En écoutant Brava ou Mezzo j’avais eu l’occasion de connaitre l’Orchestre Bolivar et son chef emblématique Gustavo Dudamel. J’avais étais marqué et impressionné par le dynamisme et la vitalité de cet orchestre et de ces musiciens. de la bonne humeur , une façon originale de sortir des canons de la musique classique et la découverte d’un répertoire sud américain.
Ces différentes écoutes m’avait ouvert aux orchestres de jeunes , au Sistema et au Venezuela.
Et puis le livre de Vincent Agrech Un orchestre pour sauver le mondedans la dernière Masse Critique. Je tope avec d’autres ce livre.
Et le voila quelques jours après dans ma boite aux lettres.
Merci à Babelio et aux Editions Stock pour cette découverte et lecture.
Le livre de Vincent Agrech est exhaustif et nous présente de façon complète cette expérience du Sistema au Venezuela.
Vincent Agrech, journaliste, critique musical et producteur nous retrace la vie de Sistema de sa naissance vers les années 1970 jusqu’à sa mise en sourdine en 2017 du fait des événements politiques au Venezuela.
Sistema est au départ un système d’éducation musicale contre la pauvreté, la délinquance.
Au point de départ il y a José Antonio Abreu , pianiste, éducateur , économiste , député et enfin ministre de la culture.
C’est lui qui est à la fondation et à la direction de Sistema : un réseau national d’orchestre d’enfants.
Pour cela il va créer dans les villes et les campagnes des nucléos, soit des entités où les enfants entourés de professeurs et de musiciens vont apprendre le chant , la musique. et cette apprentissage va se faire en groupe , une vingtaine d’heure par semaine. c’est en cela que tient une partie de l’originalité de Sistema : l’apprentissage en groupe et non comme en Europe de façon individuelle.
Cette éducation musicale à partir des nucléos va perdurer pendant 40 ans et se développer . Au début les instruments étaient importées de l’Union Soviètique et des Pays de l’Est.
mais l’évolution de Sistema va faire naitre des nouveaux métiers autour de la lutherie.
Les premiers éléves de Sistema deviendront des éducateurs et des frormateurs pour les nouveaux arrivants dans Sistema.
Certains de ces élèves deviendront des musiciens professionnels et permettront la naissance de l’Orchestre Simon Bolivar , tête de proue de Sistema.
Parmi ces élèves figurait Gustavo Dudamel. Il a suivi le cursus depuis le nucléo, l’apprentissage du violon et enfin la direction d’Orchestre.
Tout cela ne fut possible que grâce à José Antonio Abreu qui mis sa culture au service d’un engagement politique et sa conscience jésuitique à la réalisation de Sistema
Le Venezuela comme tous les autres pays d’Amérique du Sud a été fortement colorée par l’Eglise Catholique ( colonisation ) et plus particulièrement par le message des Jésuites : A savoir un développement du spirituel , du culturel dans une organisation assez pyramidale.
Dans Sistema , Maestro Abreu a calqué ce message : Développer la jeunesse par la culture musicale dans une organisation sans faille : nucléos , groupes , orchestres , administration
Et la politique ne peut être oubliée dans la réussite et les difficultés actuelles de Sistema.
Le Venezuela reste admirative de Simon Bolivar , l’émancipateur des colonies espagnoles, qui participa de manière décisive à l’indépendance de de nombreux pays sud américains.
Son combat contre la monarchie espagnole a été interprété par Hugo Chavez comme un archétype de la lutte contre toute influence étrangère.
Et actuellement de façon encore plus importance par son successeur Nicolas Mauro.
Le Sistema est donc partie intégrante de la politique vénézuélienne et représente pour le pouvoir une vitrine importante ( surtout l’Orchestre Simon Bolivar).
Le Sistema vit essentiellement sur les subsides de l’Etat.
Etant une vitrine importante , le Sistema est devenu pour le pouvoir un signe de réussite .Et cette réussite a été quantifiée : 1 million d’élèves , 1 300 orchestres et l’Orchestre Simon Bolivar comme étoile.
Cette implication de l’Etat va pouvoir être vécu sans trop de heurts jusqu’à la mort de Chavez.
voila ce qu’en dit Gustavo Dudamel page 51
« Le Sistema est le symbole du pays, admiré et soutenu pars tous. Son financement dépend de l’Etat, il n’y a donc rien d’illogique à ce que le Bolivar, qui en est le fleuron, se produise dans des circonstances officielles……Nous nous sommes fixés l’objectif du million avec l’appui du gouvernement. Cette massification permet de franchir un nouiveau seuil qualitatif. Alors, oui, j’assume pleinement le témoignage de ma reconnaissance. Car ce qui est entrain d’advenir au Venezuela est quelque chose de merveilleux, un exemple pour le monde, comme une explosion de l’art et de la pensée »
Avec l’arrivée au pouvoir de Nicolas Maduro, les choses vont lentement mais radicalement changer.
Au coeur de l’été 2017 Maduro a convoqué l’élection d’une assemblée constituante. Il s’agit en fait d’un coup d’état institutionnel.
Gustavo Dudamel publie alors un communiqué (page 162)
« Ma foi en la justice, et dans le respect de la diversité des opinions, m’oblige, comme citoyen vénézuélien, à dénoncer la décision illégale de la part du gouvernement de faire élire une assemblée constituante qui aurait le pouvoir non seulement de réécrire la constitution mais aussi de dissoudre les institutions nationales »
Suite à ce communiqué Nicolas Maduro annule la tournée aux Etats Unis du nouvel orchestre national juvénile du Venezuela.Puis quelques jours plus tard la tournée asiatique du Bolivar adulte.
Depuis le printemps 2017, Gustavo Dudamel n’a plus dirigé l’orchestre phare de son pays natal, dont il est toujours directeur musical, et n’est pas retourné au Venezuela.
Il vit la moitié de l’année à Los Angeles dont il dirige l’Orchestre Philharmonique , et l’autre moitié de l’année à Madrid, en Espagne, pays dont il a obtenu la double nationalité.
Plus de 30% des membres des orchestres Sistema ont pris le chemin de l’Exil.
Triste réalité mais le livre de Vincent Agrech n’est pas que cela.
Son titre en est le reflet : Un orchestre pour sauver le monde.
Pendant 40 ans Sistema a mis en place une idée originale pour amener collectivement des enfants vers l’Art la pensée et le développement de soi.
Sistema a fait des émules dans de nombreux continents et pays.
C’est de ces expériences que nous parle Vincent Agrech . Que ce soit à Kaboul , en Turquie , dans les camps de migrants en Grèce , mais aussi aux Etats Unis, dans les banlieues parisiennes ou encore à Fukushima au Japon, un formidable réseau d’orchestres d’enfant se met en place ouvrant de nouvelles portes et répondant aux fléaux de l’exclusion du déracinement et de la guerre.
Sistema est en sourdine actuellement au Venezuela , mais grâce à tous ce qui se sont investis depuis 40 ans l’idée de Sistema s’est propagée et vit actuellement au coeur du monde.
Gustavo Dudamel continue son oeuvre avec les jeunes de Los Angeles.
Les musiciens vénézuéliens attendent des jours meilleurs pour poursuivre
Et pour terminer cette critique quelques mots de Vincent Agrech à l’attention de Gustavo Dudamel ( page 304)
« Le Sistema vénézuélien fut une expérience inouie et paradoxale.Sa fin possible confirme ce que nous, Européens, savions déjà : l’art n’a pas le pouvoir de se substituer aux nécessités vitales, la barbarie peut l’étouffer. Il a celui , en revanche de ressusciter, comme toute chose d’essence spirituelle. le Sistema vénézuélien ressuscitera. La flamme est gardée ailleurs, par ceux qui sont partis, ceux qui se sont convertis, et même, tant qu’ils en ont la force, ceux qui sont restés….. le monde a encore beaucoup à apprendre du Sistema….Celui d’une main tendue, à travers la musique, aux enfants les plus pauvres. Celui d’une éducation d’excellence où se rencontrent toutes les classes sociales. ailleurs en Amérique latine, et même sur d’autres continents, certains vont déjà plus loin que l’original, avec moins de zones d’ombre….
Cher Gustavo, la charge qui pèse sur toi est aussi écrasante qu’infini son chagrin.Tu es un emblème, l’incarnation d’un idéal. Tu dois guider à travers la tempête un navire au bord duquel on t,interdit de monter et dont l’équipage est aux fers.
Et si tu parviens à convaincre, il faudra penser un nouveau Sistema pour le Venezuela, continuer à brandir pour le reste du monde un flambeau que personne ne pourra lever aussi haut que toi «