Les Saules de Mathilde Beaussault. Seuil Cadre Noir. 🟩🟩🟩🟩◼️

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Les Saules

Mathilde Beaussault

Seuil- Cadre Noir

ISBN : 978-2-02-157698-6 Janvier 2025

272 pages

Le premier roman de Mathilde Beaussault est une belle réussite.

Roman noir maîtrisé, dans un style parlé, qui nous entraîne dans les confins d’un hameau breton, entre Haute Motte et Basse Motte. À la Haute Motte, il y a un pharmacien. Celui-ci a une femme et une fille, Marie, 17 ans et déjà cataloguée  : «  Marie, couche-toi là  !  »

Le corps de Marie va être retrouvé. Elle a été étranglée. Ce corps a été découvert par Marguerite, enfant soi-disant simple d’esprit. Elle est la fille d’un couple d’agriculteurs qui vivent à la Basse Motte pas loin des saules et de la coulée verte où a été découvert le corps de Marie.

Un thriller classique avec un mobile, un coupable et des haines ressassées entre classes sociales. Mais Les Saules n’est pas qu’un thriller classique. Mathilde Beaussault installe une ambiance, une atmosphère prenante. Cette ambiance prime sur l’intrigue, bien que celle-ci soit bien ficelée. de même, la façon de décrire les interrogatoires est originale. Nous n’avons que les réponses des protagonistes dans un style familier, près de la réalité. Les questions des enquêteurs nous sont suggérées par les réponses des personnes interrogées. Cela donne des ressentis remarquables.

Les Saules est un roman noir rural et naturel où les personnages sont ciselés en quelques phrases et descriptions et où l’âpreté de chacun prend sa place et envoûte. Mathilde Beaussault nous entraîne dans cet univers et cette ambiance. Mieux nous nous fondons dans ce hameau breton et, comme Marguerite, nous épiions et essayons de comprendre.

Un premier roman d’une grande intensité. Mathilde Beaussault marche sur les traces de Franck Bouysse ou de Sandrine Collette. Excusez du peu.


Née en Bretagne mais angevine d’adoption depuis maintenant treize ans, Mathilde Beaussault enseigne le français dans un collège ligérien et vient de publier son premier roman.

Biberonnée à la littérature, Mathilde Beaussault lit chaque jour et ses choix sont très éclectiques (de Roland Barthes à Benjamin Whitmer en passant par Marguerite Duras ou Olivier Norek), mais elle est surtout  dingue des romans et nouvelles de Ron Rash . Ses origines paysannes lui ont inspiré ce roman noir rural qu’elle a situé dans un petit village au fin fond de la Bretagne dans les années quatre-vingt.

Un avenir radieux de Pierre Lemaitre. Calmann-Levy. 🟩🟩🟩🟩🟩

Un avenir radieux.

Pierre Lemaitre

Calmann-Levy

ISBN : 978-2-70218-362-5 Janvier 2025

592 pages

Quel plaisir de retrouver la famille Pelletier dans ce dernier roman de Pierre LemaitreUn avenir radieux est le troisième tome de Les Années glorieuses. Après nous avoir fait connaître la famille Pelletier dans le grand monde et le silence et la colère, nous retrouvons cette famille en avril 1959. Louis et Angèle, les parents, ont quitté Beyrouth et se sont installés au Plessis. Les enfants, Jean, François et Hélène, viennent les voir régulièrement. La famille s’est agrandie et les petits-enfants, Martine, Alain, Philippe, Colette, prennent de la place. D’ailleurs, Colette vit à demeure chez les grands-parents.

Les pièces rapportées, gendre et belles-filles, sont toujours là : Lambert, Nine et Géneviève.

En quelques pages et avec talent, Pierre Lemaitre nous restitue tout cela et nous sommes replongés avec délectation et étonnement dans cette famille. Reviennent les souvenirs de la savonnerie, de Dixie ou encore des articles de presse de François. Reviennent aussi les vicissitudes et troubles de Geneviève et Jean. Tout est là pour passer un petit mois en 1959 avec cette impayable famille Pelletier. Un petit mois au rythme « page turner » de Pierre Lemaitre. Des pages empruntent d’amour, de méchanceté, de violence, d’espionnage et de révélations. Mais aussi faite d’une documentation pointue.

Tout cela est truculent. Un avenir radieux est le slogan des pays communistes des années 60, et une longue virée à Prague, en Tchécoslovaquie, nous rappelle tout le bien-fondé de ce slogan !

Au-delà de cet avenir radieux, on voit éclore le personnage touchant de Colette. Un personnage de révolte et de promesses contre la domination masculine et qui préfigure les combats d’aujourd’hui.

Le romanesque, l’aventure, mais aussi le réalisme de la société.

« le lecteur rencontrera deux ou trois circonstances invraisemblables que nous maintenons par respect pour la vérité. » Les Misérables Victor Hugo. Exergue du roman Un avenir si radieux.

Billet des deux tomes précédents :

Le grand Monde

Le silence et la colère

Pierre Lemaitre, né le 19 avril 1951 à Paris, est un écrivain et scénariste français.

Il reçoit le prix Goncourt en 2013 pour Au revoir là-haut et un César en 2017 pour l’adaptation de cette même œuvre.

Pierre Lemaitre passe sa jeunesse entre Aubervilliers et Drancy auprès de parents employés, qu’il situe politiquement « à gauche »

Psychologue de formation et autodidacte en littérature, il effectue une grande partie de sa carrière dans la formation professionnelle des adultes, leur enseignant la communication, la culture générale ou animant des cycles d’enseignement de la littérature à destination de bibliothécaires.

Il se consacre ensuite à l’écriture en tant que romancier et scénariste, vivant de sa plume à partir de 2006. Il assure chaque mois la rubrique Classiques et Cie dans Le Magazine littéraire jusqu’au changement de nom de ce magazine. De 2011 à 2013, il est administrateur de la Société des gens de lettres.

J’emporterai le feu de Leila Slimani. Gallimard . 🟩🟩🟩🟩◼️

J’emporterai le feu

Leila Slimani

Gallimard

ISBN : 978-2-07-309836-8 Janvier 2025

430 pages

J’emporterai le feu clôt la trilogie le pays des autres de Leila Slimani. Trilogie qui a accompagné la famille Belhadj sur trois générations entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et les années 2020.

Lors de mon billet concernant la lecture du deuxième tome, Regardez-nous danser, j’écrivais ceci  : « Bien évidemment, ces évènements ont fait le Maroc et les Marocains. »
« Mais je trouve que Leila Slimani n’approfondit pas ces événements à la lumière de ces personnages.  »
« Par contre, Leila Slimani nous montre des femmes magnifiques, combattantes, libres et sensuelles.
Ces femmes qui me feront lire la fin de cette trilogie »

Et dans ce troisième tome, ces femmes sont effectivement magnifiques, combattantes, libres et sensuelles.

Que ce soit la grand-mère Mathilde, sa fille Aïcha, ses petites filles Mia et Inès ou la belle-soeur de Mathilde, Selma.

Des femmes attachantes à des degrés divers, mais qui nous racontent le patriarcat, la libération et l’indépendance.

Autour de ces femmes, les personnages d’Amine, de Mehdi et de Selim ne se révèlent pas toujours sous leur meilleur jour, mais restent des êtres passionnants et complexes.

Les trois tomes de le pays des autres racontent de façon romanesque l’histoire familiale de Leila Slimani. Ce troisième tome se concentre sur Mia et Inès, les filles d’Aïcha et Mehdi. Ces deux jeunes femmes des années 80, vivant dans un régime royal, liberticide et patriarcal, vont connaître, du fait de leurs études, de leurs vies, de leurs orientations sexuelles, la solitude, la séparation, l’exil.

Tout cela vécu dans une culture franco marocaine pour notables et proches du pouvoir royal.

Les questions identitaires, la place et le droit des femmes irriguent ce troisième tome et donnent matière à une oeuvre romanesque qui relève grandement de l’intimité familiale. le pays des autres essaime des racines ici et là-bas.

Je n’avais pas été totalement convaincu par les deux premiers tomes. Je trouvais que Leila Slimani avait traité beaucoup de sujets en restant, il me semble, en surface. Je n’ai pas retrouvé cela dans J’emporterai le feu.

J’ai trouvé une famille intergénérationnelle aux prises avec une double culture et un besoin de liberté irrépressible. Une famille qui souhaite prendre sa place, toute sa place.

« Oui, il a fallu que ce soit moi qui raconte, et je me souviens de ces papillons Belles-Dames qui entament un épique voyage depuis l’Afrique jusqu’au cercle polaire avec pour seul guide le soleil. » « Des papillons minuscules, des migrateurs extraordinaires pesant à peine un quart de gramme, et ce n’est jamais celui qui part qui arrive à destination, mais son petit-enfant » (p.422).

Leïla Slimani naît le 3 octobre 1981 à Rabat, dans une famille d’expression française. Son père, Othman Slimani (1941–2004), est un banquier et un haut fonctionnaire marocain, secrétaire d’État chargé des Affaires économiques de 1977 à 1979. Sa mère, Béatrice-Najat Dhobb Slimani (1948–), est médecin ORL et a été la première femme médecin à intégrer une spécialité médicale au Maroc Ses grands-parents maternels se sont rencontrés en 1944 pendant la Seconde Guerre mondiale, quand Lakhdar Dhobb, un spahi algérien ou marocain, participe à la Libération de Blotzheim, le village d’Anne Ruetsch (1921–2015), issue de la bourgeoisie alsacienne[. Après la guerre, elle s’installe avec lui au Maroc. Anne sera l’une des rares non-Marocaines décorée de l’ordre du Ouissam alaouite, une des plus hautes distinctions accordées par le roi du Maroc[10],[9]. Leïla Slimani a deux sœurs

En 2014, elle publie son premier roman, Dans le jardin de l’ogre. Le sujet (l’addiction sexuelle féminine) et l’écriture sont remarqués par la critique] et l’ouvrage est sélectionné dans les cinq finalistes pour le prix de Flore 2014[19].

Son deuxième roman, Chanson douce, obtient le prix Goncourt en