L’Escale de Marion Lejeune. Le bruit du Monde.🟩🟩🟩🟩◼️

L’escale

Marion Lejeune

Le bruit du monde

ISBN :978-2-38601-003-3 Mars 2024

277 pages

Dans ce premier roman Marion Lejeune nous entraîne dans les brumes et froidure de l’Atlantique Nord. Au large des côtes norvégienne et danoises, existe l’Archipel, un chapelet d’îles. le Gren bateau de commerce vient y faire escale. Parmi les marins il y a Grigori, russe de la Mer blanche. A bord il a perdu quelques paris et les dettes sont arrivées. Quoi de mieux qu’une escale pour quitter le navire et se réfugier chez les instituteurs Jon et Halle.
L’escale se prolongera dans cet archipel perdu, battu par les vents et hérissé de falaises cascadeuses. Malgré 7ne nature hostile des hommes et des femmes vivent leur quotidien .
Ce qui fait le charme de ce roman vient de la force d’évocation de l’autrice. On ressent physiquement cette nature, la collecte des œufs dans les falaises ou encore le Grind, cette étonnante et violente chasse à la baleine. Et puis par association de mots, Marion Lejeune nous décrit ces hommes et ces femmes, leurs gestes simples, leurs visages tannés, Avec des mots et des couleurs l’Archipel prend forme entre gris, anthracite, vert et horizon de moutons.
On s’ancre dans cet archipel, comme Grigori, hors du temps.
Q6’est qu’une escale ? le bateau, une ile… Y a t il une différence. Qui est en mouvement et qui est fixe !.
Tout est dans l’exergue de Anna Milani : « La question des limites avait été dépassée depuis longtemps, les lieux n’étaient plus circonscrits, situables sur des cartes, immobiles. Ils se déplaçaient avec le voyageur. »
Ce roman a l’écriture délicate est doté d’un grand pouvoir d’évocation.
Marion Lejeune nous emmène loin dans les brumes et embruns de l’Atlantique Nord .
Envoûtant.

Marion Lejeune est née en 1988 à Grenoble. Elle a voyagé en Islande, dans les pays scandinaves et en Russie. Elle vit aujourd’hui en région parisienne, où elle prépare de futures échappées.
L’Escale est son premier roman.

Eva et les bêtes sauvages d’Antonio Ungar. Notabilia . 🟩🟩🟩🟩◼️

Eva et les bêtes sauvages

Antonio Ungar

Traduction : Robert Amutio

Notabilia

ISBN : 978-2-88250-905-5 . 179 pages

Janvier 2024

Novembre 1999. Une barque sur l’Orénoque. En Colombie, près de la frontière vénézuélienne. Dans cette barque, une jeune femme , Eva. Elle vient d’être touchée par une balle sous la clavicule. Peut être est-ce la fin ?
Qui est Eva et que fait-elle seule dans une barque au fond de la jungle amazonienne ?
Avec ce personnage l’auteur Antonio Ungar nous retrace sur la base de faits réels la décomposition d’un pays et des hommes.
C’est prenant de bout en bout, sous-tendu par une violence de tous les instants.
Eva est une jeune fille de la bonne société colombienne. Bonne Société veut aussi dire alcool, sexe, drogue. Eva est addict à tout. Une descente aux enfers.
Pourtant dans un moment de conscience aigue, elle décide de reprendre en main sa vie, de la risquer pour sauver celle des autres. Et décide de trouver dans son travail d’infirmière le moyen d’être utile au cœur de l’Amazonie, à Puerto Inidira.
La jungle porte bien son nom . Des strates de violence où cohabitent indiens indigènes, colons, mafieux, paramilitaires et guerillos des Farc. Chaque lopin de terre recèle or et cocaïne. La descente au enfers d’Eva prend une autre voie.
C’est un texte dur, noir, puissant et violent. Les bêtes sauvages auront -elles raisons d’Eva ?
Il semble qu’en 2024 malgré l’accord passé entre le gouvernement colombien et les Farc, rien n’est beaucoup changé. La jungle a peur du vide.
Reste néanmoins dans cette jungle inextricable des îlots d’espoir.


Écrivain et journaliste, Antonio Ungar figure dans la liste « Bogotá 39 » réunissant les trente-neuf meilleurs auteurs latino-américains de moins de trente-neuf ans. Né en 1974 dans la capitale colombienne, il a habité en Palestine et vit aujourd’hui à Bogotá. Il travaille comme correspondant pour des journaux espagnols, italiens et sud-américains, une activité pour laquelle il a remporté en 2006 le prix de journalisme Simón Bolívar.

Une singularité de Bastien Hauser. Actes Sud. 🟩🟩🟩◼️◼️

Une singularité

Bastien Hauser

Actes Sud

ISBN : 978-2-330-18951-8 272 pages

.Mars 2024

Une singularité est le premier roman déroutant de Bastien HauserBastien Hauser est né en Suisse. Il a 28 ans et habite à Bruxelles.
Le titre du roman Une singularité résume totalement la singularité de ce texte. le roman se passe sur trois mois entre avril et juillet 2019.
En avril 2019 Abel Fleck tombe dans sa cuisine victime d’un AVC. Il est pris en charge rapidement, l’hémorragie est de courte durée. A l’IRM reste une tache provoquée par l’hématome.
Malgré la prise en charge rapide Abel est fatigué, désorienté. S’ajoute des pertes de mémoires et la difficulté à trouver ses mots.
Ainsi commence le roman. L’écriture épouse les états d’Abel et nous laisse un peu perdu dans sa désorientation.
A la même époque , des scientifiques découvrent de nouvelles informations sur les trous noirs.
Abel dans les répliques de son AVC fait le lien avec les trous noirs. Un trou noir se trouve au centre d’une galaxie. le trou noir n’a rien d’un trou. Il provient de la mort d’une étoile. Ils aspirent tout sur leur passage. Rien ne leur résiste.
Aux prises avec des acouphènes, des arcs électriques , Abel devient certain que la tache dans son cerveau est elle aussi un trou noir.
Le roman va devenir une exploration vertigineuse du corps et du cosmos en plusieurs temporalités. Abel se sent propulsé au coeur du grand mystère.
Je ne vous dévoilerai pas ou ces temporalités vont emmener Abel.
Il faut bien accrocher sa ceinture pour suivre Abel entre fêtes permanentes, aperçu cosmique . Aux fêtes permanentes se greffe la désespérance.
C’est un roman qui peut rebuter mais qui mérite d’être lu pour l’originalité du propos

Né en Suisse en 1996, Bastien Hauser est auteur et metteur en scène. Membre du collectif Et cætera, il est diplômé du master Textes et création littéraire de La Cambre à Bruxelles et lauréat du laboratoire d’écriture dramatique de la Société suisse des auteurs.

Ne vois-tu pas que je brule ? de Michal Ben-Naftali. Actes Sud. 🟩🟩🟩◼️◼️

Ne vois-tu pas que je brûle ?

Michal Ben-Naftali

Actes Sud

Traduit de l’hébreu par Rosie Pinhas-Delpuech

ISBN : 978-2-330-18702-6 . 138 pages

Février 2024

Court roman de 138 pages, Ne vois tu pas que je brûle ? de l’écrivaine israélienne Michal Ben- Naftali est un texte ramassé et tendu.
Ana est étudiante en histoire et littérature. Elle travaille un mémoire sur la répression des sorcières au 16ème siècle.
Elle vit à Jérusalem avec son compagnon Yohann. Par hasard, à l’université, elle rencontre la propriétaire de son appartement, Loria une femme de cinquante six ans, atteinte d’un glaucome et perdant petit à petit la vue.
Ana va accepter de venir lire des livres chez Loria.
Ana va découvrir que Loria est une fille d’exilée russe, une femme engagée dans les mouvements contestataires de gauche. Mai hormis cela, Loria conserve beaucoup de mystère. Elle ne travaille pas, elle ne parle pas de son environnement familial et maitrise parfaitement l’art de la dissimulation.
Ana est subjuguée par cette femme .
Mais en écho aux sorcières du 16ème siècle, qui ensorcelle l’autre ? Qui est la plus vulnérable? Qui manipule qui ?
La vulnérabilité, l’ensorcellement et la manipulation touchent aussi le lecteur qui se perd un peu dans ce roman de la dissimulation et de la séparation

Michal Ben-Naftali, traductrice en hébreu de Jacques Derrida et André Breton, enseigne la littérature française et l’écriture créative à l’Université de Tel Aviv. L’Énigme Elsa Weiss, son premier roman, a été couronné par le Prix Sapir 2016. L’autrice fait son grand retour en 2024 avec Ne vois-tu pas que je brûle ?. 

Du Même Bois de Marion Fayolle. Gallimard. 🟩🟩🟩🟩🟩

Du même bois

Marion Fayolle

Gallimard

ISBN : 978-2-07-302581-4 . 113 pages

Janvier 2024.

Marion Fayolle est dessinatrice et autrice de romans graphiques. Jusqu’à maintenant le dessin est son expression. Pourtant le sujet qu’elle veut aborder lui semble ne pouvoir être exprimé par des dessins.
Marion Fayolle a donc écrit son premier roman du même bois  » et c’est une réussite totale.
J’ai eu la chance de rencontrer Marion Fayolle à La fête du livre de Bron en mars. sa dédicace dit tout :
 » Belle promenade dans mes paysages »
et puis un dessin simple : Des nuages et une ligne de montagne pour horizon Une fois le dessin tourné à 90 degrés apparaît un visage.
Nous sommes en Ardèche , sur le plateau, aux confins des sources de la Loire.
Nature, hommes et animaux s’entremêlent dans un court récit magnifique au tour de trois générations d’ardéchois. Et chacun sur ce plateau ardéchois fait partie du cycle perpétuel de la vie, de la mort et de la transmission. La vie et la mort imprègnent les hommes, les femmes mais aussi la pierre, la montagne, les animaux de la ferme.
Marion Fayolle nous raconte avec justesse, émotion et empathie l’histoire d’une ferme, de ces hommes ,de ces femmes et de ces enfants. Il n’y a pas nécessité à les nommer. le pépé, la grand-mère, le gamin, l’oncle, le père, la fille suffisent pour nous dire :
« Les enfants, les bébés, il les appellent les « petitous ». Et c’est vrai qu’ils sont des petits Touts. Qu’ils sont un peu de leur mère, un peu de leur père, un peu des grands-, parents, un peu de ceux qui sont morts, il y a si longtemps. Tout ce qu’ils leur ont transmis, caché, inventé. Tout.
Du même bois.

Originaire de l’Ardèche, Marion Fayolle étudie au sein de la section illustration de l’École supérieure des arts décoratifs de Strasbourg entre 2006 et 2011. En 2009, elle crée la revue Nyctalope aux côtés de ses camarades Simon Roussin et Matthias Malingrëy. L’illustratrice collabore avec de grands titres de presse internationaux, tels que Le Monde MagazineXXITéléramaLe 1The New Yorker ou encore The New York Times1,2,3. Depuis 2012, ses livres sont publiés aux éditions Magnani.