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Celle-qui-sait-les-herbes de marc Graciano. Le Tripode. 🟩🟩◼️◼️◼️

Celle-qui-sait-les-herbes

Marc Graciano

Le Tripode

ISBN :  978-2-37055-467-3 Août 2025

150 pages

Lecture et impression contrastĂ©es pour la lecture du dernier livre de Marc GracianoCelle-qui-sait-les-herbes.

Le sujet avait retenu mon attention : des temps immĂ©moriaux, sĂ»rement des territoires arctiques et une vieille chamane, Celle-qui-sait-les-herbes, qui veut transmettre son savoir Ă  un disciple lors d’un grand voyage initiatique.

L’Ă©criture, les longues phrases, le choix des mots, la mĂ©ticulositĂ© des descriptions m’ont dans un premier temps entraĂ®nĂ© dans ses atmosphères arctique et chamanique. Et puis la lecture, le choix des mots sont devenus un exercice de style. L’histoire de transmission et le voyage se perdaient petit Ă  petit derrière le vocabulaire très recherchĂ©, la circonlocution des phrases et l’emploi constant des conjonctions de coordination. Ă€ cela s’ajoutait un manque d’Ă©motion et d’empathie autour des personnages.

Et toutes ces impressions mitigĂ©es se sont concentrĂ©es sur la fin du livre. Une fin du livre très rapide avec le besoin d’expliquer. Mais pourquoi vouloir expliquer des ressentis, une transmission. Le sentiment que l’auteur pense que ces lecteurs manquent d’intelligence du cĹ“ur et d’Ă©motion. et de repenser qu’effectivement le livre de Marc Graciano est un exercice de style.

Déception.

Marc Graciano est un écrivain français nĂ© en Dordogne le 14 fĂ©vrier 1966. Marc Graciano publie en 2013 son premier roman, LibertĂ© dans la montagne, en lequel Fabienne Pascaud voit « un texte envoĂ»tant comme une hypnotique litanie, toute de mots rares et vieux, de rĂ©pĂ©titions et d’Ă©nigmes, de merveilleux et d’effroi ».

Ă€ propos de son deuxième roman, Une forĂŞt profonde et bleue, Thomas StĂ©landre note dans Le Nouveau Magazine littĂ©raire : « On ne sait si on est parachutĂ© au Moyen Ă‚ge ou dans un monde mythique, mais l’on est d’emblĂ©e saisi par la beautĂ© de dĂ©cors sauvages et un dĂ©filĂ© de scènes sans dialogues, dĂ©crites avec un soin extrĂŞme »

Chagrin d’un chant inachevĂ© de François-Henri DĂ©sĂ©rable. Gallimard. 🟩🟩🟩◼️◼️

Chagrin d’un chant inachevĂ©

François-Henri Désérable

Gallimard

978-2-07079-236-8 Avril 2025

196 pages

François-Henri DĂ©sĂ©rable est un Ă©crivain voyageur. Les planisphères de son enfance lui ont ouvert les portes du monde et de l’aventure. Avant de nous narrer son pĂ©riple en Iran avec l’usure du monde, il avait dĂ©jĂ  usĂ© ces chaussures en 2017 sur la route de Che Guevara en AmĂ©rique latine en 1951 et 1952.
C’est le point de dĂ©part initial de ce rĂ©cit : Chagrin d’un chant inachevĂ©, qu’il emprunte Ă  un poète turc, Nazim Hikmet
« Et je n’emporterai dans ma tombe
Que le chagrin d’un roman inachevĂ©. »
Durant tout le rĂ©cit et le voyage, nous serons accompagnĂ©s d’artistes, d’Ă©crivains, passant de Neruda à Rimbaud, Balzac, Frida Kahlo et plus près de nous Miguel Bonnefoy et l’Ă©vocation d’une rĂ©sidence d’Ă©criture chez Julien Gracq.
François-Henri Désérable a voulu mettre ses pieds sur la route du Che Guevara et de Granados. Plus avance le récit et plus la route se fait brumeuse. Cette route devient un prétexte à un road trip joyeux, iconoclaste avec des rencontres improbables.
L’auteur nous captive par une Ă©criture proche de l’oral et teintĂ©e d’un humour potache qui tranche avec les contrĂ©es traversĂ©es. Cela n’empĂŞche pas d’ĂŞtre face Ă  la pauvretĂ©, la violence et ce que dĂ©nonçait Che Guevara en 1952 est toujours d’actualitĂ©.
Entre digressions et réalité François-Henri Désérable nous partage un carnet de voyages. Il ne faut pas attendre de ce livre un traité sur Che Guevara ou une analyse politique. le carnet de voyage a une utilité : nous faire rêver et nous donner envie.

Fils d’un joueur de hockey sur glace devenu directeur d’un service de mĂ©decine du travail et d’une secrĂ©taire Ă  la Croix-Rouge, François-Henri DĂ©sĂ©rable passe l’essentiel de son enfance et de son adolescence à Amiens, en Picardie. Son grand-père paternel Ă©tait quincailler, et son grand-père maternel, vĂ©nitien, Ă©tait gondolier.

Très jeune engagĂ© dans le club de hockey sur glace des Gothiques d’Amiens, il effectue ses Ă©tudes secondaires dans le Minnesota, aux États-Unis, puis au lycĂ©e La Providence, Ă  Amiens. Ă€ dix-huit ans, il devient joueur de hockey professionnel (il le sera pendant dix ans) et entre en facultĂ© de droit Ă  l’universitĂ© de Picardie Jules-Verne puis Ă  l’universitĂ© Jean-Moulin-Lyon-III. Ă€ vingt-trois ans, il entreprend une thèse sur « L’exĂ©cution des sentences arbitrales face Ă  l’immunitĂ© d’exĂ©cution des États » qu’il abandonne par la suite pour se consacrer entièrement Ă  la littĂ©rature.

François-Henri DĂ©sĂ©rable commence Ă  Ă©crire Ă  dix-huit ans, après la lecture de Belle du Seigneur d’Albert Cohen. En 2012, il figure parmi les laurĂ©ats du prix du jeune Ă©crivain de langue française pour Clic ! Clac ! Boum !, une nouvelle sur la mort de Danton.

La Joie ennemie de Kaouther Adimi. Stock 🟩🟩🟩🟩◼️

La Joie ennemie

Kaouther Adimi

Stock

978-2-23408-647-0 Août 2025

256 pages

Dans le cadre de la collection Ma nuit au musĂ©e proposĂ©e par Stock, Kaouther Adimi a choisi de passer une nuit Ă  l’Institut du Monde Arabe Ă  la veille de l’ouverture d’une exposition sur la peintre algĂ©rienne Baya (1931-1998).

Cette proposition de passer une nuit dans un musĂ©e avait dĂ©jĂ  Ă©tĂ© faite Ă  Khaouter Adimi en 2018, mais les Ă©motions avaient Ă©tĂ© tellement fortes qu’elle n’avait pu rĂ©aliser cette nuit au musĂ©e.

Ces Ă©motions fortes Ă©taient en relation avec l’AlgĂ©rie, les couleurs et ces souvenirs d’enfance Ă  Alger liĂ©s Ă  la pĂ©riode noire du GIA entre 1990 et 2000.

L’AlgĂ©rie est bien Ă©videmment le point commun entre Baya et Khaouter Adimi. Et le point central est la rencontre que Khouater Adimi a faite des toiles de Baya en 1994 au musĂ©e des Beaux-Arts d’Alger. Khaouter Adimi Ă  8 ans. Elle est nĂ©e en AlgĂ©rie puis Ă  4 ans elle est partie vivre avec sa famille Ă  Grenoble. Son père, journaliste, militaire par obligation financière, travaillait sur une thèse en France. Au vu des Ă©vĂ©nements en AlgĂ©rie, il prĂ©fĂ©rera aux risques et pĂ©rils de sa famille revenir en AlgĂ©rie.

Dans cette nuit au musĂ©e, l’autrice nous parle de sa jeunesse faite de violence, de terrorisme et de la vie de Baya dans les annĂ©es 1930.

La part belle est donnĂ©e Ă  l’introspection de l’auteur par rapport Ă  la vie de Baya. Cela peut ĂŞtre une limite Ă  cet ouvrage. Mais comment ne pas ĂŞtre touchĂ© et Ă©mu par les souvenirs, les Ă©motions d’une toute jeune fille, qui fait devoir de mĂ©moire et de transmission.

L’art brut, naĂŻf de Baya ainsi que les couleurs de ses tableaux faisant office de pont entre les Ă©poques et dessinant un espoir tenu.

Kaouther Adimi est la fille d’un père militaire et d’une mère ayant rĂ©digĂ© des articles de politique internationale. Elle naĂ®t Ă  Alger, oĂą elle vit jusqu’Ă  l’âge de quatre ans, avant que sa famille ne s’Ă©tablisse à Grenoble pour quatre ans. Durant cette pĂ©riode elle dĂ©couvre le plaisir de la lecture avec son père, qui l’emmène chaque semaine Ă  la bibliothèque municipale.

En 1994, elle rentre en AlgĂ©rie, qui vit alors sous l’emprise du terrorisme. N’ayant que très peu d’occasions de lire, elle commence Ă  Ă©crire ses propres histoires. Alors qu’elle Ă©tudie Ă  l’universitĂ© d’Alger, elle voit une affiche de l’Institut français qui organise un concours de jeunes Ă©crivains à Muret, en Haute-Garonne. Par deux fois, les nouvelles qu’elle soumet Ă  l’attention du jury reçoivent le Prix du jeune Ă©crivain francophone (Le chuchotement des Anges en 2006 et Pied de vierge en 2008). Grâce Ă  ce concours, elle est invitĂ©e Ă  Muret, à Toulouse, puis Ă  Paris, oĂą elle rencontre les Éditions Barzakh.

En 2008, elle reçoit le Premier Prix du Festival international de la littérature et du livre de jeunesse d’Alger pour Sur la tête du Bon Dieu.

Elle est diplômée en lettres modernes et en management des ressources humaines.

La maison vide de Laurent Mauvignier. Les Editions de Minuit. 🟩🟩🟩🟩🟩

La maison vide

Laurent Mauvignier

Les Editions de Minuit

Prix Goncourt 2025

ISBN : 978-2-7073-5674-1 Août 2025

752 pages

La maison vide est celle de la famille de Laurent Mauvignier. Cette famille au travers des gĂ©nĂ©rations a changĂ© de nom : Proust, Chichery, Douet, Mauvignier.

Elle a Ă©tĂ© la maison de Jules, hĂ©ros de 14-18, de l’arrière-grand-mère Marie Ernestine, de Firmin, de Marguerite, du grand-père AndrĂ©.

Une maison abandonnĂ©e et que va rouvrir le père de Laurent Mauvignier dans les annĂ©es 1970. L’auteur est âgĂ© de 7 ans. Ce père qui va se suicider quelques annĂ©es plus tard, sans donner de raison. Laurent Mauvignier tourne autour de ce suicide sans en faire le centre de son roman.

le centre se situe dans cette maison vide. Il faut interroger les meubles, les objets, le marbre cassĂ©, la LĂ©gion d’honneur, le piano. Il faut interroger les secrets, les vivants et les morts qui ont donnĂ© une âme Ă  cette maison.

Par cette maison, Laurent Mauvignier va dire l’histoire de sa famille, une histoire faite de certitudes, de secrets et de non-dits. de pièce en pièce, la poussière a Ă©tĂ© mise sous le lit, des tiroirs n’ont plus de clĂ©s, les portes sont juste entrouvertes.

Alors d’une Ă©criture ample, fine, juste, tout va s’Ă©clairer petit Ă  petit.

« D’un bout Ă  l’autre d’un siècle trop court, ils sont posĂ©s l’un en face de l’autre, (Marie-Ernestine et le père de Laurent Mauvignier) se rĂ©pondent, dialoguent par-dessus la bĂ©ance que laisse Marguerite, fille de l’une et mère de l’autre. Moi, de mon cĂ´tĂ© de la rive du temps, j’aperçois tout ca comme le seul rĂ©cit diffractĂ© d’un monde dont la gloire a Ă©tĂ© – par la mort de Jules- le signe avant-coureur de la catastrophe familiale qui a nourri le rĂ©cit qu’aujourd’hui quelque chose en moi cherche Ă  comprendre, comme pour reconstituer le puzzle, vieux clichĂ© que l’image du puzzle, mais limpide et Ă©vidente qu’elle s’impose avec une force telle que je refuse Ă  la rĂ©voquer, oui, l’image d’un puzzle dans une histoire du temps que j’ai cherchĂ© depuis ce matin Ă  reconstituer en retrouvant le certificat de LĂ©gion d’honneur dressĂ© en 1920 sur lequel ont fait le panĂ©gyrique d’un Jules parmi les autres, mort dans la boue de la grande Guerre avec ces majuscules tonitruantes comme une charge de cavalerie. » (pages 23-24)

Ce que ne connait pas Laurent Mauvignier de l’histoire familiale, il va le reconstituer avec pudeur, justesse, violence parfois. Avec finesse, il va combler, les manques, faire remonter des douleurs, des absences, des rejets. Avec finesse, il met Ă  jour une rĂ©silience et donne de la dignitĂ© Ă  des souffrances tues.

Avec ce roman ample, Laurent Mauvignier perce les strates intergĂ©nĂ©rationnelles et fait surgir les drames familiaux enfouis dans la mĂ©moire et la conscience. Il transforme les secrets et non-dits en nouvelle prĂ©sence.

Cette reconstitution familiale nous touche car elle peut sûrement être notre . La famille est le creuset, des silences, des secrets et des absences recuites .

« â€¦c’en nous laissant, nous, enfants et petit enfants d’une histoire dont nous ne connaitrons que l’Ă©cume, dans l’ignorance presque totale, jusqu’Ă  ce qu’il n’y ait plus un seul tĂ©moin ou seulement des gens trop âgĂ©s ou frappĂ©s de cette maladie au nom allemand : Alzheimer. » (page 723)

Laurent Mauvignier est un écrivain français.

Issu d’un milieu modeste, il abandonne des études de BEP comptabilité pour entrer à l’École des Beaux arts de Tours en 1984. Il sera diplômé en 1991 dans le département Arts plastiques, puis s’inscrira à la faculté de Lettres Modernes, sans mener à terme ce nouveau cursus.

Son rapport Ă  l’écriture commence alors qu’il est hospitalisĂ© Ă  l’âge de huit ans. Il reçoit un exemplaire d’ »Un bon petit diable », de la Comtesse de SĂ©gur.

DJ Bambi d’Audur Ava Olafsdottir. Zulma. 🟩🟩🟩🟩◼️

Dj Bambi

Audur Ava Olafsdottir

Zulma

Traduction : Eric Boury

ISBN :  979-1-03870-393-3 Septembre 2025

256 pages

DJ Bambi est l’histoire d’un homme nĂ© soixante ans plus tĂ´t qui s’est toujours senti femme. Elle a choisi le prĂ©nom de Logn qui signifie en islandais : absence de vent ou calme plat. Suite Ă  son divorce et Ă  un traitement hormonal, Logn attend d’ĂŞtre opĂ©rĂ©e du bas (quelle pudeur) afin d’avoir un corps qui lui corresponde vraiment.

À terme, elle souhaite prendre le prénom de sa grand-mère, Grudidur. Seul son jumeau Trausti la soutient, au contraire de sa famille qui la rejette.

Cette rĂ©alitĂ©, Logn, l’a tenue enfouie et a mis des annĂ©es Ă  l’accepter.

Après le rouge vif de la rhubarbe, c’est le deuxième roman d’Audur Olafsdottir que je lis. J’ai retrouvĂ© la mĂŞme poĂ©sie et la mĂŞme empathie pour ces personnages. des personnages diffĂ©rents aux proies avec la reconnaissance.

Choisir le sujet transgenre n’est pas le sujet le plus simple Ă  aborder. Pour le rendre quotidien et ancrĂ© dans la rĂ©alitĂ© Audur Olafsdottir nomme Ă  l’infini les noms des rues, des plages, des caps, des lieux de Reykjavik, nous englobe dans le ciel, les Ă©toiles et au plus près des goĂ©lands.

Pour déposer le sujet, elle choisit un personnage appelée Audur T. (étonnant !) qui interview Logn et veut en faire un livre.

J’ai ressenti durant cette lecture la difficultĂ© qu’il y avait Ă  traiter du transgenre et la difficultĂ© de parler et de comprendre ce chemin de transition. Cela a Ă©tĂ© accentuĂ© par la rĂ©alisation ou non du livre d’Audur T. et d’un Ă©vĂ©nement final.

Reste qu’Agustina dans le Rouge vif de la rhubarbe ou Logn dans DJ Bambi sont des personnes qui se tiennent droites, Ă©minemment humaines. Il faut se rappeler qu’au dĂ©part Bambi parle de l’ostracisme fait aux juifs.

Logn, Agustina différents.

Auður Ava Ă“lafsdĂłttir est sans conteste la reine des lettres islandaises ! Depuis Rosa candida, le charme inimitable de ses romans tient peut-ĂŞtre Ă  son talent sans pareil pour nous faire explorer les troublantes drĂ´leries de l’inconstance humaine avec une poĂ©sie et un humour d’une grâce inĂ©galable. Elle a reçu notamment les plus hautes distinctions nordiques, et le Prix MĂ©dicis Ă©tranger pour Miss Islande.

« RĂ©vĂ©lĂ©e au public français grâce Ă  Rosa candida, l’Islandaise Auður Ava Ă“lafsdĂłttir possède l’art de dire les choses compliquĂ©es avec des mots simples. Celui aussi de suggĂ©rer l’émerveillement devant le miracle quotidien de l’existence. Â» – Elena Balzamo, Le Monde des Livres.

Le rouge vif de la rhubarbe d’Audur Ava Olafsdottir. Zulma. 🟩🟩🟩🟩◼️

Le rouge vif de la rhubarbe

Audur Ava Olafsdottir

Zulma

Traduction : Catherine Eyjolfsson

ISBN : 978-2-843-04756 -5 Islande 1998 – France 09/2016

156 pages

Le rouge vif de la rhubarbe est un court roman, sensible, dĂ©licat et poĂ©tique se dĂ©roulant sur les terres islandaises.

Agustina a Ă©tĂ© conçue dans un champ rouge vif de rhubarbe. Un père de passage lors de l’escale d’un navire et absent Ă  jamais. Une mère, scientifique de la migration des oiseaux, toujours aux quatre coins de la terre et qui n’existe que par des lettres.

Agustina vit auprès de Nina, une amie de sa mère.

Agustina est née avec des jambes de coton qui ne peuvent la porter et des béquilles sont ses meilleures amies.

Agustina a une vie horizontale, elle ne peut grimper, ou entamer des randonnées dans les paysages escarpés de son île. Elle a néanmoins un lien vertical avec les nuages, le ciel et Dieu.

Agustina a un rĂŞve : atteindre le sommet de la Montagne, 844 mètres, afin de voir le monde de haut et de s’englober dans un paysage.

A partir des scènes du quotidien, autour de la cuisine, de la pĂŞche, des rencontres, Audur Aya Olafsdottir va instiller une poĂ©sie et une tendresse autour d’Agustina, sirène ou ange.

Quand l’ordinaire de la vie et le handicap confèrent au merveilleux.

Auður Ava Ólafsdóttir est sans conteste la reine des lettres islandaises ! Depuis Rosa candida, le charme inimitable de ses romans tient peut-être à son talent sans pareil pour nous faire explorer les troublantes drôleries de l’inconstance humaine avec une poésie et un humour d’une grâce inégalable. Elle a reçu notamment les plus hautes distinctions nordiques, et le Prix Médicis étranger pour Miss Islande.

« Révélée au public français grâce à Rosa candida, l’Islandaise Auður Ava Ólafsdóttir possède l’art de dire les choses compliquées avec des mots simples. Celui aussi de suggérer l’émerveillement devant le miracle quotidien de l’existence. » – Elena Balzamo, Le Monde des Livres.

Je voulais vivre d’AdelaĂŻde de Clermont-Tonnerre. Grasset. 🟩🟩🟩🟩◼️

Je voulais vivre

Adélaïde de Clermont-Tonnerre

Editions Grasset

Prix Renaudot 2025

ISBN :978-2-246-83166-2 Août 2025

475 pages

Les Trois MousquetairesAlexandre Dumas, Athos, Porthos, Aramis, D’Artagnan et Milady de Winter. Que ce soit par la lecture ou le cinĂ©ma, nous avons tous aimĂ© la bravoure des Mousquetaires et la fĂ©lonie de Milady de Winter.

Tout comme l’autrice, AdĂ©laĂŻde de Clermont-Tonnerre. C’est ce qu’elle nous confirme Ă  la fin de son livre Je voulais vivre. Mais depuis des annĂ©es, un murmure insistant est venu parasiter ses pensĂ©es : Milady de Winter est-elle rĂ©ellement la femme qu’on a couverte de tous les maux ? Est-elle l’idĂ©ale coupable en tant que femme dĂ©sirante et dĂ©sirĂ©e, femme diablesse, tentatrice et putain ?

Ce murmure est devenu envahissant et l’autrice a dĂ©cidĂ© d’Ă©carter la lĂ©gende pour rencontrer la femme. Milady, femme de fiction, mĂ©ritait un roman afin que l’on connaisse sa vĂ©ritĂ©.

AdĂ©laĂŻde de Clermont-Tonnerre s’est insinuĂ©e dans les blancs, les failles, les interstices de quatre romans de Dumas (Les trois mousquetaires, Vingt ans après, le vicomte de Braguelonne, La jeunesse des mousquetaires) afin de nous restituer Anne de Breuil, la comtesse De La Fère, Charlotte Backston, Milady de Winter.

L’autrice fait le portrait d’une femme libre, vivant dangereusement dans un monde dominĂ© par les intrigues et les hommes. Nous traverserons le 17ᵉᵉ siècle aux cĂ´tĂ©s de figures bien connues mais au plus près d’Anne du Breuil.

Ă€ travers les voix de d’Artagnan,de James de Winter, d’Olivier de la Fère ou du Père Lamandre, Milady nous apparait sous un autre jour, se battant contre son destin et sa condition de jeune femme.

Servi par une Ă©criture et un souffle romanesque, le roman se lit Ă  l’aune des trois Mousquetaires, et nous permet de mieux cerner Milady, femme double, victime mais aussi maitre de sa destinĂ©e.

Une réussite.

AdĂ©laĂŻde de Clermont-Tonnerre, ancienne Ă©lève de l’École normale supĂ©rieure, est journaliste et romancière. Fourrure (Stock) a Ă©tĂ© rĂ©compensĂ© par cinq prix littĂ©raires, dont le prix des Maisons de la Presse et le prix Sagan, suivi par Le Dernier des nĂ´tres (Grasset), Grand Prix du roman de l’AcadĂ©mie française 2016, traduit en dix langues. Et enfin, Les Jours heureux (Grasset, 2021), prix Cabourg du roman.

Nous sommes faits d’orage de Marie Charrel. Les LĂ©onides. 🟩🟩🟩🟩◼️

Nous sommes faits d’orage

Marie Charrel

Editions Les Léonides

ISBN : 978-2-48833- 500-3 Août 2025

400 pages.

Nous sommes faits d’orage de Marie Charrel est un roman qui se passe en Albanie. L’Albanie, petit pays des Balkans, frontalier de la Grèce. La Grèce, terre de tragĂ©die. Cette tragĂ©die qui traverse le roman de Marie Charrel sur plusieurs gĂ©nĂ©rations. Cette tragĂ©die trouve son substrat dans cette Albanie aux traditions sĂ©culaires faites de violence, de sorcellerie qui porte le nom de Kanun depuis le Moyen-Ă‚ge.

Ă€ la mort de sa mère, Sarah, qui vit en Islande, reçoit en hĂ©ritage les clĂ©s d’une bicoque perdue dans les montagnes albanaises et une demande de sa mère : trouve Elora !

Sarah part en Albanie et dĂ©couvre un village oubliĂ© et globalement abandonnĂ©. Elle apprend rapidement qu’Elora est morte il y a bien longtemps.

L’enquĂŞte sur Elora va se dĂ©rouler sur trois pĂ©riodes : dans les annĂ©es 1975, les annĂ©es 1990 et maintenant en 2023/2024. Et durant ces pĂ©riodes, l’Albanie est le pays le plus fermĂ© au monde, dirigĂ© par Enver Hoxha, dictateur admirateur de Staline.

Sarah, partie sur les traces de sa mère, va dĂ©couvrir l’histoire d’un peuple et d’un pays ainsi que ses traditions autour de crĂ©atures Ă©tonnantes : les drangues, la shtriga, la kulshedra.

En 1975, trois jeunes garçons quittent leur village pour l’universitĂ© de Tirana. Ces trois garçons, Sokol, Ilir, Dritan tombent amoureux de la mĂŞme jeune fille : Esther. Esther Ă©pousera l’un deux et tous les quatre seront confrontĂ©s de façon diffĂ©rente Ă  la dictature de Hoxha.

En 1990, Elora et Agon amis d’enfance, vont vivre un drame qui les sĂ©parera et les jettera dans la violence.

Marie Charrel entremĂŞle avec talent les trois Ă©poques et confectionne une toile d’araignĂ©e, dans laquelle nous nous laissons prendre avec plaisir. Toile d’araignĂ©e entre dictature, violence et tradition.

Toile d’araignĂ©e qui nous offre des personnages de femmes magnifiques, en quĂŞte d’Ă©mancipation, de libertĂ©. Dans cette sociĂ©tĂ© de vendetta (le Kanun), les femmes ont un seul pouvoir : arrĂŞter les vendettas en offrant le pardon ; les hommes, eux, doivent venger sans fin la mort d’un homme.

Nous sommes faits d’orage est une histoire tragique et romanesque traversĂ©e par un souffle indĂ©niable qui nous emporte.

La coĂŻncidence fait qu’un autre livre sorti rĂ©cemment parle aussi du Kanun. Il s’agit du livre de Jean-Christophe Rufin : le revenant d’Albanie. Son personnage principal, le consul Aurel Timescu, est lui aussi aux prises avec le Kanun. Livre plus lĂ©ger mais aussi Ă©tonnant sur les traditions albanaises

Marie Charrel commence sa carrière en 2006. DiplĂ´mĂ©e de l’Institut d’Ă©tudes politiques de Grenoble, spĂ©cialitĂ© Ă©conomie sociale, et de l’IPJ, elle devient laurĂ©ate de l’acadĂ©mie Prisma. Elle intègre ainsi la rĂ©daction du magazine Capital.

Son premier roman intitulé Une fois ne compte pas est publié par Plon en 2010. Le livre reçoit un accueil enthousiaste de la critique.

En 2013, Marie Charrel rejoint la rĂ©daction du journal Le Monde pour suivre la politique monĂ©taire internationale et l’Ă©conomie europĂ©enne.

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Cour Nord d’Antoine Choplin. editions du Rouergue. 🟩🟩🟩🟩◼️

Cour Nord

Antoine Choplin

Editions du Rouergue

ISBN : 978-2-81260-091-3 Janvier 2010

133 pages

Comme toujours avec Antoine Choplin, un roman court et ciselĂ©. Antoine Choplin nous emmène dans les annĂ©es 1980 dans le Nord de la France, entre pays minier et Lille. Y habitent Gildas et Leopold, père et fils. Ils travaillent tous les deux dans l’usine sidĂ©rurgique. Ce matin lĂ , ils partent rejoindre les camarades en grève. Les patrons souhaitent fermer l’usine et une rĂ©union syndicat – patronat est prĂ©vu dans l’après midi.
Gildas est le leader syndical de l’usine et espère empĂŞcher la fermeture de l’usine.
Léopard est moins impliqué au grand dam de son père.
Léopard à une passion : le jazz et tout ce qui tourne autour de Theolonius Monk et Chet Baker. Avec trois amis ils forment un quartette dans lequel il joue de la trompette.
Autour de Gildas, Leopold et de l’usine, il y a le bar, lieu central des rencontres et des discussions, des moments d’apartĂ© avec Nadine ou Ahmed.
Par petites touches Antoine Choplin va nous faire entrer dans ces vies et leurs mystères.
C’est simple, c’est fort, c’est humain.
Il me reste un bouquet d’oeillets rouges se dĂ©tachant sur le marbre gris d’une tombe au son de la trompette de Leopold jouant Chet Baker.

Né en 1962, Antoine Choplin vit près de Grenoble, où il partage son temps entre l’écriture et l’action culturelle. Il est directeur de « Scènes obliques », dont la vocation est d’organiser des spectacles vivants dans les lieux inattendus, des sites de montagne. Il est aussi l’animateur depuis 1996 du Festival de l’Arpenteur (Isère), qui chaque mois de juillet programme des rencontres inhabituelles entre des créateurs (notamment des écrivains) et le public. Il s’est fait connaître en 2003 lors de la publication de son roman, Radeau, (La Fosse aux Ours, 2003), qui a connu un vrai succès populaire (Prix des librairies « Initiales », Prix du Conseil Général du Rhône).

Les jardins perdus de Rouda. Liana Levi. 🟩🟩🟩🟩◼️

Les Jardins perdus

Rouda

Liana Levi

ISBN ;  979-1-03491-098-4 Août 2025

224 pages

Les jardins perdus est une citĂ© du 93. Des barres d’immeubles diffĂ©renciĂ©es grâce Ă  des noms d’Ă©crivains. Dans la barre Balzac vit la famille Chevallier. le père, la mère et les deux fils : Zac et Martin. Une famille blanche, comme d’autres dans cette barre et qui vivent avec des familles noires, maghrĂ©bines ou encore de l’Europe de LEst.
Nous sommes en 2023 après les Ă©meutes causĂ©es par la mort de Nahel suite Ă  un tir Ă  bout portant d’un policier lors d’un contrĂ´le routier Ă  Nanterre

Zac dans le cadre de ses Ă©tudes est parti faire un stage Ă  Conakry en GuinĂ©e . Lors de l’un de ses retours il apprend que son frère Martin a disparu depuis quelques jours.
Zac ne peut admettre cette disparition et va partir Ă  la recherche de son frère. Il va rapidement comprendre que Martin est parti dans un mouvement d’extrĂŞme droite.
Afin de retrouver son frère, Zac va se mettre sans ses pas et cĂ´toyer ce mouvement d’extrĂŞme droite.
Les jardins perdus est un roman social touchant aussi bien le dĂ©litement familial que l’embrasement politique.
Les abandons, les renoncements sont le terreau d’idĂ©ologies nausĂ©abondes.
C’est rĂ©aliste, cru et violent.
Le tout accompagnĂ© d’une bande son, rap
Un roman rĂŞche, sans concession’ brĂ»lant..

Rouda est nĂ© à Montreuil en 1976. Il est membre actif du mouvement slam depuis 2000 et est considĂ©rĂ© comme l’un des pionniers de la scène slam française, notamment en tant que membre fondateur du collectif 129H et compagnon de route de Grand Corps Malade, S Petit Nico ou D’ de Kabal.

En 2006, il coécrit et interprète le morceau Parole du bout du monde, sur le premier album de Grand Corps Malade Midi 20, double disque de platine. Son premier album solo, Musique des lettres, sort en 2007 sur le label Le Chant du Monde / Harmonia Mundi. Il se vend à près de 10.000 exemplaires et fait l’objet d’une tournée de 50 dates en France et à l’étranger. The French Guy, son deuxième album solo, sort en 2016 en autoproduction et distribué par le label Modulor. Fatras, son troisième EP, sort en 2019.

De 2010 Ă  2013, il est Ă©galement chroniqueur du Micro ouvert de la matinale du Mouv’.

Le 05 janvier 2023, il publie son premier roman, Les mots nus, aux Éditions Liana Levi, qui bĂ©nĂ©fice d’un accueil enthousiaste  En 2024, Rouda est laurĂ©at de la 37ème Ă©dition du Festival du premier roman de ChambĂ©ry..