
Yacine Cheraga vit trÚs modestement avec sa famille dans un douar algérien dont le caid et chef est Gaid Brahim. Nous sommes en 1914.
Le caid Gaid Brahim va proposer un marché à Yacine. Il lui demande de remplacer son fils pour aller combattre en France dans la Grande Guerre. En retour la famille de Yacine bénéficiera de privilÚges et lui, lors de son retour, se verra offrir une maison et des terres.
Comme le dira plus tard l’homme politique Henri Queuille : « les promesses n’engagent que ceux qui les Ă©coutent «
A son retour de la guerre, la famille de Yacine a disparu et le caid Gaid Brahim le rejette violemment.
Un souffle romanesque enveloppe cette Ă©popĂ©e faite d’amour, d’amitiĂ©, de solidaritĂ© mais aussi faite de souffrance et de trahison.
C’est un rĂ©cit rude , Ăąpre qui court de 1914 jusqu’Ă l’avant veille de la deuxiĂšme guerre mondiale. Yacine va croiser et recroiser les personnages qu’il aura connu durant la guerre et que l’on nomme les Turcos. Ligne de conduite faite d’empathie, de dfoiture et d’honnĂȘtetĂ©.
Dans cette Ă©popĂ©e ou odyssĂ©e, chaque rencontre est l’occasion d’obstacle Ă dĂ©passer, de moments initiatiques, de dĂ©couvertes. Des rencontres d’amitiĂ©s avec Sid, des rencontres de ressentiment avec Zorg Er Rouge, des rencontres d’Ă©motion avec Alba la guerriĂšre et la femme amazone.
Yasmina Khadra nous parle d’une AlgĂ©rie sombre en dĂ©but du 20 Ăšme siĂšcle qui nous ouivre sur le colonalisme, la guerre d’AlgĂ©rie et le terrorisme.
Une fresque magnifique faite de guerre, d’amitiĂ© mais aussi d’injustice, de souffrance et de trahison. le tout avec des personnages complexes au milieu de situations sociales, humaines, politiques et affectives de forte intensitĂ©.
Yasmina Khadra n’est jamais aussi juste que lorsqu’il parle de l’AlgĂ©rie.
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Mohammed Moulessehoul est nĂ© Ă Kenadsa (actuelle wilaya de BĂ©char) le 10 janvier 1955. Son pĂšre, officier de l’ALN, est blessĂ© en 1958. En 1964, il envoie Mohammed (alors ĂągĂ© de neuf ans) Ă l’Ă©cole des cadets de la RĂ©volution d’El Mechouar Ă Tlemcen afin de le former au grade d’officier. Ă 23 ans, il sort sous-lieutenant de l’AcadĂ©mie militaire de Cherchell, avant de servir comme officier dans l’armĂ©e algĂ©rienne pendant vingt-cinq ans. Durant la guerre civile algĂ©rienne, dans les annĂ©es 1990, il est l’un des principaux responsables de la lutte contre l’AIS puis le GIA, en particulier en Oranie. Il atteint le grade de commandant1,2.
Il fait valoir ses droits Ă la retraite et quitte l’armĂ©e algĂ©rienne en 2000 pour se consacrer Ă l’Ă©criture.
Il Ă©crit pendant onze ans sous diffĂ©rents pseudonymes et collabore Ă plusieurs journaux algĂ©riens et Ă©trangers pour dĂ©fendre les Ă©crivains algĂ©riens. En 1997 paraĂźt en France, chez l’Ă©diteur parisien Baleine, Morituri qui le rĂ©vĂšle au grand public, sous le pseudonyme Yasmina Khadra1.
Il opte dĂ©finitivement pour ce pseudonyme, qui sont les deux prĂ©noms de son Ă©pouse3, laquelle en porte un troisiĂšme, Amel en hommage Ă Amel EldjazaĂŻri, petite-fille de l’Ă©mir Abdelkader. En rĂ©alitĂ©, sa femme s’appelle Yamina et c’est son Ă©diteur qui a rajoutĂ© un « s », pensant corriger une erreur4. Mohammed Moulessehoul explique ce choix :
« Mon Ă©pouse m’a soutenu et m’a permis de surmonter toutes les Ă©preuves qui ont jalonnĂ© ma vie. En portant ses prĂ©noms comme des lauriers, c’est ma façon de lui rester redevable. Sans elle, j’aurais abandonnĂ©. C’est elle qui m’a donnĂ© le courage de transgresser les interdits. Lorsque je lui ai parlĂ© de la censure militaire, elle s’est portĂ©e volontaire pour signer Ă ma place mes contrats d’Ă©dition et m’a dit cette phrase qui restera biblique pour moi : âTu m’as donnĂ© ton nom pour la vie. Je te donne le mien pour la postĂ©ritĂ©â5. »
Dans un monde aussi conservateur que le monde arabo-musulman, porter un pseudonyme fĂ©minin, pour un homme, est une vĂ©ritable rĂ©volution. Yasmina Khadra n’est pas seulement un nom de romancier, il est aussi un engagement indĂ©fectible pour l’Ă©mancipation de la femme musulmane. Il dit Ă ce propos :
« Le malheur dĂ©ploie sa patrie lĂ oĂč la femme est bafouĂ©e6. »