Archives pour la catégorie Roman francophone

Le monde est fatigué de Joseph Incardona. Finitude. 🟩🟩🟩🟩◼️

Le monde est fatigué

Joseph Incardona

Finitudes

ISBN : 978-2-36339-235-0 Août 2025

224 pages

Prix Deux Magots 2025 – Fémina des Lycéens 2025

Oh oui ! le monde est fatigué.

Joseph Incardona, avec une écriture cinématographique matinée de causticité et d’humour, nous assène un monde agité et sombre dominé par des hommes pour qui la planète Terre ne joue pas le premier rôle.

La quatrième de couverture nous avait mis en garde. « Il y a tellement de bruit alors qu’il faudrait du silence, canaliser l’émotion, poser une compresse fraîche sur la folie du monde. »

Êve avec un accent circonflexe (parce que dans rêve il y a Êve) vit dans son bruit intérieur et canaliser ces émotions lui est difficile. Elle vit plus dans le canal de la vengeance et de la haine.

La vie d’Êve a basculé il y a 7 ans. le roman nous apprendra peu à peu la raison de cette bascule tragique. Aujourd’hui Êve est une sirène professionnelle, mais personne ne sait ce que cache sa queue de silicone.

Êve court autour du monde après un double secret qui hante sa vie. Et comme dit Êve: « Je respire, je respire plus « . Ève vit sur un fil, sur une apnée. Sirène glamour et personnage intouchable, elle traverse la planète dans une quête personnelle. La recherche d’Êve se heurte à ce monde qui perd son humanité. Et le monde devient un monde hyperconnecté sans âme où les vols transatlantiques et pacifiques font que notre voisin est à notre porte. Un monde désincarné dont les totems sont Dubaï ou une île de plastique au milieu du Pacifique.

Un livre désenchanté, sombre à hauteur d’un monde sans beaucoup d’espoir.

Le mythe de la sirène en prend un coup !

Joseph Incardona est né à Lausanne le 11 février 1969. Ses parents font les saisons dans les hôtels et jouent dans un groupe de musique. Une vie semi-nomade et turbulente qui entraînera de fréquents déménagements et bouleversements au quotidien, jusqu’à l’âge de 14 ans où la famille se stabilise à Genève.

Scolarité chahutée, bac à 19 ans, quelques mois passés dans l’équipe de football réserve du Servette de Genève, avant de jouer quelques saisons en National. Après son service militaire, il multiplie les petits boulots pour payer l’université où il obtient un master en Sciences politiques. Son stage dans un journal en vue d’obtenir une carte de presse se solde par un échec : il est renvoyé pour avoir trop souvent comblé les zones d’ombre par des inventions de son cru. Ce sera pour lui le début du métier d’écrivain.

Une petite décennie passée à écrire sans rien publier, à voyager, à faire des rencontres, à lire, à fricoter avec la marge, passant de jobs en petits boulots (une soixantaine), allant de vendeur de détecteurs de faux billets, figurant pour la TV ou restaurateur de bateaux.

En 2000, il part s’établir à Paris, puis ce sera Bordeaux pendant une dizaine d’années, avant de revenir s’installer à Genève où il vit avec sa compagne et leur fils. Après trois premiers livres publiés aux éditions Delphine Montalant, quelques errements chez différents éditeurs (Baleine, Fayard, Le Seuil, notamment), il trouve son éditeur idéal à Bordeaux chez Finitude.

On m’a jeté l’oeil de Anya Nousri. Le Castor Astral. 🟩🟩◼️◼️◼️

On m’a jeté l’oeil

Anya Nousri

Le castor Astral

ISBN : 978 – 2 – 89801 – 211 -2 Avril 2024 ( Montréal) Août 2025 ( Paris)

117 pages

On m’a jeté l’oeilAnya Nousri est un premier roman qui ne laisse pas indifférent sur la forme. Comme il est indiqué en note d’éditeur : « Afin de respecter l’intention de l’autrice, et proposer une expérience de lecture radicale, les termes arabes, kabyles et créoles ne sont pas traduits. »

Le roman est irrigué par une langue pluriethnique passant du français au verlan, au kabyle, au québécois. Cette radicalité de la forme m’a fortement perturbé et m’a empêché de m’attacher au fond du roman qui se veut lui aussi radical et subversif.

L’autrice aborde la charge culturelle, féminine, sexuelle et identitaire d’une jeune femme algérienne aux prises avec les différentes cultures qu’elle traverse. Comment être une femme libre quand on est ballotée entre traditions kabyles, mercantilisme occidental, réseaux sociaux et place de la femme.

Des interrogations importantes, essentielles. Malheureusement pour moi, la forme a pris le dessus et celle-ci a supplanté ces interrogations.

Souvent la radicalité empêche le dialogue, la compréhension. Cette radicalité est aussi un cri, un besoin de reconnaissance. Je les ai entendus mais je n’ai pu les atteindre.
Lu dans le cadre du prix de la librairie Au bord du jour ( Voiron – Isère ) . Jury

L’autrice Anya Nousri a récemment remporté le Grand Prix du livre de la Ville de Sherbrooke, dans le volet création littéraire, pour son premier roman, On m’a jeté l’oeil, publié aux éditions Triptyque. Un roman court, incisif, poignant.

L’autrice est née à Montréal, de parents algériens, mais elle étudie depuis deux ans à l’Université de Sherbrooke. La narratrice de son histoire navigue entre traditions et rationalité, entre superstitions et soif de liberté. Ce personnage-là, même si elle a ses réticences face à sa posture occidentale, elle s’y plonge quand même dans ces rituels. Même si elle dit qu’elle n’y croit plus, ce personnage souhaite chérir cet héritage, explique Anya.

Anya Nousri est un nom d’emprunt. Quand j’ai écrit ce livre, j’avais vraiment envie d’écrire tous les enjeux et toutes les nuances dont j’avais envie de parler, et de le faire avec toute la liberté possible, affirme l’autrice, qui s’est également créé un personnage, question de briser les codes.

Il faut le dire, Anya arbore un style assumé qui peut surprendre. Qui intrigue, à tout le moins. Elle porte des vêtements colorés et un masque perlé.

Passagères de nuit de Yanick Lahens. Sabine Wespieser. 🟩🟩🟩🟩◼️

Passagères de nuit

Yanick Lahens

Sabine Wespieser

ISBN 978 – 2- 84805 – 570 – 1 Août 2025

224 pages

On ne présente plus Yanick Lahens , auteur de 17 romans, prix Femina en 2014. Elle est une femme d’Haïti et de l’esclavagisme.
Son dernier roman Passagères de nuit se classe dans la recherche des origines, de la place de la femme haïtienne et de la mémoire.
Le roman se situe sur deux périodes entre 1750 et 1850. Première partie à Saint Domingue et La Nouvelle Orléans, puis deuxième partie en Haïti.
Née en 1818 à la Nouvelle Orleans, Elisabeth Dubreuil n’a pas reculé quand elle a été victime de deux tentatives de viol par un ami de son père. Sa grand mère, ancienne esclave arrivée d’Haïti avec son maître qui l’a affranchi va lui donner un exemple de résistance silencieuse.
Cette grand mère va faire connaître le vaudou, le mystère des divinités à Elisabeth et l’aider à fuir la Nouvelle Orléans et embarquer pour Port au Prince. On retrouve Élisabeth des années après, mère d’un homme qui traverse la ville en libérateur : le général Leonard Corvaseau.
Ce roman est porté par une écriture magnifique faite de douceur, de poésie mais aussi de cette violence liée à Haïti.
On peut juste peut être regretter un décalage entre les deux parties du livre avec dans la deuxième partie un narrateur se cachant pendant une quarantaine de pages.
Ceci dit le roman reste un roman d’émotion, de liberté , d’émancipation qui nous parle de mémoire, de génération.
Livre lu en tant que jury du Prix de la librairie Au bord du jour à Voiron (38)

Yanick Lahens, née le 22 décembre 1953 à Port-au-Prince en Haïti, est une écrivaine haïtienne, lauréate de l’édition 2014 du prix Femina pour son roman Bain de lune. Elle est titulaire de la chaire « Mondes Francophones » au Collège de France et a prononcé sa leçon inaugurale intitulée « Urgence(s) d’écrire, rêve(s) d’habiter » le 21 mars 2019.

Le mage du Kremlin de Giuliano da Empoli. Gallimard. 🟩🟩🟩🟩◼️

Le mage du Kremlin

Giulano da Empoli

Gallimard

ISBN : 978-2-07295-816-8 Avril 2022

288 pages

.

La sortie en 2025 de L’heure des prédateurs de Giuliano Da Empoli a fait que j’ai d’abord voulu lire son livre précédent, le mage du Kremlin, sorti en 2022.

Bien m’en a pris de lire ce livre trois ans après sa sortie.

Giuliano Da Empoli a un don de prescience ou en tout cas de projection dans l’avenir.

Le Mage du Kremlin est inspiré de l’éminence grise de Poutine : Vladislav Surkov. Dans le livre, celui-ci prend les traits de Vadim Baranov. C’est le seul personnage de fiction du roman. Tous les autres personnages, tous les faits sont réels.

Vladimir Baranov vient du monde du théâtre et de la télé-réalité. Il va rencontrer le milliardaire des médias, Boris Berezovsky. Celui-ci va lui demander de passer de la fiction à la réalité, en participant à la mise en scène et à la montée au pouvoir de Vladimir Poutine.

Nous sommes en 1999, Boris Eltsine préside depuis huit ans la fédération de Russie. Sa présidence est marquée par les crises, les scandales, les privatisations et l’émergence des oligarques. La Russie se libéralise à outrance au profit de quelques-uns. La corruption devient endémique.

La dérive du pouvoir, Eltsine malade, tout fait peur.

Forcé, Eltsine démissionne et nomme Poutine président. Devenu président, Poutine se voit comme le sauveur de la Russie et veut lui redonner puissance et grandeur en imposant des méthodes autoritaires, devenant avec le temps autocratiques.

Avec profondeur, Giuliano Da Empoli creuse les failles et analyse la continuité de la Russie tsariste, communiste et poutinienne. Analyse effrayante sur la mise en place d’une accession au pouvoir pour certains et la servilité pour tous les autres.

Le roman se termine alors que l’Ukraine n’a pas encore été envahie en 2022. Pourtant toutes les pages de ce livre sont visionnaires et nous disent la situation actuelle : un ancien directeur du FSB, mégalo, sans opposition, révisionniste de l’histoire, voulant créer la troisième Rome.

Un roman réaliste qui permet de comprendre (un peu pour les Occidentaux) ce qu’est la désinformation, la propagande.

Et en 2025, d’autres personnages dansant sur le même fil apparaissent : Trump, Musk, Orban, Fisko. On les retrouve dans le dernier ouvrage de Giuliano Da Empoli : L’heure des prédateurs.

Giuliano da Empoli, né en 1973 à Neuilly-sur-Seine, est un écrivain et conseiller politique italosuisse. Il est le président de Volta, un think tank basé à Milan, et enseigne à Sciences-Po Paris.

Ancien adjoint au maire de Florence, chargé de la Culture, il a été le conseiller politique du président du Conseil italien Matteo Renzi

Il a été membre du conseil d’administration de la Biennale de Venise et président du cabinet Vieusseu] à Florence.

De 2006 à 2008, il est le conseiller du ministre de la Culture et vice-président du Conseil des ministres italien Francesco Rutelli.

En 2016, il fonde le think tank Volta, membre du réseau Global Progress, dont la vocation est de donner vie à un groupe de réflexion de nouvelle génération, abordant des thèmes liés aux évolutions du monde contemporain tout en prenant en compte l’histoire et la culture italiennes.

Depuis 1996, il publie régulièrement des articles et des éditoriaux dans les principaux journaux italiens, parmi lesquels le Corriere della SeraLa RepubblicaIl Sole 24 Ore et Il Riformista. En 2022 sort Le Mage du Kremlin, son premier ouvrage de fiction, qui dresse le portrait de Vadim Baranov, une éminence grise de Vladimir Poutine, personnage inspiré de Vladislav Sourkov. Le livre remporte le grand prix du roman de l’Académie française et fait partie de la sélection finale pour le prix Goncourt 2022

J’emporterai le feu de Leila Slimani. Gallimard . 🟩🟩🟩🟩◼️

J’emporterai le feu

Leila Slimani

Gallimard

ISBN : 978-2-07-309836-8 Janvier 2025

430 pages

J’emporterai le feu clôt la trilogie le pays des autres de Leila Slimani. Trilogie qui a accompagné la famille Belhadj sur trois générations entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et les années 2020.

Lors de mon billet concernant la lecture du deuxième tome, Regardez-nous danser, j’écrivais ceci  : « Bien évidemment, ces évènements ont fait le Maroc et les Marocains. »
« Mais je trouve que Leila Slimani n’approfondit pas ces événements à la lumière de ces personnages.  »
« Par contre, Leila Slimani nous montre des femmes magnifiques, combattantes, libres et sensuelles.
Ces femmes qui me feront lire la fin de cette trilogie »

Et dans ce troisième tome, ces femmes sont effectivement magnifiques, combattantes, libres et sensuelles.

Que ce soit la grand-mère Mathilde, sa fille Aïcha, ses petites filles Mia et Inès ou la belle-soeur de Mathilde, Selma.

Des femmes attachantes à des degrés divers, mais qui nous racontent le patriarcat, la libération et l’indépendance.

Autour de ces femmes, les personnages d’Amine, de Mehdi et de Selim ne se révèlent pas toujours sous leur meilleur jour, mais restent des êtres passionnants et complexes.

Les trois tomes de le pays des autres racontent de façon romanesque l’histoire familiale de Leila Slimani. Ce troisième tome se concentre sur Mia et Inès, les filles d’Aïcha et Mehdi. Ces deux jeunes femmes des années 80, vivant dans un régime royal, liberticide et patriarcal, vont connaître, du fait de leurs études, de leurs vies, de leurs orientations sexuelles, la solitude, la séparation, l’exil.

Tout cela vécu dans une culture franco marocaine pour notables et proches du pouvoir royal.

Les questions identitaires, la place et le droit des femmes irriguent ce troisième tome et donnent matière à une oeuvre romanesque qui relève grandement de l’intimité familiale. le pays des autres essaime des racines ici et là-bas.

Je n’avais pas été totalement convaincu par les deux premiers tomes. Je trouvais que Leila Slimani avait traité beaucoup de sujets en restant, il me semble, en surface. Je n’ai pas retrouvé cela dans J’emporterai le feu.

J’ai trouvé une famille intergénérationnelle aux prises avec une double culture et un besoin de liberté irrépressible. Une famille qui souhaite prendre sa place, toute sa place.

« Oui, il a fallu que ce soit moi qui raconte, et je me souviens de ces papillons Belles-Dames qui entament un épique voyage depuis l’Afrique jusqu’au cercle polaire avec pour seul guide le soleil. » « Des papillons minuscules, des migrateurs extraordinaires pesant à peine un quart de gramme, et ce n’est jamais celui qui part qui arrive à destination, mais son petit-enfant » (p.422).

Leïla Slimani naît le 3 octobre 1981 à Rabat, dans une famille d’expression française. Son père, Othman Slimani (1941–2004), est un banquier et un haut fonctionnaire marocain, secrétaire d’État chargé des Affaires économiques de 1977 à 1979. Sa mère, Béatrice-Najat Dhobb Slimani (1948–), est médecin ORL et a été la première femme médecin à intégrer une spécialité médicale au Maroc Ses grands-parents maternels se sont rencontrés en 1944 pendant la Seconde Guerre mondiale, quand Lakhdar Dhobb, un spahi algérien ou marocain, participe à la Libération de Blotzheim, le village d’Anne Ruetsch (1921–2015), issue de la bourgeoisie alsacienne[. Après la guerre, elle s’installe avec lui au Maroc. Anne sera l’une des rares non-Marocaines décorée de l’ordre du Ouissam alaouite, une des plus hautes distinctions accordées par le roi du Maroc[10],[9]. Leïla Slimani a deux sœurs

En 2014, elle publie son premier roman, Dans le jardin de l’ogre. Le sujet (l’addiction sexuelle féminine) et l’écriture sont remarqués par la critique] et l’ouvrage est sélectionné dans les cinq finalistes pour le prix de Flore 2014[19].

Son deuxième roman, Chanson douce, obtient le prix Goncourt en 

Théorie de la disparition de Séverine Chevalier. La manufacture des livres. 🟩🟩🟩🟩◼️

Théorie de la disparition

Séverine Chevalier

La manufacture des livres

ISBN : 978-2-38553-1-584 Janvier 2025.

176 pages

Une couverture de livre dit parfois beaucoup. C’est le cas du dernier roman de Séverine ChevalierThéorie de la disparition. Cette couverture représente une photo prise en 1910 à Paris, au Jardin des Plantes. La Seine connut une crue centennale et l’eau envahit la fosse aux ours du Jardin des plantes. Dressés sur leurs pattes arrière, les ours essayent de grimper sur les murs de leur prison. Au-dessus d’eux, une foule regarde. Peut-être vont-ils disparaitre sous l’eau. le voyeurisme ou l’invisibilité ?

Un dernier chapitre de roman peut aussi être très instructif. Celui de ce livre concerne la définition et les synonymes de disparaître dans le dictionnaire analogique Larousse de 1936.

Théorie de la disparition est un roman étonnant par la particularité de son écriture et par sa subtilité.

Mylène est une femme de bientôt 70 ans qui s’aperçoit que sa vie a été minuscule et que celle-ci a disparu derrière l’occupation de son foyer et de la vie professionnelle de son mari, écrivain.

Lors d’une résidence d’écriture de son mari à Paluel en Normandie, une rencontre la révèle à elle-même et décide de disparaitre. Disparaître pour mieux se retrouver.

Ce court roman se veut audace, métamorphose, retour sur les disparitions familiales et conjugales.

Tout est plus complexe qu’il n’y paraît. Et tout est si juste et si puissant.

Une belle découverte de la rentrée littéraire de janvier 2025.

Séverine Chevalier, née à Lyon en 1973 est une romancière française.

Après des études à Sciences Po et un DESS de droit public, Séverine Chevalier devient juriste, notamment à Marseille. Elle réside désormais en Auvergne, où elle se consacre à l’écriture.

Elle obtient en 2016 le prix Calibre 47 pour son roman Clouer l’Ouest. En 2022, son roman Jeannette et le crocodile fait partie de la sélection du prix Françoise-Sagan.

Plus Haut que la Tour Eiffel de Kohndo. JC Lattès. 🟩🟩🟩◼️◼️

Plus haut que la tour Eiffel

Kohndo

JC Lattès

ISBN : 978-2-7096-7021-0 Février 2024

128 pages.

Kohndo est un rappeur français d’origine béninoise. Jusqu’à maintenant il s’exprimait par la chanson, le slam et le rap. Plus haut que la tour Eiffel est son premier roman. Premier roman qu’il a mis en musique dans un album éponyme. L’album reprenant partiellement le texte du roman.
Le texte du roman est en vers plus ou moins rimés et reprend le rythme du rap.
La couverture du livre est explicite. Au dessus du titre trône, stylisé un gilet de sauvetage. Plus haut que la tour Eiffel est l’histoire de Manga ,docker à Cotonou, qui porte le rêve de son père : quitter le Bénin pour Paris et rejoindre un frère qu’il ne connaît pas.
Les mots, le slam se bousculent pour raconter le départ de Manga du Bénin et les vicissitudes de la route des migrants à travers l’Afrique.
Ce texte de 130 pages se lit d’une traite emporté par les mots. C’est aussi sa limite. La rapidité des mots et des phrases ne permet pas au temps de décanter les réflexions et émotions. Il manque sûrement la scansion de la musique pour donner forme poétique au livre. L’écoute de l’album , ajouté à la lecture du livre, permet de rendre justice à ces jeunes africains qui ont le courage et l’ambition de vivre .

KoHndo, de son vrai nom Kohndo Assogba, né le 17 juin 1975 à Saint-Cloud (Hauts-de-Seine), est un rappeur français d’origine béninoise. Originaire du Bénin et ayant passé une partie de son enfance à Ouidah, KoHndo est un chanteur de rap en français lauréat de l’Académie Charles Cros

Une singularité de Bastien Hauser. Actes Sud. 🟩🟩🟩◼️◼️

Une singularité

Bastien Hauser

Actes Sud

ISBN : 978-2-330-18951-8 272 pages

.Mars 2024

Une singularité est le premier roman déroutant de Bastien HauserBastien Hauser est né en Suisse. Il a 28 ans et habite à Bruxelles.
Le titre du roman Une singularité résume totalement la singularité de ce texte. le roman se passe sur trois mois entre avril et juillet 2019.
En avril 2019 Abel Fleck tombe dans sa cuisine victime d’un AVC. Il est pris en charge rapidement, l’hémorragie est de courte durée. A l’IRM reste une tache provoquée par l’hématome.
Malgré la prise en charge rapide Abel est fatigué, désorienté. S’ajoute des pertes de mémoires et la difficulté à trouver ses mots.
Ainsi commence le roman. L’écriture épouse les états d’Abel et nous laisse un peu perdu dans sa désorientation.
A la même époque , des scientifiques découvrent de nouvelles informations sur les trous noirs.
Abel dans les répliques de son AVC fait le lien avec les trous noirs. Un trou noir se trouve au centre d’une galaxie. le trou noir n’a rien d’un trou. Il provient de la mort d’une étoile. Ils aspirent tout sur leur passage. Rien ne leur résiste.
Aux prises avec des acouphènes, des arcs électriques , Abel devient certain que la tache dans son cerveau est elle aussi un trou noir.
Le roman va devenir une exploration vertigineuse du corps et du cosmos en plusieurs temporalités. Abel se sent propulsé au coeur du grand mystère.
Je ne vous dévoilerai pas ou ces temporalités vont emmener Abel.
Il faut bien accrocher sa ceinture pour suivre Abel entre fêtes permanentes, aperçu cosmique . Aux fêtes permanentes se greffe la désespérance.
C’est un roman qui peut rebuter mais qui mérite d’être lu pour l’originalité du propos

Né en Suisse en 1996, Bastien Hauser est auteur et metteur en scène. Membre du collectif Et cætera, il est diplômé du master Textes et création littéraire de La Cambre à Bruxelles et lauréat du laboratoire d’écriture dramatique de la Société suisse des auteurs.

Ce que je sais de toi d’Eric Chacour. Philippe rey . 🟩🟩🟩◼️◼️

Ce que je sais de toi.

Eric Chacour

Philippe Rey

ISBN : 978-2-38482-034-04

Août 2023

300 pages

Ce que je sais de toi est le premier roman d’Eric Chacour. de parents égyptiens Eric Chacour est né à Montréal et partage sa vie entre le Québec et la France.
C’est donc un roman francophone fait d’une écriture élégante.
Ce que je sais de toi a obtenu le Prix Fémina des lycéens en 2023 et a été encensé par la critique et les lecteurs
Et pourtant je ne me joins pas à ce torrent de louanges. J’ai apprécié la qualité de l’écriture et la lecture du roman est très agréable, mais je n’ai ressenti que peu d’émotion pour les personnages que nous fait découvrir Eric Chacour. Peut être est ce dû au découpage du livre en trois parties : Toi, Moi, Nous. le narrateur, inconnu étant le moi. Il parle donc à la place du Toi et du Nous.
Cela m’a gêné car à aucun moment nous n’avons en réalité accès aux sentiments des autres personnages que le narrateur. Ce narrateur inconnu étant évidemment la clé de voûte du roman.
Toi est donc Tarek, un jeune médecin égyptien qui a repris le cabinet médical de son père au Caire dans les années 1980. Il est marié à Mira, femme discrète. Sa vie familiale tourne aussi autour de la matriarche arabe, de la sœur et de la servante qui connaît la plupart des secrets de familles. Médecine oblige, nous sommes dans la haute société égyptienne.
Et cette aristocratie n’est pas du goût de Tarek. Il ouvre un dispensaire dans le quartier défavorisé de Moquattam. Ce sera une redécouverte de son métier de médecin. le temps n’a plus de prise. Une amitié va naitre avec Ali, pauvre résident du quartier Moquattam. Tarek va le prendre sous son aile et tenter de l’ouvrir à d’autres horizons.
C’est cette histoire que nous raconte le narrateur. Comment la connaît il ? Est-il un personnage influent de cette histoire ? Une fois le narrateur connu, on pouvait espérer plus d’émotions, de ressentis et de sentiments. Ce n’est pas ce que j’ai ressenti.
Mais ce n’est que mon avis et il est loin d’être majoritaire.


Éric Chacour est un auteur québécois.

Né dans une famille de Syro-Libanais d’Égypte, il a vécu une partie importante de sa vie en France, où il a écrit les premières pages de son premier roman, « Ce que je sais de toi ».

Diplômé en économie appliquée et en relations internationales, il travaille dans le secteur financier.

Le voyage du Salem de Pascal Janovjak. Actes Sud . 💛💛💛💛

Le Voyage du Salem. Pascal Janovjak . Actes Sud. Janvier 2024. 

201 pages

ISBN : 978-2-330-18615-9

Le voyage du Salem porte bien son titre. C’est à un voyage que nous convie Pascal Janovjak. Oh pas un voyage comme on l’entend d’habitude. Cela ne ressemble pas à des vacances , les cocotiers ne sont pas là et cela ne sent pas le sable chaud comme l’a dit Gainsbourg. Pourtant le côté légionnaire n’est pas très loin.
Ecoutez cela : Au début des années 1980 le Salem est un cargo portant haut ses 200 000 tonnes à la jauge Avant de s’appeler Salem il s’est appelé Sea Sovereign dans les années 1970 et était la fierté de la flotte commerciale suédoise.
Mais les années 1980 sont aussi l’époque des bateaux poubelles et des pavillons de complaisance.
Ce fut le sort du Sea Sovereign. Il devint le Salem, pavillon du Libéria, armateur grec, financier américain et équipage tunisien.
En cette fin de 1979, il est à quai au Koweit et on le remplit de 200 000 tonnes de pétrole brut, direction Gênes.
On le retrouvera entrain de couler le 19 janvier 1980 au large des côtes du Sénégal. L’équipage a eu le temps de monter à bord des canots de sauvetage. le Salem s’enfoncera dans le fond de l’Océan sans provoquer de marée noire. Mystère.
C’est dans ce voyage de quelques semaines qui nous entraîne Pascal Janovjak.
Voyage au long cours avec des éclairages différents . L’éclairage de l’enquête mise en place par les assureurs et la police maritime. L’éclairage romanesque d’un membre d’équipage tunisien.
Enfin l’éclairage de l’auteur lui -même au prise avec se roman et le confinement qu’il vit entre suisse et Italie.
La réussite du livre tient à ce mélange entre véridique et vraisemblable. le roman donne la part belle à la force du récit et ce voyage maritime confère à la nostalgie et la mélancolie. Reste une atmosphère telles les brumes et les brouillards océaniques.
Au raz des vagues le voyage du Salem s’estompe , l’équipage sur des canots de sauvetage nous rappelle que des esquifs traversent la Méditerranée….

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Pascal Janovjak est un écrivain franco-suisse né à Bâle en 1975 de mère française et de père slovaque. Il étudie l’histoire de l’art et les lettres à Strasbourg et travaille ensuite à l’étranger, notamment en Jordanie, au Liban et au Bangladesh, en tant qu’enseignant et directeur de centre culturel. Il s’installe dans les années 2005 à Ramallah en Palestine où il rédige le roman L’Invisible, réécriture de L’Homme invisible de H. G. Wells. Il publie en novembre 2011 À toi avec Kim Thúy. En 2020, son roman Le Zoo de Rome reçoit le Prix suisse de littérature, le Prix des auditeurs de la RTS1 et le Prix Michel-Dentan.