
Arène est un roman contemporain, urbain et totalement de notre époque. La crise sanitaire aurait pu s’y inviter sans problème.
Negar Djavadi situe son arène dans l’Est Parisien. L’Est parisien n’est pas en banlieue. Nous sommes dans Paris intra muros entre le Canal Saint Martin, La Villette, Menilmontant, Belle ville ou encore la Place du Colonel Fabien, les Buttes Chaumont.
C’est dans ce territoire que va se retrouver Benjamin Grossman. C’est le territoire de son enfance qu’il n’habite plus depuis longtemps. Benjamin Grossman est devenu un habitant des beaux quartiers auxquels il ne peut rien arriver. Il est du côté de la réussite, de l’argent, des happy few. La preuve : il est l’un des dirigeants de la plateforme cinématographique et télévisuelle américaine BeCurrent.
Et pourtant…
Benjamin Grossman retourne dans son quartier d’enfance et s’attable dans un bar de Belle ville. Il est bousculé par un gamin et son téléphone disparaît. Il poursuit le gamin, le rattrape et s’ensuit une altercation violente.
Le lendemain sur les réseaux sociaux circule la vidéo du corps sans vie d’un adolescent bousculée par une policière.
Bienvenue dans l’arène urbaine !
A partir de ces deux événements (vol d’un portable et vidéo dénonçant des violences policières ) Negar Djavadi va construire un simili polar sombre dans lequel aucun des personnages ne pourra sortir de cette arène et sera confronté à sa réalité.
A la précision de la mécanique s’ajoute la remarquable écriture de Negar Djavadi. Écriture en symbiose avec ces quartiers populaires, communistes qui sont aujourd’hui un creuset multiracial, solidaire où différents trafics prospères.
Cette arène est aussi une arène visuelle, médiatique. L’image trône en majesté. Que ce soit Benjamin Grossman ou les personnages vivant dans cette arène la relation à l’image est constante. Benjamin Grossman en a fait sa profession et ne vit qu’à travers la production et la réalisation de séries. Séries qui abreuverons l’arène. Que ce soit les jeunes des cités, les mères de famille, les travailleurs au noir, tout le monde est addict à l’image, aux réseaux sociaux.
La force de l’image n’a pas de limite. Elle déboule dans l’arène et casse tous les codes. Chacun est confronté à la réalité où à l’irréalité de l’image. du jeune de la cité, à la prétendante à la mairie de Paris en passant par Benjamin Grossman, les trafiquants ou encore des prédicateurs; tous sont entraînés dans une logique fatale ou l’image continuera à se nourrir de la réalité afin que des plateformes média transforment tout cela en séries violentes et noires, reflet de notre société.
Noir et implacable.
![CFDT - [Entretien] Négar Djavadi : Mille et une vies](https://www.cfdt.fr/upload/docs/image/jpeg/2017-02/cbadet_2016_cfdt_negar_djavadi.jpg)
Négar Djavadi naît en Iran en 1969 dans une famille d’intellectuels opposants au Shah puis à Khomeiny. À l’âge de 11 ans, elle fuit clandestinement l’Iran et la révolution islamique avec sa mère et ses deux sœurs en traversant les montagnes du Kurdistan à cheval. Plus tard installées à Paris, Négar Djavadi suit des études de cinéma à l’INSAS de Bruxelles. Scénariste, monteuse et réalisatrice, elle enseigne également de 1996 à 2000 à l’Université Paris 8.
Une réflexion sur « Arène de Négar Djavadi. Liana Lévi.💛 💛💛💛 »