons sentiments de Karine Sulpice. Liana Levi. 🟩🟩🟩🟩◼️

Les bons sentiments

Karine Sulpice

Liana Levi

ISBN : 979-10-349-1040-3 Février 2025

173 pages

Julien, jeune homme de 28 ans travaillant dans une ONG, l’Association, prend en otage trois de ses collègues de l’association.

C’est le point de départ du premier roman de Karine Sulpice. Vont apparaitre un certain nombre de personnages qui vont interférer avec Julien. D’abord les trois otages : Jeanne, Antoine et Kader. Devant le local de l’association se pressent les chaines d’infos et la foule. Dans cette foule, il y a Jessica et sa fille Laila. Jessica et Leila se rendent souvent à l’association pour rencontrer les travailleurs sociaux. Autour des locaux de l’association se sont positionnées les forces de l’ordre sous le commandement de Maurane le Queuvre.

Maurane le Queuvre va rentrer en relation avec Julien afin de connître ses attentes.

À travers ces personnages et la discussion téléphonique entre Mauranne le Queuvre et Julien, nous allons remettre en place le puzzle de la vie de Julien.

Et le puzzle de la vie de Julien est formé de burn-out, de dépression. Un burn-out ou une dépression due au travail associatif. En nous présentant les points de vue de chacun, l’émotion est là à fleur de peau et joue sur les réflexions et les cheminements de chacun.

Parce que nous sommes dans le monde associatif, Les bons sentiments doivent affluer. Quel joli titre de roman pour dire exactement l’inverse et parler des noirceurs de l’âme humaine.

Premier roman d’une grande humanité.

Karine Sulpice vit à Lille. Elle a toujours manié les mots, d’abord en tant que journaliste puis avocate, notamment en droit de la famille et du travail, pendant dix ans. Elle se consacre aujourd’hui à l’écriture.

Nage libre de Jessica Anthony. Le Cherche Midi. 🟩🟩🟩◼️◼️

Nage libre

Jessica Anthony

Traduction Claro

ISBN : 978-2-7491-8194-3 janvier 2025

139 pages

Dans une résidence américaine en novembre 1957, Kathleen Beckett refuse d’accompagner son mari et ses deux enfants à l’office dominical. Elle préfère aller nager dans la piscine de la résidence. Et plus que cela, elle ne quittera pas la piscine jusqu’à nouvel.

Avec ce court roman Nage libreJessica Anthony a écrit un roman intrigant, un peu grinçant. En 139 pages, à travers le couple formé par Kathleen et Virgil, elle va nous faire découvrir leurs secrets intimes et la réalité de l’American way of life avec, surtout, la femme au foyer abandonnant ses rêves.

Spoutnik 2 avec son chien Laika tourne autour de la terre, Kathleen refuse de sortir d’une piscine, les mensonges et adultères se révèlent peu à peu. Tout le monde se cache derrière les apparences. Il ne se passe pas grand-chose dans cette journée qui soutient le roman. Mais ce pas grand-chose cristallise les reproches et les frustrations des uns et des autres. Kathleen est sa frustration tennistique. Virgil est son culte pour Charlie Parker

Dans cette piscine, la nage va t’-elle devenir libre ?

 Jessica Anthony est une écrivaine américaine. Son premier roman Le convalescent est paru au Cherche Midi en 2016. Nage libre est son quatrième ouvrage.

Un jeu sans fin de Richard Powers. Actes Sud. 🟩🟩🟩🟩🟩

Un jeu sans fin.

Richard Powers

Traduction : Serge Chauvin

Actes Sud

ISBN : 978-2-333020-0-343 Février 2025

394 pages.

Un jour sans fin est le dernier volet d’un tryptique composé de L’Arbre-Monde et de Sidérations.

Dans L’Arbre-MondeRichard Powers, à travers le botaniste Pat Westerford, nous avait fait découvrir le dernier mystère du monde : la communication entre les arbres.

Dans Sidérations, Théo Byrnes, un astrobiologiste élève seul son fils et chaque soir père et fils explorent ensemble les exoplanètes en tentant de percer le mystère de la vie.

Dans un jeu sans fin, Evie Beaulieu Todd Keanr, Rafi Young et Ina ont tous un lien avec Makatea, un atoll des Tuamotu en Polynésie française. Makatea a été dévasté en 1960 par l’exploitation des phosphates. Jusqu’à trois mille personnes ont vécu sur place. Aujourd’hui, Makatyea est un atoll de 90 personnes.

Et il est envisagé la construction de villes flottantes autour de l’atoll, en dehors de toute contrainte. Une mise en danger des fonds marins et de la communauté vivant sur l’île.

Comme toujours, Richard Powers écrit un roman dense entre science, poésie et réalité écologique du monde.

Il n’y a pas d’étonnement à retrouver dans ce roman un Américain libertaire créateur de son entreprise Playground, pionnière dans les jeux vidéo, les réseaux sociaux et l’IA. Cet Américain libertaire, c’est Todd Keane. Il est le narrateur du livre et nous le découvrons quand il vient d’apprendre qu’il est porteur de la maladie de Lévy, dégénérescence non soignable. À travers sa narration, il va mettre en perspective les 60 dernières années et les liens qui unissent les personnages.

C’est du grand art littéraire qui trouvera un épilogue étonnant dans les dernières pages du roman. Un épilogue qui donnera une nouvelle couleur au roman.

Richard Powers fait preuve d’une virtuosité incroyable pour mettre en scène tous ces personnages à différentes périodes de leur vie avant de les réunir à Makatea. Tout comme il fait preuve de poésie pour nous parler des fonds marins, du vivant et des micro-organismes. Les pages sur la danse du sepeiide sont d’une beauté à couper le souffle.

S’attaquer aux grands problèmes de ce monde, IA, écologie,dérèglement climatique, engendre un roman magnifique entre résilience et éternité.

Chapeau, monsieur Powers.

Richard Powers, né le 18 juin 1957 à Evanston dans l’Illinois (États-Unis), est un écrivain américain. Richard Powers devient un auteur reconnu et à succès aux États-Unis au début des années 1990, avec des romans explorant les relations entre sciences (physiquegénétiquetechnologie) et art (musique). Il obtient plusieurs récompenses et distinctions dont une bourse MacArthur en 1989, ainsi que le Lannan Litterary Award en 1999. Il est titulaire en 2010 et 2013 de la chaire d’écriture Stein à l’université Stanford1, avant d’être nommé professeur titulaire d’écriture créative dans cette même université Stanford (à la chaire Phil and Penny Knight Professor of Creative Writing).

Il est lauréat du prix Pulitzer de la fiction de littérature 2019 pour son roman L’Arbre-monde.