
Le Rocher blanc est la clĂ© de voute du dernier roman d’Anna Hope. Ce rocher blanc est posĂ© en mer au large de San Blas au Mexique, dans le golfe de Californie.
ce Rocher blanc a Ă©tĂ© primordial dans la vie d’un certain nombre de personne.
Anna Hope va en choisir quatre à des époques différentes.
Tout d’abord une Ă©crivaine en 2020 ( double d’Anna Hope ?) , en temps de pandĂ©mie Covid et de transition Ă©nergĂ©tique.
Ensuite un chanteur en 1969 que l’on reconnaitra rapidement comme Ă©tant Jim Morrision.
Pour poursuivre une fille , indienne Yoeme, Petite ombre, en 1907 en proie Ă l’esclavagisme et la dĂ©portation.
Enfin un lieutenant espagnol, naviguant en 1775 afin de conquérir et de cartographier la Basse Californie.
Anna Hope va construire et déconstruire son roman de façon chronologique.
Nous partirons de 2020 pour aller en 1969, 1907, 1775.
Le Rocher Blanc sera le point d’appui pour repartir de 1775 et remonter Ă 2020.
Cela aurait pu rendre le rĂ©cit confus. Ce n’est pas la cas car chaque personnage et chaque Ă©poque sont bien identifiĂ©s. cela crĂ©e un sas qui permet de mieux intĂ©rioriser les personnages.
Pourquoi ce Rocher blanc est il central ?
» C’est le lieu oĂč pour la premiĂšre fois, l’informe s’est Ă©pris de la forme.
et donc, et donc, et ainsi et alors, voila comment le monde est nĂ©. » page 195
Pour la tribu indienne Wixarikas le monde est né là .
Au fil du roman et des quatre Ă©poques l’universalitĂ© du Rocher blanc va ĂȘtre affinĂ© et c’est la grande rĂ©ussite de ce roman.
Que l’on soit en 1775, 1907, 1969 ou 2020 le Rocher blanc inspire les rĂȘves et les folies des hommes.
Ce Rocher blanc est tĂ©moin des mĂ©faits de la dĂ©portation, de l’esclavagisme, du pouvoir mais il est aussi tĂ©moin d’une recherche spirituelle ou d’une recherche Ă©cologique.
il est aussi le témoin du Temps. le temps existe-t-il ?
C’est un roman qui ne donne pas de clĂ©s. A chacun de les trouver et de les faire siennes.
Pour ma part je resterais profondĂ©ment touchĂ© par Petite Ombre et sa soeur Maria Luisa. Les pages sur leur emprisonnement sont d’une terrible beautĂ© et d’une sororitĂ© unique.
Un magnifique roman qui allie émotion, intelligence et respect du lecteur.
Anna Hope (née le 2 décembre 19741 à  Manchester, Royaume-Uni) est une écrivaine et actrice britannique. Elle est surtout connue pour son rÎle de « novice Hame » dans Doctor Who.
Son premier roman, Le Chagrin des vivants, a Ă©tĂ© publiĂ© en janvier 2014 par Doubleday au Royaume-Uni et Random House aux Ătats-Unis5. Anna Hope a figurĂ© sur la liste des candidats retenus pour le prix du meilleur Ă©crivain de l’annĂ©e 2014 aux « National Book Awards 6 ». L’auteure dĂ©crit la vie d’Ada, Evelyn et Hettie pendant les cinq jours qui prĂ©cĂ©dent l’arrivĂ©e Ă Londres du cercueil du soldat inconnu, le 11 novembre 1920. Une construction subtile met au premier plan plusieurs femmes pendant cette pĂ©riode7. Elle dĂ©clare : « Dans le chagrin des vivants, je voulais montrer les sentiments qui animent les femmes »8. Le roman a Ă©tĂ© sĂ©lectionnĂ© au prix Folio des lycĂ©ens parmi six autres9. Ada a perdu son fils unique Michael mais ne peut l’accepter. Evelyn est employĂ©e du MinistĂšre de la DĂ©fense pour recueillir les rĂ©clamations (et demandes de réévaluation) concernant les indemnitĂ©s des guerriers dĂ©mobilisĂ©s. Hettie, ou Henriette Burns, travaille comme danseuse professionnelle dans un Palais de Danse (L’Enclos) et redonne la moitiĂ© de son salaire Ă sa mĂšre pour s’occuper de son frĂšre traumatisĂ© de guerre et chĂŽmeur.
Son deuxiĂšme roman, La Salle de bal (The Ballroom), publiĂ© en 2016, se situe dans un hĂŽpital psychiatrique en Angleterre, au dĂ©but du xxe siĂšcle, dans lequel le Dr Fuller organise pour ses patients un bal hebdomadaire, croyant dans les bienfaits de la musique pour la guĂ©rison des malades. John Mulligan, dĂ©pressif Ă la suite de la mort de sa fille, et Ella Fay, enfermĂ©e pour insubordination, y tombent amoureux10. L’histoire a Ă©tĂ© inspirĂ©e Ă Anna Hope par celle de son arriĂšre-arriĂšre grand-pĂšre, enfermĂ© lui-mĂȘme dans un asile du Yorkshire11


La critique du journal Le monde
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Pour quâun livre finisse par ĂȘtre Ă©crit et publiĂ© il faut parfois plus que du talent et de lâimaginaÂtion : une intervention divine, le coup de pouce de puissances Âinvisibles⊠LâĂ©crivaine britannique Anna Hope en sait quelque chose. Sans les forces mystĂ©rieuses dâun chaman amĂ©rindien, Le Rocher blanc, son quatriĂšme roman, nâaurait tout simplement jamais vu le jour.
Pour comprendre la genĂšse de ce texte, il faut remonter loin en arriĂšre dans lâhistoire personnelle de lâautrice. Il faut mĂȘme pĂ©nĂ©trer dans lâintimitĂ© de son couple. Pendant des annĂ©es, en effet, Anna Hope et son conjoint ont voulu un enfant. PassionnĂ©ment mais en vain. JusquâĂ ce quâun Ă©vĂ©nement Ă©trange se produise : « AprĂšs avoir traversĂ© des annĂ©es de chagrin, mon mari et moi avons Ă©tĂ© invitĂ©s Ă prendre part Ă une ÂcĂ©rĂ©monie chamanique wixarika, raconte-t-elle au âMonde des Âlivresâ. Un rite au cours duquel nous Ă©tions encouragĂ©s Ă prier pour lâarrivĂ©e de cet enfant. »
Et les esprits ne les ont pas seulement entendus. Ils les ont exaucĂ©s â câest du moins ce quâaffirme Anna Hope. Quelque temps plus tard, lâĂ©crivaine se dĂ©couvrait enceinte dâune petite fille. Plus tard encore, elle et son mari dĂ©cidaient de retourner en pĂšlerinage sur les lieux du « miracle », dans lâouest du Mexique, au cĆur de la Sierra Madre, lĂ oĂč vivent les Indiens wixarika. « Il fallait que jâadresse des remerciements. Des offrandes. Que je demande protection. Pour ma fille. »
Un lieu on ne peut plus sacré
Le roman commence prĂ©cisĂ©ment Ă cet endroit : dans le minibus brinquebalant qui emporte Anna Hope, son mari (ou plutĂŽt son futur ex-mari) et leur fille, sur les chemins tortueux de lâEtat du Nayarit, en direction de la ville ÂcĂŽtiĂšre de San Blas et de son fameux rocher blanc. Ce lieu est on ne peut plus sacrĂ© pour les Indiens wixarika (dit aussi Huichol). Car câest lĂ , dans lâocĂ©an Pacifique, autour de cette « cime blanche » dĂ©passant des vagues, que, « pour la premiĂšre fois, lâinforme sâest Ă©pris de la forme ». Câest lĂ , dâaprĂšs eux, que « le monde est nĂ© ».
Bien entendu, lâhistoire du livre ne serait pas complĂšte si elle ne racontait pas comment une jeune Anglaise â nĂ©e Ă Manchester en 1974 â a pu un jour se retrouver dans pareil pĂšlerinage, en train de dĂ©poser sur la crĂȘte des vagues, au pied de la pierre ÂĂ©ternelle, des bougies Ă la flamme vacillante et des calebasses gravĂ©es. Anna Hope explique que son intĂ©rĂȘt pour le chamanisme amĂ©rindien remonte au temps de sa jeunesse, lorsquâelle voyageait dans le nord du Mexique. A lâĂ©poque, pourtant, elle « ne voyait pas du tout comment les cultures animistes pourraient un jour jouer un rĂŽle dans [s]a vie ». Câest par son mari que tout est arrivĂ©. « Il Ă©tait profondĂ©ment intĂ©ressĂ© par le chamanisme, lui aussi. En tant que docteur en psychologie Ă lâuniversitĂ© de Greenwich, Ă Londres, il avait Ă©tudiĂ© ces cultures du point de vue universitaire, et beaucoup publiĂ© Ă leur sujet. Professionnellement, il avait forgĂ© des liens avec le peuple wixarika, dont les pratiques chamaniques se poursuivent depuis la nuit des temps, jamais interrompues. » Lire aussi (2009) : Mexique, la magie de la mĂ©moire, par J. M. G. Le ClĂ©zio
Câest comme cela quâun jour, ayant eu connaissance du problĂšme du couple, un chaman wixarika a volĂ© Ă son secours, en lui transmettant la providentielle invitation. Celle qui allait conduire Ă la double naissance du bĂ©bĂ© et du livre. Encore faut-il ajouter Ă tout cela un vrai travail de recherches de la part de lâautrice. « Jâai Ă©tĂ© Ă©tonnĂ©e par le nombre dâhistoires qui, au fil des siĂšcles, tels des courants, nâont cessĂ© de tourbillonner autour de ce rocher blanc », note Anna Hope.
Lâesprit des Ă©ditions Le Bruit du monde
Des histoires, il y en a Ă foison dans ce trĂšs beau roman qui ne se rĂ©sume pas, loin de lĂ , Ă sa dimension mystique. Câest mĂȘme pour cela, entre autres, que Marie-Pierre Gracedieu, cofondatrice des rĂ©centes Ă©ditions Le Bruit du monde, lâa choisi. Pas seulement par fidĂ©litĂ© Ă son autrice, mais aussi parce que, symboliquement, Le Rocher blanc reflĂ©tait parfaitement lâesprit de sa nouvelle aventure Ă©ditoriale. « Jâavais lu le premier roman dâAnna Hope [Le Chagrin des vivants, Gallimard, 2016] alors quâil allait ĂȘtre publiĂ© en Grande-Bretagne et quâelle nâavait pas encore dâĂ©diteur en France », raconte lâĂ©ditrice, qui se rappelle avoir Ă©tĂ© dâemblĂ©e « vivement impressionnĂ©e par sa finesse dâanalyse et sa maĂźtrise narrative ». « Quand elle mâa adressĂ© Le Rocher blanc, je venais Ă peine de crĂ©er Le Bruit du monde, Ă ÂMarseille, et jâai Ă©tĂ© Ă©mue de constater quâelle aussi avait larguĂ© les amarres, et quittĂ© lâAngleterre pour sâintĂ©resser Ă une rĂ©gion du Mexique dont elle me parlait souvent. » Lire aussi : Article rĂ©servĂ© Ă nos abonnĂ©s Pedro Cesarino, lâapprenti des AmĂ©rindiens
Constatant immĂ©diatement que la diversitĂ© des fils narratifs faisait voyager le lecteur, non seulement au Mexique, mais aussi vers dâautres rĂ©gions et Ă dâautres pĂ©riodes historiques, lâĂ©ditrice a dĂ©cidĂ© de faire de ce texte un emblĂšme. Un roman qui, parce quâil permettait, selon elle, dâ« observer la course folle du monde Ă une hauteur inĂ©dite, sans que ne manque aucune nuance », venait « parfaitement illustrer la ligne Ă©ditoriale de la maison ».
Etonnant de penser Ă tous ces enchaĂźnements de faits, petits ou grands, Ă cette sĂ©rie dâĂ©vĂ©nements rationnels et irrationnels, qui se sont succĂ©dĂ© et additionnĂ©s, pour aboutir finalement Ă lâouvrage que lâon tient aujourÂdâhui dans les mains. Des suites de coĂŻncidences ? Peut-ĂȘtre. Peut-ĂȘtre pas. Depuis leur au-delĂ magique, les puissances du monde chamanique, elles, nây voient aucun hasard.
Critique
Le début et la fin de tout
Au large de San Blas, au nord-ouest du Mexique, un rocher blanc Ă©merge du Pacifique. Depuis des siĂšcles, la tribu indienne des Wixarika, le peuple indigĂšne de la rĂ©gion, en a fait un lieu sacrĂ©, symbole de la naissance de lâunivers et site de pĂšlerinage. Câest autour de ce roc mythique que lâĂ©crivaine Anna Hope a choisi dâenrouler les fils de son quatriĂšme roman.
On y croise une jeune Anglaise venue remercier les puissances chamaniques wixarika de lui avoir « envoyĂ© » lâenfant quâelle ne pouvait pas avoir ; le chanteur Jim Morrison, traquĂ© par la justice comme par ses fans et rĂ©fugiĂ© lĂ Ă la fin des annĂ©es 1960 ; une jeune ÂIndienne jadis promise Ă lâesclavage ; et enfin un capitaine de navire espagnol, chargĂ©, en 1775, de cartographier les lieux.
Parfaitement ingĂ©nieuse, la construction du texte Ă©pouse la forme du rocher. On passe dâun personnage Ă un autre, dâune ÂpĂ©riode Ă une autre, avec lâimpression de gravir une pente â physique et mĂ©taphysique â jusquâĂ un sommet central, le chapitre « Le Rocher blanc », dâoĂč lâon redescend jusquâĂ la rĂ©conciliation finale.
Mais, surtout, avec un brio subtil et un sens consommĂ© du mystĂšre, Hope joue sur la constante opposition des contraires. Le lieu de la naissance et de la rĂ©gĂ©nĂ©ration nâest jamais dissociable de lâidĂ©e de fin : fin des cultures autochtones menacĂ©es jadis par la colonisation, ou disparition ÂredoutĂ©e, aujourdâhui, de ce paradis naturel, Ă cause des dĂ©rĂšglements climatiques et de la ÂdĂ©raison humaine. Puissant et original, ce texte ressemble Ă une offrande littĂ©raire, Ă une longue priĂšre dont on sort Ă la fois ÂtroublĂ© et ragaillardi.
Extrait
« Elle regarde [lâoffrande] osciller (âŠ), prise dans des courants que jamais lâĂ©crivaine ne pourra ÂconnaĂźtre ni maĂźtriser.
Et voilĂ que des souvenirs Âremontent de lâeau :
(âŠ) Elle est lĂ , sur la plage, avec sa fille et son mari. Les jeunes hommes reviennent mouillĂ©s de leur bain, les enfants bondissent â et tous les fantĂŽmes de tous les morts de toutes les Ăąmes Ă lâouest les contemplent. Toute la vie Ă Âvenir les contemple.
Le Rocher blanc les contemple.
Son mari les contemple.
Elle voit quâil la regarde, lĂšve la main vers lui, lâagite Ă travers la distance entre eux. Comme elle a aimĂ© cet homme ! Comme leurs troncs se sont entremĂȘlĂ©s, comme ils se sont grandis, comme ils se sont donnĂ©s !
Elle comprend. Elle lui pardonne tout.
Il était temps. »
Le Rocher blanc, page 317-318
Florence Noiville