Les Livres de Jakob d’Olga Tokarczuk. Noir sur Blanc. 💛💛💛💛

Les livres de Jakob par Tokarczuk

 

La couverture du livre d’Olga Tokarczuk  « Les livres de Jakob m’avait fascinĂ© lors d’un passage en librairie. A travers sept frontiĂšres,  cinq langues, trois religions  ce livre raconte le grand voyage de Jakob Frank entre Pologne et empire ottoman entre 1740 et dĂ©but du 19Ăšme siĂšcle.
La quatriÚme  de couverture ne fit que donner encore plus envie de rentrer dans cette histoire.
Et pourtant je ne pris pas le livre. Les 1000 pages m’effrayait.
Pourtant ce livre me trottait dans la tĂȘte….. et je le revis Ă  la MĂ©diathĂšque . C’Ă©tait sĂ»rement un signe !
Je me suis lancé !
Dire que la lecture fut facile  serait un euphémisme.
Nous sommes donc autour des annĂ©es 1750 dans la Grande Pologne soit la Pologne actuelle, la Lituanie et encore la partie occidentale de l’Ukraine actuelle.
Cette Grande Pologne vit ces derniÚres année.
Nous allons suivre les traces d’une secte juive Ă  la tĂȘte de laquelle se trouve Jacok Frank.
. Comme la plupart des personnages de ce roman, Frank a bel et bien vĂ©cu, de 1725 Ă  1791. Et quelle vie que celle de Jakob, nĂ© Lejbowicz dans une famille de commerçants juifs de la province polonaise de Podolie (dĂ©sormais en Ukraine), qui se forma aux prĂ©ceptes d’un autre faux Messie (SabbataĂŻ Tsevi, 1626-1676) dans les centres du « sabbataĂŻsme », de Smyrne Ă  la Moldavie, avant de s’inventer Messie Ă  son tour, sous le nom de Jakob Frank.
« Frank » veut dire « Ă©tranger » »Etranger, donc Ă©ternellement migrant, dans le trĂšs vaste royaume polonais multi-ethnique et multiculturel qui s’Ă©tend alors jusqu’Ă  l’Empire ottoman, et dont il parcourt Ă  cheval les plaines , les forĂȘts  les villes et villages aux ruelles boueuses et dĂ©foncĂ©es, vĂȘtu comme un Turc, fez sur la tĂȘte et manteau Ă  grand col de fourrure . Etranger, donc infidĂšle, aux femmes, aux religions : au grĂ© de ses ambitions, Ă  la poursuite de son rĂȘve d’une vie spirituelle toujours plus riche, Jakob se convertit Ă  l’islam puis au catholicisme avec quiinze mille disciples en un baptĂȘme monumental .
Les 7 livres de Jakob retracent les tribulations mystiques, politiques et charnelles de ce hĂ©ros charismatique, effrayant et mĂ©galomane. Jakob Frank s’Ă©lĂšve contre l’intransigeance des rabbins mais se rapproche de la hiĂ©rarchie catholique anti-juive, et finit traĂźtre aux yeux de tous.
Dans ce livre hautement romanesque Olga Tokarczuk nous rappelle la complexité  de l’Ă©poque  et de la rĂ©gion.
ComplexitĂ© que l’on retrouve dans le changement incessant du nom des personnages entre nom juif polonais yddish ou encore allemand.
ComplexitĂ© encore dans cette gĂ©opolitique  religieuse entre juif, chrĂ©tien,  musulman aux confins de l’Europe et de l’empire Ottoman
L’ombre d’une vieille femme mystĂ©rieuse, Ienta, plane sur l’ensemble du livre et projette sur lui un clair-obscur fantastique. Alors que Ienta agonise le jour d’un mariage, une amulette l’arrache Ă  la mort mais non au coma. Elle va survivre dĂšs lors sur le mode d’une « sortie hors de son corps  »
Le dĂ©coupage des 7 livres en court chapitres  facilite la lecture et empĂȘche de se perdre dans le labyrinthe des noms. NĂ©anmoins essayer de retenir l’ensemble des noms est une gageure.
Vaut mieux se laisser porter par les personnages et l’histoire.
Ce dĂ©coupage laisse aussi la place au quotidien et l’on ressent vraiment la froidure de l’hiver ,la pauvretĂ© des familles,  la chaleur de la vodka ou encore l’humiditĂ© des habitations et la saletĂ© des villages.
Ces petits chapitres,  pas toujours chronologiques dessinent aussi une sociĂ©tĂ© polonaise ultra catholique,  fermĂ©e sur elle mĂȘme, et dans laquelle une secte de 15 Ă  20 000 mille personnes a pu prospĂ©rer  jusque dans la noblesse et les hautes sphĂšres de l’Ă©glise polonaise.
Tous sont pris en otage par les jeux de pouvoir et l’opportunisme des nobles et des ecclĂ©siastiques. Ces derniers escomptent tirer des bĂ©nĂ©fices politiques de cette masse inespĂ©rĂ©e de convertis
Autant entrer dans ces milles pages peut ĂȘtre long, autant Ă  la fin de la lecture il est difficile de laisser tous ces hommes et femmes.
Ils sont de la pĂąte dont est faite l’humanitĂ©.

Olga Tokarczuk

Prix Nobel de littĂ©rature, Olga Tokarczuk a reçu le Man Booker International Prize 2018 pour Les PĂ©rĂ©grins. Traduit en français en 2010 chez Noir sur Blanc, ce roman avait Ă©tĂ© couronnĂ© par le prix NikĂ© (Ă©quivalent polonais du Goncourt), un prix que, chose rarissime, l’auteure a une nouvelle fois reçu pour son monumental roman : Les Livres de JakĂłb.

NĂ©e en Pologne en 1962, Olga Tokarczuk a Ă©tudiĂ© la psychologie Ă  l’UniversitĂ© de Varsovie. RomanciĂšre polonaise la plus traduite Ă  travers le monde, elle est reconnue Ă  la fois par la critique et par le public. Sept de ses livres ont dĂ©jĂ  Ă©tĂ© publiĂ©s en France : Dieu, le temps, les hommes et les anges ; Maison de jour, maison de nuit (Robert Laffont, 1998 et 2001) ; RĂ©cits ultimes, Les PĂ©rĂ©grins et Sur les ossements des morts (Noir sur Blanc, 2007, 2010, 2012) ; Les Enfants verts (La Contre-allĂ©e, 2016) ; et enfin Les Livres de JakĂłb (Noir sur Blanc, 2018).

Une rĂ©flexion sur « Les Livres de Jakob d’Olga Tokarczuk. Noir sur Blanc. 💛💛💛💛 »

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