Un simple dîner est le premier roman de Cécile Tlili. Un roman court ( 179 pages ), concis et respectant une unité de lieu et une unité de temps. Unité de lieu : un appartement boulevard Raspail à Paris Unité de temps : le temps d’un dîner. Il y a quatre protagonistes. D’abord le couplé qui reçoit. Il s’agit de Claudia et Étienne. Claudia., kinésithérapeute est une femme maladivement timide et inhibée . Sa cuisine reste un refuge majeure. Étienne fait partie d’un cabinet d’avocat, il est beau gosse et maintient sa femme Claudia dans sa timidité maladive. Les invités sont Rémi et Johar. Rémi est professeur quand sa femme Johar est une carriériste et business woman. Rémi et Étienne se connaissent depuis les bancs de la Fac de droit. Le huis clos entre ces quatre personnages va s’installer autour de deux nouvelles : Johar doit donner son accord à son supérieur Karl pour un poste de directrice générale. Étienne souhaite obtenir de Johar un nouveau mandat pour son cabinet d’avocat. A partir de ces deux nouvelles, cela va être un grand chamboule tout que maîtrise parfaitement Cécile Tlili. Les ressentis de chacun sont explorés avec une mise en avant de Claudia et Johar. Les réactions sont justes, pertinentes. La tension monte peu à peu, chacun dévoilant des fissures , des non-dits. De ce huis clos certains ou certaines vont tenter de s’affranchir des règles de vie de la société. Et la perte est peut être facilitation pour s’affranchir. Un seul bémol à la qualité de ce premier roman : le milieu social des personnages. Je ne suis pas certain que dans un autre milieu social, l’affranchissement de certaines règles de vie soit aussi simple.
Cofondatrice en 2020, aux côtés de Constance Baudeau et Mélody Mitterrand, de l’école Walt pour les enfants diagnostiqués neuro-atypiques, Cécile Tlili prend la plume pour la première fois avec « Un simple dîner » pour leqyel elle est lauréate du prix Gisèle Halimi 2023.
Trois personnages inoubliables. le décor pyrénéen, l’estive, la montagne, les villages…. Et puis l’Ours. Le roman commence en 1902 avec Jules, jeune garçon des Pyrénées ariègeoises. Celui-ci part dans la montagne prélever un jeune ourson dans la tanière familiale. La description est grandiose. Revenu au village d’Arpiet, il pense pouvoir réaliser son rêve, quitter les Pyrénées et parcourir le monde avec son ours, tantôt guérisseur tantôt bête de foire. Au fil du roman, Jules reviendra nous donner des nouvelles de son parcours autour du monde avec son ourse. Le narratif principal se situera de nos jours autour de deux autres personnages : Gaspard et Alma. Gaspard est revenu en Ariège avec sa femme et des deux filles. le retour à la terre. de nouveau il passera l’été là-haut dans la montagne avec ses bêtes, ses chiens et sa jument. Alma est éthologue. Pour son métier elle a vécu auprès des ours en Alaska et en Asturies. Sa nouvelle mission est d’étudier l’adaptation des ours dans la montagne ariègeoise. L’écriture de Clara Arnaud est à la hauteur de la beauté de la montagne et de la nature. On est au plus près de l’estive, de la transhumance, de la vie des brebis. La rosée nous enveloppe tout comme le brouillard sur le Mont Calme. Les bruissements nous surprennent au détour d’une page. On est heureux d’être encabané quand l’orage se déchaine. On est dans les pas d’Alma au plus près de la vie des plantigrades. La vie, les saisons, les dangers, la mort animale ou humaine. Tout pourrait être pour le mieux dans cette nature mais les peurs ancestrales et actuelles des humains prennent parfois le dessus. L’ours reste un fauteur de trouble, un mangeur de brebis. Il est pourtant dans son milieu, dans sa tanière. Est-il possible d’envisager une cohabitation entre l’homme et l’animal ? L’auteur ne prend pas partie mais explore toutes les pistes. Les regards différents de Gaspard et d’Alma se répondent et proposent une réflexion profonde sur le rapport au sauvage. On ressort de ce livre avec un surplus de vie, d’émotion, un besoin d’arpenter la montagne, de respecter les bergers, l’estive et les ours. La montagne, les brebis, l’ours, les hommes est un fil d’ariane que nous rappelle Clara Arnaud. Gaspard vit dans l’ancienne maison de Jules, le montreur d’Ours. Clara Arnaud termine son roman pars les vers d’Hovhannés Chiraz : Nous étions en paix comme une montagne Vous êtes venus comme des vents fous Nous avons fait front comme nos montagnes Vous avez hurlé comme les vents fous Eternels nous sommes comme nos montagnes Et vous passerez comme des vents fous. Belle réflexion qui referme ce magnifique roman.
Clara Arnaud est écrivain voyageur et romancière.
La lecture de récits d’aventure exacerbe ses rêves de voyage et, à 15 ans, elle découvre la langue chinoise. Mais son premier voyage en Chine n’est pas pour tout de suite : à 16 ans, elle traverse l’Europe en train, du sud au nord ; à 17 ans, elle pédale seule au Québec et réitère l’expérience cycliste dans l’Ouest irlandais un an plus tard. Puis, c’est au Kirghizistan que la porte sa farouche passion pour les montagnes et les chevaux.
En 2008, après une année de préparation et âgée d’à peine 21 ans, Clara Arnaud débarque en Chine. Durant cinq mois, ce pays lui offre une expérience bouleversante qui culmine au Tibet et dont elle tire un récit aux éditions Gaïa intitulé « Sur les chemins de Chine » pour lequel elle reçoit de nombreux prix dont le Grand prix de la fondation Zellidja en 2009.
Entre ses voyages, Clara se consacre à ses études de géographie, de chinois et d’économie à Sciences-Po, ainsi qu’à sa passion pour la course à pied et l’équitation. Elle est titulaire d’un master à Sciences-Po (2009-2011) et à l’Université Tsinghua (2011).
Clara Arnaud travaille depuis plus de dix ans sur des projets de développement international, et ses premières missions l’amènent au Sénégal, au Bénin et au Ghana, avant la République Démocratique du Congo et le Honduras.
Elle consacre son premier roman, « L’orage » (2015), à Kinshasa, la capitale congolaise où elle restera deux ans. En 2021, elle publie son roman, « La verticale du fleuve ».
Dans ces remerciements Clara Arnaud pensent surtout à Francis Chevillon et Gilda Chevillon sans qui le texte du roman serait tout autre chose.
Voici un texte de Francis Chevillon sur l’apprivoisement du berger.
Comment apprivoiser un berger
Il y a beaucoup d’espèces plus ou moins en voie de disparition dans les montagnes. Aujourd’hui, je voudrais parler de celle que l’on appelle communément « pâtre » ou « berger. »
C’est une espèce étrange, généralement armée d’un bâton, d’un couvre-chef de formes plus ou moins diverses et d’un parapluie en bandoulière (quel que soit le temps d’ailleurs). Pratiquement, il est toujours accompagné d’un ou plusieurs chiens, souvent bruyants, mais pas toujours agressifs.
Ses moeurs sont quelquefois surprenantes: affable, ou bourru, sans qu’on ne comprenne toujours la cause. Nous avons à ce propos relevé quelques constantes intéressantes:
Plus le groupe de visiteurs sera important et voyant, plus il aura tendance à se cacher.
D’autre part, on peut noter qu’il est assez facile à apprivoiser avec du vin, du Ricard ou de la viande rouge (la verroterie est à déconseiller), par contre, nous en avons rencontré un qui préférait le jus de fruit au vin, le riz complet et la salade au steack braisé (ces goûts bizarres correspondent, nous semble-t-il, à la longueur des cheveux du-dit berger, mais cela reste à vérifier!)
Après une étude psycho-sociologique poussée et de nombreuses expériences, nous avons déterminé un point qui semble fondamental et doit conditionner toutes nos attitudes. Il est persuadé, dans tous les cas–même si c’est à des degrés divers–que la montagne lui appartient. Il s’agit donc, pour nous, d’en tenir compte. Par exemple, il appréciera toujours qu’on lui demande la permission d’établir un campement, ou de capter une source. Il s’avérera même dans certains cas de « bons conseils », notamment pour prévoir le temps (il semble jouir à ce propos d’un sens supplémentaire), ou pour nous aider dans un travail de prospection car, en général, il connait assez bien son secteur, quoiqu’il marque un dégout souvent prononcé pour tout ce qui peut ressembler à un trou ou à une grotte. A ce propos, il est toujours judicieux de lui faire remarquer qu’après nos explorations, nous reboucherons ou nous protégerons les trous que nous avons désobés. De même qu’il aime à ce que la place du campement soit nettoyée au moment du départ (plastiques, boîtes de conserves, etc…)
Une autre constante d’ordre psychologique que nous avons pu observer est le fait que « la modestie ne l’étouffe pas ». Il aura même tendance, dans certains cas, à pratiquer une attitude condescendante en ce qui nous concerne. Nous en avons même rencontré un qui se comparait à l’Aigle ou à l’Isard. Cela semble dû au fait qu’il se tient plus particulièrement sur les crêtes ou aux endroits escarpés pour surveiller son bétail.
Une méthode simple pour l’apprivoiser consiste à lui signaler les bêtes isolées que l’ont peut apercevoir, en prenant bien soin de lui signifier la marque ou « pégé » qu’elles ont sur le dos, ainsi que sa couleur ou sa localisation. (Le pégé est une marque à la peinture que les brebis ont, soit sur les épaules, le dos ou l’arrière-train; il est différent selon les propriétaires. Les vaches quant à elles n’ont qu’une étiquette (appelée « boucle ») à l’oreille, avec un numéro). Il convient de le renseigner de façon assez souple afin de lui laisser la possibilité de dire « qu’il le savait déjà ». Idem pour les bêtes mortes que l’on peut rencontrer.
A ce propos, il semble évident qu’il nous faut éviter à tout prix de laisser rôder nos chiens (il est même grandement préférable de ne pas en avoir) car il marque un obession notoire à ce sujet.
Pour que le contact soit facilité, il est nécessaire de connaître quelques termes dont il se sert le plus couramment, afin d’éviter d’être traité de « touriste »–ce qui sonne souvent comme une insulte dans sa bouche.
Les BREBIS ou femelles adultes. Elles sont la grosse majorité du troupeau et c’est le terme général qu’il emploie lorsqu’il veut parler d’un groupe, et non pas le vocable MOUTON réservé aux mâles chatrés de plus d’un an. Les mâles entiers pour la reproduction étant les BELIERS, souvent avec des cornes, encore que cela dépende des régions, de même que les brebis.
Il emploie le terme « mousquer » ou « coumer » pour parler de l’habitude qu’on les bêtes de se protéger du soleil pendant les heures chaudes du midi. C’est d’ailleurs une attiutde qu’il partage aussi volontiers. Il parle de « faire la sieste » et il n’est jamais judicieux de venir le voir à ces heures là, même pour lui demander une boîte d’allumettes ou un ouvre-boîtes.
Une autre tactique d’apprivoisement que nous avons employée avec succès–surtout dans le cas de cabane isolée ou éloignée de la limite des bois–consiste à lui rendre visite avec un fagot de bois que l’on décharge ostensiblement devant la porte de son abri. Sa reconnaissance, même si elle n’est pas marquée, sera bien évidemment proportionnelle à la dimension du-dit fagot. Cette méthode est donc à déconseiller aux personnes déjà lourdement chargées ou fatiguées de naissance, mais peut provoquer une invitation à la veillée dans la mesure où l’on aime à entendre des histoires animalières ou de l’ancien temps. (Il convient d’éviter dans ce cas d’arriver trop nombreux, surtout si l’on ne fournit pas la boisson.)
Soulignons à ce propos qu’il est fermement déconseillé de pénétrer dans « sa » cabane en son absence, même si celle-ci (errare humanum est) est portée « refuge » sur notre carte.
Un autre sens (en plus de la prédiction du temps dont nous avons parlé plus haut) semble être plus développé que d’ordinaire, c’est la vue, qui’il complète d’ailleurs trés souvent par une paire de jumelles plus ou moins sophistiquées. A ce propos, il nous faudra admettre qu’il sera presque toujours au courant de tout ce qui touche nos allées et venues ou nos activités matinales. Il faut savoir en tenir compte.
Es espérant que ces quelques remarques sans prétention puissent aplanir le fossé qui sépare presque deux civilisations, et qu’ensemble nous puission jouir des montagnes qui nous entourent.