
En 100 chapitres plus ou moins courts Claire Fourier nous emmĂšne sur les Terres du FinistĂšre et l’Ă©cume de la Mer d’Iroise qui sont son ancrage originel.
Elle est de Ploudal – on ne dit pas PloudalmĂ©zeau – dans le Nord FinistĂšre à  quelques encablures de la Mer d’Iroise, de l’Aber BenoĂźt, de Portsall et surtout du rocher de Saint Samson.
» le coeur de mon FinistĂšre est un rocher- un Ă©peron pyramidal qui s’avance dans la Mer d’Iroise, en bordure de la route qui longe la mer sur la CĂŽte des LĂ©gendes, entre Porspoder et TrĂ©mazan, dans la commune de Landunvez. Et le coeur du coeur, un nid de pie ; je veux dire : un lĂ©ger creux dans le granit, au sommet du rocher. »
» Tout ce que je suis vient du rocher de Saint Samson »
Pour Claire Fourier ce rocher fut un tremplin mental vers la mélancolie :
» le granit et le duvet d’Ă©cume m’ont appris Ă Â aimer chez les ĂȘtres la nettetĂ© de l’intellect et la brume du coeur «
C’est aussi » un paysage spirituel « . » LĂ -haut, on est trĂšs haut ; Dieu ne regarde pas sa crĂ©ation de plus haut »
Sur ce rocher Claire Fourier est devenue une cimmérienne : femme du rivage, les pieds sur terre, le regard en mer.
C’est en pensant ĂȘtre dans ce nid de pie qu’il faut lire les 100 chapitres du livre.
Le mot chapitre ne convient pas totalement.
Il s’agit plutĂŽt au grĂ© de la plume de Claire Fourier, de lettres, de moments de poĂ©sie, de contes , de souvenirs, de petites nouvelles.
Bien ancrĂ© dans le granit et le regard portant loin, elle nous distille les moments de sa vie entre la MĂ©mĂ© Anna, la sagesse mĂȘme, maĂźtre du temps, reine des fleurs,de la maison et sa mĂšre Dolorosa rĂ©tive aux Ă©motions.
Cette MĂ©mĂ© Anna, tel le sĂ©maphore en Mer d’Iroise illumine ce livre.
Et puis comme nous sommes ancrĂ© dans le FinistĂšre, à quelques encablures de Brest, le militaire n’est jamais loin. le pompon rouge de Joseph le pĂšre nous rappellera que ce Nord Bretagne est marquĂ© par le fait militaire : les cĂŽtes bretonnes ne peuvent ĂȘtre dissociĂ©es du Mur de l’Atlantique , tout comme une vie de marin, d’une vie de bourlingueur.
Dans une Ă©criture classique et ciselĂ©e, Claire Fourier va nous dire cette vie faite de bons moments naturels et de moment de sĂ©paration, des souvenirs de l’enfance sur ces terres de bruyĂšre et d’ajoncs.
…. Et l’Ă©criture va nous entraĂźner sur des chemins plus difficiles, plus caillouteux.
A de nombreuses reprises nous serons confrontés au Capitaine Achab, à  Moby Dick, à la baleine blanche.
Nous seront confrontĂ©s Ă Â MallarmĂ©, Rilke, Melville et tout un cortĂšge d’Ă©crivain, de peintres, de musiciens.
La lecture se fait plus ardue.
Cela n’est pas grave. La lecture des chapitres n’a pas pour obligation d’ĂȘtre linĂ©aire.
Il faudra prendre le temps de se remémorer Moby Dick ou les Préludes de Debussy.
Le temps ?
Le personnage central.
Claire Fourier est obnubilée par le temps.
Peut on le perdre ? Doit on le perdre ?
Ces reflexions sont des moments de lecture jubilatoire.
» Un temps pour tout et articuler le temps, voilĂ ce qui est vivre »
» Il faut perdre son temps que lorsqu’on est sĂ»r d’en gagner »
» Connais-toi toi- mĂȘme ; autrement dit : Connais le temps en toi «
Et si il est question de temps, il est question de vie, de mort,
Cette mort qui est au centre de la vie des Celtes.
Enfin ce livre est un hymne Ă l’Ă©criture, aux moments d’Ă©criture
» La vie m’est dĂ©rive
Ăcrire en fait une rive
PenchĂ©e sur hier «
» le rideau est comme l’Ă©criture : le voile qui dĂ©voile, l’art du tamis »
Cet ouvrage Ă l’art du tamis. Les divers haĂŻkus qui jalonnent le livre le confirme.
Les chapitres mĂ©ritent d’ĂȘtre lus et relus.
Ce n’est pas toujours facile. Cela peut ĂȘtre ingrat parfois.
Mais la Terre du FinistĂšre et la Mer d’Iroise sont elles faciles ?
Le granit est rugueux et la Mer d’Iroise est rarement calme.
Alors laissons le SĂ©maphore de la Mer d’Iroise nous illuminer de ces clairs-obscurs

Elle fait des Ă©tudes secondaires Ă Â Brest puis supĂ©rieures Ă Â Rennes oĂč elle obtient une maĂźtrise d’histoire1. Plus tard, elle est diplĂŽmĂ©e de l’Ăcole nationale supĂ©rieure de bibliothĂ©caires situĂ©e Villeurbanne prĂšs de Lyon2. Elle est professeure de lettres et bibliothĂ©caire mais les mutations de son mari ne lui permettent pas d’exercer elle-mĂȘme une activitĂ© stable. Elle se consacre alors Ă l’Ă©criture3 et publie ses premiers rĂ©cits en 19961.
Elle a empruntĂ© son nom de plume Ă Charles Fourier pour l’amour de l’utopiste, de sa fantaisie et de sa thĂ©orie de l' »attraction passionnĂ©e »4.