Archives pour la catégorie roman étranger

Chien 51 de Laurent Gaudé. Actes Sud . 🟩🟩🟩◼️◼️

Chien 51

Laurent Gaudé

Actes Sud

ISBN : 978-2-33019-4-147 Septembre 2024

304 pages.

Et Laurent Gaudé se lança dans la science-fiction. On dira plutôt dans la dystopie. À vrai dire je ne suis pas un adepte de la science-fiction. Va encore pour la dystopie.

Pourtant j’avais passé mon tour. J’ai lu un certain nombre de livres et d’essais de Laurent Gaudé et je souhaitais rester sur cette impression. Et puis Laurent Gaudé est venu à la librairie Lucioles à Vienne pour une soirée autour de son dernier roman Zem. Je ne pouvais manquer cette occasion, et bien évidemment ce qui devait arriver arriva : L’achat et la lecture de Chien 51 et Zem.

Lors de cette rencontre, Laurent Gaudé expliqua ne pas être un adepte et fan de science-fiction et qu’il découvrait un nouvel horizon littéraire. Que coupler une dystopie avec une enquête policière et ses thèmes favoris (migrants-solidarité-réchauffement climatique-humanisme) avait un sens. Sur ce, il lut un extrait de Zem.

J’étais hameçonné.

Je ne vais pas revenir sur l’histoire de Chien 51. Tous les Babéliotes l’ont fait depuis trois ans.

J’ai ressenti à la lecture de Chien 51 que la dystopie est vraiment proche de la réalité que nous vivons. Comme si deux images étaient légèrement décalées. Et Laurent Gaudé excelle par son écriture pour nous emporter dans la tragédie, le réalisme et la compréhension, sombre, de ce décalage.

Aucune description physique précise de Salia ou Zem. Comme à son habitude, Laurent Gaudé nous laisse libre de notre imagination. Ses personnages se construisent par la parole et les événements qu’ils traversent.

Et les événements que traversent Salia et Zem nous décrivent un monde assez proche de notre monde actuel et qui n’augure pas de beaux jours.

Il apparait rapidement que ce n’est pas dans la dystopie et la science-fiction que Laurent Gaudé donne le meilleur, mais comme ces thèmes de prédilection (pouvoir-solidarité-inégalité) sont le fil de cette histoire, et que l’écriture de Laurent Gaudé porte le roman, on se laisse prendre.

Laurent Gaudé, né le 6 juillet 1972 dans le 14e arrondissement de Paris est un écrivain français.

Il a obtenu le prix Goncourt des lycéens et le prix des libraires avec La Mort du roi Tsongor, en 2002, puis le prix Goncourt pour son roman Le Soleil des Scorta, en 2004.

Parallèlement à ses études, il commence à écrire. En 1994, âgé de 22 ans, il envoie un premier texte intitulé Une fille et trois garçons à Du théâtre, la revue qui le publie. Ce même texte, ajouté à deux autres, sera publié par Claude Lanzmann dans la revue Les Temps modernes.

En 2001, il écrit son premier roman Cris, un récit choral sur la guerre de 14-18, publié par Actes Sud. S’ensuivent des années où Laurent Gaudé écrit aussi bien des pièces de théâtre (Médée kaliLe Tigre bleu de l’EuphrateLes SacrifiéesSalina…) que des romans.

En 2002, La Mort du roi Tsongor, son deuxième roman, lui vaut d’être reconnu à la fois par le monde littéraire et par le grand public. Cité pour le prix Goncourt, il est récompensé par le prix Goncourt des lycéens et le prix des libraires. Deux ans plus tard, il remporte le prix Goncourt ainsi que le prix du jury Jean-Giono avec son roman Le Soleil des Scorta, également un succès de librairie (80 000 exemplaires vendus entre la parution du roman et l’attribution du prix Goncourt en 2004).

Dans les années qui suivent, tout en poursuivant l’écriture de romans (EldoradoLa Porte des EnfersOuraganÉcoutez nos défaites) Laurent Gaudé continue son travail pour le théâtre et développe de nouvelles collaborations avec d’autres formes d’art : photographie, musique, poésie, films…

Chants de l’Arctique Tome 1 : Lame de feu d’Ingeborg Avola. Paulsen 🟩🟩🟩◼️◼️

Chant de l’Arctique. Tome 1 Lame de feu

Ingeborg Avola

Paulsen

Traduction : Hélène Hervieu

ISBN : 978-2-37502-3-044 Septembre 2023

512 pages

Chant de l’Arctique est une saga en deux volumes. le premier volume s’intitule Lame de feu. L’action de ce roman se passe en territoire lapon ou sami aux confins de la Norvège, de la Finlande et de la Russie, plus particulièrement sur les rives du Varangerfjord.

Nous sommes en 1859. La guérisseuse Brita Caisa, étant tombée en disgrâce, doit quitter sa Finlande natale, Elle part avec ses deux enfants, Aleksi et Heikki, 11 ans et trois ans, conçus hors mariage. Elle remonte vers le Varangerfjord en espérant trouver un mari pour mettre ses enfants à l’abri du qu’en dira -t-on et de la famine qui sévit. Sur le chemin, la guérisseuse viendra en aide à tous ceux qui en ont besoin.

Lorsqu’elle rencontre Mikkel Aksa, elle sait qu’elle est au bout du chemin et qu’elle a rencontré l’homme qu’elle aimera. Mais Mikkel Aska est marié, sans enfant, avec Gretha. Dans cette société traditionnelle, l’adultère est passible de prison.

C’est un roman lent qui se déroule sur quatre années entre hivers rigoureux et étés aux bords du fjord à faire pâturer les rennes, à pêcher le saumon et le capelan, à récolter les pommes de terre et autres légumes. Les traditions du peuple sami sont bien décrites, tout comme la vie du petit peuple souterrain, qui sous-tend la vie de la guérisseuse Brite Caisa.

Les familles samis sont nomades et se déplacent selon les saisons.

J’ai trouvé que le roman était long avec une difficulté à bien cerner tous les personnages et familles, sachant que chaque personnage peut avoir plusieurs noms. Brita Caissa peut ainsi s’appeler aussi Priita Kaisa. Mikkel Aska peut aussi être connu comme Mikko ou encore Mikkel Riesto. Idem pour les villes : Vadsø peut être Ruija et Bugoynes peut être Pykeija.

Tout cela ne facilite pas la lecture. Une note de l’autrice en début d’ouvrage est censée nous aider. pas sûr de l’efficacité.

Née en 1974, Ingeborg Arvola a grandi à Tromsø, dans l’extrême nord de la Norvège.
Fille de Liv Lundberg, poète, romancière et traductrice, elle s’est rapidement tournée vers l’écriture. Ses romans pour la jeunesse ont été récompensés par de nombreux prix littéraires.

DJ Bambi d’Audur Ava Olafsdottir. Zulma. 🟩🟩🟩🟩◼️

Dj Bambi

Audur Ava Olafsdottir

Zulma

Traduction : Eric Boury

ISBN :  979-1-03870-393-3 Septembre 2025

256 pages

DJ Bambi est l’histoire d’un homme né soixante ans plus tôt qui s’est toujours senti femme. Elle a choisi le prénom de Logn qui signifie en islandais : absence de vent ou calme plat. Suite à son divorce et à un traitement hormonal, Logn attend d’être opérée du bas (quelle pudeur) afin d’avoir un corps qui lui corresponde vraiment.

À terme, elle souhaite prendre le prénom de sa grand-mère, Grudidur. Seul son jumeau Trausti la soutient, au contraire de sa famille qui la rejette.

Cette réalité, Logn, l’a tenue enfouie et a mis des années à l’accepter.

Après le rouge vif de la rhubarbe, c’est le deuxième roman d’Audur Olafsdottir que je lis. J’ai retrouvé la même poésie et la même empathie pour ces personnages. des personnages différents aux proies avec la reconnaissance.

Choisir le sujet transgenre n’est pas le sujet le plus simple à aborder. Pour le rendre quotidien et ancré dans la réalité Audur Olafsdottir nomme à l’infini les noms des rues, des plages, des caps, des lieux de Reykjavik, nous englobe dans le ciel, les étoiles et au plus près des goélands.

Pour déposer le sujet, elle choisit un personnage appelée Audur T. (étonnant !) qui interview Logn et veut en faire un livre.

J’ai ressenti durant cette lecture la difficulté qu’il y avait à traiter du transgenre et la difficulté de parler et de comprendre ce chemin de transition. Cela a été accentué par la réalisation ou non du livre d’Audur T. et d’un événement final.

Reste qu’Agustina dans le Rouge vif de la rhubarbe ou Logn dans DJ Bambi sont des personnes qui se tiennent droites, éminemment humaines. Il faut se rappeler qu’au départ Bambi parle de l’ostracisme fait aux juifs.

Logn, Agustina différents.

Auður Ava Ólafsdóttir est sans conteste la reine des lettres islandaises ! Depuis Rosa candida, le charme inimitable de ses romans tient peut-être à son talent sans pareil pour nous faire explorer les troublantes drôleries de l’inconstance humaine avec une poésie et un humour d’une grâce inégalable. Elle a reçu notamment les plus hautes distinctions nordiques, et le Prix Médicis étranger pour Miss Islande.

« Révélée au public français grâce à Rosa candida, l’Islandaise Auður Ava Ólafsdóttir possède l’art de dire les choses compliquées avec des mots simples. Celui aussi de suggérer l’émerveillement devant le miracle quotidien de l’existence. » – Elena Balzamo, Le Monde des Livres.

Le rouge vif de la rhubarbe d’Audur Ava Olafsdottir. Zulma. 🟩🟩🟩🟩◼️

Le rouge vif de la rhubarbe

Audur Ava Olafsdottir

Zulma

Traduction : Catherine Eyjolfsson

ISBN : 978-2-843-04756 -5 Islande 1998 – France 09/2016

156 pages

Le rouge vif de la rhubarbe est un court roman, sensible, délicat et poétique se déroulant sur les terres islandaises.

Agustina a été conçue dans un champ rouge vif de rhubarbe. Un père de passage lors de l’escale d’un navire et absent à jamais. Une mère, scientifique de la migration des oiseaux, toujours aux quatre coins de la terre et qui n’existe que par des lettres.

Agustina vit auprès de Nina, une amie de sa mère.

Agustina est née avec des jambes de coton qui ne peuvent la porter et des béquilles sont ses meilleures amies.

Agustina a une vie horizontale, elle ne peut grimper, ou entamer des randonnées dans les paysages escarpés de son île. Elle a néanmoins un lien vertical avec les nuages, le ciel et Dieu.

Agustina a un rêve : atteindre le sommet de la Montagne, 844 mètres, afin de voir le monde de haut et de s’englober dans un paysage.

A partir des scènes du quotidien, autour de la cuisine, de la pêche, des rencontres, Audur Aya Olafsdottir va instiller une poésie et une tendresse autour d’Agustina, sirène ou ange.

Quand l’ordinaire de la vie et le handicap confèrent au merveilleux.

Auður Ava Ólafsdóttir est sans conteste la reine des lettres islandaises ! Depuis Rosa candida, le charme inimitable de ses romans tient peut-être à son talent sans pareil pour nous faire explorer les troublantes drôleries de l’inconstance humaine avec une poésie et un humour d’une grâce inégalable. Elle a reçu notamment les plus hautes distinctions nordiques, et le Prix Médicis étranger pour Miss Islande.

« Révélée au public français grâce à Rosa candida, l’Islandaise Auður Ava Ólafsdóttir possède l’art de dire les choses compliquées avec des mots simples. Celui aussi de suggérer l’émerveillement devant le miracle quotidien de l’existence. » – Elena Balzamo, Le Monde des Livres.

Les remplaçants de Bernardo Carvhalo. Métailié . 🟩🟩◼️◼️◼️

Les remplaçants

Bernardo Carvalho

Editions Métailié

ISBN : 979-1-02261-454-2 Août 2025

208 pages

La couverture du dernier roman de Bernardo Carvalho représente un bimoteur au lever du jour ou au crépuscule survolant une masse à contrejour qui pourrait être une représentation de la forêt amazonienne.

Dans cet avion, un père et son fils de 11 ans. Tout au long du roman, il s’agira du père et du fils. Pas de prénom, pas d’affectif. C’est pareil pour tous les personnages du roman qui sont caractérisés par leur fonction : le directeur du théâtre, le banquier véreux, le médecin, l’Indien, le militaire.

Le père se livre à des transactions obscures en lien avec les militaires et in fine avec la dictature brésilienne. Dans cet avion, le fils lit un livre de science-fiction, où, après la fin de notre planète, un groupe d’humains explore l’espace. la lecture de cet ouvrage.

Le roman est aussi traversé par la vie de l’enfant 30 ans plus tard. de fait le temps est découpé et les souvenirs et la réalité s’entremêlent.

Et nous sommes un peu perdus, dans un flou comme le père et le fils au milieu des nuages et de la brume amazonienne.

On ressent que c’est un roman ambitieux voulant traiter du Brésil du 20ᵉ siècle et des relations inversées entre père et fils.

Malheureusement je n’ai pas adhéré au style de Bernardo Carvalho, et j’ai eu beaucoup de mal à suivre et comprendre l’entremêlement des situations.

Bernardo Teixeira de Carvalho, plus connu sous le nom de Bernardo Carvalho, né le 5 septembre 1960 à Rio de Janeiro, est un écrivain et journaliste brésilien. Il a été l’éditeur du supplément culturel Folhetim, et correspondant de la Folha de S.Paulo à Paris et New York.

Les prénoms de Florence Knapp. JC LaTTES. 🟩🟩◼️◼️◼️

Les prénoms

Florence Knapp

JC Lattès

Traduction : Carole d’Yvoire

ISBN 978-2-7096-7449-2 Octobre 2025

352 pages

Les prénoms est le premier roman de Florence Knapp. Il semble au vu de la couverture que ce livre est encensé :

Le meilleur premier roman depuis longtemps (Sunday Times).

Éblouissant (The Washington Post)

Incontournable (Elle)

La définition du best-seller (The Times)

Follement original (The Observer)

Un roman d’une grande tendresse (The Guardian)

Une lecture déchirante et compulsive (Daily Mail)

Beaucoup de louanges, trop peut-être, trop sûrement.

À la suite de cette lecture, je ne souscris pas au meilleur premier roman depuis longtemps, qui serait éblouissant, incontournable, original, tendre et déchirant.

L’idée de départ est intéressante. Faire que le changement de prénom change notre vie.

Cora, mariée à Gordon, médecin, a une fille de 9 ans, Maia, et Cora donne naissance à un petit garçon. Elle doit aller à l’état civil pour déclarer le prénom de ce petit garçon. Gordon souhaite que son fils s’appelle Gordon comme lui et son grand-père.

Cora qui vit sous la coupe violente de son mari voudrait pouvoir donner un autre prénom à son enfant.

À partir de là, l’autrice va développer trois scénarios.

Premier scénario : Cora donne le prénom Bear à son enfant, prénom que propose sa soeur Maia.

Deuxième scénario : Cora donne le prénom Julian, un prénom qui veut dire « ciel et père » et qui devrait ne pas trop déplaire au père.

Troisième scénario : Cora suit la demande du père et appelle son fils Gordon.

Florence Knapp va construire son roman autour de ces trois scénarios avec des étapes tous les sept ans, le tout jusqu’aux 35 ans de l’enfant.

À chaque fois un chapitre sur Bear, Julian, Gordon et de nouveau le même procédé sept ans après.

Le même procédé de 4 3 2 1 de Paul Auster, mais de façon plus laborieuse. Je n’ai trouvé aucune empathie et tendresse dans la lecture, plutôt un style informatif, qui analyse les situations qu’a mises en place l’autrice.

Chaque scénario semble créatif mais en définitive reste très classique et les sauts de sept ans permettent des raccourcis et des facilités. Pourtant le sujet de la violence conjugale vue par les yeux du même enfant avec trois profils psychologiques était original tout comme la recherche d’identité.

Il faut toujours se méfier d’une couverture dithyrambique.

Florence Knapp a déjà écrit un ouvrage documentaire sur une méthode séculaire de fabrication de courtepointes et a contribué à un ouvrage pour le Victoria and Albert Museum, intitulé Patchwork & Quilting. Elle vit près de Londres avec son mari et leur chienne, Nell. Leurs deux enfants ont maintenant quitté le nid. « The Names » est le premier roman de Knapp et sera traduit en plus de vingt langues. ( traduit de Penguin Random)

Les fleuves du ciel d’Elif Shafak . Flammarion. 🟩🟩🟩🟩🟩

Les fleuves du ciel

Elif Shafak

Flammarion

Traduction: Dominique Goy-Blanquet

ISBN : 978-2-08045-987-9 Août 2025

512 pages

C’est avec un plaisir mille fois renouvelé que l’on se plonge dans le nouveau roman d’Elif Shafak Les fleuves du ciel.

Elif Shafak nous avait laissé il y a trois ans entre Londres et Chypre auprès d’un figuier déraciné et replanté à Londres.

Pour ce nouveau roman, Londres est toujours présent et plus particulièrement la Tamise.

À 180 ans d’écart vivent deux des personnages importants du roman. D’abord Arthur, qui naît dans la pauvreté sur les bords nauséabonds de la Tamise en 1850. Puis, près de deux siècles plus tard en 2018, Zaleekhah, hydrologue fascinée par la mémoire de l’eau, emménage dans une péniche afin de fuir la faillite de son mariage.

Arthur, baptisé Rois des égouts et des taudis, est engagé dans une imprimerie où il découvre le livre L’épopée de Gilgamesh, un récit épique de la Mésopotamie et l’une des oeuvres les plus anciennes de l’humanité. Cette oeuvre a été écrite en caractères cunéiformes sur des tablettes d’argile. En 1850, de nombreuses tablettes restent un mystère pour la traduction. L’écriture cunéiforme représentant des syllabes et non une lettre.

Zaleekhah en 2018 a comme propriétaire de sa pénicheune jeune femme Nen qui est tatoueuse et qui ne tatoue que des motifs cunéiformes rappelant la Mésopotamie, Ninive et son fleuve le Tigre.

Au bord de ce fleuve, en 2014, vit une famille yézidie autour de Grand-Mama et de sa petite-fille Naryn, 9 ans. Celle-ci doit être baptisée et cette famille décide de rejoindre la vallée sacrée de Lalesh.

Chacun des personnages, Arthur, Zaleekha, Naryn vaudrait à lui seul un roman. Elis Shafak se fait conteuse pour entrelacer ces trois histoires et les relier au cours imprévisible de l’eau.

La goutte d’eau, les fleuves, une mémoire de l’humanité.

Elif Shafak s’appuie sur une documentation nourrie mais qui laisse la place au roman.

À travers ce voyage incessant entre 1850 et 2018, entre la Tamise et le Tigre, Elif Shafak nous rappelle les affres du dérèglement climatique, du pillage des vestiges historiques, de la cruauté faite aux Yézidis, mais aussi la grandeur humaine de certains dans le partage, l’empathie.

M. Bradbury, Grand-mama, Leila, Nene sont des êtres de bienveillance, de culture, de spiritualité qui révéleront à eux-mêmes Arthur, Naryn et Zaleekha.

Un roman magistral auquel il faut joindre les derniers mots des remerciements d’Elif Shafak : « On dit qu’un romancier ne doit pas tomber amoureux de son sujet, mais même si j’admire les dons intellectuels et apprécie le domaine des idées, je ne crois pas qu’on puisse écrire un roman avec son seul esprit rationnel. le coeur doit s’y mettre aussi et une fois que le coeur y est, allez savoir où il vous entraînera.

Ce roman est le lieu où m’a entraîné mon coeur.

Ce roman est mon chant d’amour aux fleuves : ceux qui vivent encore et ceux qui ont disparu depuis longtemps. »

Elif Şafak, ou Elif Shafak (nom de plume d’Elif Bilgin), née le 25 octobre 1971 à Strasbourg, est une écrivaine turque. Elle vit et travaille à Londres.

Primée et best-seller en Turquie, Elif Şafak écrit ses romans aussi bien en turc qu’en anglais. Elle mêle dans ses romans les traditions romanesques occidentale et orientale, donnant naissance à une œuvre à la fois « locale » et universelle. Féministe engagée, cosmopolitehumaniste et imprégnée par le soufisme et la culture ottomane, Elif Şafak s’attaque dans ses écrits à toute forme de bigoterie et de xénophobie.

Trois enterrements de Anders Lustgarten. Actes Sud. 🟩🟩🟩🟩◼️

Trois enterrements

Anders Lustgarten

Actes Sud

Traduction de Caro

ISBN : 978-2-33020-883-7 Septembre 2025

304 pages

Trois enterrements est un récit à plusieurs voix, tragique et sans illusion sur le monde et la brutalité des politiques migratoires.

Sept exilés ou migrants veulent quitter les côtes françaises pour rejoindre l’Angleterre. Parmi ces migrants, il y a Omar, jeune homme de 18 ans, sportif qui veut rejoindre Asha en Angleterre. Asha, 17 ans, son amoureuse. Il garde précieusement sa photo dans son blouson.

Avec Omar et Asha, le roman donne voix à Andy Jakubialk, policier enrôlé dans une milice raciste menée par Baratt et Cherry, infirmière qui, après une nuit de garde, est confrontée à la dépouille d’un jeune homme sur une plage anglaise.

Par des chapitres alternés entre chacun de ses personnages, Anders Lustgarten d’une écriture précise, tendue, trouve une justesse remarquable dans la brutalité quotidienne, la loyauté ou le refus d’agir. L’auteur dans les remerciements nous dit qu’il écrit vite. Cela se ressent. Il y a une urgence dans l’écriture, entre classicisme et oralité. Il y a aussi la volonté de dire les préoccupations sociales et les prises de conscience politique à venir.

La dernière phrase du roman nous ramène à la situation initiale : « Ils s’élancent dans l’avenir. »

Le roman nous détaille cet avenir ou ces avenirs selon les personnages. Et l’on peut imaginer que tous les jours des jeunes migrants s’élancent dans l’avenir, tout comme ceux qui les aident, ceux qui les refusent, ceux qui les aiment, ceux qui les politisent. Ils s’élancent dans l’avenir qui est le nôtre. Cet avenir est-il l’un des trois enterrements ? Poser la question vaut réponse.

Livre lu dans le cadre du jury du Livre 2025 de la librairie Au bord du jour à Voiron-Isère.

Anders Lustgarten est un dramaturge britannique résidant à Londres.

C’est en 2007 qu’il se tourne vers l’écriture dramatique ; ses premières pièces sont produites au Finborough Theatre.

Il a notamment remporté le Harold Pinter Playwrights Award, commandé par la Royal Court, en 2011.

Il travaille actuellement sur deux séries radiophoniques pour BBC Radio Four et sur un pilote d’émission de télévision pour Channel Four.

Parallèlement à son activité d’écrivain, Lustgarten milite politiquement à travers le monde, se concentrant sur les actions des multinationales dans les pays en développement.

Eclaircie de Carys Davies. La table ronde. 🟩🟩🟩◼️◼️

Eclaircie

Carys Davies

La Table Ronde

Traduction : David Fauquemberg

ISBN : 979 – 1 – 03711 – 469 – 3

192 pages

En 1843 le pasteur John Ferguson est envoyé sur une île septentrionale des Shetland pour
expulser le seul habitant : Ivar. John Ferguson va faire une chute depuis une falaise et va être
recueilli par Ivar.
John Ferguson est sur l’île pour le déplacement forcé d’Ivar. En manque d’argent il a accepté
cette mission car en tant que pasteur, il a fait scission avec l’Eglise presbytérienne afin de
développer la Nouvelle Eglise. À la suite de sa chute de la falaise, il a été recueilli par Ivar. Va
naître en eux une communauté faite de deux langues et d’un troisième personnage : Mary. Mary
est la femme de John Ferguson. Elle est restée en Ecosse. Mais lors de la chute de la falaise Ivar
a récupéré le portrait de Mary dans un cadre en cuir.
John et Ivar vont peu à peu s’apprivoiser autour de la langue norne, ancienne langue des
Shetland. Depuis la mort de sa grand-mère et de sa mère Ivar vit seul avec ses bêtes et son
rouet. Voir un autre humain est un bouleversement, un miroir. Rencontre inattendue de deux
inconnus
J’ai apprécié la lecture de ce roman du fait de sa concision. Concision des mots, des lieux, des
sentiments. L’autrice s’est servie de deux événements réels pour mettre en présence deux
personnages qui vont se découvrir petit à petit. Malgré la diƯérence de la langue, la raison de la
présence de John, chacun va accepter une éclaircie, une brève amélioration, une brève détente.
Des paysages durs et humides, des conditions de vie spartiates ne vont pas empêcher la
rencontre et la compréhension de l’autre. Une véritable éclaircie clôturera ce roman. Tout en
discrétion.

Lu dans le cadre du Prix 2025 de la librairie Au bord du jour à Voiron- 38. (Jury)

Carys Davies est l’auteur de deux recueils de nouvelles, qui lui ont valu d’être récompensée par le Frank O’Connor Award en 2015. Elle vit dans le nord-ouest de l’Angleterre.

Les hommes de Shetland de Malachy Tallack. Buchet Chastel.🟩🟩🟩◼️◼️

Les hommes de Shetland

Malachy Tallack

Buchet-Chastel

Traduction : Anne Pouzargues

ISBN : 978 – 2 – 28303 – 980 – 9 Août 2025

288 pages

Jack est un sexagénaire qui vit dans une des Iles Shetland. Il vit seul dans un cottage bercé par la musique country et l’écriture. On peut dire qu’il est un peu introverti et très sensible.
Le cottage dans lequel il vit est celui de ses parents : Sonny et Kathleen Paton.
L’histoire de ce roman va se dérouler, lentement, au rythme des vies quotidiennes des personnages. En oscillant entre les années de jeunesse de Sonny et Kathleen et celles actuelles de la vie de Jack.
Cette oscillation sera marquée aussi par la présence d’un chaton Loretta ,d’une petite fille en quête d’amitié et de la musique country.
Il ne faut pas rechercher dans ce roman des événements extraordinaires.
C’est une vie tranquille qui se déploie devant nous, simple et attachante.
Les hommes de Shetland est le premier roman de Malachy Tallack écrivain, journaliste et musicien.
Il accompagne son roman d’un bar code renvoyant aux musiques et textes qu’il a écrit pour ce livre. Cela concourt à cette simplicité et lenteur. le côté îlien.
Reste que cette simplicité et celle lenteur peuvent engendrer un ennui. Mais l’ennui n’est il pas aussi synonyme de vie îlienne ?
Reste un livre de rien qui se lit sans déplaisir, à l’ombre de quelques musiques country.

Né en 1980 dans les Shetland, Malachy Tallack est écrivain, journaliste et musicien. Il est l’auteur de plusieurs essais remarqués (« Sixty Degrees North », « The Un-Discovered Islandsc») et d’un premier roman – non traduit – salué par la critique (« The Valley at the Centre of the World »)

La Valse Atlantique

Je valsais sur les vagues

J’étais fou, j’étais brave

Je faisais de mon mieux

Quand j’ai baissé la garde, la mer m’a frappé fort

Et elle m’a emporté comme un morceau de bois

Refrain

Elle te bercera, elle te secouera

Elle essayera de te contrôler

Elle te fera tournoyer et tourbillonner jusqu’à ce qu’un jour

Tu apprennes a rester en mesure avec ce rythme de sel

Cette magnifique valse atlantique

Comme une giroflée flétrie

Aux dernières heures de la nuit

Au bord de cette atlantique ,infinie piste de danse

Trop tard je suis rentré, j’ai commencé à tourner

J’ai été avalé et recraché encore.

Refrain