
I can’t breathe.
Tout le monde a encore en tête les images de George Floyd maintenu au sol pendant 9 minutes par un policier, le 25 Mai 2020 à Minneapolis.
Aucun des autres policiers présents n’interviendront.
George Floyd en mourra. Il était délinquant et noir.
Cette mort entraînera des manifestations à travers le monde.
Louis Philippe Dalembert s’inspire de ce meurtre pour son roman Milwaukee Blues.
Son personnage principal Emmett vit au sein de la communauté noire du quartier de Franklin Heights à Milwaukee.
Dans une supérette du quartier, Emmett présente un billet suspect. le gérant pakistanais appelle la police. Celle-ci arrête Emmett et le cloue au sol. Il meurt asphyxié.
Louis Philippe Dalembert n’à pas choisi au hasard le prénom d’Emmett.
Emmett est aussi le prénom d’un garcon noir de 14 ans ( Emmett Till ) noyé par des blancs en 1965 car il avait embrassé une jeune fille blanche.
Ce meurtre fut le point de départ des revendications des droits civiques pour les Noirs.
La force de ce roman est de raconter la vie d’Emmett au travers des personnages important de sa vie. Cette force est aussi au départ un frein pour rentrer dans l’histoire. Mais au bout de quelques pages tout se met en place et il est difficile de quitter la lecture de ce roman.
Tour à tour, son institutrice , ses meilleurs copains, Larry, son coach de foot américain, sa petite amie Nancy, ou encore Angela sa dernière compagne vont nous faire découvrir des pans de la vie d’ Emmett.
Une vie entière à essayer de sortir du ghetto de Franklin Height grâce au sport et au foot américain. Essayer d’être drafté en NFL.
Comme beaucoup de jeunes noirs, Emmett voit le sport comme un ascenseur social, un lieu d’intégration. Peine perdue.
Une vie de séparation. Que ce soit par rapport à son père inexistant ou par rapport à Nancy, l’amour de sa vie , jeune femme blanche. Louis Philippe Dalembert nous peint avec précision et force cette réalité sociale étasunienne, faite d’un meltingpot allant des Noirs, aux Latinos, aux Blancs , aux Jamaicains et Haïtiens.
Nous retrouvons aussi ce meeting pot dans la musique omniprésente depuis les blues de Robert Johnson, le jazz de Ray Charles, le reggae de Bob Marley ou les protest sont de Bob Dylan. ( Louis Philippe D’Alembert à eu la bonne idée de mettre la discographie en fin de livre . Une belle bande son.)
Cette plongée dans l’Amérique de 2020, nous montre un pays fracturé, tenu par un personnage à la moumoute orangé, soufflant sur les braises.
Et puis une deuxième partie, plus universelle, autour du personnage de Ma Robinson, l’ancienne gardienne de prison devenu pasteure.
Un personnage haut en couleur, qui délivrera un discours digne de Martin Luther King lors des funérailles d’Emmett.
Un paragraphe page 251 : Ce faisant, vous admettez qu’il n’y a qu’une seule communauté . Et elle est humaine. C’est ce que je disais aux filles en prison, quand elles s’écharpaient sur la base d’une identité factice inventée par les dominants de ce monde, alors qu’elles étaient derrière les mêmes barreaux, dans les mêmes cellules miteuses . Victimes du même rejet de la société qui les avaient oubliées là comme le rebut de l’humanité. Vous avez réagi en tant qu’êtres humains. Et cela vous honore. Au nom de cette grande communauté humaine, la seule que j’accepte et que je reconnaisse, je dis merci.
Cette foi dans une humanité meilleure reste fragile et le titre du dernier chapitre , tiré des Écritures laisse peu de doute sur la complexité de la réalité sociale étasunienne et de la ségrégation : Un jour viendra…..
LOUIS PHILIPPE DALEMBERT

Fils d’une institutrice et d’un directeur d’école, Louis-Philippe Dalembert est né à Port-au-Prince le 8 décembre 1962. Le décès de son père, quelques mois après sa naissance, a des conséquences dramatiques sur la situation matérielle de la famille. Les premières années de son enfance, il grandit ainsi au Bel-Air, un quartier populaire de la capitale, dans un univers entouré de femmes : les cousines de sa mère, qui s’absente la semaine pour enseigner en province, sa sœur aînée, ses grand-tantes et sa grand-mère maternelle. Cette dernière mène son petit monde à la baguette, dans un Port-au-Prince que dirige d’une poigne de fer François Duvalier. À l’âge de six ans, il connaît la première grande séparation de sa vie : la famille laisse le quartier pour s’installer ailleurs. Il en tirera plus tard un roman intitulé Le crayon du bon Dieu n’a pas de gomme, trace d’une enfance très religieuse placée sous le signe du sabbat.
De formation littéraire et journalistique, Dalembert travaille comme journaliste d’abord dans son pays natal avant de partir en 1986 en France poursuivre des études qu’il achève à l’université Paris 3 – Sorbonne-Nouvelle par un doctorat en littérature comparée sur l’écrivain cubain Alejo Carpentier, et un diplôme de journalisme à l’École supérieure de journalisme de Paris.
Louis-Philippe Dalembert a enseigné dans plusieurs universités aux États-Unis et en Europe : Université Wisconsin-Milwaukee, Scripps College (USA), Freie Universität (Berlin, Allemagne), Bern Universität (Suisse) et Sciences Po Paris, en tant que titulaire de la Chaire d’écrivain en résidence (2021).
Depuis son premier départ d’Haïti, ce polyglotte a vécu tour à tour à Nancy, Paris, Rome, Jérusalem, Berlin, Milwaukee, etc. Les traces de ce vagabondage sont visibles dans son œuvre qui met souvent en dialogue deux, voire plusieurs lieux, et parfois aussi deux temps. Dalembert vit aujourd’hui entre Paris, Port-au-Prince, l’Italie et ailleurs.
APARTE
Comme je l’ai indiqué dans ma chronique , la bande son de ce livre est omniprésente. Par contre pas de musique pour parler d’Emmett Till , le jeune garçon assassiné par des blancs en 1965. Pourtant il existe une chanson qui lui est dédié. Elle s’appelle Preacherman. Elle a été écrite par Mélody Gardot.
Merci pour votre partage. Ce livre m’a bouleversé. 🙏
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