Par ces temps de confinement, la lecture est une activité importante qui permet d’approfondir la bibliographies d’un auteur. Dans le cas présent, il s’agit de Philippe Besson. J’ai choisi Un homme accidentel, livre de 2007. On retrouve dans ce livre les thèmes favoris de Philippe Besson :les États Unis, les amours masculines et un côté polar au roman. En 2007, il est dans la période où les amours masculines sûrement en partie autobiographique restent néanmoins romanesques. Nous ne sommes pas encore avec Paul Darrigand et le dîner à Montréal. Le narrateur est policier à Los Angeles dans les années 1990. Il enquête sur la mort d’un jeune de 19 ans. Cette mort va le mettre en relation avec Jack Bell, acteur et star de la télé. La relation va devenir déflagration. Cette rencontre accidentelle va bouleverser sa vie . Bouleverser est le bon terme, car professionnellement, familialement et amoureusement tout va voler en éclats. Comme à son habitude, Philippe Besson nous entraîne dans la fluidité de son écriture et dans sa capacité en phrases concises,à nous émouvoir et à nous emmener vers le tragique. Et si il y a tragédie, c’est qu’il y amour et passion. Du Philippe Besson pur jus.
Bien qu’ayant lu un certain nombre de romans de Sorj Chalandon je ne m’étais pas encore attelé à la lecture de son roman le quatrième mur. J’en avais entendu des échos favorables et cette période de début d’hiver et de second confinement me donnait plus de temps à la lecture. J’ai donc lu le quatrième mur et j’ai retrouvé Sorj Chalandon comme je l’avais laissé suite aux lectures de Profession père, le jour d’avant ou encore la promesse. Un Sorj Chalandon engagé, en empathie avec ces personnages et les lieux, toujours l’émotion et la réalité de la vie à fleur de peau. Sortant de la lecture l’Apeirogon de Collum McCann, retourner dans ce Proche Orient et au Liban 30 ans auparavant, faisait un effet miroir saisissant. Dans les différents billets et chroniques écrits sur le roman de Sorj Chalandon tout à été déjà dit. Autant prendre un autre éclairage. J’ai vu le quatrième mur comme un millefeuille ou de nombreux thèmes étaient abordés sans porter d’ombre à la globalité du roman. Ce millefeuille donne des portes d’entrée et de réflexion différentes selon notre regard, Nous pouvons être happés par les années 1970 et les combats politiques autour de la liberté, de l’immigration, de la pensée de gauche. Vu que cela correspond à ma génération, nous pouvons nous remémorer nos utopies, nos engagements . Qu’en avons nous fait ? Autre entrée , autre regard : la portée d’une oeuvre, ici l’Antigone de Jean Anouilh. Pièce que Jean Anouilh a fait jouer pendant l’occupation , donnant une signification à l’occupant et au résistant. Pièce reprise dans le roman par Samuel Akounis et le narrateur Georges afin qu’elle soit jouée à Beyrouth. Chaque acteur provenant d’une communauté différente : juive, arabe, chrétienne, druze, libanaise, sunnite, phalangiste…. Quelle belle réflexion sur le rôle de la culture dans notre monde. A notre petit niveau comment ne pas faire résonner cela avec la fermeture des librairies pendant le confinement. Troisième entrée et troisième regard, celui du narrateur Georges. La prise en charge du montage de la pièce à Beyrouth va le découvrir à lui même et lui donner une conscience éveillée au monde qu’il découvre. Une réponse peut être à ses utopies des années 1970. Dernière entrée que je développe : Beyrouth et le Liban. Il est salvateur de revenir au mitan des années 1980 et se rappeler que ce pays etait à feu et à sang. Que chaque communauté souhaitait mettre le Liban à ses pieds, et qu’Israël n’était pas le seul protagoniste. Les pages de Sorj Chalandon sur les massacres de Sabra et Chatila sont d’une force rare tout comme l’émotion qui nous étreint quand nous partageons la courte vie d’ Imane. Je ne peux m’empêcher de mettre Imane en résonance avec Abir et Smadar, les enfants juive, arabe tués par la folie des hommes dans Apeirogon de Colum McCann. Dans le théâtre le quatrième mur est ce mur invisible qui sépare la scène et les acteurs du public. Une protection invisible entre jeu et réalité. Ce quatrième mur qui est aussi ce mur invisible entre utopie et réalité ou encore ce mur que nous dressons afin de ne pas nous engager et de rester dans nos certitudes.
Présentation du livre Le Quatième Mur par la librairie Mollat .
Imaginez vous surplombant le Gour Noir. Une vallée encaissée traversé par un viaduc. Plus bas dans la vallée, une petite ville et son énorme usine électrique. Une usine électrique qui tisse sa toile et phagocite tout. Il y a eu la guerre quelques années plutôt. L’imagination court. Pleins de lieux viennent à l’esprit. Tous plus noirs les uns que les autres. Qui n’a pas en tête les vallées encaissées des Vosges,du Massif Central, des Alpes ou des Pyrénées. Ces vallées sombres dans lesquelles le béton des barrages ou des usines électriques teinte de gris le paysage. Nous sommes dans l’univers qu’ à installé Franck Bouysse. Et l’univers, on le sent bien il est bien prégnant. Reste maintenant à faire vivre les personnages. Une belle brochette ! D’abord, Joyce le tyran. Il dirige l’usine et en vérité la totalité de la vallée. Tout lui appartient. Jusqu’à la ville dont les noms de rue ne sont qu’une déclinaison de son patronyme : Joyce Principale, Joyce 1, Joyce 5 etc… Pour être un bon tyran il faut des sbires. Joyce à ce qu’il faut et la panoplie est réjouissante et inquietante : Double et Snake pour les basses oeuvres , Lynch pour maintenir l’ordre ou encore Salles et Renoir. Le western n’est pas loin. Il manque une famille. La voila: le grand père Elie, pipe au bec et estropié. Il vit chez ses enfants: Martha sa fille et son gendre Martin. Martha est confite dans sa bigoterie alors que Martin travaille à l’usine , boit quelques bières au bar l’amiral et bat ses enfants. Il en a quatre . Bigoterie obligé Martha à souhaitait leur donner le prénom des quatre évangélistes : Marc, Mathieu, Luc et Jean. Jean est une fille appelé par son grand père Mabel Marc est battu par son père car il a une passion pour les livres. Mathieu ne pense qu’à la nature et parle aux arbres. Luc est dans son monde, enfant tragique recherchant des trésors et protégeant les animaux. Mabel a la beauté sauvage de la femme. Ces quatre là forme une fratrie unie. Leur signe : quatre cordes accrochées sous le viaduc. Quatre cordes dans le vide. Tout est en place pour le destin tragique de cette vallée entre soumission et promesse d’insoumission. La violence et la cruauté du tyran va révéler chaque personnage. Que ce soit positivement ou négativement. Chacun va devoir prendre position pour alléger cette soumission. Devient on insoumis seul ? A partir d’un élément et d’un groupe ensuite, peut on envisager une solidarité et un peuple. L’histoire est noire et pour retrouver la lumière le chemin est long. C’est un livre magnétique et magnifique. La force de la langue de Franck Bouysse est à l’unisson de cet univers noir, électrique et bétonné. C’est sauvage ! Et comme Marc, Mathieu,Luc et Mabel nous sommes Buveurs de Vent.
Je reste perplexe, voire très perplexe devant le dernier roman de David Foenkinos La Famille Martin. L’idée de base paraissait être une bonne idée : Faire d’une personne prise au hasard dans la rue un personnage de roman. Malheureusement c’est une bonne idée qui tout au long du roman devient une mauvaise idée. L’exercice de style est vain et se perd dans une grande superficialité. Comme si David Foenkinos était pris dans les filets de son idée de base. A aucun moment ces personnes sensées réelles deviennent des personnages de fiction. A aucun moment nous n’avons un intérêt, une empathie pour la famille Martin. Je suis resté assez hermétique aux problèmes de la famille Martin et je suis resté stupéfait devant la facilité à se faire offrir un billet AR pour Los Angeles par le narrateur. D’habitude David Foenkinos, par sa facilité d’écriture et une certaine désinvolture ( La Délicatesse – Les Souvenirs – Je vais mieux ) donnait une atmosphère élégante , raffinée et véridique à ses romans. Dans La Famille Martin, beaucoup de choses sonnent faux. Les situations sont peu crédibles. L’exercice de style à ses limites.
La Fièvre est le troisième roman de Sébastien Spitzer. Comme dans ses deux romans précédents Sébastien Spitzer part d’un fait historique pour ancrer son roman . Dans Ces rêves qu’on piétine il s’agissait de la chute du Troisième Reich et de Martha Goebbels Dans le Coeur Battant du monde nous étions à Londres dans les années 1850 autour de Marx et de son fils Dans La Fièvre nous sommes à Memphis Tenessee en 1878 alors qu’une épidémie se déclare avec Anne Cook tenancière de bordel, Keathing journaliste proche du Ku Klux Plan et Raphaël T . Brown ancien esclave. Trois personnages ayant réellement existés. C’est la force de Sébastien Spitzer. Quelque soit le roman, sa capacité à lier histoire et fiction est au rendez vous. Tous ces personnages , réels ou fictifs ont une profondeur, une psychologie une humanité. Humanité s’éntendant positivement ou négativement. Par un raccourci temporel étonnant, le roman nous parle d’une épidémie de Fièvre jaune et nous entendons aussi pandémie de Coronavirus et crise sanitaire. Quand la fiction et le réel se télescopent à 150 ans d’écart. Mais revenons à Memphis en juillet 1878 au bord du Mississippi. Tout est en place pour que des hommes et des femmes ancrés dans leurs certitudes soient confrontés à l’épidémie, la peur, la mort. Ces certitudes qui voleront en éclats et qui feront de certains des héros et d’autres des lâches. Héros ou lâches insoupçonnés. Sébastien Spitzer sonde comme toujours l’âme humaine et souvent l’âme des plus défavorisés ou de ceux qu’on laisse sur le bord du chemin. A côté d’Anne Cook, de Keathing et de Raphaël T. Brown il y a Emmy, cet enfant de 13 ans, métis, qui va être le fil rouge de ce roman. A la recherche de son père, et protégeant sa mère elle va vivre intensément les ravages de cette épidémie mais découvrir aussi la capacité de résilience de personnes auxquelles elle n’aurait pas donner le Bon Dieu sans confession. En parlant de Bon Dieu, vaut il mieux être sous la protection de la mère abesse du couvent Sainte Mary ou sous la protection de la mère maquerelle Anne Cook ? L’épidémie révèle la profondeur de l’âme et exacerbe aussi les sentiments et les idées : Racisme, Ku Klus Klan , délation, violence, négation de l’autre. Mais dans ce marécage humain, certains arrivent à sortir de cette fange et à simplement exister pour l’autre, par delà le bien et le mal. Ce ne sont pas que des personnages de roman. Ce sont des femmes et des hommes qui en Juillet 1878 à Memphis Tenessee ont élevé la dignité humaine. Cette dignité humaine qui reste le filigrane des romans de Sébastien Spitzer. Des romans toujours en empathie avec les êtres, quels qu’ils fussent bons, méchants, réels ou fictionnels. Des romans sur la grande et la petite histoire des femmes et des hommes de ce monde. Simplement.
Meurtres aux Kerguelen. Voilà un titre et un lieu chargé de mystère et d’aventures. Étant passionné de philatélie polaire, je connais ces lieux et me dire qu’une intrigue policière allait être menée au coeur des Terres Australes et Antarticques Francaises ne pouvait pas me déplaire. Le roman est écrit à deux mains. Une main féminine, Sophie Laurent qui a vécu sur l’île Maurice et qui a travaillé pour la Curieuse, l’un des bateaux ravitailleurs de ces îles du bout du monde. Une main masculine, Olivier Montin, qui a travaillé pendant cinq ans dans les Terres Australes et Antarctiques Françaises ( TAAF ) et qui de ce fait à effectué de nombreux voyages sur le Marion Dufresne, navire ravitailleur et scientifique. Rien ne manque dans ce » documentaire policier « . Vous saurez tous sur les TAAF, les rotations de la Curieuse et du Marion Dufresne. Vous ferez le tour des îles Amsterdam, Crozet et Kerguelen. Vous apprendrez à reconnaître les acronymes qui désignent les îles KER-CRO-AMS. Vous saurez qu’un responsable de district se nomme DisKer ou DisCro ou encore DisAms. Vous vivrez aussi au contact des personnels de ces bases perdues dans l’océan Indien. Vous apprendrez un peu sur les recherches scientifiques dans l’ionosphere ou dans la Biomasse, Vous serez confrontés aux vents permanents et à la rudesse des lieux et du climats. Vous découvrirez manchots, éléphants de mer, petrels, skuas, albatros et autres chionis. Un vrai documentaire. Concernant l’intrigue policière, elle met longtemps à se mettre en place. Des les premières pages nous savons qu’il y a mort et meurtre. Par contre il faudra attendre une bonne centaine de pages sur deux cent cinquante avant que l’enquête policière se déploie un peu. de la faute du documentaire. Il ne faut donc pas attendre un vrai polar avec ce livre. En résumé un documentaire sur les TAAF agrémenté d’un zeste de polar. Si ce n’était que cela, cela serait déjà bien …. Mais malheureusement ce n’est pas le cas car la forme et le style du livre sont désespérantes Comment un éditeur peut il accepté d’éditer un livre dans ces conditions de relecture. A croire que nous avons entre les mains une épreuve non corrigée Comment peut on laisser passé autant de fautes d’orthographe, autant de phrases lourdes sans parler des mots manquants. Comment ne peut on vérifier la chronologie des jours alors que celle ci représente les titres de chapitres. Donc nous passons du Mercredi 4 Novembre au Vendredi 4 Novembre puis du Dimanche 13 Novembre au Samedi 14 Novembre ! Autre point : le Marion Dufresne est indiqué à quai au Port à la Réunion. Quelques chapitres plus loin représentant une dizaine de jours, on le retrouve à quai au Cap en Afrique du Sud rentrant d’une opération scientifique d’une dizaine de jours aux Îles Bouvet. Soit il est à La Réunion, soit il est au Cap mais pas aux deux endroits. C’est impossible. J’arrête là tous ces exemples qui ont rendu la lecture de ce livre extrêmement pénible. Tellement pénible que le fond du livre est relégué bien loin …. Livre reçu dans le cadre de la Masse Critique Polar et Mauvais genres. Merci à Babelio et aux Éditions L’Harmattan … en attendant mieux la prochaine fois
Apeirogon : figure géométrique au nombre infini de côté. Il y a mieux que ce nom barbare pour donner un titre à un roman. Et pourtant…. Le dernier livre de Colum McCann est étourdissant dans sa forme comme dans le fond. Colum McCann s’appuie sur des faits réels qui ce sont déroulés il y a 23 et 13 ans en Israël et en Cisjordanie. En 1997 Rami Elhanan, israélien, a perdu sa fille de 13 ans Smadar lors d’un attentat kamikaze du Hamas dans Yehuda Street à Jérusalem. En 2007 Bassam Aramin, palestinien, à perdu sa fille de 10 ans Abir , abattu par un tireur israélien alors qu’elle allait à l’école. Rami et Bassam, né pour haïr le peuple ennemi vont au contraire devenir inlassablement des conteurs de leur vie et inlassablement des combattants pour la paix au travers des associations le Cercle des Parents ou Les combattants pour la Paix. A partir de ces événements Colum McCann va tisser un roman hybride entre fiction et réalité. Le roman est constitué de 1000 chapitres ( faut il voir un lien avec ce qui est dit au chapitre 220 : il n’y a de nombres amicaux qu’en deçà de 1 000 ) Les chapitres peuvent être de plusieurs pages ou au contraire ne contenir qu’une seule phrase. La première partie contient 499 chapitres numérotés de façon croissante ( 1 à 499 ). le chapitre 500 est double et il regroupe les interviews menés auprès de Rami Elhanan et Bassam Aramin. La deuxième partie contient elle aussi 499 chapitres numérotés de façon décroissante ( 499 à 1 ). Vous remarquerez que l’auteur s’est astreint à une numérotation arabe croissante et à une numérotation juive décroissante. Tout le roman est marqué par ce balancier entre monde arabe palestinien et monde israélien juif. Qu’il est difficile de rester sur une ligne de crête . Cette ligne de crête que Colum McCann décrit de façon poétique avec le fildeferiste Philippe Petit qui a tendu son fil au dessus de la vallée de Hinnom encore connue sous le nom de vallée de la Gehenne. Philippe Petit portait une tenue ample aux couleurs des drapeaux israélien et palestinien. le bras et la jambe opposée représentant un drapeau. Dans une poche un pigeon blanc qui devait s’envoler représentait la paix. Pas une colombe car Philippe Petit n’en avait pas trouvé à Jérusalem. Quel symbole ! Tout comme ce pigeon qui ne voulut pas s’envoler et resta posé sur la tête de Philippe Petit ou sur l’extrémité de son balancier et pouvant compromettre la traversée du fildeferiste.Ligne de crête. Cette ligne de crête qui nous rappelle que tout est géographie dans ces territoires minuscules. » Il se penche à gauche et slalome jusqu’à la voie de dépassement, vers les tunnels, le mur de séparation, la ville de Beit Jala. Un coup de guidon, deux possibilités : Gilo d’un coté ( israelien) Bethléem de l’autre. ( palestinien ) » Chapitre 2 : » Cette route mène à la Zone A sous autorité palestinienne. Entrée interdite aux citoyens israéliens. Danger de mort et violation de la loi israélienne. » Il est interdit à tous Israélien d’aller en Cisjordanie. Israël ne donne aucune information sur la Cisjordanie. Chapitre 67 » Au loin au dessus de Jérusalem le dirigeable s’élève « Du dirigeable on peut observer. Combien de capteurs de caméra ? Chapitre 251 » En 2004, des tourniquets ont été installés aux checkpoints piétons de Cisjordanie afin que les gens puissent passer en bon ordre…. A intervalles de quelques secondes, les tourniquets sont bloqués et les piétons restent enfermés dans de long tunnels métalliques. … La technique utilisée aux checkpoints est si fine que même les murmures les plus discrets peuvent être enregistrés. «
Tout est géographie et ligne de crête. C’est là que vivent les familles de Bassam et Rami. réunis par le malheur et la perte d’un enfant Plutôt qu’une narration classique, Colum MacCann nous distille un récit fragmenté comme ces bombes terroristes où israéliennes . La forme fragmentée du livre est le miroir de la complexité des relations israelo-palestiniennes. S’ouvrant sur les collines de Jérusalem et se terminant sur celles de Jéricho, le livre plonge dans tous les domaines. Il mélange politique, religion, histoire, musique, ornithologie, géopolitique, géographie. Il se déploie en cercles de plus en plus larges pour absorber tout ce qui, de près ou de loin, de l’infiniment grand à l’infiniment petit, nous apprend quelque chose sur cette terre et ses hommes . Ces cercles qui nous disent que le conflit israelo- palestinien est le nôtre. Nous sommes tous l’un des innombrables côtés de l’Apeirogon. Ces côtés de l’Apeirogon qui invariablement reviendront nous dire les circonstances de la mort d’Abir et de Smadar. Et dans toutes les conférences qu’ils feront à travers le monde Rami et Bassam auront toujours les mêmes mots : Mon nom est Rami Elhanan. Je suis le père de Smadar. Mon nom est Bassam Aramin. Je suis le père d’Abir. Simplement humain. Tellement humain. Avec son humanisme Colum McCann saisit l’insaisissable situation de deux peuples voisins… Il était bien placé, lui, l’Irlandais au pays longtemps déchiré, pour essayer de comprendre cette folie d’une paix à trouver Et cette phrase prononcée par un frère d’Abir : «La seule vengeance consiste à faire la paix.» Magistral.
LE 25/09/2020 Extrait interview sur France Culture.
Les mille et une histoires de Colum McCann
L’écrivain irlando-américain Colum McCann est notre invité. Il revient 10 ans après “Et que le vaste monde poursuive sa course folle”. Un roman salué par la critique et traduit en 40 langues. Il signe cette rentrée Apeirogon, chez Belfond. Un titre emprunté à la géométrie, qui désigne un polygone au nombre infini de côté. Une figure géométrique qu’il transpose en littérature pour retracer les multiples facettes du conflit israelo-palestinien.
Apeirogon : de loin un cercle, de près un polygone au nombre infini de côtés
L’apeirogon, c’est une forme avec un nombre infini de côté. Je sais que c’est un titre assez risqué, mais ce que je voulais dire, c’est que nous sommes tous impliqués dans chaque récit. Nous sommes tous complices. Nous sommes tous présents. C’est l’histoire de deux hommes, deux pères qui ont perdu leur fille en Israël, en Palestine. Ça pourrait être aussi une histoire qui se passe à Paris, Dublin, ou New York. Une histoire, c’est toute nos histoires.
Mille et un chapitres : raconter pour survivre
« Après avoir rencontré Rami et Bassam, je me suis rendu compte qu’ils racontaient l’histoire de leurs filles pour les garder vivantes. Comme Shéhérazade dans les mille et une nuits. J’ai donc raconté mille et une histoire. Mais je voulais également que ça ait l’air d’une symphonie, que chaque section soit une note de cette symphonie. Je voulais tenter de refléter l’état d’esprit contemporain, la façon dont on passe d’un endroit à l’autre en sautant d’un endroit à l’autre, d’un sujet à l’autre ».
Ecrire sur les murs
Je n’aurais pas pu écrire ce roman à partir d’un endroit autre que mon enfance irlandaise. Je suis né à Dublin. Je me souviens petit être passé du côté Nord, j’ai vu les check point et je me suis demandé pourquoi il y avait des soldats. J’ai grandi dans une atmosphère semblable, certes pas identique, mais semblable, à ce qui se passe en Israël et en Palestine. J’ai toujours été fasciné par cette idée de paix, des faiseurs de paix, et par l’idée que la paix est plus difficile à atteindre que la guerre.
Tous des oiseaux
Colum signifie colombe ou tourterelle en gaélique. Je n’étais pas tellement intéressé par les oiseaux jusqu’à ce que j’aille à Jérusalem et que je rencontre les deux protagonistes de mon roman. Israël et la Palestine est la deuxième autoroute au monde pour les migrations d’oiseaux, qui viennent de la France, d’Allemagne, de Suède, d’Afrique du Sud, de l’Algérie… Ils survolent cet espace aérien. Et souvent, ils atterrissent sur le sol et ils apportent en quelque sorte les récits d’autres endroits à ce lieu particulier, Israël et la Palestine.
« Nous avons là le lieu de rencontre de trois continents l’Afrique, l’Europe, le Moyen-Orient et l’Asie. Il y a le lieu de rencontre de ces religions, les principales religions du monde. Il y a une énergie là, une énergie nucléaire qui se tient dans cette partie du monde. Oui, oui, il y a un conflit terrible. Il y a énormément de tristesse. Il y a aussi une beauté incroyable là bas. Je voulais capturer cette beauté à travers les formes de ces oiseaux migrateurs ».
Arène est un roman contemporain, urbain et totalement de notre époque. La crise sanitaire aurait pu s’y inviter sans problème. Negar Djavadi situe son arène dans l’Est Parisien. L’Est parisien n’est pas en banlieue. Nous sommes dans Paris intra muros entre le Canal Saint Martin, La Villette, Menilmontant, Belle ville ou encore la Place du Colonel Fabien, les Buttes Chaumont. C’est dans ce territoire que va se retrouver Benjamin Grossman. C’est le territoire de son enfance qu’il n’habite plus depuis longtemps. Benjamin Grossman est devenu un habitant des beaux quartiers auxquels il ne peut rien arriver. Il est du côté de la réussite, de l’argent, des happy few. La preuve : il est l’un des dirigeants de la plateforme cinématographique et télévisuelle américaine BeCurrent. Et pourtant… Benjamin Grossman retourne dans son quartier d’enfance et s’attable dans un bar de Belle ville. Il est bousculé par un gamin et son téléphone disparaît. Il poursuit le gamin, le rattrape et s’ensuit une altercation violente. Le lendemain sur les réseaux sociaux circule la vidéo du corps sans vie d’un adolescent bousculée par une policière. Bienvenue dans l’arène urbaine ! A partir de ces deux événements (vol d’un portable et vidéo dénonçant des violences policières ) Negar Djavadi va construire un simili polar sombre dans lequel aucun des personnages ne pourra sortir de cette arène et sera confronté à sa réalité. A la précision de la mécanique s’ajoute la remarquable écriture de Negar Djavadi. Écriture en symbiose avec ces quartiers populaires, communistes qui sont aujourd’hui un creuset multiracial, solidaire où différents trafics prospères. Cette arène est aussi une arène visuelle, médiatique. L’image trône en majesté. Que ce soit Benjamin Grossman ou les personnages vivant dans cette arène la relation à l’image est constante. Benjamin Grossman en a fait sa profession et ne vit qu’à travers la production et la réalisation de séries. Séries qui abreuverons l’arène. Que ce soit les jeunes des cités, les mères de famille, les travailleurs au noir, tout le monde est addict à l’image, aux réseaux sociaux. La force de l’image n’a pas de limite. Elle déboule dans l’arène et casse tous les codes. Chacun est confronté à la réalité où à l’irréalité de l’image. du jeune de la cité, à la prétendante à la mairie de Paris en passant par Benjamin Grossman, les trafiquants ou encore des prédicateurs; tous sont entraînés dans une logique fatale ou l’image continuera à se nourrir de la réalité afin que des plateformes média transforment tout cela en séries violentes et noires, reflet de notre société. Noir et implacable.
Négar Djavadi, scénariste et réalisatrice pour le cinéma, fait en 2016 une grande entrée dans le monde littéraire avec un premier roman d’une richesse peu commune, formidable saga entre l’Iran d’hier et la France d’aujourd’hui. Négar Djavadi naît en Iran en 1969 dans une famille d’intellectuels opposants au Shah puis à Khomeiny. À l’âge de 11 ans, elle fuit clandestinement l’Iran et la révolution islamique avec sa mère et ses deux sœurs en traversant les montagnes du Kurdistan à cheval. Plus tard installées à Paris, Négar Djavadi suit des études de cinéma à l’INSAS de Bruxelles. Scénariste, monteuse et réalisatrice, elle enseigne également de 1996 à 2000 à l’Université Paris 8.
Le sel de tous les oublis est un roman déroutant tel que sait les écrire Yasmina Khadra. de quel oubli parle-t-on ? Est ce l’oubli des autres ou est ce l’oubli de soi ? » Si tout le monde te déçoit sache qu’il y en a d’autres dans la vie sèche la mer et marche sur le sel de tous les oublis « » de quelle mer parles-tu vieillard ? de celle de tes larmes « Adem est un instituteur dans les années 1950/1960 en Algérie aux confins de l’indépendance de son pays. Sa femme Dalal vient de lui annoncer qu’elle le quittait. Adem quitte tout aussi. Son école, ses élèves et tel un Don Quichotte il part pour l’errance. Errance qui rime avec ivresse, pauvreté mais aussi rencontres. Errance qui séchera l’âme et qui fera apparaitre le sel de tous les oublis. A travers le portrait d’Adem, Yasmina Khadra nous parle de l ‘Algérie des années 50. Une Algérie vivant par le colonialisme et dans la tradition de ses peuplades berbères ou Kabyle. Quand Adem « est plaqué » par sa femme on ne peut s’empêcher de faire le lien avec l’ Algérie qui va plaquer son colonisateur. Ce colonisateur qui s’en va et qui laisse le sel de tous ses oublis. Ce sel qui deviendra rapidement un pouvoir militaire dictatorial. On passe d’un extrême moyenâgeux aux affres du pouvoir unique. En écho à ce monde politique obtus , Yasmina Khadra nous livre un livre où les femmes savent prendre leurs libertés. De façon très différente Dalal et Hadda sont des femmes libres qui regardent droit devant. Ce n’est pas obligatoirement le cas d’Adem, poursuivis par ces démons et son égoïsme. Pourtant sur son chemin d’errance, de nombreux personnages vont s’offrir à lui pour méditer sur la possession, la rupture. Des personnages à la marge de la société ( nain – fous ) qui le laisseront dans ces interrogations . Don Quichotte est toujours en quête , tout comme Adem ou encore l’Algérie. Pourtant les femmes…. Déroutant
Le bruit des avions de Sophie Reungeot est un premier roman contemporain se déroulant entre 2015 et 2017. Le 13 Novembre 2015 , Audrey est au Bataclan lors de l’attentat. Elle arrive à sortir saine et sauve et se précipite dans un taxi où se trouve Laura. Audrey et Laura sont deux trentenaires bien en phase avec leur époque. Audrey , originaire d’une famille de Nevers, est montée à Paris pour faire des études d’architecte d’intérieur. Elle travaille et subit Mika , prêtresse de l’architecture de luxe et des nuits parisiennes. Laura , elle, est joueuse de poker professionnelle. Addict aux tables de poker et au poker on line. Ce pitch posé, on se dit que le roman va tourner autour de la reconstruction après un attentat, ou encore autour de la relation entre Audrey et Laura. Et c’est là qu’est la déception. Cette reconstruction dans un monde post attentat aurait pu être le sujet principal du roman. Malheureusement ce n’est pas le cas. S’ajoute des relations mère- fille , des mélanges d’histoire entre des binômes : Audrey /Laura – Christine/Betty – Nicole/Josiane . Le tout noyé dans une profusion de termes anglais pour parler du poker et une bande son anglo saxonne ne se donnant pas la peine d’un minimum de traduction. Tout le monde n’est pas au top en anglais et les paroles de David Bowie ou Kate Bush auraient méritées une traduction. En définitive , une déception avec une 1ère partie longue de 100 pages avant la rencontre d’Audrey et Laura. Je m’attendais à un développement psychologique plus important sachant qu’un personnage avait subi un attentat et qu’un autre est addict au poker. Ce manque de développement psychologique entr’autre fait qu’il est difficile d’adhérer aux personnages de Laura et Audrey. On reste spectateur de ce Road trip. Il ne fait que passer.
Sophie Reungeot est une rescapée de l’attentat du Bataclan.