Apeirogon de Colum McCann. Belfond . 💛💛💛💛💛

Apeirogon par McCann

Apeirogon : figure géométrique  au nombre infini de côté.
Il y a mieux que ce nom barbare pour donner un titre à un roman. Et pourtant….
Le dernier livre de Colum McCann est étourdissant  dans sa forme comme dans le fond.
Colum  McCann s’appuie sur des faits réels qui ce sont déroulés il y a 23 et 13 ans en Israël et en Cisjordanie.
En 1997 Rami Elhanan, israélien,  a perdu sa fille de 13 ans Smadar lors d’un attentat kamikaze du Hamas dans Yehuda Street à Jérusalem.
En 2007 Bassam Aramin, palestinien, à perdu sa fille de 10 ans  Abir , abattu par un tireur israélien alors qu’elle allait à l’école.
Rami et Bassam, né pour haïr le peuple ennemi vont au contraire devenir inlassablement des conteurs de leur vie et inlassablement  des combattants pour la paix au travers des associations le Cercle des Parents ou Les combattants pour la Paix.
A partir de ces événements Colum McCann va tisser un roman hybride entre fiction et réalité.
Le roman est constitué de 1000 chapitres ( faut il  voir un lien avec ce qui est dit au chapitre 220 : il n’y a de nombres amicaux qu’en deçà de 1 000 ) Les chapitres peuvent être de plusieurs pages ou au contraire ne contenir qu’une seule phrase.
La première partie contient 499 chapitres numérotés de façon croissante ( 1 à 499 ). le chapitre 500 est double et il regroupe les interviews menés auprès  de Rami Elhanan et Bassam Aramin.
La deuxième partie contient elle aussi 499 chapitres numérotés de façon décroissante ( 499 à  1 ).
Vous remarquerez que l’auteur s’est astreint à une numérotation arabe croissante et à  une numérotation juive décroissante.
Tout le roman est marqué  par ce balancier entre monde arabe palestinien et monde israélien juif. Qu’il est difficile de rester sur une ligne de crête .
Cette ligne de crête que Colum McCann décrit de façon poétique avec le fildeferiste Philippe Petit qui a tendu son fil au dessus de la vallée de Hinnom encore connue sous le nom de vallée de la Gehenne. Philippe Petit portait une tenue ample aux couleurs des drapeaux israélien et palestinien. le bras et la jambe opposée représentant un drapeau. Dans une poche un pigeon blanc qui devait s’envoler représentait la paix.
Pas une colombe car Philippe Petit n’en avait pas trouvé à Jérusalem.  Quel symbole !
Tout comme ce pigeon qui ne voulut pas s’envoler et resta posé sur la tête de Philippe Petit ou sur l’extrémité de son balancier et pouvant compromettre la traversée du fildeferiste.Ligne de crête.
Cette ligne de crête qui nous rappelle que tout est géographie dans ces territoires minuscules.
 » Il se penche à  gauche et slalome jusqu’à la voie de dépassement,  vers les tunnels, le mur de séparation,  la ville de Beit Jala. Un coup de guidon, deux possibilités : Gilo d’un coté ( israelien) Bethléem de l’autre. ( palestinien ) »
Chapitre 2 :   » Cette route mène à la Zone A sous autorité palestinienne. Entrée interdite aux citoyens israéliens. Danger de mort et violation de la loi israélienne. »
Il est interdit à tous Israélien d’aller en Cisjordanie.  Israël ne donne aucune information sur la Cisjordanie.
Chapitre 67  » Au loin au dessus de Jérusalem le dirigeable s’élève « 
Du dirigeable on peut  observer.  Combien de capteurs de caméra ?
Chapitre 251  » En 2004, des tourniquets ont été installés aux checkpoints piétons de Cisjordanie afin que les gens puissent passer en bon ordre…. A intervalles de quelques secondes, les tourniquets sont bloqués  et les piétons restent enfermés dans de long tunnels métalliques. … La technique utilisée aux checkpoints est si fine que même les murmures les plus discrets peuvent être enregistrés. « 

Tout est géographie et ligne de crête.  C’est là que vivent les familles de Bassam et Rami.
réunis par le malheur et la perte d’un enfant
Plutôt qu’une narration classique, Colum MacCann nous distille un récit fragmenté  comme ces bombes terroristes où israéliennes . La forme fragmentée  du livre est le miroir de la complexité  des relations israelo-palestiniennes.
 S’ouvrant sur les collines de Jérusalem et se terminant sur celles de Jéricho, le livre plonge dans tous les domaines. Il mélange politique, religion, histoire, musique, ornithologie, géopolitique, géographie.
Il se déploie en cercles de plus en plus larges pour absorber tout ce qui, de près ou de loin, de l’infiniment grand à l’infiniment petit, nous apprend quelque chose sur cette terre et ses hommes .
Ces cercles qui  nous disent que le conflit israelo- palestinien est le nôtre.  Nous sommes tous l’un des innombrables côtés de l’Apeirogon.
Ces côtés de l’Apeirogon qui invariablement reviendront nous dire les circonstances de la mort d’Abir et de Smadar.
Et dans toutes les conférences qu’ils feront à travers le monde Rami et Bassam auront toujours les mêmes mots :
Mon nom est Rami Elhanan. Je suis le père de Smadar.
Mon nom est Bassam Aramin. Je suis le père  d’Abir.
Simplement humain. Tellement humain.
Avec son humanisme Colum McCann saisit l’insaisissable situation de deux peuples voisins… Il était bien placé, lui, l’Irlandais au pays longtemps déchiré, pour essayer de comprendre cette folie d’une paix à  trouver
 Et cette phrase prononcée par un frère d’Abir : «La seule vengeance consiste à faire la paix.»
Magistral.

Colum McCann | Musée d'Art et d'Histoire du Judaïsme

Colum McCann (né le 28 février 1965 à Dublin) est un écrivain irlandais. Après avoir été journaliste, il commence à écrire des romans en 1995 et accède à la notoriété avec Et que le vaste monde poursuive sa course folle (Let The Great World Spin, 2009) primé à de nombreuses occasions. Il vit à New York où il enseigne l’écriture créative.

LE 25/09/2020 Extrait interview sur France Culture.

Les mille et une histoires de Colum McCann

L’écrivain irlando-américain Colum McCann est notre invité. Il revient 10 ans après “Et que le vaste monde poursuive sa course folle”. Un roman salué par la critique et traduit en 40 langues. Il signe cette rentrée Apeirogon, chez Belfond. Un titre emprunté à la géométrie, qui désigne un polygone au nombre infini de côté. Une figure géométrique qu’il transpose en littérature pour retracer les multiples facettes du conflit israelo-palestinien.

Apeirogon : de loin un cercle, de près un polygone au nombre infini de côtés

L’apeirogon, c’est une forme avec un nombre infini de côté. Je sais que c’est un titre assez risqué, mais ce que je voulais dire, c’est que nous sommes tous impliqués dans chaque récit. Nous sommes tous complices. Nous sommes tous présents. C’est l’histoire de deux hommes, deux pères qui ont perdu leur fille en Israël, en Palestine. Ça pourrait être aussi une histoire qui se passe à Paris, Dublin, ou New York. Une histoire, c’est toute nos histoires.  

Mille et un chapitres : raconter pour survivre

« Après avoir rencontré Rami et Bassam, je me suis rendu compte qu’ils racontaient l’histoire de leurs filles pour les garder vivantes. Comme Shéhérazade dans les mille et une nuits. J’ai donc raconté mille et une histoire. Mais je voulais également que ça ait l’air d’une symphonie, que chaque section soit une note de cette symphonie. Je voulais tenter de refléter l’état d’esprit contemporain, la façon dont on passe d’un endroit à l’autre en sautant d’un endroit à l’autre, d’un sujet à l’autre ».

Ecrire sur les murs

Je n’aurais pas pu écrire ce roman à partir d’un endroit autre que mon enfance irlandaise. Je suis né à Dublin. Je me souviens petit être passé du côté Nord, j’ai vu les check point et je me suis demandé pourquoi il y avait des soldats. J’ai grandi dans une atmosphère semblable, certes pas identique, mais semblable, à ce qui se passe en Israël et en Palestine. J’ai toujours été fasciné par cette idée de paix, des faiseurs de paix, et par l’idée que la paix est plus difficile à atteindre que la guerre. 

Tous des oiseaux

Colum signifie colombe ou tourterelle en gaélique. Je n’étais pas tellement intéressé par les oiseaux jusqu’à ce que j’aille à Jérusalem et que je rencontre les deux protagonistes de mon roman.  Israël et la Palestine est la deuxième autoroute au monde pour les migrations d’oiseaux, qui viennent de la France, d’Allemagne, de Suède, d’Afrique du Sud, de l’Algérie… Ils survolent cet espace aérien. Et souvent, ils atterrissent sur le sol et ils apportent en quelque sorte les récits d’autres endroits à ce lieu particulier, Israël et la Palestine. 

« Nous avons là le lieu de rencontre de trois continents l’Afrique, l’Europe, le Moyen-Orient et l’Asie. Il y a le lieu de rencontre de ces religions, les principales religions du monde. Il y a une énergie là, une énergie nucléaire qui se tient dans cette partie du monde. Oui, oui, il y a un conflit terrible. Il y a énormément de tristesse. Il y a aussi une beauté incroyable là bas. Je voulais capturer cette beauté à travers les formes de ces oiseaux migrateurs ».  

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