Le livre de Kells de Sorj Chalandon. Grasset. đŸŸ©đŸŸ©đŸŸ©đŸŸ©đŸŸ©

Le livre de Kells

Sorj Chalandon

Grasset

ISBN : 978-2-24684-321-4 Août 2025

384 pages

L’exergue du dernier roman l’enragĂ© de Sorj Chalandon est un extrait de L’Enfant de Jules VallĂšs. Ce mĂȘme extrait est repris dans son nouveau roman le Livre de Kells.

« Ă€ tous ceux qui crevĂšrent d’ennui au collĂšge

ou

Qu’on fit pleurer dans la famille.

qui, pendant leur enfance,

furent tyrannisés par leurs maßtres

ou rossĂ©s par leurs parents. »

Dans l’enragĂ© Sorj Chalandon racontait l’histoire d’un jeune garçon envoyĂ© au bagne pour enfants de Belle-Île-en-Mer dans les annĂ©es 30, suite Ă  quelques larçins. laissĂ© pour compte par sa famille, l’enragĂ© allait se construire au soleil de la violence, de l’injustice mais aussi de la fraternitĂ© et de la solidaritĂ©.

Cette fois-ci, Sorj Chalandon se dĂ©voile encore plus, en nous livrant un roman autobiographique. Il nous prĂ©vient nĂ©anmoins : « J’y ai changĂ© des patronymes, quelques faits, parfois bousculĂ© une temporalitĂ© trop personnelle, pour en faire un roman. La vĂ©ritĂ© vraie, protĂ©gĂ©e par une fiction appropriĂ©e. »

Nous avions dĂ©jĂ  approchĂ© la vĂ©ritĂ© vraie dans Profession du pĂšre. Un roman oĂč Sorj Chalandon nous parlait de la mythomanie de son pĂšre mais aussi de sa violence et de ses penchants politiques extrĂȘmement droitiers. Avec le Livre de Kells, le pĂšre devient l’Autre. Pas un brin d’affection. Que le rejet de l’Autre. le Minotaure, le raciste, l’antisĂ©mite.

À 17 ans, Sorj Chalandon s’enfuit de Lyon et de la cellule familiale pour Ă©viter d’ĂȘtre dĂ©vorĂ© par l’Autre. Il prend le nom de Kells, en rĂ©fĂ©rence Ă  un ÉvangĂ©liaire irlandais du 9ᔉ siĂšcle. Ayant obtenu son Ă©mancipation, il part sur les routes de la Camargue Ă  Paris. Un objectif en tĂȘte : rejoindre Ibiza, puis Katmandou. Nous sommes en 1970.

Il n’en sera rien de ces rĂȘves post-hippies et Flower Power. Ce sera la rue et sa duretĂ© pendant un an Ă  Paris. L’envie de revenir Ă  Lyon et l’orgueil qui dit non.

Et puis au bout d’un an, la rencontre de Marc, mĂ©tallo-ajusteur, militant maoĂŻĂŻste, vendeur Ă  la criĂ©e du journal La Cause du peuple. Kells se met Ă  vendre aussi La Cause du Peuple et dĂ©couvre une solidaritĂ© et une famille de rechange.

Il dĂ©couvre aussi la lutte politique, engagĂ©e, violente au sein de la Gauche ProlĂ©tarienne. Il dĂ©couvre aussi la culture, la lecture et un peu d’humanitĂ©.

C’est ce parcours que nous raconte Sorj Chalandon sans en oublier les vicissitudes, les renoncements, les petites victoires et les grands doutes.

La plume de Sorj Chalandon est toujours merveilleuse, pĂ©trie d’humanitĂ©, de proximitĂ©, d’humilitĂ©. Kells, le garçon de la rue, s’est intĂ©grĂ© dans une Ă©poque politique violente dans laquelle il a Ă©tĂ© confrontĂ© Ă  la mort de Pierre Overnay, militant et ouvrier chez Renault, assassinĂ© par un nervi du patronat. Il a aussi Ă©tĂ© confrontĂ© aux ratonnades, Ă  l’explosion de l’immigration, au terrorisme de Septembre Noir. Une jeunesse de rĂ©volte et de prise de conscience. Prise de conscience politique et sociale. Que faire de la lutte armĂ©e ? est-ce une fin en soi.

Le Livre de Kells est un roman labyrinthe qui nous remet face Ă  notre jeunesse, nos engagements, nos doutes, nos valeurs. Comment faire perdurer nos engagements avec le temps. Comment les transformer sans les trahir.

Kells est devenu Sorj Chalandon, journaliste-reporter-Ă©crivain.

Kells enfant des rues, luttant pour sa survie souvent par la violence, a rĂ©ussi Ă  se rĂ©concilier avec l’humanitĂ©.

Cette humanitĂ© qui est la vertu cardinale de Sorj Chalandon.

Sorj Chalandon naĂźt le 16 mai 1952 à Tunis. Son prĂ©nom de naissance est Georges ; il fait plus tard des dĂ©marches pour le modifier Ă  l’Ă©tat-civil en Sorj, qui correspond Ă  la maniĂšre dont l’appelait sa grand-mĂšre.

Son enfance est marquĂ©e par la violence et la mythomanie de son pĂšre, qu’il dĂ©crit dans son roman Profession du pĂšre. Il souffre alors de bĂ©gaiement, ce qui lui inspire son premier roman, Le Petit Bonzi.

Bien que la majorité soit alors à 21 ans, il obtient son émancipation à 17 ans et quitte sa famille

En 1973, il entre par la petite porte au quotidien LibĂ©ration, au moment de sa crĂ©ation, et y restera journaliste salariĂ© jusqu’en fĂ©vrier 2007. Alors infirmier dans un hĂŽpital psychiatrique, Sorj Chalandon y est tout d’abord monteur, puis a couvert, en 1974, en tant que dessinateur de presse, le premier procĂšs de Pierre Goldman, qui devient son ami fidĂšle et le rejoint en 1976 Ă  la rĂ©daction de LibĂ©ration.

Devenu rapidement grand reporter, Sorj Chalandon est en 1982 le premier journaliste occidental, selon LibĂ©ration, Ă  rendre compte du massacre de Hama, en Syrie, sous pseudonyme. En 1986, il tĂ©moigne du succĂšs populaire du chanteur Jean-Jacques Goldman. Egalement chroniqueur judiciaire, puis rĂ©dacteur en chef adjoint de ce quotidien, il est l’auteur de reportages sur l’Irlande du Nord et sur le procĂšs de Klaus Barbie qui lui ont valu le prix Albert-Londres en 1988

Entre 2007 et 2009, Sorj Chalandon devient formateur régulier au Centre de formation des journalistes à Paris

En aoĂ»t 2009, Sorj Chalandon est embauchĂ© comme journaliste au Canard enchaĂźnĂ©, en charge de la rubrique Â« La BoĂźte aux images Â» et critique de cinĂ©ma.

2 rĂ©flexions sur « Le livre de Kells de Sorj Chalandon. Grasset. đŸŸ©đŸŸ©đŸŸ©đŸŸ©đŸŸ© »

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