
Les fleuves du ciel
Elif Shafak
Flammarion
Traduction: Dominique Goy-Blanquet
ISBN : 978-2-08045-987-9 Août 2025
512 pages
C’est avec un plaisir mille fois renouvelĂ© que l’on se plonge dans le nouveau roman d’Elif Shafak Les fleuves du ciel.
Elif Shafak nous avait laissĂ© il y a trois ans entre Londres et Chypre auprĂšs d’un figuier dĂ©racinĂ© et replantĂ© Ă Londres.
Pour ce nouveau roman, Londres est toujours présent et plus particuliÚrement la Tamise.
Ă 180 ans d’Ă©cart vivent deux des personnages importants du roman. D’abord Arthur, qui naĂźt dans la pauvretĂ© sur les bords nausĂ©abonds de la Tamise en 1850. Puis, prĂšs de deux siĂšcles plus tard en 2018, Zaleekhah, hydrologue fascinĂ©e par la mĂ©moire de l’eau, emmĂ©nage dans une pĂ©niche afin de fuir la faillite de son mariage.
Arthur, baptisĂ© Rois des Ă©gouts et des taudis, est engagĂ© dans une imprimerie oĂč il dĂ©couvre le livre L’Ă©popĂ©e de Gilgamesh, un rĂ©cit Ă©pique de la MĂ©sopotamie et l’une des oeuvres les plus anciennes de l’humanitĂ©. Cette oeuvre a Ă©tĂ© Ă©crite en caractĂšres cunĂ©iformes sur des tablettes d’argile. En 1850, de nombreuses tablettes restent un mystĂšre pour la traduction. L’Ă©criture cunĂ©iforme reprĂ©sentant des syllabes et non une lettre.
Zaleekhah en 2018 a comme propriétaire de sa pénicheune jeune femme Nen qui est tatoueuse et qui ne tatoue que des motifs cunéiformes rappelant la Mésopotamie, Ninive et son fleuve le Tigre.
Au bord de ce fleuve, en 2014, vit une famille yĂ©zidie autour de Grand-Mama et de sa petite-fille Naryn, 9 ans. Celle-ci doit ĂȘtre baptisĂ©e et cette famille dĂ©cide de rejoindre la vallĂ©e sacrĂ©e de Lalesh.
Chacun des personnages, Arthur, Zaleekha, Naryn vaudrait Ă lui seul un roman. Elis Shafak se fait conteuse pour entrelacer ces trois histoires et les relier au cours imprĂ©visible de l’eau.
La goutte d’eau, les fleuves, une mĂ©moire de l’humanitĂ©.
Elif Shafak s’appuie sur une documentation nourrie mais qui laisse la place au roman.
Ă travers ce voyage incessant entre 1850 et 2018, entre la Tamise et le Tigre, Elif Shafak nous rappelle les affres du dĂ©rĂšglement climatique, du pillage des vestiges historiques, de la cruautĂ© faite aux YĂ©zidis, mais aussi la grandeur humaine de certains dans le partage, l’empathie.
M. Bradbury, Grand-mama, Leila, Nene sont des ĂȘtres de bienveillance, de culture, de spiritualitĂ© qui rĂ©vĂ©leront Ă eux-mĂȘmes Arthur, Naryn et Zaleekha.
Un roman magistral auquel il faut joindre les derniers mots des remerciements d’Elif Shafak : « On dit qu’un romancier ne doit pas tomber amoureux de son sujet, mais mĂȘme si j’admire les dons intellectuels et apprĂ©cie le domaine des idĂ©es, je ne crois pas qu’on puisse Ă©crire un roman avec son seul esprit rationnel. le coeur doit s’y mettre aussi et une fois que le coeur y est, allez savoir oĂč il vous entraĂźnera.
Ce roman est le lieu oĂč m’a entraĂźnĂ© mon coeur.
Ce roman est mon chant d’amour aux fleuves : ceux qui vivent encore et ceux qui ont disparu depuis longtemps. »

Elif Ćafak, ou Elif Shafak (nom de plume d’Elif Bilgin), nĂ©e le 25 octobre 1971 Ă Strasbourg, est une Ă©crivaine turque. Elle vit et travaille Ă Londres.
PrimĂ©e et best-seller en Turquie, Elif Ćafak Ă©crit ses romans aussi bien en turc qu’en anglais. Elle mĂȘle dans ses romans les traditions romanesques occidentale et orientale, donnant naissance Ă une Ćuvre Ă la fois « locale » et universelle. FĂ©ministe engagĂ©e, cosmopolite, humaniste et imprĂ©gnĂ©e par le soufisme et la culture ottomane, Elif Ćafak s’attaque dans ses Ă©crits Ă toute forme de bigoterie et de xĂ©nophobie.