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Migrations de Charlotte McConaghy. JC Lattès. 💛💛💛 💛

Migrations par McConaghy

Nous sommes dans quelques années sans savoir précisément laquelle. La sixième extinction de masse a commencé. Exit les lions, les loups, les corbeaux. Régulièrement une espèce disparaît. Les poissons ont disparu des océans presque totalement. Les oiseaux ont déserté le ciel.
Pourtant il semble que l’oiseau migrateur le plus endurant résiste.  Il s’agit de la sterne arctique. Celle-ci migre tous les ans de l’Arctique aux confins de l’Antarctique en suivant les côtes africaines ou sud-américaines. Durant son périple elle engloutit des bancs de petits poissons.
Franny Stone est une jeune femme incapable de se fixer. D’Australie en Irlande, elle a toujours été subjuguée par la mer, les oiseaux. Un baûme sur les pertes qui ont bouleversé sa vie.
Sans en connaître la raison au début du roman, nous suivons Franny au Groenland où elle suivre la migration des serbes arctiques.
Elle convint Ennis,  patron d’un chalutier de l’emmener avec son équipage afin de suivre la migration des sternes. Pour les pêcheurs,  c’est tout bénéfice avec la promesse que les oiseaux les mèneront à des poissons devenant très rares.
Cette longue migration , vers le Sud sera l’occasion d’apprendre par bribes les aléas de la vie de Franny.
Migrations porte bien son pluriel.
Migration du monde en général,  qu’il soit animal ou humain. Mais les humains ne sont ils pas des animaux ?
A travers un jeu d’aller retour bien maîtrisé,  Charlotte McConaghy nous délivre un roman brutal et poignant.
Cette anticipation de quelques années n’est pas si loin de notre quotidien et nous interpelle fortement sur notre rapport au réchauffement climatique et à la transition écologique.
Quant à l’histoire de Franny que l’on découvre peu à peu, elle nous tient en haleine et par sa brutalité nous rappelle la brutalité de cette sixième extinction de masse qui n’est pas une fatalité
Dernière phrase du roman :
 » Ma mère me disait toujours de guetter les indices.
Les indices de quoi ?
Les indices de la vie.  Ils sont partout « 

Ps. Il s’agit d’un premier roman de très grande tenue que l’on ne lâche pas

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.Charlotte McConaghy est scénariste et vit à Sydney. Ovationné par la critique, Migrations, son premier roman est en cours de traduction dans plus de vingt pays.

Frakas de Thomas Cantaloube. Gallimard Série Noire. 💛💛💛💛💛

Frakas par Cantaloube

Un plaisir qui ne va pas seul !
D’abord recevoir le livre de Thomas Cantaloube Frakas dans le cadre d’un futur Club Lecture Zoom Babelio avec l’auteur
Ensuite lire passionnément Frakas.
Enfin lecture finie, s’apercevoir que l’on est le 22 Mai et que le Club Lecture a lieu le 25 Mai.
Jubilatoire !
Avant de me plonger dans la lecture de ce thriller politique, l’ensemble des voyants étaient au vert.
L’auteur est un ancien grand reporter de Médiapart.
Le sujet : la naissance de la Francafrique lors d’une guerre méconnue au Cameroun dans les années 1960.
Une belle pincée de personnages bien campés – Une grosse pincée d’hommes politiques bien fielleux et manipulateurs. Reviennent aux oreilles : Foccart – Pasqua – Deferre etc…
De bout en bout le roman est passionnant.
Bien qu’il puisse se lire indépendamment du roman précèdent de Thomas Cantaloube Requiem pour une république, les personnages principaux du premier roman se retrouve dans Frakas.
Frakas commence deux mois après l’épilogue de Requiem pour une République. Nous sommes au printemps 1962. Luc Blanchard est un jeune policier qui a quitté la police par écoeurement (cf Requiem pour une république) et qui est devenu journaliste à France Observateur. Pour l’une de ses articles il enquête sur la mort de Félix Moumié à Genève en 1959.
Félix Moumié était un des leaders de l’UPC (Union des Populations du Cameroun), organisation hostile à la colonisation et surtout à la décolonisation au profit du colonisateur. Felix Moumié a très probablement assassiné par les Services Secrets Français. Comme on dit prosaïquement, il gênait.
S’appuyant sur ce fait réel, Thomas Cantaloube par l’intermédiaire de Luc Blanchard, de Sirius Volkstrom et d’Antoine Lucchesi va nous entrainer dans le Cameroun colonisé des années 1960.Nous serons aux premières loges pour voir, comprendre la mise en place de la FrancAfrique. Voir, comment avec le concours de l’armée française, l’armée camerounaise se met au service du colonisateur. Voir comment on peut spolier un pays de ses richesses.
Le tout se lit comme un roman d’aventure, ou encore mieux comme un film d’aventure.
A partir d’une documentation impeccable (qui cadre parfaitement l’action) Thomas Cantaloube déroule son roman et sa fiction. A aucun moment l’un prend le pas sur l’autre.
Malgré ce côté aventure cinématographique, ce roman est totalement politique et nous rappelle que le rapport néo colonial de la France avec le Cameroun dans les années 1960 a été reproduit en Cote d’Ivoire, au Sénégal et que la France a beaucoup de mal à couper le lien avec ses anciennes colonies ( ah ! ces ressources naturelles ! )
Les faits dénoncés étaient terribles, les mains sales étaient nombreuses, politiques, mercenaires, militaires, blanches mais aussi noires. On aimerait que l’emploi du passé soit un gage de changement….
Malheureusement non. Les mains sont toujours sales.
Demain soir je pourrais en débattre avec des Babéliotes et Thomes Cantaloube. Une belle suite à cette lecture.
Merci Babélio, Gallimard Série Noire et Thomas Cantaloube.

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Celestin et le Coeur de Vendrezanne de Gess. Editions Delcourt.💛💛💛💛

Coup de Coeur pour "Célestin", le nouveau "Conte de la Pieuvre" signé Gess

Célestin et le Cœur de Vendrezanne est le troisième roman graphique des Conte de la Pieuvre.
Cet opuscule peut se lire indépendamment des deux contes précédents.
Nous sommes dans le Paris d’après la guerre de 1870 , plus particulièrement pendant le très glacial hiver de 1879. .Célestin est serveur dans une auberge et ne veut absolument pas se faire remarquer.
Sauf qu’il ne travaille pas n’importe où !
Il travaille à l’auberge de la Pieuvre , qui est le centre névralgique de la Pieuvre, la Mafia Parisienne

.


Sauf que Célestin est aussi hors norme ! Il a le pouvoir de voir la vraie nature des gens et de sonder leur âme.
Mais parfois on ne peut cacher ses pouvoirs.
Devenu par hasard détenteur du secret du passage Vendrezanne, Célestin devra affronter la Pieuvre.


Ce roman graphique devient alors fantastique , envoutant.
Le tout est hallucinant et nous sommes hallucinés par toute cette créativité.
Gess par l’emploi des couleurs différentes selon les points de vue ( le pouvoir de sonder l’âme et de voir la vraie nature des gens) nous mêlent plusieurs réalités dans le déroulé de l’histoire. Qu’en est il de la réalité et de la fiction ?
L’ensemble est d’une grande cohérence, que ce soit dans le découpage des chapitres avec citations en exergue ,la représentation plus que frisquette des quartiers d’un Paris très social.
Le dessin est riche , ample et n’oublie pas de glisser quelques clins d’œil et hommages.
Merci à Babelio , la Masse Critique et les Editions Delcourt pour cette agréable découverte.

Tu seras un homme mon fils de Pierre Assouline. Gallimard.💛💛💛

Tu seras un homme, mon fils par Assouline

Le livre de Pierre Assouline m’a permis de découvrir Rudyard Kipling ainsi que son poème If connu pour sa phrase terminale  » tu seras un homme mon fils« .
A travers un personnage de fiction, Louis Lambert, nous allons nous immiscer dans la vie De Rudyard Kipling.
Prix Nobel, novelliste, auteur du Livre de la Jungle, Rudyard Kipling à été marqué à vie par la mort de son fils John en 1915 dans les tranchées de Loos en Gohelle.
Homme du 19ème siècle,  homme de l’empire britannique, Rudyard Kipling est empli de morale, de militarisme et de la culpabilité d’avoir amené son fils à une mort certaine.
A travers ces moments de la vie De Rudyard Kipling resurgit l’entrée  en guerre de 1914, puis la   tragédie des tranchées.  Cette guerre 14/18 qui va façonner à nouveau l’Europe et l’entraîne vers une nouvelle guerre mondiale.
A 25 ans d’écart,  deux générations d’hommes qui vont être anéanties. Des pères de 14 au fils de 40.
Il reste aussi à la lecture de ce roman , une vision surannée du début du 20 ème siècle fait de moralisme, d’esprit guerrier, d’un monde qui va changer avec un empire anglais confronté à la partition du monde arabe.

Pierre Assouline reçoit le prix du Salon du livre de Genève | Livres Hebdo

Là où chantent les écrevisses de Delia Owens. Editions Seuil.💛💛💛💛

En Caroline du Nord, au bord de l’océan  pas loin de Barkley Cove,  dans un marais vit une fille sauvage. Elle s’appelle Kya. Ce sont les habitants de Barkley Cove  qui ont décidé que Kya était une jeune fille sauvage, sûrement analphabète et potentiellement dangereuse.
Les raisons de cet à priori ?  Kya, la fille des marais a été abandonnée  par ses parents et ses frères et soeurs. Elle a refusé d’aller à  l’école et s’est réfugié dans son marais.
Nous sommes entre 1952 et 1969 dans un État segrationniste où les Noirs vivent dans leur propre ville Colored Town.
En 1969, un jeune homme, Chase Andrews est retrouvé mort au pied d’une Tour de guet.
Les soupçons se portent rapidement sur Kya la fille du marais.
Delia Owens va nous entraîner dans un mouvement de balancier de 1952 à 1969 afin de détricoter et construire la mort de Chase Andrews : accident, meurtre ?
Au long court des 500 critiques sur Babelio, beaucoup a été dit sur ce roman, jusqu’au superflu.
Je n’en rajouterai pas
Je préfère insister sur l’émotion que suscite Là où chantent les écrevisses.
Émotion à découvrir la vie de Kya, à être ébahi par sa volonté.
Ému par sa relation avec la nature,  avec la vie végétale et animale du marais.
Comment ne pas être happé  par la lumière des lucioles ou encore emporté par le souffle des battements d’ailes de milliers d’oies.
Cette nature exubérante qui est la vie de Kya, qui est son intelligence et son regard sur le monde . Et dans cette nature de marais labyrinthique , Kya se perd, se cherche . Elle trouve des appuis, des amitiés, même des amours.
Mais jusqu’où ces amours sont ils sincères ?
Tout au long du roman Délia Owens est en empathie avec ces personnages. Les figures de Jumping et Mabel sont représentatifs de cette empathie. Noirs, discriminés,  ils ressentent au plus profond d’eux mêmes la solitude et le rejet dont est victime Kya.
Tout comme le jeune Tate,  qui souhaite sortir  Kya de cette solitude.
Malgré ces soutiens Kya ne peut compter que sur elle même pour faire face à la nature et à l’homme.
Sa volonté , ses certitudes nous entraînent dans des contrées  inconnues qui nous  laisseront à ses côtés , dans l’attente d’un vol de millier d’oies qui enluminera le ciel.
Reste néanmoins un roman tragique.
Mais n’est ce pas de ces moments tragiques qu’affleurent l’émotion et le plaisir de la lecture ? .

Delia Owens : le best-seller inattendu

Dérive des âmes et des continents de Shubhangi Swarup. Métailié. 💛💛💛💛

Dérive des âmes et des continents par Swarup

Voici un premier roman au souffle incroyable. le titre du roman , déjà, nous dit que nous partons pour une aventure de l’âme et de l’esprit . Dérive des âmes et des continents portent on ne peut mieux son titre. Il faut accepter de dériver, de se laisser aller à ces spiritualités d’Asie et d’Inde. Il faut accepter de quitter le rationnel, il faut accepter de ne pas tout comprendre . Laisser dériver….. C’est un immense plaisir.
Deux jeunes mariés s’installent dans les Iles Andaman , entre Inde et Birmanie. Ils savent qu’ils se sont aimés dans une autre vie. Lui ,Girija Prasad est scientifique fasciné par les volcans et les éléments naturels . Elle, Chanta Devi est un peu sorcière, parle aux arbres, prévoit les tremblements de terre.
Dans ce roman la dérive n’atteint pas que les âmes, elle atteint aussi ce sous continent indien qui , il y a des millions d’années est venu se fracasser sur la chaine himalayenne. de ce fracas géologique, il reste des plaques de subduction et des failles qui courent entre les iles Andaman et l’Irrawady en Birmanie. ces failles et ces plaques qui font remonter à la surface une nature intemporelle datant des prémices de l’univers : pierres , fossiles, minéraux, arbres mais encore fantômes, âmes.
Dans cette grande région entre Inde, Birmanie , Sri Lanka , Népal et Pakistan , les hommes vivent depuis des millénaires au rythme de la furie de la nature : Tsunami, tremblement de terre , mousson , violence de la montagne. Face à ce déferlement de la nature , les hommes ont opté pour des spiritualités : hindouisme, bouddhisme qui prônent la réincarnation.
C’est cette dérive dans laquelle va nous entrainer Subhangi Swarup.
Je me suis laisser prendre dans les filets de cette dérive. Un lâcher prise où nature et spiritualité font trembler la terre de l’Océan Indien à l’Himalaya.
J’ai été fortement touché par Dérive des âmes et des continents , car j’y ai retrouvé le miroir de ce que j’ai pu vivre et ressentir en découvrant ces pays.
Je suis aller en Inde du Sud dans des villages et sur des plages qui ont été dévasté par le tsunami de 2004. J’étais sur place une semaine avant le tsunami
Je suis allé deux fois au Népal en 2016 et 2018 suite au tremblement de terre d’Avril 2015. J’ai fait un trek dans le Langtang, région fortement touchée où Langtang Village a été rayé de la carte ( 275 morts)
En Octobre 2016 la région de Bagan , au bord de l’Irrawady était victime elle aussi d’un tremblement de terre. 6 mois avant , je déambulais au milieu des milliers de temples de Bagan.
Que ce soit en Inde , en Birmanie ou au Népal , j’ai été marqué et emplit de cette spiritualité quelle soit hindouiste, bouddhiste ou animiste.
Participer au coucher de Vishnu à Thanjavur ( Inde) , participer à une Kora autour du stupa de Bodnath ( Népal) vous entraine dans cette évanescence et cette réalité infinie de l’âme.
La dérive des âmes et des continents est une réalité .
De la même façon que l’on revient changé de ces contrées , ce roman change notre façon de regarder les paysages , la montagne , la forêts, les hommes et ces âmes qui tous dérivent depuis des millénaires.

Shubhangi Swarup - Babelio

Shubhangi Swarup est née en 1982 à Nashik, dans l’État du Marahashtra. Journaliste, réalisatrice, pédagogue, elle vit aujourd’hui à Bombay. Dérive des âmes et des continents est son premier roman. Elle a obtenu la bourse d’écriture créative Charles Pick à l’Université d’East Anglia (Norwich).

La Chambre des époux d’Eric Reinhardt. Gallimard . 💛💛

La chambre des époux par Reinhardt

La chambre des époux d’Éric Reinhardt est ma quatrième plongée dans son
univers littéraire .
Autant j’ai apprécié le système VictoriaL’amour et les forêtsComédies françaises,  autant je reste dubitatif après la lecture de la chambre des époux.
D’abord ce roman gigogne passant d’un couple à  l’autre jusqu à fondre les identités, que ce soit celle de l’auteur et de son double en écriture Nicolas ou qu’ il s’agisse de Margaux femme de l’auteur  et de ses doubles Mathilde et Marie.
Puis le traitement par l’auteur d’une maladie , un grave cancer du sein. Je peux comprendre qu’Eric Reinhardt  fasse part de son expérience personnelle,  et de la maladie qu’a vaincu sa femme. Et qu’il s’était donné un objectif commun  : En huit mois vaincre le cancer pour sa femme et pour lui, terminer son roman Cendrillon. Je peux comprendre qu’il associe à  ce combat l’art et la beauté et que cet art et cette beauté aient pu  sauver leur couple et leur amour.
Mais pourquoi vouloir avec des poupées gigognes, réécrire de nouvelles histoires reprenant les mêmes thèmes : maladie grave, monde de l’art , de la musique. Et l’art ou la beauté qui magnifient d’une certaine façon la maladie .
Un cancer avec ses chimiothérapies , ses rémissions, ses rechutes peut être loin de la beauté et de l’art.  C’est un combat de tous les jours et cette façon  » hors sol  » de le traiter est dérangeante.
Tout comme ces scènes d’amour,  où à l’impudeur s’ajoute  des moments dégradants.
J’avais lu à plusieurs reprises que certains étaient agacés par le nombrilisme et un certain élitisme d’ Eric Reinhardt.
C’est ce que j’ai ressenti à la lecture de la chambre des époux .
Pour de nombreuses personnes encore, le combat contre le cancer n’est pas gagné. L’expérience qu’ont vécu  » les époux Reinhardt  » est très belle en soi mais valait elle en plus un roman gigogne plus egocentré que recherche personnelle.

Art Nouveau de Paul Greveillac. Gallimard. 💛💛💛

Art Nouveau par Greveillac

Après avoir lu Maîtres et esclaves  de Paul Greveillac, j’ai plongé à nouveau dans son écriture en lisant son dernier roman Art Nouveau.
 A deux ans d’intervalle j’ai retrouvé  la finesse classique de l’écriture,  la précision clinique des phrases. Quel plaisir qu’une écriture qui enchasse des mots peu employés de la langue française et qui magnifie les conjugaisons.
J’ai retrouvé aussi  ce manque de flamme que j’avais déjà ressenti dans Maîtres et esclaves.
Paul Greveillac a le don pour trouver des sujets très originaux.
Ici, il construit son roman autour de l’architecture et de l’Art Nouveau.
Pour nous entraîner avec lui, il convie Lajos Ligeti personnage fictif, architecte de profession.
Celui-ci quitte Vienne en 1896 pour Budapest où il pense s’installer afin de devenir un architecte reconnu.
Nous allons suivre son évolution jusqu’aux prémices de la première guerre mondiale dans cette empire austro hongrois s’étendant sur toute l’Europe Centrale.
La leçon d’histoire et d’architecture est passionnante. Par le luxe de détails, mise en valeur par l’écriture, nous nous immergeons dans la Budapest de la fin du 19ème siècle. Nous parcourons les rues pavées, les grandes avenues, les cabinets d’architectes , nous participons au foisonnement  culturel, à la naissance d’un Art Nouveau sur la MittelEuropa. Nous voyagerons de Budapest, à Vienne ou à Prague.
Nous assisterons à l’expansion des cabinets d’architecture, à leurs rivalités. L’architecture du béton va poindre.
Lajos Ligeti  peu à peu prend possession de cette ville, manoeuvre pour ouvrir son cabinet d’architecture.
Deux personnages vont l’aider,  le soutenir , l’aimer.
D’abord, l’Oncle Jakob Karpati , vivant dans une masure en  périphérie de Budapest. Un homme de bonté,  juif de tout son être et serrurier de son état.
Puis Katarzyna Liski, sa muse qui deviendra sa femme.
Deux personnages pour lesquels va notre empathie…. à l’inverse de celle que nous éprouvons pour Lajos Ligeti au fur et à mesure que défile sa vie.
Et cette impression de renversement, nous la retrouvons dans le roman. Autant la première partie du roman nous enchante par cette découverte de Budapest et des arcanes de l’architecture, autant la deuxième est plus fastidieuse, manquant de souffle, un peu comme Lajos Ligeti devenant un personnage sans âme vivant dans une époque qu’il a du mal à incarner et à saisir.
Il me reste de cette lecture un plaisir certain pour le style et l’écriture de Paul Greveillac. Il est agréable de se perdre dans une écriture faite d’un riche vocabulaire et d’une audace de conjugaison.
De même pour l’Art Nouveau. Une belle découverte que ce foisonnement entre Autriche et Hongrie
Par contre le personnage de Lajos Ligeti s’estompera petit à petit de  ma mémoire tout comme la situation politique de l’empire austro hongrois entre 1896 et 1914. Celle-ci  ayant été traitée superficiellement me semble-t-il.

Photos de Paul Greveillac - Babelio.com
Paul Greveillac étudie les lettres et les sciences politiques.
Il reçoit le prix Roger-Nimier ainsi que la Bourse de la Découverte de la Fondation Prince Pierre de Monaco pour son premier roman, Les Âmes rouges, dont l’histoire se déroule au temps de l’Union soviétique. Le personnage principal est un censeur, amoureux de cinéma et de littérature. Les Âmes rouges est également remarqué par l’académie Goncourt, qui le fait figurer sur sa liste de lecture pour l’été 2016 [archive].
En janvier 2017 est parue, dans La Nouvelle Revue françaiseLa Narvanouvelle inspirée par le Juste Uku Masing (en).
Le récit Cadence secrète. La vie invisible d’Alfred Schnittke est paru en avril 20172. Cette biographie romancée du compositeur Alfred Schnittke reçoit le prix Pelléas en avril 2018, bien qu’étant paru un an plus tôt3.
Son deuxième roman, Maîtres et Esclaves, est paru en août 20184. On y suit le parcours mouvementé d’un paysan du Sichuan qui devient, au plus fort de la Révolution culturelle chinoise, un grand peintre de propagande. Maîtres et Esclaves figure sur les dernières listes du Prix Goncourt5, du Prix Interallié6, du Prix Jean-Giono7, et du Prix des Deux Magots 20198. Il remporte le Prix Jean-Giono 2018. Il se voit également attribuer en 2018 le Prix de soutien à la création littéraire de la Fondation Del Duca [archive].
Son troisième roman, Art nouveau, est paru en août 20209,10,11,12. Le roman retrace la naissance de l’art nouveau hongrois à travers Lajos Ligeti, un architecte fictif juif, originaire de Vienne, qui tente de développer son cabinet à Budapest. L’Autriche-Hongrie, en proie aux nationalismes, à l’antisémitisme, moribonde sans le savoir, vit alors ses dernières années. Avec ce roman, Paul Greveillac se propose aussi, selon ses propres mots, de mettre en avant les « troublantes similitudes qu’il existe entre « le monde d’hier » et celui d’aujourd’hui. »

Paris, Mille Vies de Laurent Gaudé. Actes Sud. 💛💛💛💛

Paris, mille vies par Gaudé

Qui es tu toi ?
C’est la question que pose un homme agité à Laurent Gaudé,  sur l’esplanade de la gare Montparnasse  .
A la fin du livre Laurent Gaudé nous laisse en réflexion  » C’est à cause que tout doit finir que tout est si beau « 
En réalité nous ne sommes pas dans un livre mais dans une déambulation dans Paris aux mille vies.
Cet opuscule est un bonbon, acidulé,  parfois très acide ou amer.
Qui es tu toi ? qui vit à Paris au milieu de cette foultitude, de cette multitude. Multitude d’aujourd’hui mais aussi d’hier et d’avant hier.
Dans son style  entre poésie et fantastique Laurent  Gaudé nous entraîne dans les rues de Paris, dans les pas de son père,  dans les élans de la jeunesse quelque soit le siècle , aux côtés des communards, des résistants,  ou encore dans les vers de Villon, Rimbaud et Verlaine.
Laurent Gaudé nous conte son Paris Mille Vies. Il célèbre sa ville le temps d’une nuit. Une ville faite depuis des millénaires d’inconnus,  de personnages historiques qui nous devancent , qui nous accompagnent  ou qui nous prolongeront.
La réflexion de Laurent Gaudé est universelle et quelque soit notre village, notre ville de coeur,
La question Qui es tu toi ? reste fondamentale. Nous sommes un parmi tous .Il est essentiel d’en avoir conscience afin de ne rien oublier, de ne rien laisser dans l’ombre.
Toutes ces présences sont devenus des fantômes de l’existence.
« Qui es tu toi ?. Je fais résonner une dernière fois la question en moi mais je sais y répondre, maintenant. Je suis nombreux. Homme, femme, vieillard et enfant à la fois. Tous se pressent en moi car je suis vaste  comme une terre qui attend sa foule  » ( page 84 )
…. Et c’est à cause que tout doit finir que tout est si beau !
Un opuscule lumineux comme Paris ville lumière.
 Un petit livre a garder à portée de main.
L’ouvrir au hasard et se laisser dériver avec la poésie de Laurent Gaudé.

Bienvenue au paradis d’Angel Parra. Editions Métailié. 💛💛💛💛

Bienvenue au paradis par Parra

Les Éditions Metallié ont toujours de bonnes pioches à nous faire découvrir  au travers du monde Sud Américain.
Ici il s’agit d’Angel Parra, chanteur et écrivain chilien vivant en exil à Paris.
Son roman date de 2015 mais le sujet abordé est intemporel bien qu’il soit en grande partie autobiographique.
En un peu moins de 160 pages entre dérision,  humour et gravité Angel Parra va nous parler des thèmes classiques du retour et de la nostalgie en mettant à nu la réalité des personnages.
Mais Angel Parra dépasse ces thèmes classiques et par une poésie burlesque nous entraîne dans l’exil ,lieu qui nous quitte plus.
Andres, chilien, trente ans d’exil à Paris revient au pays à son corps défendant. Madeleine, sa compagne parisienne le quitte pour un danseur de tango et en cadeau lui offre un billet aller pour le Chili.
Au Chili il sera accueilli par sa Tante Ernestina qui l’a élevé ainsi que par ses cousins.
Si Andres vit en France, c’est qu’en 1973 Il a été emprisonné par la dictature chilienne  et qu’en suite il a été exilé.
Tout au long des 160 pages, nous découvrirons la réalité du Chili, politique, sociale, quotidienne.
Mais surtout Angel Parra nous donnera à réfléchir sur les conséquences d’une dictature, d’un exil.
Andres est un retornado. Quel pays pour un retornado ? La France reste une terre d’exil et le Chili n’est plus son pays. D’ailleurs on lui fait bien comprendre. Il y a les chiliens de l’intérieur et les chiliens de l’extérieur. Les Chiliens de l’intérieur ont subi et combattu la dictature. Pas le chilien de l’extérieur.  L’exil peut être ressenti comme une désertion par certains.
Andres en  revenant 30 ans plus tard retrouve un pays qu’il ne reconnaît pas. Que reste-t-il du socialisme, du communisme. le pays s’est americanisé . Une génération a grandement disparu, emportée par la dictature. La jeunesse se raccroche à des repères anciens datant des années 50 et 60. Certains notables bien installés restent des suppôts de la dictature.
Le Chili hésite entre nostalgie, vérité et a beaucoup de difficulté à  retrouver son âme.
L’écriture burlesque, ironique, parodique , truculente d’Angel Parra désamorce le côté très sombre de cet exil et le magnifie.
Sans oublier la rivalité entre le Chili et l’Argentine  . le Chili ne connaît pas la sensualité du tango argentin !
En refermant ce livre, il reste les effluves nostalgiques d’un pays qui n’est plus mais surtout il reste les lourds nuages noirs d’un pays qui a été vampirisé par une dictature.
Le temps, les générations futures attenueront ce traumatisme mais comme le dit Angel Parrra : Quel dommage que la vie éternelle commence par la mort !

Description de cette image, également commentée ci-après

Ángel Parra est le fils de Violeta Parra et le frère d’Isabel Parra.

Ángel Parra est emprisonné à partir du 14 septembre 1973, au lendemain du coup d’État militaire, qui a amené l’instauration de la dictature de Pinochet, à l’Estadio nacional, car il est communiste et soutient Salvador Allende.

Il est ensuite emmené par l’armée à la prison de Chacabuco dans le désert d’Atacama. En 1974, il s’exile au Mexique, puis en France, où il s’installe avec sa famille. En 1989, il retourne au Chili pour faire une tournée à travers le pays. À cette époque, le régime de Pinochet s’essouffle car, lors du plébiscite de 1988, les Chiliens disent non à la continuité du pouvoir de Pinochet.

Fin 2004, il reçoit avec sa sœur le titre de Figuras fundamentales de la música chilena.

En 2006, Ángel Parra publie simultanément un CD où il interprète les chansons de sa mère Violeta Parra et un livre sur son histoire, Violeta se fue a los cielos (« Violeta s’en fut au paradis », non traduit en français). Le livre a donné lieu à un film homonyme tourné par Andrés Wood.